Pourquoi ce
site ? Le Courrier
des lecteurs Les envois des lecteurs Le coin de la
poésie Les cahiers de
Mimi Le coin de l’humour
Le Chemin de la
Sagesse et du Bonheur L’Univers du Rêve Les Nourritures Temporelles L’Egypte que j’ai
connue
Faisons
connaissance De Fil en
Aiguille, A Bâtons Rompus
Kan ya ma kan L’étreinte du passé témoignages & Souvenirs
Si-Berto m’était
conté timbres poste
d’Egypte Le mot du rédacteur
Sites Internet Me contacter
TEMOIGNAGES
& SOUVENIRS
Septembre
2014
LE
PLACEUR EN CHEF – Albert PARDO
L’ENTREPRENEUR
DES POMPES FUNEBRES - Albert PARDO
Mai 2014
RAPPELLES-TOI DE TE SOUVENIR - Sam MEZRAHI
JE ME SOUVIENS
- Sam MEZRAHI
LA FETE DE PESSAH EN EGYPTE – Albert
PARDO
CE SOUVENIR D’ALEXANDRIE - Viviane ISK
Janvier 2014
MON EXODE D’EGYPTE A L’AGE DE 9 ANS - David YADID
GROPPI – Reçu de
(par ordre d’arrivée) : Jacques SUSSMANN, Magdi MORCOS, César et Clemy PINTO,
Lily KHODARA, Germaine LEVY, Albert Soued, Joe CHALOM
Septembre
2013
HOMMAGE A UN ETRE EXCEPTIONNEL
Mai 2013
LE DEPART D’ALEXANDRIE - Joe NINIO :
JE ME RESSOUVIENS... - Albert Pardo
L E Z A B A L - ESTHER VIDAL
DIGRESSION ON JASMINE - Suzy Pirote Vidal
Janvier 2013
MES SOUVENIRS DU CAIRE - Jean Pierre DEBBANE :
LE PETIT GROPPI - Suzy PIROTE VIDAL
MA SORTIE D’EGYPTE - Erella AZRIEL
Septembre
2012
SOUVENIRS D'EXCURSIONS CULINAIRES ALEXANDRINES - Iryt GUTER
Mai 2012
TEMOIGNAGE - Lucy
& Avraham Calamaro
THE SPORT OF KINGS IN EGYPT FROM 1940S
TO 1960S - Joe ROSSANO :
Janvier 2012
MY ENGLISH SCHOOLS
- Suzy VIDAL
15 MAY 1948 - Maryse
ZEITOUNI
Octobre 2011
SOUVENIRS…SOUVENIRS… - Gisèle KLEIMAN :
LES
CIGARETTES DE MA TANTE KAHLA" - Esther Vidal-Mosséri
DES
JUIFS A SUEZ - Rosa Menasche Haïfa
Juin 2011
SHAREI NAG HAMADI - Joe CHALOM
MES SOUVENIRS D’EGYPTE A LA MACCABI
CENTRALE DU CAIRE - Raymond LEVY
AYAM EL KANAKA - Suzy VIDAL
JAMY EN EGYPTE 1947 - 1955 – 2009 - Jamy TIVOLI
LOUXOR KARNAK LA VALLEE DU NIL ASSOUAN
ET ABOU SIMBEL - Jamy TIVOLI
Janvier 2011
LE CHEVALIER BAYARD – Marcel FAKHOURY.
THE LONELY KING WITHOUT A THRONE - Lucette Lagnado
“SIGN HERE” LED TO EXPULSION AND A NEW
LIFE - Daisy Gill
CONFITURE DE DATTES A ALEXANDRIE DANS LES ANNÉES 50 - Clemy PINTO
EL HO-NA BEL-LAY - Suzy
VIDAL PIROTE :
Aout 2010
A LONELY LEVANTINE SHABBAT - Lucette Lagnado
LE “SOUK EL ATTARINE” AU CAIRE - Elie PATAN :
TEXTE - Joe
ROSSANO
SOUCCOT A HELOUAN - Levana ZAMIR
HUMOUR ET NOSTALGIE - Suzy VIDAL PIROTTE
NOS DERNIERS JOURS EN
EGYPTE - NAHON Raymond
15 Avril 2010
PARADIS D’ENFANCE A BAB
EL LOUK - Joseph N. DIDAY
MY LIFE STORY - Viviane
Farhi-Sicouri"
ALEXANDRIE, A L’EPOQUE OU LE MOT ETRANGER N’EXISTAIT PAS
- Nadia KHOURI-DAGHER
Décembre
2009
UN ALEXANDRIN A L’HONNEUR - Marcel FAKHOURY
REMINISCENCE - Livnat
BITTY
Octobre 2009
MOI JUIVE D”EGYPTE ,ETUDIANTE A PARIS, ARRIVEE LE 26 OCTOBRE 1956.. - Livnat BITTY
LE DRAME A SIMHA TORAH - Joe BELBEL
Aout 2009
HOMMAGE A UN ETRE EXCEPTIONNEL
Juin 2009
THE CHAIR - Edna ANZARUT-TURNER
Avril 2009
LES ÉMIGRES DE 1914-1919 - Levana ZAMIR
LES LIBANAIS D’ÉGYPTE - Nabil SACCAL
28/02/2009
IT WAS AN ORDINARY
SHABBAT! - Suzy VIDAL
MA SORTIE D’EGYPTE Septième Partie - Marie Mosseri
LES EMIGRES DE 1914-1919 - Levana ZAMIR
31/12/2008
MA SORTIE D’EGYPTE Sixième Partie - Marie Mosseri
31/10/2008
MA SORTIE D’EGYPTE Cinquième Partie - Marie Mosseri
LES JUIFS DE BULGARIE - Joe NINIO
LES GRANDS MAGASINS DU CAIRE - Levana Zamir
COINCIDENCE
PITTORESQUE - Clemy
PINTO
31/08/2008
MA SORTIE D’EGYPTE Quatrième Partie - Marie Mosseri
AHLAN WESAHLAN YA HABAYBI MEIN MASR OM EL DONIA - Viviane ISKANDER :
L’ ARRESTATION DE MON PERE - Docteur
Lorys-Bitty-BERESSI :
LE DEPART D’ALEXANDRIE - Joe NINIO
:
30/06/2008
HOMMAGE A DEUX TRES CHERS AMIS
SOUVENIR D’UNE JEUNE ADOLESCENTE D’EGYPTE -Esther BENGHIAT MUSTACCHI :
MA SORTIE D’EGYPTE Troisième Partie - Marie Mosseri
30/04/2008
HOMMAGE A UN AMI DISPARU : ROGER BOSHI - Elie K Mangoubi
LA GRANDE VISITE - Mimi de Castro
HOMMAGE A MICHEL BONNICI ET CLAUDIO LAFERLA - Marcel FAKHOURY
MA SORTIE D’EGYPTE Deuxième Partie - Marie Mosseri
29/02/2008
RAPPELLES-TOI DE TE
SOUVENIR - Sam MEZRAHI
TEMOIGNAGE - Lucy &
Avraham Calamaro
MA SORTIE D’EGYPTE Première Partie - Marie Mosseri
Septembre 2014
DEUX ARTICLES TIRES DE MON LIVRE : L’EGYPTE QUE J’AI
CONNUE
(CHEIKH EL
MOKHADEMINE)
Il est toujours tiré à quatre épingles,
propre et rasé de frais. Son quartier général est le café du coin. Il est très
sollicité et prend des airs importants. Son métier ? Faire travailler les
autres. Pas n’importe qui : que des gens de maison. Entendez par là :
Bonnes * et domestiques*. Ses clients ? Uniquement des khawagates*.
Les Égyptiens, eux, n’ont pas besoin de lui pour s’en procurer. Donc, si vous
avez besoin d’une bonne ou d’un domestique votre mari le lui fera savoir,
souvent par l’entremise du garçon de café car il est, la plupart du temps, par
monts et par vaux.
L’après-midi
ou le lendemain il sonnera à votre porte en compagnie de la perle rare. Il
conviendra avec vous des gages et, si l’accord est fait, l’entrée en fonctions
est immédiate. De vous, il recevra une commission fixe, rubis sur l’ongle et
autant à la fin du premier mois, si l’employé€ reste jusqu’à là. Ce dernier€
lui remettra aussi une certaine somme dès la première paye. En période de
pénurie du personnel ou si le type est de mauvaise foi, il s’arrangera pour que
le roulement s’accélère : autant de mutations, autant de commissions fixes
ce qui est plus rentable mais moins honnête. Certaines fois, la jeune personne
ne reste que deux ou trois jours. Il la
placera ailleurs et vous en procurera une autre. Et, naturellement, vous devrez
payer la commission fixe à chaque fois, ce qui finit par devenir agaçant.
Je
me souviens d’un placeur grand d’environ un mètre cinquante, très large
d’épaules, aussi gros qu’une barrique sur pieds. Il était habillé d’une galabeya* de soie, ceint d’une large
ceinture de tissu pourpre, portant un caftan de prix et le chef recouvert d’un
turban imposant. A une certaine époque, il commença à pratiquer ce genre de
rotation rapide du personnel qui nous donna
Pour
la première et la seule fois de ma vie, je le vis lever la main sur quelqu’un.
L’autre se trémoussait devant lui et le provoquait à tel point en proférant des
insultes, qu’il lui donna une gifle, une seule ! Je vis ce poussah perdre
l’équilibre et dégringoler les étages en tournoyant sur lui-même comme une
toupie. Il en conçut une telle frayeur qu’il disparut du quartier pour
toujours. Mon père fut très mortifié d’avoir agi de la sorte surtout devant
nous à qui il disait souvent : ″dans une discussion avec quelqu’un,
ne lui fais jamais perdre la face″.
Il chercha même à le dédommager mais le garçon lui apprit qu’il avait
établi ses pénates dans un autre café éloigné.
-khawagates*. : pluriel de khawaga, en
Egypte on appelait ainsi les européens
- galabeya* : robe d’homme portée par les autochtones.
-o-o-o-o-o-o-o-o-
En face de l’immeuble où nous habitions, à
la même hauteur que notre appartement, vivait un entrepreneur de pompes
funèbres d’origine grecque. Il avait son magasin et son bureau à quelques
dizaines de mètres de là, dans la rue principale. C’était le plus gai luron de
C’était
toujours pour nous un spectacle de voir ce monsieur, arrivé chez lui avec une
mine lugubre, se transformer aussitôt en clown, ameuter femme et enfants, les
taquiner, rire, chanter et engouffrer une prodigieuse quantité de victuailles
et de boissons. Etait-ce par réaction à son triste métier ? Pour la joie
d’être, lui, en vie ou bien encore par satisfaction d’avoir réalisé de bonnes
affaires ? Sans doute à cause de
tout cela réuni.
Mai 2014
de Sam MEZRAHI
Ce texte a déjà
été publié dans ce Site le 14 octobre 2005. Je le copie ici pour le plaisir de mes nouveaux Lecteurs car
c’est un article plein d’émotion et de nostalgie qui ravive les beaux souvenirs
de chacun de nous dans cette Egypte que nous avons tant aimé.
Merci Monsieur Sam
MEZRAHI
JE VIENS DE
RECEVOIR AUJOURD’HUI 27 AVRIL 2014 DE MONSIEUR SAM MEZRAHI LA DEUXIEME PARTIE
DE CE MANIFIQUE RECIT, QUE VOUS TROUVEREZ APRES CETTE PREMIERE PARTIE.
C’était il y a plus de 50 ans et je me
souviens… Pourtant, longtemps je me suis constamment efforcé de ne pas me
souvenir.. Ne pas regarder en arrière, aller de
l’avant, me reconstruire après l’exode…Oublier un passé qui m’avait tourné le
dos. S’inventer un avenir, tenter de trouver de
nouvelles racines, en effaçant les anciennes pour ne pas flancher. Surtout ne
pas trébucher et rouvrir des blessures sentimentales dont on ne sait jamais le
degré de cicatrisation.
Me voici au seuil de mes soixante ans
et je me sens le courage de m’abandonner à la douce nostalgie du temps de mon
enfance. Je pensais mes souvenirs estompés mais ils me reviennent en sarabande,
par bribes, avec leurs senteurs avec leurs sons, les bruits et les odeurs dans
le désordre comme un flash-back dont la mise au point floue se fait par degrés
plus précise
C’est d’abord les quelques années qui
ont immédiatement précédé notre expulsion d’Egypte en décembre 1956, à la suite
de la guerre du canal de Suez, qui me reviennent. J’avais 7 ou 8 ans, et je
revois l’Egypte pays de ma naissance et de ma prime enfance. Avec le ciel au Caire, le ciel d’avant la
construction du grand barrage d’Assouan, d’une incroyable pureté qui prenait
toutes les nuances de bleus depuis l’aurore jusqu’au crépuscule. Les nuages
très rares, la pluie presque inconnue et les nuits étoilées.
Je regardais parfois avec ma sœur et
les copains de mon âge, depuis le parking à voitures du Héliopolis Sporting
Club, au loin, l’écran muet du
Palace, le cinéma de plein air qui projetait des films américains en
technicolor où nous allions parfois en famille manger du Sémit et gaibna avec
un Pepsi pendant l’entracte. (petit pain rond au
sésame accompagné d’un morceau de
fromage dans un papier huileux) Et je me rappelle du Héliopolis Sporting club
qui me paraissait immense avec ses jardins pleins de fleurs de toutes sortes,
bien entretenus comme les Anglais savaient les faire dans leurs colonies quand
ils disposaient d’une armée de jardiniers rémunérés en monnaie locale .Car la livre égyptienne ne partageait avec la livre anglaise que le
nom.
C’est là que j’ai appris à nager dans
sa piscine de plus de 30 mètres, ses plongeoirs élevés, et les tables et
parasols disposés tout autour où nous nous faisions servir les après-midi des
collations délicieuses, les bains nous ayant ouvert l’appétit Et les terrains
de tennis, tous en terre battue avec des ramasseurs de balles à disposition,
enfants de nos âges qui n’avaient jamais connu l’école mais courraient pieds
nus pour nous servir, sans qu’à l’époque je puisse comprendre ce que cette
injustice avait de choquant.
J’ai souvenance des brises légères
qui emportaient des parfums de jasmin, de bougainvilliers et de roses dans l’air attiédi des soirées
estivales de Ras el Bar, village de maisons en torchis, de huttes et de cabanes
situé dans le delta du Nil ou nous passions les vacances d’été entre la mer
Méditerranée et le fleuve.
Et les Locomadis délicieuses friandises grecques que les
vendeurs à la sauvette distribuaient le long des plages aux cris de ‘’Kiiiriac
Konkanti Pistachi !! Avec des glaces italiennes élastiques et les limonades
(gazouzas) ou Spathis. Il me revient aussi les litanies chantantes des vendeurs ambulants à Héliopolis que nous
hélions depuis notre balcon de la rue des Pyramides. Souvenirs gustatifs surtout,
mais c’est dans ces ages là que se forme le goût et les dégoûts.
Le vendeur de jus de réglisse, sa
bonbonne en verre munie de son petit robinet accrochée sur sa poitrine avec une
lanière de cuir, se servait de deux timbales comme de castagnettes pour se
faire entendre au loin avec son cri ( héérr è sousss). La canne à sucre (
assab) fraîche liée en fagots dans une petite charrette, le vendeur qui
avec son couteau enlevait l’écorce dure pour nous donner le cœur tendre de la
tige que nous mâchonnions ravis sur le balcon, le jus de canne dégoulinant sur
le menton.
Et les portions d’Amar el Din (pâte
d’abricot séchée) dont nous faisions des cornets dans lesquels nous glissions
un glaçon pour ensuite en sucer la pointe.
Souvent nous
dégustions le Caca chinois (bâtons de réglisse jaune) acheté dans un étalage de
fortune au bas de la maison, assis au balcon en regardant le soleil couchant qui se fixait un instant
sur la pointe des Pyramides au loin, du coté de Guizèh dans le poudroiement des
sables du désert…ou était-ce le soleil levant je ne sais plus.
Je me souviens des vendeurs de figues
de barbarie ( tin choki) et leurs charrettes à bras
qui mettaient à rafraîchir leur marchandise hérissée de piquants sur des pains
de glace et nous les épluchaient à mains nues pour quelques millièmes de
piastre. Je revois les fruits de mon enfance, cultivés, je devrais dire
élevés, sans autres engrais que le limon
fertile du Nil, irrigués de façon ancestrale par son eau qui prenaient tout leur
temps pour mûrir réchauffés par le soleil brillant d’Egypte. Leur goût
incomparable que je n’ai jamais retrouvé bien que j’aie depuis, sillonné toutes
les latitudes
Les melons d’Ismaïlia jaunes, gros et
oblongs à la pulpe blanche et douce, qu’on servait préparés en tranches dans leur
peau si fine qu’ils étaient difficilement exportés même dans les régions
limitrophes. J’ai encore en bouche après
plus de 50 ans la saveur des dates noires fraîches, les Balahs Ame’hate dont la
peau fine se retirait sur un simple pincement des doigts, Je me souviens des Palmiers dattiers altiers qui ponctuaient
le passage du tram sous nos fenêtres et que nous apercevions depuis notre
balcon avec encore des dattes rouges, les Zargloul, plus sèches que les noires ou
marrons mais pas moins délicieuses.
Les fameuses mangues Alphonse douces sans âpreté, à la pulpe orangée
sans filaments qu’on mangeait coupées en deux à la petite cuillère, dont je
n’ai plus rencontré l’équivalent ni en Afrique ni en Asie ni aux Indes. Les
grenades qu’on écossait rouges avec leur pédoncule blanc et nous préparait dans
un bol d’eau de fleur d’oranger, les figues de toutes espèces, oblongues ou
rondes, vertes, marrons ou brunes, les Batikh, pastèques énormes rouges et
juteuses dont on faisait frire et salait les pépins pour les offrir en
apéritif…
Les goyaves, fruit négligé de ce coté
ci de la Méditerranée, les bananes sucrées, les oranges petites mais très
juteuses, et ce fruit oublié que nous appelions les oranges amères, qui servait
à faire des confitures comme la marmelade anglaise. Il y avait aussi les
mandarines aux larges tranches, Youstafandi, les raisins de toutes les couleurs
noirs, rouges, verts parfois sans pépins (enab banati) et les abricots
(maichemaiche) que je remangerais, faile maichemaiche c’est à dire aux calendes
grecques …
Je repense à la saveur des légumes,
des tomates odorantes et fermes, les courgettes qu’on cuisinait souvent farcies
de riz et de viande hachée, relevés d’oignions et de tomates, le fameux Mahchi
Kossa, les aubergines, les cornes
grecques (Bamia) que je cite pour mémoire mais que je n’ai jamais
apprécié, les laitues aux longues
feuilles craquantes et blanches avec leurs cœurs si délicieux, de la taille
d’une grosse carotte, et les petits concombres acidulés.
Pour tuer le temps
à l’heure des bavardages de fin d’après-midi, dans les cafés bruyants, on
grignotait les pépins de pastèque noirs, ou blancs de tournesol et de courge ,
le lébb, qu’on recrachait élégamment par terre, les pistaches grillées (fostok)
, les olives noires et vertes ( zétoun) accompagnées de fromage blanc salé, les
cacahouètes à la fine pellicule, (foul soudani) , les termès jaune et fades
qu’on servait dans de l’eau pour en attendrir la peau et enfin toutes sortes de
légumes marinés de la tradition, les mekhaléls, que les adultes picoraient avec
leur Zebib (Arak) ou leur bière Stella, le tarbouche de guingois et la chicha
au bord des lèvres, jouant au tric-trac (backgammon) ou aux dominos.
Les rues étaient encombrées et sales,
mais pleines de vie et d’activité, rythmées par les klaxons incessants des
voitures américaines ou anglaises qui répondaient aux vociférations et insultes
des âniers et charretiers d’un autre age, Aimchi Ya Ibn el Charmouta ! Et les
dîners avec le pain Chami blanc et léger qu’on prenait pour saucer sans façons,
dans le plat central, la Tahina (sauce blanche de sésame à l’huile), le Hommos
au pois-chiche. ou le Babaghanouch aux aubergines. Je
me souviens aussi de ces aubergines
lentement poilées à l’huile (bétingan merra’ade), la molloghéya soupe verte
servie avec du riz blanc et du poulet cuit si délicieuse malgré son aspect
répugnant pour les non-initiés.
Il y avait aussi le Foul médamès plat
national égyptien, les grosses fèves marrons baignant dans leur jus avec de
l’huile d’olive, du jus de citron, du cumin et des œufs durs, agrémenté
d’oignon blanc et, le secret pour lui donner sa consistance et sa couleur, une
poignée de lentilles jetées pendant la cuisson. Ces mêmes lentilles jaunes dont
on faisait aussi une soupe délicieuse le AAttze
Les Falafels (Ta’méya) larges et
plates qu’on trouve aujourd’hui partout, pâles succédanées, de New York à
Londres en passant par Amsterdam ou Paris, les Kobébas arrosées de Tahina, avec
des tomates coupées en petits dés qu’on fourrait dans le pain Chami ou le pain
Baladi et les Koftas à l’oignions et au persil ou les Béléhates souvent en
sauce accompagnées de pommes de terres poilées (batata séfrito)….
Pour les desserts nous avions le
choix, les Sambousecks , les Ménénas fourrées aux dates, les Konafas aux
pistaches ou à la crème de lait fraîche, (eichta) les baklawas farcies de
fruits secs ou les Atayefs arrosées de sucre liquide, surtout pas de miel, les
Asabigh bé Loz , pâte feuilletée fourrée aux amandes, enfin plus simple mais
notre régal, la Halawa ou la confiture de roses avec de la eichta Car le lait en ce temps là était frais, ni
traité ni pasteurisé, vendu par des laitiers qui faisaient leur tournée en
carriole tirée par un âne. Avec une louche ils puisaient au Rotoli ( mesure) et remplissaient nos seaux Safihs spéciaux en
étains aux couvercles vissés. Mais ce lait délicieux donnait à profusion une
lourde crème onctueuse et douce qui servait pour les desserts.
Les jours de fête nous allions chez
Groppi au Caire, puis à Héliopolis où il
venait d’installer une succursale, manger des glaces ou des gâteaux
occidentaux, éclairs au chocolat ou millefeuilles, quand ce n’était carrément
la virée, chez Mansoura installé lui aussi à Héliopolis. On me dit que Mansoura
est à présent installé à Brooklyn ou il fait le bonheur de la diaspora
égyptienne et les délices des américains
A Ras El Bar c’était les Fétiras du
Fatayeri, sorte de pizzas sucrées qu’on se délectait de manger avec les mains.
Les ballades sur le Nil à bord de la felouque de mon oncle Léon, avec son
marin, le‘’barquier’’ comme on disait, traduction libre de l’arabe
Marakbi, qui me prêtait la barre franche
de bois rugueuse de temps en temps ou me demandait de faire contre poids, assis
en rappel à l’extérieur du pont sur une large planche arrimée solidement au
bastingage. Ya Bakhtaik ! quelle chance tu as !
Et ma fierté lors de ma première
traversée du Nil aller-retour à la nage en largeur à 7 ans… et les ballades à
cheval ou en dromadaire, parfois à dos de chameau ou simplement en croupe sur
les ânes toujours présents et bons à tout faire.
En ce temps là, en Egypte les
réfrigérateurs étaient plus que rares, d’ailleurs leurs moteurs importés
étaient souvent en panne avec les à-coups imprévisibles de la distribution
électrique locale, mais il y avait les glacières que les marchands ambulants
alimentaient en pains de glaces, qu’ils montaient dans les étages sur leurs
larges épaules pour quelques piastres. Evidement on ne connaissait pas les
congélateurs, toutes les marchandises alimentaires étaient du jour, achetées
sur les marchés permanents de plein air ou chez les vendeurs ambulants.
Il y avait aussi des mouches qu’on balayait
nonchalamment avec les chasse- mouches de crins de cheval ou les tue-mouche en
forme de tapettes qui écrasaient mouches, moustiques ou fourmis sur les tables
servies sans que personne n’y trouve à redire. L’air chaud des appartements ne
connaissait pas l’air conditionné, les ventilateurs fixés au plafond le
brassaient dans un doux murmure mais les persiennes restaient closes pendant la
belle saison jusqu'à la tombée du jour pour tenter de combattre la chaleur soporifique
des étés Egyptiens. Pourtant les constructions d’alors savaient encore prendre
en compte le climat et ménager des courants d’air.
L’eau
que nous buvions venait des Gargoulettes ( Olla,
cruche en grès) disposées dans les coins et qui en suintant lui maintenaient
une fraîcheur étonnante
Les spectacles de marionnettes
(Aragoze) se donnaient sous nos fenêtres pour quelques piécettes lancées depuis
les étages, ou bien délivrées dans de petits paniers accrochés avec des
ficelles qu’on déroulaient depuis les balcons,
Il y avait aussi des programmes alternés comme le montreur de singe, ou
les chanteurs et danseurs de rues, avec leurs pipeaux et leurs tambourins
(Tarabokkas), leurs turbans et leurs cannes agités autour de la danse du ventre
de danseuses dénudées et gracieuses.
A cette époque outre le français ou
l’anglais selon le choix parental du modèle éducatif, nous parlions tous
l’arabe car nous étions élevés par nos nourrices égyptiennes (
nos Daadas) qui ne s’exprimaient que dans cette langue. Le bus de
l’école venait nous chercher le matin à 6h45 pour nous emmener au Lycée
Franco-égyptien près de l’aérodrome d’Al Maza car on travaille tôt en Egypte
pour éviter la chaleur de l’après midi ; mais c’est une chaleur sèche qui, bien que supérieure à celles que j’ai pu
rencontrer en Afrique de l’Ouest ou en Asie, n’est pas aussi éprouvante car
dénuée de cette humidité qui vous colle à la peau.
Et nous revenions vers 13h30 déjeuner
légèrement pour nous préparer à la sacro-sainte sieste d’une heure ou une heure
et demie, suivie par les devoirs à faire et ensuite, yalla bina, les jeux, les
rires avec ma sœur, toujours maternelle à mon égard bien qu’âgée de seulement
deux ans de plus que moi, les parents, les cousins Marcos, les voisins, les
amis…
Pas de télévision bien sûr, ni même
de radios intempestives, le téléphone était un luxe, simplement de temps en
temps, le chant apaisant des muezzins appelant à la prière et rythmant nos
journées cinq fois par jour.
Et je revois Alexandrie, l’élégance majestueuse de sa Corniche,
sillonnée de calèches découvertes, ( arabiya
Khantour) les plages populaires de Sidi
Bichr et de Mandara ou celle plus élitiste de Agami beaucoup moins fréquentée car plus éloignée,
plus dangereuse avec ses courants qui picotaient les pieds des baigneurs et son
sable éclatant de blancheur d’une texture si légère. On pénétrait sans
appréhender le froid pour se baigner
dans les eaux de la Méditerranée qui sont chaudes sous ces latitudes, et
nous passions des heures à jouer sur les plages sous le regard bienveillant des
parents et amis qui nous surveillaient du coin de l’œil.
J’ai de vagues souvenirs de la Cité
des Tentes, aux pieds des Pyramides, où les riches Egyptiens invitaient leurs
amis pour un pique-nique à la bédouine, assis sur des tapis disposés à
profusion face aux monuments millénaires, pour des discussions où les
mouvements de mains avaient autant d’importance que la voix, Il était aussi de
bon ton de prendre le thé ( Chaiye) à l’anglaise ou le Café turc (Ahoua) qu’on
commandait moyennement sucré (Mazbout) au Mena House, l’hôtel de luxe sur la
route de Guizèh, face aux sables du désert.
Et je me souviens quand arrivait le
Kamsin (Cinquante) le vent chaud du désert qui tous les ans soufflait quelques
cinquante jours entre mai et juin et recouvrait la ville comme un brouillard
d’une fine pellicule de sable, il fallait calfeutrer fenêtres et portes pour
tenter, généralement sans succès, d’endiguer le sable qu’il transportait et qui
s’infiltrait partout.
Les Egyptiens vivaient alors en bonne
intelligence avec les autres communautés, les coptes, descendants de l’époque
pharaonique qui étaient chrétiens, les Grecs orthodoxes, les Arméniens, les
Turcs descendants de l’empire ottoman qui avait longtemps été la puissance
tutélaire du pays, les Syriens, musulmans ou catholiques, comme du reste les
Libanais, les Soudanais (Barbari) souvent employés aux taches subalternes et
quelques français et anglais fixés là pour maintenir une présence après s’être
disputés le protectorat de l’Egypte du temps de Mohamed Ali et s’être activés
pour soutenir Montgomery contre Rommel pendant la seconde guerre mondiale. Les
juifs avaient leur quartier spécifique, La Harte El Yehoud, dans le quartier
des affaires du Mouski proche également du profond Bazar du Khankhalil, mais
ils se mêlaient, sans se distinguer, à tous les autres.
Les différences étaient acceptées, et
loin de provoquer des affrontements, permettaient un enrichissement, chacun se
servant chez l’autre de ce qu’il y avait de remarquable dans sa pratique
religieuse, sa culture ou ses traditions.
Je me souviens de mes parents, me disant pour marquer une fatalité,
Rabaina Kébir
En ce temps là l’Egypte était le
phare culturel du monde arabo-musulman , ses films ,
comédies musicales, romances ou drames étaient diffusés partout dans le monde
ou l’on parle arabe , et les acteurs jouissaient d’une popularité qui dépassait
et de loin les frontières. Faten Hamama, Naguib el Rihani sorte de Raimu et
Ismayil Yassin sosie de Fernandel ,Choukoukou, et la
sublime Samia Gamalcomédienne mais surtout danseuse du ventre inégalée.
Ses chanteurs et chanteuses, Om Kalsoum , Farid el Atrach Habdelwohab, ou le jeune Abdel
Halim Haffez étaient écoutés dans le monde entier et je suis resté, encore
aujourd’hui, très sensible au charme de ces films populaires et de ces mélodies
sentimentales.
Les fêtes religieuses des uns et des
autres étaient respectées par tous, Ramadan, Kippour, Noël et notre préférée
Cham el Nissim, la fête du printemps pleine, de fleurs et de bruits puisque les
enfants étaient exceptionnellement autorisés à se répandre dans les rues en
faisant claquer des pétards.
Il y avait peu de femmes voilées dans
les villes, la religion pourtant omniprésente était bonne enfant, et la verve
des Egyptiens, qui sont véritablement les méridionaux du monde arabe, pouvait
se donner libre cours avec humour et légèreté.
Je garde aussi vivace le souvenir de
la Citadelle ou les Mameluks avaient été exterminés par surprise un siècle plus
tôt, qui était un lieu de visite obligatoire pour les écoles, où on nous
montrait l’empreinte encore gravée sur la pierre d’un cheval avec lequel son
cavalier s’était précipité du haut des remparts pour tenter d’échapper au
piège.
Et nous aussi nous fûmes pris par
surprise. La piteuse campagne du canal de Suez en 1956 a mis fin brutalement à
cette douceur de vivre, les gouvernements français de Guy Mollet et anglais
d’Anthony Eden n’ont pas mesuré les effets collatéraux de cette guerre avortée.
Le président américain Eisenhower, sur
injonction des Soviétiques a finalement imposé de rebrousser chemin alors que
les troupes franco-anglaises avaient pénétré dans le pays et se trouvaient à
une centaine de kilomètres de la capitale.
Dans la foulée, Alatoul, Nasser a
expulsé la plupart des non musulmans qui vivaient là depuis des générations, en
spoliant leurs biens, sans préavis, sans compensation et sans états d’âme.
Le temps a passé sur ces évènements,
avec le recul on peut considérer que les changements étaient inscrits,
inéluctables, et même s’ils ont été trop brutaux, nous eûmes, pour la plupart,
de la chance dans notre malheur, la chance d’en réchapper sans avoir subi les
atrocités qui sont devenues communes aujourd’hui.
Je garde ma tendresse au peuple égyptien , qui s’est montré en la circonstance fidèle à lui
même, jamais sanguinaire et généralement ennemi de la violence quand il n’y est
pas poussé par de faux prophètes.
Cela ne m’empêche pas de me souvenir
de mes premières larmes dans l’avion des réfugiés de la Suissair qui emportait
ma famille vers Genève, quand l’hôtesse de l’air m’a donné mon premier verre
d’eau de l’exode, une eau minérale pétillante, au goût inconnu et désagréable
pour l’enfant de dix ans que j’étais, j’ai alors pensé en larmes ‘’ tout va
changer, même boire de l’eau sera une épreuve’’
Bientôt j’aurai soixante ans, finalement
dans le voyage de la vie, je fus un passager émerveillé, navigant involontaire,
ni maître du vent ni maître des voiles, sans connaître le but, la destination
ni le port, en route pour la route, le voyage pour le voyage.
La guerre du canal de Suez en 56 a
marqué le début du voyage, j’avais 10 ans. Je n’avais jusqu’alors connu que
l’Egypte et son Histoire, le sommet des Pyramides était l’horizon que je
contemplais de ma fenêtre d’Héliopolis, et ma vie s’écoulait au rythme des eaux
du Nil qui coulent paresseuses au Caire pour aller épouser la Méditerranée que
le grand fleuve prends entre ses deux bras à Damiette et Rosette.
Sam MEZRAHI
Reçu le 27 avril
2014 de Monsieur Sam MEZRAHI la deuxième partie de :
L’avion
des expulsés, des apatrides, pour Genève et ensuite Paris, le froid
exceptionnellement glacial de l’hiver 56, les queues des réfugiés que nous
étions devenus devant les soupes populaires, la faim au ventre partagée avec
les Hongrois fuyant le communisme et les Franco-marocains orphelins de la fin
de la colonisation.
Nous
étions vraiment démunis , les quelques
traveller’s chèque de Cook que les parents avaient pu emporter
s’avéraient non endossables à Paris mais les institutions caritatives , aussi
bien catholiques que juives (comme le COGASOR) ainsi que la croix rouge étaient
rapidement intervenues et avaient pris
en charge notre hébergement dans un petit hôtel familial situé dans une rue
adjacente aux Champs Elysées, rue Galilée,
L’Elysée hôtel ,tenu par un couple de Suisses placides Mr et Mme
Guay qui cherchaient avec patience à
expliquer à cette horde tumultueuse, car l’hôtel n’était peuplé que de
réfugiés, les règles de la bienséance à
la française
Un
petit pécule remis par je ne sais qui
aux chefs de famille nous permettait de faire un repas par jour, le
midi. Nous allions tous en procession au self service de
Le
petit déjeuner et le diner consistait en cafés au lait, réchauffés
clandestinement dans les chambres d’hôtel au mépris du règlement avec une
petite résistance électrique, accompagnés de pain baguette et de fromage
‘’Vache qui rit’’ ou ‘’Vache sérieuse’’
Ma
mère pour se concilier les bonnes grâces du couple Guay, donnait des leçons
gratuites d’anglais à leur petite fille, et les Guay finalement pleins
d’humanité envers ces refugiés,
fermaient les yeux sur les trafics et va et vient de baguettes, fromage
et lait qui circulaient entre les étages alors que la nourriture était
interdite dans les chambres.
L’Etat
français avait à l’époque de la
sollicitude pour les malheureux refugiés fuyant leurs pays d’origine. Nous
reçûmes une subvention de logement et un accès à une HLM de Clichy, un F3 pour
loger les onze personnes de la famille qui s’étaient enfuis d’Egypte ou plutôt
qui en avait été expulsés sans ménagement et sans délai... Je me souviens des
lits Gigogne qu’on dépliait sur le sol en linoléum pour dormir plus ou moins
entassés sur toute la surface de l’appartement, y compris le coin cuisine. Les enfants de l’oncle Jacques, le
frère de mon père étaient plus jeunes que nous Roland l’ainé deviendra un grand
médecin endocrinologue et ses sœurs,
Viviane chercheuse au CNRS et Nicette
Pharmacienne de laboratoire, tous les trois scientifiques de haut
niveau.
Pour
le moment, l’école étant obligatoire, nos parents s’étaient empressés de
demander notre inscription en tant que pensionnaires, pour s’assurer que nous
pourrions être hébergés dormir au chaud et manger trois repas par jour.
L’administration française toujours pleine de ressources, nous avait trouvé un
établissement dans l’Oise, le Collège Cassini à Clermont de l’Oise ou on avait
pu nous caser, tous les cinq, Roland et ses sœur, ma sœur et moi, bien que ce
soit le début du second trimestre. Les frais de pension étaient pris en charge
par l’Etat les pensionnaires devant néanmoins apporter leurs draps et leurs livres et cahiers de classe, mais
nous n’avions rien, pas même de quoi acheter un crayon. De nouveau la
compassion du gouvernement s’était manifestée peut être aidée par quelques
œuvres charitables je ne sais plus, mais le fait est qu’en arrivant au Collège
tous les enfants refugiés, Hongrois, Marocains, Egyptiens avaient reçu des
livres et des cahiers neufs, une trousse d’écriture, et un trousseau comprenant
deux draps une serviette de bain et une blouse grise, uniforme obligatoire pour
tous.
Souvenons-nous,
c’était en Janvier 1957, voila comment la France accueillait les étrangers à la
dérive, en ouvrant ses bras protecteurs, en leur donnant une chance de s’en
sortir, de se redresser, de se tenir debout, une chance de devenir Français à
part entière.
Jamais
je n’oublierai ce que je dois à la France, ce que nous devons tous à la France
généreuse et humaine de 1957 fidèle à sa réputation de terre d’asile et de
liberté et qui avait alors les moyens de manifester sa solidarité avec les
réfugiés qui venaient frapper à sa porte.
Par
la suite quelles que soient les vicissitudes que j’ai eu à traverser, jamais ma
gratitude envers la Franc ne faiblira et quand il s’agira de faire mon service
militaire en 1965, bien qu’on m’ait proposé un moyen imparable d’y échapper je n’hésiterai pas une
seconde considérant que je devais cette maigre contribution de 16 mois de ma
vie et de ma jeunesse à ce pays qui nous avait sauvés avec toute ma famille.
Plus
tard , beaucoup plus tard porté par les hasards de la vie à la direction d’une
importante société de Commerce international , j’ai eu plusieurs sollicitations
pour m’installer a l’étranger afin de diminuer la pression fiscale énorme qui ponctionnait
les trois quarts de mes revenus mais là encore j’ai refusé , car je me
considère comme redevable à jamais vis a vis de la France mon pays , ma
Patrie.
Pour
revenir au Collège Cassini début Janvier 1957 je viens d’avoir 11 ans, je
rentre en sixième dans un monde nouveau, séparé de mes parents pour la première
fois, maitrisant moyennement la langue, sans repères, totalement étranger à la
vie de mes petits camarades de classe, déstabilisé par la classe mixte avec
toutes ces petites filles ce qui aurait
été inimaginable en Egypte et avec un trimestre de retard sur un programme déjà
largement plus évolué que celui que nous suivions en Egypte
La
France nous avait pourvus de draps et de livres mais pour le reste nous devions
nous débrouiller avec nos habits habituels, qui n’étaient pas adaptés au froid
rigoureux de cet hiver 56/57 resté dans les mémoires par les déclenchements des
appels à la solidarité de l’abbé Pierre. On arrivait à se protéger du froid en
glissant des feuilles de papier journal sous nos chandails mais les extrémités,
pieds et mains mal protégés déclenchaient souvent des douleurs difficiles à
supporter. Les chaussures de carton mâché achetées en Egypte, pays du soleil
résistaient mal aux conditions locales et le manque de gants faisaient des promenades imposées du jeudi un véritable
calvaire.
Notre
arrivée avait suscité la curiosité des élèves, mais nos accoutrements étranges
et notre français approximatif avait transformé cette curiosité en une sorte
d’hostilité silencieuse, exprimée par le dédain ou l’indifférence. Il n’y eut
pas de guerre déclarée, les enfants
réfugiés étant en nombre suffisant pour contenir une attaque frontale, mais le
rejet plus ou moins exprimé eu pour effet de nous ostraciser, et jusqu'à la fin
de l’année scolaire il y eu peu d’échanges entre les deux groupes.
Pourtant
c’est dans ce Collège que je suis tombé amoureux pour la première fois, c’était
une petite fille de mon âge, aux longs cheveux auburn et aux incroyables yeux
bleus, éclatants et lumineux. Elle s’appelait Jeaffrin, c’était son nom de
famille, je ne me souviens pas de son prénom, car elle ne m’a jamais adressé la
parole bien qu’étant en sixième, dans la même classe que moi. Je la regardais à
la dérobée, trop conscient de mon état inférieur, mal dans ma peau, petit
étranger maigrichon pas encore monté en graine, face à cette poupée qui était
demi-pensionnaire et donc habitante du
coin, bien intégrée dans son élément, à l’aise et sure d’elle au milieu de ses
copines qui riaient sous cape dans la cour quand elles me rencontraient presque
toujours grelottant et solitaire
incapable de les aborder. Peut être que
si j’avais engagé la conversation, nous serions devenus amis, mais je sentais
confusément que tout nous séparait .
Alors ces amours enfantines déjà douloureuses car non partagées pour ne pas
dire totalement ignorées, m’ont tout de même été bénéfiques, car par orgueil ou
par défi , pour briller aux yeux de cette petite princesse inaccessible , je me
mis a l’étude avec rage et détermination , pour apprendre et savoir mieux que
les autres , pour rattraper mon retard et forcer l’admiration.
Nos
parents ne disposaient pas de moyens
suffisants pour que nous puissions comme les autres pensionnaires prendre le
train et rentrer chez nous chaque semaine
, et donc nous passions les fins de semaine au Collège en partageant bien
involontairement le sort des élèves punis en retenue , interdits de sortie .
Nous avions le droit de déambuler dans le vaste préau, je me souviens aussi de
quelques promenades dans les campagnes environnantes en ram c'est-à-dire en
rangs serrés jusqu’au lieu de
destination ou l’on nous permettait de nous ébattre quelques temps avant de
reformer les rangs pour le retour. Le
reste du temps c’était la salle des Etudes
sous la surveillance de pions qui interdisaient le moindre bavardage.
Mon
père entretemps s’était vu offrir un poste de sous directeur de Banque à Alger seul poste possible lui avait-on
affirmé alors qu’il ne cherchait qu’a fuir les pays instables et que celui-ci
était en pleine guerre d’indépendance. Il avait bien été obligé d’accepter
malgré les dangers encourus. Ma mère l’avait rejoint et ensemble ils nous
avaient écrit que nous pourrions les rejoindre avec ma sœur à la fin de l’année
scolaire. Cette perspective avait suffit
à transformer mes épreuves du moment en une sorte de parcours initiatique vers
un paradis programmé.
Le
vent m’a ensuite porté vers Alger en 57 en pleine terreur de la guerre
d’indépendance, les bombes sournoises et assassines dans les lieux publics, les
espoirs du 13 mai 58, au Forum d’Alger dans une foule en liesse et la suite… la
désillusion, le Putsch d’Alger, les Paras à l’école, les convulsions d’une
époque qui se meurt, l’OAS, la dérive…
Et
le voyage recommence, le pensionnat en France, à Evreux pour apprendre la
province, l’isolement et la solitude et repartir…
Paris,
les études bâclées, les petits boulots, les Halles la nuit pour quelques sous,
huissier dans un journal, et le service militaire à vingt ans en 65 à
Apres
16 mois le retour dans le Paris des années 60, voyageur de commerce pendant
trois ans qui sillonne les routes de France et c’est reparti pour le rêve,
l’Amérique en 69
L’arrivée
à New York, faux touriste et travailleur illégal, apprendre la langue, vivoter
d’un petit job à l’ONU, aimer les filles de passage sur la musique des années
70, prendre le thé au San Regis avec Salvador Dali et Gala, regarder avec
ferveur sur les télévisions des devantures l’homme marcher sur la Lune et cap à
l’Ouest…
La
route, d’est en ouest, en auto-stop ou en Greyhoud, l’Amérique profonde du
Wyoming vers San Francisco… et le rêve
Hippie.
Les
cheveux longs et ce qui est le plus lourd à porter , les poches vides, les
bancs du Washington square à North Beach pour litière, la faim qui taraude et
des amitiés qui se nouent, des amours qui s’ébauchent, la musique assis par
terre dans un gymnase, le Filmore West devenu par la volonté de Bill
Graham le temple des musiciens, les
rencontres dans un café comme avec le poète Alan Ginsberg et lui parler
Baudelaire, Rimbaud, Verlaine…
Et
repartir, Paris et ses amours, ses
amitiés, le travail à la grande époque
de prêt-à-porter féminin dans le quartier du Sentier rue d’Aboukir et rue
d’Hauteville assister à l’ascension et parfois la chute des copains, Henry
Darmon, Azria, Ventilo, Apostrophe, Gérard Darel, Christian Aujard, créer ma
propre boite et jeter l’éponge pour le sacerdoce du négoce international chez
un négociant français en 1974 et pour vingt deux ans !! Je raconterai
aussi, peut-être un jour, ces temps de fantasias frénétiques de ma jeunesse.
Entre-temps
le mariage heureux et un fils promesse de bonheur qui ne s’est jamais démentie.
Des
voyages autour du monde pour acheter ou vendre des denrées, l’Afrique dans les
désordres de l’après colonisation, les pays de l’Est sous la chape de plomb du
communisme, l’Amérique latine dans le bouillonnement des révolutions locales,
l’Indonésie ou la Malaisie pleins d’essor et de corruption, les Etats Unis
berceau et flambeau des marchés à terme…
J’ai
vu , j’ai côtoyé des hommes d’affaires honnêtes ou roublards venus de tous les
horizons, j’ai ceinturé la planète de filiales Londres, Genève, New York ,
Anvers, Amsterdam, mais aussi Abidjan, Douala,
Antananarivo à Madagascar, Rio au Brésil, Coatepec, au Mexique Guatemala
City…et des nostalgies multiples pour tous ces merveilleux pays, pour les
amitiés qui se sont alors nouées, parfois éphémères , mais durables parfois
aussi..
J’ai
parlé avec nombre de Présidents (Houphouët, Eyadema, Mobutu, Kerekou,
Ratsiraka,) de ministres des finances, du commerce ou de l’agriculture, des
hommes politiques d’ici et d’ailleurs…
J’ai
parlé aux banquiers de tous les continents... J’ai eu enfin les poches pleines,
l’argent entre les mains, les voyages en Concorde ou en première, les grands
hôtels, les meilleurs restaurants, les jolies filles, les plus belles voitures,
les avions privés et les Yachts…
Mais cette course non plus ne menait nulle part,
le but était la course elle-même, je suis tombé, je me suis relevé et j’ai
repris la route et mes errances en Afrique du Sud après l’Apartheid, en 97,
pour revenir à Paris à l’aube du XXI ème siècle.
Nostalgie…Il
me faut aujourd’hui trouver ma joie au milieu des tristesses, mon bonheur au
milieu des malheurs, mon rire au milieu des pleurs, et ma sérénité au milieu
des convulsions.
Guerres,
attentats, meurtres, pauvreté, misère, faim, mort. Il faut arrêter le spectacle
mais qui pourra nous rembourser ?
Collectionneur
de latitudes ayant beaucoup vu et beaucoup appris, égrenant mes souvenirs, je
veux me persuader que la fraternité des individus saura surmonter la folie
meurtrière des Hommes.
Sam
Mezrahi
J’ai écrit cet article il y a
quelques années, à la demande du CLUB DE L’AMITIE
faisant partie de
- - - - - - - -
Voici un exposé détaillant les
préparatifs habituels de
Comme chacun le sait, durant cette semaine là nous
consommons de
Bien que la célébration de cette Fête soit réalisée
sur les mêmes bases et les mêmes prières par les Juifs du monde entier, il y a
quand même quelques petites différences sur certains détails et certaines coutumes d’un pays à l’autre. Surtout dans
les Pays du Moyen-Orient dont l’Egypte, l’Algérie, le Maroc,
Voici comment on célébrait cette Fête en Egypte du
temps où nous vivions là-bas c’est-à-dire il y a 50 ans. Je me base,
naturellement, sur mes souvenirs personnels et je demande l’indulgence de toute personne
d’Egypte qui constaterait un oubli ou une interprétation ne collant pas
parfaitement à
LES
PREPARATIFS.
Les achats :
Pour qui connaît l’importance de cette fête, les
traditions, la ferveur des pratiquants, surtout il y a plus d’un demi-siècle,
il comprendrait facilement l’état d’esprit de ma mère à l’approche de Pessah.
Pour vous en donner une idée, sachez que tout,
absolument tout, devait être engrangé durant les deux ou trois semaines avant
la fête.
D’abord et avant tout la mazza ou pain azyme, puis le vin, la farine cachère*, le sel gemme
et le sucre en cônes qu’on pilait à la maison, le riz en couffin, l’huile en
bidon de
Tout était acheté cru et préparé à la maison pour
être sûr qu’il sera strictement cachère*. Il n’y avait que les légumes, les
fruits et la viande que l’on se
procurait au fur et à mesure des besoins.
Au Caire, où nous vivions, il y avait à
Un mois avant Pessah, ces boutiques étaient pleines
à ras bord de tout ce qu’il fallait pour cette Fête, ainsi qu’un assortiment de
charcuteries délicieuses. Je n’ai jamais retrouvé ailleurs,l le goût de leur
salami.
Mon père se fournissait habituellement chez un
certain Monsieur Barzel et, au fur et à
mesure de la réception des achats envoyés par lui, ma mère, mes sœurs et la bonne triaient,
lavaient, torréfiaient, grillaient, épluchaient et… pilaient. Le pilon ou
mortier, était un récipient profond en cuivre en forme d’urne évasée, sur un
socle plat, avec un battant du même métal. Pendant des jours et des jours sauf
durant la sacro-sainte sieste d’après déjeuner, l’immeuble entier résonnait de
son boum-boum-boum affolant bien que, pour amortir le bruit , on ait glissé
dessous un sac en jute vide, plié en huit.
La mise en place :
Nous avions à la sandara
(le grenier) une grande caisse en bois contenant les ustensiles de cuisine
strictement cachère, réservés spécialement pour la fête de Pessah : marmites, casseroles, louches,
etc. qui étaient là depuis Pessah précédent. Car il n’était pas question
d’utiliser la batterie de cuisine de tous les jours.
A cette époque, tous ces ustensiles étaient en
cuivre. L’aluminium n’existait pas encore. Alors, on
faisait descendre cette caisse et au premier passage du Rétameur Ambulant, on le hélait et il
rétamait le tout. Ceci fait, ma mère procédait à la cérémonie de
On mettait sur le feu une grande marmite pleine
d’eau et contenant le maximum de pièces de cette batterie. . D’autre part, il y
avait un très gros clou d’une vingtaine de centimètres, réservé spécialement à
cet effet, que l’on faisait chauffer à blanc.
A l’ébullition de l’eau , ma mère
plongeait le clou chauffé dans la marmite tout en récitant la prière de
Eradication du Hhamess.
On vide tous les placards, armoires, cuisine, salle
de bain, toilettes de tout ce qu’ils contiennent. On nettoie à fond et on
replace le tout, bien propre. Même les habits étaient brossés, les poches et les plis des pantalons retournés et
brossés également. Le carrelage de la maison, les portes et fenêtres et même
les lustres étaient lavés et astiqués.
Kol Hhamira.
C’est la recherche de tout aliment Hhames qui peut
encore exister dans la maison et que l’on doit brûler. Mais il était peu
probable de trouver quoi que ce soit de tel après les opérations de nettoyage
ci-dessus. Alors, afin qu’il ne reste aucun doute sur cela, l’usage voulait que
l’on mette un petit morceau de pain derrière chaque porte de l’appartement et, 24 heures avant le Séder, le chef de famille
muni d’une bougie allumée et d’une paire de pincettes, entouré de sa femme et de ses enfants, il
venait ramasser ces morceaux de pain en récitant le passage suivant :
« tout levain et toute substance levée qui se
trouveraient encore en ma possession et que je n’aie ni vus ni enlevés, doivent
être considérés comme détruits et comme n’étant plus que des grains de
poussière. »
Mon père recommençait la prière adéquate autant de
fois qu’il le fallait jusqu’à cachérisation complète de tout l’appartement. KOL HHAMIRA, derrière chaque porte que
comprenait la maison : chambres à coucher, salle à manger, salon, cuisine,
etc. Alors, tout le monde était rassuré qu’il n’existait plus à la maison même
pas l’ombre de quoi que ce soit de HHAMES.
Et on brûlait tout ce qui avait été ramassé.
Préparation des mets
Le jour d’avant la veille de
Cette
histoire illustre un proverbe de l’époque qui dit : les fêtes des Juifs se
passent dans les cuisines.
Le Sédèr.
Enfin,
le grand soir arrive ! Depuis le matin, ma mère aidée de mes sœurs avait
préparé TOUT ce qu’il fallait pour le Séder ainsi que les préparations recommandées pour ce grand
jour pour accompagner les bénédictions et ce, dans l’ordre traditionnel.
La table du Sédèr est dressée avec la
plus belle nappe et les plus beaux couverts et accessoires.
Et on commence à lire
Enfin,
A la fin du repas, on récite encore la
prière traditionnelle pour remercier le Seigneur et on passe avec joie et
exubérance à
LE DEROULEMENT DE
Il est évident que les repas de cette
semaine ne sont pas tout à fait comme ceux des jours habituels. La raison
principale est le remplacement du pain par
Toujours à cause de
La sortie de Pessah.
Enfin,
le dernier jour arrive. Pour le dîner de ce soir-là, on achète et on prépare
le maximum de denrées dont on a été
privé durant la semaine qui vient de finir.
Voici
quelques-uns dont je me rappelle :
Le
salé : d’abord du pain, plusieurs genres de pain. Puis, des fromages, des
salades : l’orientale, composée de concombres, tomates, poivrons
verts, oignons frais et persil, puis de tehina
, celle d’aubergines et poivrons grillés, les fameux foul et falafel, des
boîtes de conserve de sardine, de thon, le fameux fesikh qui est un poisson mariné dans de la saumure, des salaisons, de la tarama, de la boutargue, le
tout accompagné de mékhalelates (pickles ou variantes) d’oignons verts genre
cebette, de la malana qui sont des tiges portant des pois chiches encore verts,
si bon à croquer ,etc. puis
Le
doux : des gâteaux de toutes sortes : baklava, konafa, ménena ,etc.
du riz au lait, du miel, du beurre, de la halawa, etc .
Les
boissons alcoolisées comme whisky, raki, un genre d’anisette et les bières de
Et
enfin, les boissons sucrées :
limonade Spathis, Coca et Pepsi Cola, Fanta, Sico, etc.
En
même temps on pare la maison de tout ce qui symbolise « la bonne augure
pour l’année qui vient. » On met sur chaque battant de porte ou de
fenêtres ainsi que sur les cadres
portant les photos et les peintures, des tiges vertes de malana, pois chiches encore verts. Et au seuil de
chaque porte on jette des feuilles vertes de laitue.
Le lendemain, dans la matinée, on monte au grenier
la caisse contenant la batterie de cuisine cachère, pour Pessah de l’année
prochaine, incha’allah.
Deux souvenirs me reviennent à propos de
Voici encore un autre souvenir. Parmi tous les
achats de Pessah il y avait aussi les biscuits cachère. Il y en avait de deux
formes. Les ronds étaient plus tendres que les rectangulaires qui étaient
croustillants. Ils étaient autant
appréciés les uns que les autres .Ils étaient emballés en paquets
d’un demi kilo dans du papier kraft bleu marine. Chaque
année, mon père en achetait dix paquets de chaque que l’on mettait en haut
de la grande armoire normande qui se
trouvait dans la chambre à coucher de mes parents, loin de tout aliment
hhamesse (non cachère). Et, bien avant la fête, invariablement, chaque matin au
moment du petit déjeuner, il envoyait l’un des enfants prendre un paquet qui était
immédiatement consommé. Au fur et à mesure que les jours passaient, le nombre
de paquets diminuait et, trois ou quatre jours avant Pessah, mon père achetait
de nouveau une vingtaine de paquets. C’était devenu un rite.
La recette du
Hharossed des Juifs d’Egypte
Ingrédients :
½ kilo de dattes SOUPLES dénoyautées - ½ kilo de raisins secs (la variété noire
sans pépins, qui sont tout petits) - 3
ou 4 cuillerées à soupe de sucre, des cerneaux
de noix concassés autant et suivant le goût de chacun + 1 verre de vin rouge (facultatif).
Préparation :
Bien laver les dattes et les raisins secs. . Mettre dans une casserole et
couvrir d’eau. Laisser tremper toute
Reçu le 11 janvier
2014
A l’époque, il y a fort longtemps, Nous avions une cabine donnant sur la
petite baie de la plage de Stanley. C’était un peu la cabine du bon Dieu,
réunion de nos amis. Par la suite, cette dite plage a commencé à
« ramasser » une faune peu recommandable, aussi nous l’avons
quittée, un peu à mon corps défendant..mais là n’est pas le récit que je
m’empresse d’écrire.
Donc à l’époque bénie où Stanley était encore bien fréquentable,
les gens du Sud, « saayda » (je n’ai aucun de parti pris, ce sont des
gens charmants mais..vous allez comprendre par la suite), venaient se
« tremper » dans cette petite baie, je dis « se tremper »
car ils ne savaient pas nager, mais agitaient les bras et avançaient
rapidement. Nous étions un peu étonnés, et curieux nous les avons observés.. le
hic de cette histoire, c’est qu’ils marchaient sur le sable du fond et
les mouvements des bras simulaient la nage.. ok, c’est encore un choix, et
pourquoi pas ?, mais l’affaire se corsait quand leur libido se réveillait
en voyant ces jeunes filles en fleur affriolantes se jeter à l’eau, et cédant à
l’impulsion, ils avançaient subrepticement vers elles et pinçaient allègrement
les fesses à qui mieux mieux. Donc les vendredis, jours de leur congé, on
évitait évidemment de leur prêter nos « arrière trains » ! quand
j’y pense je souris, mais à l’époque, je ne souriais pas du tout. Une des fois,
je me baignais avec mon papa, l’eau était trouble, et un gars a plongé (ça ils
savaient le faire, ça au moins pour les besoin de la cause) et ne voyant pas
très bien a qui appartenait l’objet de convoitise, a pincé mon papa, il l’a
bien regretté, car sur-le-champ il y reçu une « ruade » de papa en
échange. …AYOU
fin de l’histoire…. Helwa wala maltouta ? comme ma dada nous
disait à la fin d’une histoire qu’elle nous racontait... vous souvenez-vous de
cette expression ? (c.a.d. Jolie ou moche ??)
ciao à tous, et bisous … pourquoi pas ?
amicalement
viviane iskander- pully suisse
Janvier 2014
Reçu le 7 décembre 2013 de Monsieur David
YADID :
MON EXODE D’EGYPTE A L’AGE DE 9 ANS
David
YADID
En haut moi à l'Ecole Lucien de Hirsh à Paris.
Première ligne:
Maman enceinte de moi, Papa, mes sœurs Ginette et Ada à Alexandrie; Maman, moi
bébé, Ada et Ginette; les mêmes avec Papa; Ginette en habit scout de la Maccabi
et moi;
Seconde ligne:
ma mère, Ada, mon père, Ginette et moi;
Ginette et moi à Alexandrie. mon père ma sœur Ginette et moi au balcon
du 38 Rue Rodier Paris 9; la Nona Regina Cohen-Hemsi née à Smyrne en Turquie.
Quand je devais
envoyer une carte postale et que je disais à maman que je ne savais pas quoi
écrire, elle me répondait: « Commence déjà par inscrire l’adresse ». Je ne sais
par quel mystère, cela déclenchait ensuite en moi des tas d’idées.
Donc,
commençons par l’adresse.
Nous habitions
Rue Amir El Kadadar au premier étage,
juste au-dessus d’une imprimerie dont j’entends encore les rotatives, et
pas très loin du grand musée du Caire où j’allais parfois traîner, sans me
souvenir comment je faisais pour entrer, sans payer bien sûr.
Mes premiers souvenirs sont ceux de maman dans
la cuisine, préparant de l’eau de rose avec un alambic ou faisant bouillir
de grandes dattes noires délicieuses qui
fondaient dans la bouche. Elle refusait de jouer avec moi et finalement je
jouais tout seul avec mes doigts transformés en un bateau imaginaire (mais
prémonitoire!), qui voguait sur la mer d’Alexandrie vers laquelle nous partions
tous les étés, pour échapper à la chaleur du Caire.
Quand nous
arrivions là-bas avec mes deux sœurs, ma mère et mon père (parfois la Nona
Régina nous accompagnait), nous montions une rue dont le sommet se terminait
dans le ciel. Alors, brusquement l’odeur de la mer et de ses varechs iodés me
prenaient tout entier dans un délice de plaisir et de promesses enchantées, de
sable jaune et chaud et de baignades trépidantes.
La Nona Régina était ma grand-mère
maternelle. Je la vois encore sur le
quai, le jour de notre grand départ, nous disant au revoir de sa main tendue,
et moi sanglotant tout seul près d’un jeune couple que je ne connaissais pas,
mais qui essayait de me consoler. J’avais neuf ans, je sentais que quelque
chose de grave se passait, mais je ne me rendais pas compte à quel point cet
évènement allait bouleverser ma vie.
Je devais avoir trois ans quand un matin,
sur un balcon en face de notre maison, à gauche du bâtiment qui deviendrait
plus tard propriété de la « Maccabi » (un mouvement sioniste scout), des
Italiens avaient hissé un drapeau. Je trouvais cela réjouissant à la grande
désapprobation de mes parents, inquiets
et angoissés par l’avancée des troupes
de Rommel. Cette angoisse, que je
percevais souvent car elle est restée gravée dans mon cœur, étreignait maman et
passait directement comme un fluide dans mon petit corps sensible. Je l'ai
perçue quand des affiches antisémites étaient placardées partout sur les murs.
L’une d’elles représentait une main tatouée d’une Maguen David, contrainte de lâcher, par la
force d’une poigne « salvatrice », un long et hideux couteau pointu d’où
coulaient des gouttes de sang bien rouges. Je l’ai perçue aussi quand nous
parvenait la rumeur et le grondement menaçant et sourd, d’une foule énorme de
manifestants. Et aussi le soir où nous étions au cinéma appelé Rio, et qu’un
égyptien employé de ce cinéma est venu nous prévenir qu’il fallait fuir. Maman m’a pris dans ses bras et a couru avec
mes sœurs effrayées jusqu’à notre maison, qui heureusement n’était pas très
loin.
Ce cinéma en plein air m’évoque d’immenses
crêpes poudrées de sucre blanc dont je n’ai jamais retrouvé le goût. Je me souviens
également des films en arabe pendant lesquels j’attendais impatiemment que les
longues litanies d’une chanteuse éplorée s’arrêtent pour que l’action reprenne
; ainsi que des films américains pleins
d’actions pendant lesquels je harcelais mes sœurs pour qu’elles me traduisent
les dialogues. Malheureusement, mon père avait décidé de m’envoyer à l'Ecole
des Frères où l’enseignement se faisait en Français, alors que mes sœurs, que
je voulais absolument rejoindre, étaient à l’Alvernia, une école anglaise tenue
par des religieuses chrétiennes. Afin de
retrouver mes sœurs dans cette école, je suis devenu célèbre dans la famille
quand pour prouver mes grandes capacités, j’ai annoncé à la Mère supérieure que
j’étais maintenant assez « haut » pour tirer
la chasse d’eau des toilettes!
Je n’ai jamais compris pourquoi nous
atterrissions tous dans des écoles religieuses catholiques, alors que mon père
était un Juif fervent qui mettait les tefillins tous les matins, et faisait la
prière tourné vers le ciel devant une grande fenêtre donnant sur une cour.
Pourquoi, alors que je le demandais, n’avais-je pu suivre des cours d’hébreu
comme mes voisins et amis Sami et Berti ?
Sami et Berti… Avec eux nous faisions dans la
rue des parties de gendarmes et voleurs
échevelées durant lesquelles on se donnait totalement, courant dans tous les
sens malgré la chaleur. Il y avait aussi mon amie Joyce Alouane, avec ses
grands yeux bleus et ses longs cheveux blonds et lisses. Sa famille venait du
Liban. Nous faisions de grandes parties de Monopoly, de dames, d’échecs ... On
disait que l’on se marierait quand on serait grand. Une fois, elle m’a demandé
de l’attendre en bas d’une maison pour cinq minutes. En fait, elle se rendait à
un cours de piano, mais j'ai quand même attendu son retour. Fallait-il que je
tienne à elle! Un autre de mes compagnons de jeux était Mabrouk. Quand j’étais
trop dans ses jambes, maman me disait : « Va jouer avec Mabrouk!». Il
s'agissait d'un petit garçon que son
père avait laissé dans notre famille, car il ne pouvait plus le nourrir, bien
que son nom signifie en arabe à la fois: bravo, félicitations, quelle chance tu
as !
Plus tard, à Paris, quand nous étions au 38
rue Rodier dans le neuvième arrondissement, je pensais avoir retrouvé des amis.
Nos voisins s’appelaient Pierre et Jean et étaient tout comme moi élèves de
l’école de la rue Milton. Un soir après l’école, je jouais aux gendarmes et aux
voleurs avec eux, comme avec Samy, Berti et Mabrouk. Je me donnais à fond comme
si j’étais à nouveau au Caire, quand brusquement ils sont partis en disant
qu’ils ne voulaient pas jouer avec un étranger.
Déjà dans ma
première école en France, celle de la rue de la Victoire, j’avais éclaté une
fois en sanglots en pleine classe, car un enfant m’avait traité méchamment
d’Egyptien. Les Egyptiens eux, nous traitaient
de sales Français… Nous étions Français depuis des générations et le
Français était la seule langue que je parlais couramment. Heureusement, la maîtresse a aussitôt pris ma défense, et
je me suis ainsi senti officiellement soutenu et accueilli dans mon nouveau
pays. Qu’est devenue cette maîtresse ?
Sait-elle que ce jour- là elle a sauvé un petit enfant de la désespérance et
lui a donné, avec son école de la république, un cadeau magnifique qui s’appelle
la France?
Ce pays,
je me l’imaginais déjà depuis l’Egypte, car mon père m’avait finalement
inscrit au Lycée Français du Caire. En effet, mes résultats étaient
catastrophiques dans cette école de frères si étouffante et si sévère, où l’on donnait des coups de règle
sur la paume de nos petites mains et même sur le dos des mains si la punition
était plus sévère. Bien au contraire, un vent de liberté soufflait au Lycée
Français. Nous avions une maîtresse qui nous parlait souvent de la France. Elle
nous disait qu’il y avait des arbres tellement grands et nombreux qu’ils
pouvaient cacher le ciel ; elle nous parlait de forêts et de prairies vertes,
de fleurs et de champignons. J’étais fasciné, moi qui ne connaissais que des
palmiers ou dattiers épars, et pensais
que seul le vent du désert était capable de nous cacher le ciel en nous entourant d’un nuage de poussière
orange ou jaune, suspendu et oppressant.
J’avais finalement retenu de tout cela
que Paris était une grande colline toute couverte d’herbe verte avec des fleurs
et des oiseaux inconnus chez nous, tout cela bien sûr sous un ciel bien bleu.
Quel fut mon étonnement quand débarquant du
train à Paris, serrant surtout bien fort la main de Maman, je m’aperçus qu’il y avait peu d’herbe et plutôt de grands
immeubles bien tristes, car aussi gris
que le ciel. Le chauffeur de taxi méfiant, demanda à maman si elle avait « 20 balles ». Ne comprenant pas, elle lui
fit répéter plusieurs fois puis finit par dire : « quel dommage que nous ayons
laissé toutes nos balles en Egypte… Nous avions plein de balles là-bas !».
Dès les premiers jours de notre arrivée, Maman
avait acheté un chapeau vert avec une petite plume de faisan, qui avait pour
objectif de lui donner une touche d’élégance parisienne, mais qui lui servait
surtout de parapluie. Je me souviens encore du jour où en passant sur un pont,
un bon coup de vent l’envoya voguer comme un petit bateau sur la Seine. Nous
l’avons longtemps suivi de nos yeux nostalgiques… Lui aussi voguait vers une
destination inconnue.
Mon père a hésité quelque temps entre deux
options: rester en France ou partir en Israël. Finalement, après avoir pris
conseil auprès des organisations sionistes, mes parents ont conclu qu'ils
étaient trop vieux et ma soeur Ginette et moi trop jeunes pour être utiles dans
ce jeune pays en pleine construction. Seule Andrée (devenue Ada) qui avait
seize ans, pourrait s'épanouir et être utile là-bas. Ada a alors suivi une courte formation en
France dans une Hakchara avec un groupe de jeunes, du même exode, tous
enthousiastes. Puis, malgré
l'appréhension et même l'inquiétude de notre famille, elle est partie pleine
d'allégresse avec ce groupe, pour rejoindre la terre promise.
A Paris, nous habitions à quatre une
minuscule chambre de bonne mansardée au sixième et dernier étage d’un bel
immeuble de la rue de Trévise dans le neuvième. Comme avec nos bagages il n’y
avait de la place que pour un seul lit à une place, nous y dormions à quatre
dans le sens de la largeur, nos jambes posées sur nos valises. Le soir, quand
le vasistas de notre plafond pentu ne nous éclairait plus, nous allumions des
bougies, lassés d’entendre la gardienne hurler du rez-de-chaussée qu’il fallait
arrêter d’utiliser la minuterie.
Ruiné et chassé par les nouvelles lois
égyptiennes, mon père qui était négociant en farine et avait plusieurs
employés, a réussi au bout de quelque
temps à récupérer une petite partie de sa fortune. Cela lui a finalement permis d’acheter un
modeste appartement agrémenté d'un balcon au quatrième étage du trente-huit rue
Rodier. Maman a commencé à faire de la couture pour les grossistes du Sentier
et papa est devenu représentant de commerce. Il montait chaque jour les étages
des immeubles, faisant du porte à porte pour faire déguster et vendre du vin
d’Algérie (de Mascara entre autres).
Quand papa a eu ses problèmes de santé, maman est devenue poinçonneuse de tickets dans le métro
parisien. Elle travaillait une semaine très tard le soir et la suivante très
tôt le matin, une fois pour fermer les grilles du métro et l'autre fois pour
les ouvrir. J’entends encore sa respiration haletante, le matin à l’aube. Elle
soufflait ainsi pour se donner de l’énergie, afin d’atteindre à pied la station
parfois lointaine qu’elle devait ouvrir.
Malgré sa fatigue, elle m’aidait le soir à faire mes devoirs entre deux tickets
à poinçonner quand j’allais la retrouver à la station.
Fortunée Hemsi, ma mère, était née d’une
famille sépharade cultivée, descendant des Juifs chassés d’Espagne par Isabelle
la Catholique. Elle parlait couramment le ladino et échangeait souvent dans
cette langue avec sa famille. Elle aimait la poésie et le piano, mais elle n’a
pu en jouer à nouveau que bien plus tard, quand ses 3 enfants (ma sœur Ginette
née au Caire comme moi et mon petit frère Claude né à Paris) ont moins été à sa
charge.
Aujourd’hui encore, je fais régulièrement des
rêves de départ et d’abandon. Il
s’appelait le « Pace », ce bateau qui nous a définitivement déracinés et nous a
débarqués à Marseille; c’était un bateau italien tout blanc qui sentait par
endroit le mazout. Cette odeur combinée au roulis de la mer quand il y avait de
la houle, nous rendait malade. Néanmoins, je me souviens de bons moments.
J’entends encore une voix émanant d’un haut-parleur grésillant, hurler: « Ké
touti les passiagiéri montez sur le pont ». On nous distribuait alors de
délicieux gâteaux et parfois d’énormes prunes rouges bien juteuses jusque-là
inconnues de nous. Je suivais des parties d’échecs et j’observais la mer, ses
dauphins et ses poissons volants.
Arrivés à Marseille, nous avons eu «la
chance» d’être parqués dans une grande résidence en dur et pas sous des tentes
comme beaucoup d’autres. Je me suis rappelé de cela récemment quand j’ai appris
que l’un de mes étudiants s’appelait Zéboulon. Cela m’a ému, car c’était le nom
de notre camp et toute cette période a brusquement rejailli dans ma mémoire. Un
matin très tôt, alors que ma mère et ma sœur dormaient encore, mon père m’a
réveillé et habillé. Il m’a emmené dans un autobus où se trouvaient d’autres
enfants. Je me suis senti tout seul,
oppressé, pour la première fois abandonné de ma famille. Cet autobus partait pour le château de Vouzon près d’Orléans. Il
faisait de plus en plus froid et à un arrêt dans un café, j’ai posé mes mains
sur un Godin au charbon surchauffé. La brûlure m’a appris d’un seul coup que
j’étais dans un pays où l’on se chauffait et
qu’il fallait de plus utiliser ce genre d’appareil sans les toucher!
Arrivé à Vouzon, j’étais bien sûr très triste
et j’envoyais dans une orthographe approximative, de longues lettres
larmoyantes à ma mère. Ces lettres étaient toutes censurées. On m’a accordé un régime de faveur, car je
pouvais passer de longues heures en compagnie de la directrice qui faisait de
son mieux pour me consoler, mais ne pouvait endiguer le chagrin d’un enfant qui
venait à la fois de perdre son pays, son
foyer, ses amis, et perdait maintenant sa famille. En Egypte, j’étais comme dans un
cocon de soie. On m’appelait le roi David et on me chantait: « David Melekh
Israel, Hai, Hai Vékayam,… ». J’étais le plus jeune, un petit garçon adoré de
toute la famille: maman, mes sœurs, la Nona, mon père (plus distant mais fier
de moi). J’étais aussi entouré des amis de l’école ainsi que des enfants de mon
voisinage: Sami, Berti, Joyce, Mabrouk et tous les autres. Ce cocon perdu, je
me retrouvais seul dans ce château de Vouzon, sans espoir, sans personne pour
me consoler.
A ces malheurs devait s’ajouter un
sentiment d’amertume d’être un étranger parmi des étrangers. Des adultes qui
nous encadraient et des enfants rescapés des camps de la mort, nous côtoyaient.
Il devait y avoir du ressentiment par rapport à des privilégiés comme nous qui
n’avions pas connu ces camps nazi et pire encore, qui ne savions compatir à
leurs malheurs, trop imprégnés que nous étions de notre propre désastre. Nous
n’avions donc aucune compassion pour eux et eux, encore moins pour nous. Ils se
montraient même parfois agressifs à notre égard. Dès mon arrivée, j’ai assisté à
une bagarre entre un enfant plus âgé que moi, émigré d’un pays arabe, contre
d’autres enfants rescapés des camps.
Un jour un miracle s’est produit. Ma mère
et ma sœur aînée Andrée (Ada), sont apparues au château de Vouzon. Lors d’une
promenade dans le parc, elles décidèrent de m'emmener. Sans rien demander à personne, abandonnant toutes mes
petites affaires, nous avons pris la fuite vers Paris.
Ce sentiment de non reconnaissance de notre
souffrance, nous l’avons aussi subi à notre arrivée à Paris. Nous avions des
tickets nous permettant d’aller manger dans des cantines casher où l’on
rencontrait ces Juifs des camps de la mort qui se sentaient insultés par des
gens comme nous. Nous étions tellement différents à cause de notre accent, de
nos vêtements et du fait que nous
soyons centrés sur notre drame jugé si dérisoire par rapport à ce
qu'ils avaient eu à subir.
J’ai trouvé aussi peu d’empathie envers ma
souffrance Avenue Secrétan, à l’Ecole Lucien de Hirsh. Beaucoup d’enfants
rescapés des camps me côtoyaient et les évènements terribles qu’ils avaient
subis, faisaient paraitre dérisoire mon propre malheur. Nous avions une gentille surveillante avec un
numéro tatoué sur le bras, qui ne faisait pas de différence entre nous. Elle
était très chaleureuse, tout comme la directrice Mme Picard que j’aimais bien.
Néanmoins au fond de moi, demeurait une vague d’amertume qui freinait mon
épanouissement. Moi aussi j’avais vécu un drame, moi aussi je méritais d’être
compris, soulagé et aimé pour mon déracinement. Quand j’étais plaint et choyé,
c’était en tant que Juif pour le malheur de la Shoah, mais aussi grand eût-il été, ce malheur n’était pas le
mien.
Récemment encore, cette absence de
reconnaissance de la souffrance des Juifs chassés des pays arabes, m’est
remontée à la mémoire. Après avoir fait un don à la fondation COJASOR qui
s’occupe des Juifs démunis, j'ai reçu les remerciements du président de cet
organisme ainsi qu’une lettre
d’information sur ses activités. A la lecture de cette lettre, le sentiment
amer de la méconnaissance du déracinement des Juifs des pays arabes m’a à
nouveau envahi, car s’il était bien question de l’aide aux Juifs de la Shoah, rien n’était indiqué nous
concernant. Les Juifs rescapés des camps
étaient bien identifiés comme une population particulière mais pas ceux
déracinés des pays arabes. Pourquoi cette ignorance? Je me souviens du jour où
ayant finalement quitté l’Egypte pour nous rejoindre, la Nona est arrivée au pied de notre immeuble
parisien. J’ai descendu quatre à quatre les marches des étages pour sauter dans
ses bras. C’était une femme grande, très belle et toujours habillée avec chic.
Elle avait le goût du luxe, au contraire de Maman qui a toujours vécu très
modestement même à la fin quand elle n’était plus pauvre et que nous avions
tous bien réussi. La Nona m’emmenait au
café de la Paix dans le quartier de
l’Opéra où je me sentais tout intimidé et n'osais regarder autour de moi, car
il fallait très bien se tenir pour lui faire plaisir. Derrière cette façade, il y a avait une femme
devenue très pauvre qui justement allait pointer au COJASOR comme beaucoup de
Juifs expulsés des pays arabes.
Après l’école maternelle de la rue de la
Victoire puis la préparation à la 6° rue Milton, on m’a tout d’abord placé dans
un internat au Lycée de Meaux avec ma grande sœur Ginette, car je bénéficiais
comme elle d’une bourse. J’ai détesté
cet internat où je vivais loin de mes parents que je ne pouvais voir que les
week-ends quand je n’étais pas collé. L’année suivante, j’ai été inscrit au Lycée Michelet à Paris.
Cette expérience a été encore plus désastreuse : dès le premier soir j’ai
compris qu’il fallait cacher ma quéquette, ayant vu un enfant se faire tabasser
dans la cour de l’école tout simplement parce qu’il était Juif. Le même soir,
je me souviens de la gêne que j’ai ressentie, en voyant mon père à une fenêtre
éclairée de la cour du lycée, coudre des étiquettes à mon nom sur mes
vêtements.
Après deux mois passés dans ce lycée, je
suis revenu dans l’école de la rue Milton et j’y suis resté de la cinquième à
la troisième. Quand pour diverses raisons je ne voulais pas aller à l’école,
maman me disait d’aller au grenier en cachette de mon père. J’arrivais ensuite
à l’école muni d’une lettre signée de maman. Celle-ci déclenchait toujours à
mon grand désappointement, l’hilarité de l’enseignant. En effet, ma mère lui demandait de m’excuser car j’avais été «
indisposé »! Il m’a fallu du temps pour comprendre de quoi il s’agissait.
Comme j’avais de bonnes notes (surtout en
mathématiques), j’ai pu ensuite
facilement intégrer le Lycée Jacques Decour, proche de la rue Milton.
Rue Rodier, il n’y avait pas de chauffage
dans notre appartement ; la salle de bain c’était la cuisine et nous partagions
les toilettes avec les voisins du même palier. J’étais très admiratif des
jeunes Français du second ; je pouvais les apercevoir sur leur balcon depuis
notre dernier étage (sans ascenseur bien sûr). Ils me paraissaient tellement
supérieurs, si bien intégrés et détendus dans cette société si ardue à
comprendre et à pénétrer pour moi. La
famille s’agrandissait de temps à autre avec d’autres réfugiés qui ne savaient
pas où aller et venaient pour quelques temps s’entasser dans notre petit trois
pièces. Nous avons mis du temps pour apprendre à nous protéger du froid.
Papa mettait du papier journal entre mon
pull et ma chemise, et je craignais toujours que les autres enfants s’en
aperçoivent et se moquent de moi. De
toute façon jusqu’en Cinquième, je me distinguais des autres ne serait-ce que par mon accent : celui des Français
d’Egypte. J’étais pour certains « l’Egyptien », et cela me mettait en rage. Un
jour, alors que nous étions en rang pour entrer en classe, j’ai donné une gifle
à un garçon plus grand et plus fort que moi qui me traitait « d’Egyptien », ce
que je trouvais à l’époque si injurieux. Mal m’en a pris, car j’ai reçu une
volée de coups de poings pendant que comme d'habitude, les autres élèves nous entouraient et
excitaient le combat. On s’est retrouvés
tous les deux chez le directeur une fois que le sang eut cessé de couler
de mon nez. Il nous a expliqué qu’il ne fallait
pas se battre, sans chercher à comprendre ce qui se passait dans mon cerveau en tempête. Une autre fois,
une insulte sur un mur de l’école à mon égard m’a fait convoquer chez le même
directeur pour me signifier clairement qu'il fallait dire à mes amis d’arrêter!
Je me suis rendu compte alors que la logique n’atteignait pas forcément les
grands personnages…
Néanmoins à
mesure que le niveau des classes s’élevait et que mon accent disparaissait, je
me sentais de mieux en mieux intégré et je n’ai plus rencontré dans ma vie
courante ce genre de problèmes.
A quatorze ans, j’entrais dans le
mouvement de jeunesse juive, Hachomer Hatzair qui m’a orienté vers un sionisme
laic complétement engagé à gauche avec un côté scout. On nous transmettait
toutes sortes de connaissances qui éveillaient mon esprit à la philosophie, au
marxisme, aux découvertes de la science, à l’origine de la vie et même à la psychanalyse.
Alors que depuis mon arrivée en France j’avais appris avec le temps à me battre
comme un loup solitaire, Hachomer me redonna le goût du collectif et de l’idéal
humain. En colonie le matin, on montait le drapeau d’Israël et on chantait
l'hymne Hatikva. Il y avait de nombreux tioulim (excursions) pendant lesquelles
nous marchions des kilomètres, sans boire, avec un sac à dos souvent lourd. On
dansait et chantait beaucoup au son de l’accordéon parfois autour d’un grand
feu, et je devenais un Juif de Pologne ou d’Europe centrale sans m’en rendre
compte. Mon identité sépharade n’était même pas imaginée par les membres du groupe, et elle était oubliée par
moi-même et d’autres amis qui eux venaient d’Afrique du nord. J’avais deux bons
amis dans ce groupe, Hubert et Gérard Benhamou (ce dernier voulait devenir
journaliste). Ensemble nous faisions des quêtes pour le Keren Kayemeth Leisrael
(KKL). Une fois, nous sommes entrés dans une boutique qui portait un nom à
consonance allemande, résonnant comme un nom Juif pour nous venant de pays
arabes. L'homme à qui nous nous sommes adressés a été bien étonné de notre
requête car il était vraiment allemand, mais il a tout de même donné son obole
!
En première, j’adhérais aux jeunesses
communistes puis au parti communiste, le seul à défendre vraiment les pauvres.
J'y ai trouvé une seconde famille et des idées de solidarité universelle que je
savourais avec plaisir, car elles faisaient table rase de tous mes problèmes
d’intégration et d’identité nationale. Les hommes sont tous égaux dans la
fraternité contre l’exploitation de l’homme par l’homme et je devenais tout
simplement un camarade parmi les autres.
J’allais vendre
l’Humanité tous les dimanches matins en
haut de la rue des Martyrs. J'ai fait connaissance là-bas, d'un brocanteur Juif
rescapé des camps d’extermination. Il m’a expliqué comment un jour, dans la file où il se trouvait avec
son frère lors de sa déportation, il avait été dirigé vers la gauche et son
frère vers la droite. Il ne l'avait jamais revu.
Lors d’une
manifestation contre Israël, le sentiment du Juif déraciné d’un pays arabe a
vibré amèrement en moi et j’ai quitté définitivement le Parti.
Très tôt, je me suis réfugié dans la
lecture grâce à la bibliothèque nationale de la rue Drouot où je pouvais
facilement arriver depuis la rue Rodier.
J'y ai découvert de nombreux auteurs dont les œuvres me fascinaient :
Alexandre Dumas, Zola, Jules Verne, Stendhal, Steinbeck, Malaparte, Hemingway,
Politzer,…
Assez brillant jusqu’en troisième à
l’école communale de la rue Milton, j’étais devenu plutôt moyen ou même faible
pendant mes deux dernières années au lycée Jacques Decour. Il est vrai qu'il
n'était pas facile de travailler dans notre petit appartement du 38 rue Rodier,
dans le bruit et sans chauffage. J’ai essayé de trouver une classe ouverte dans
mon Lycée, mais je m’en suis fait chasser par un surveillant incompréhensif.
Miracle ! J’ai eu mes deux bacs du premier coup, mais j’ai ensuite beaucoup peiné en prépa de
grande école et aussi pendant mes premières années à la faculté. Mes résultats
ont commencé à s’améliorer quand j’ai
obtenu une chambre dans une résidence universitaire rue de la Victoire ainsi
qu’une petite bourse.
Je militais pour le parti dès le lycée
Jacques Decour. Cette activité me prenait tellement de temps que mon père a demandé à parler à mon professeur
d’histoire M. Barbut, qui était communiste et député, afin qu’il me conseille
de me consacrer à mes études. Il pensait que j'aurais ensuite toute la vie pour
militer. A ma grande surprise, Barbut est effectivement venu me voir pour me
répéter ces paroles. Cependant, je ne peinais pas à l’école seulement pour
cette raison, mais surtout parce qu’apprendre par cœur des connaissances
livresques en grande quantité m’empêchait de rêver, d'inventer, de créer et
nuisait à mon besoin constant de m’évader et de laisser voguer mon imagination.
En Egypte, on m’appelait souvent le « penseur » car j’étais souvent perdu dans
mes pensées. Mon imagination s'éveillait à tout moment, devant les
manifestations de la vie : une mouche, une fourmi, le vent… Ce n’est qu’en fin d’études, quand j’ai pu enfin commencer à laisser voguer en
toute liberté mes pensées, que je me suis révélé et que j’ai pu inventer et
travailler dur dans le plus beau des métiers: chercheur. J’étais sans cesse à
la frontière de l’inconnu, tout en étant utile aux autres!
Mes publications m’ont rapidement apporté une
réputation nationale puis
internationale. Je suis devenu chercheur dans un institut de recherche renommé
et j'ai réussi à obtenir de grands projets européens, décuplant ainsi les
possibilités de développement dans les voies de recherche que j'avais ouvertes.
Je suis ensuite devenu professeur dans une grande université parisienne.
Après avoir milité pour le sionisme au
Hachomer puis au parti, toute ma ferveur militante s’est transformée en un don
total à la recherche, à la science, dans ce merveilleux métier où chacun
s’efforce d’apporter une petite poussière d’étoiles pour toujours agrandir le
savoir humain.
Dans ma maison adossée à la forêt de
Montmorency pas très loin de celle où a vécu quelque temps J.J. Rousseau et où
je vis heureux avec ma chère Myriam, je vois Paris et je peux imaginer ce petit
grenier de la rue de Trévise où nous avons vécu. Je me souviens de mon père
Nessim Yadid, et de l’énergie qu’il a su nous insuffler pour que nous
poursuivions nos études jusqu’au bout malgré les difficultés auxquelles il
avait été confronté en repartant vaillamment de zéro. Je suis surtout
reconnaissant à ma mère, Fortunée Hemsi-Cohen Yadid, pour son amour infini qui
a été notre force. Elle a vécu pauvre à Paris, consentant à tous les sacrifices
avec abnégation. Elle a consacré son énergie et le peu d’argent qu’elle gagnait
à nous nourrir, nous habiller, nous choyer et nous éduquer. La famille s’est agrandie avec mes enfants
chéris, Marguerite et Julien puis mon petit-fils Matéo. Je leur ai déjà raconté
tout cela, mais un jour leurs enfants et petits enfants pourront ainsi lire et
connaître un peu l’histoire de mon exode. Mon petit frère Claude, médecin radiologue à Angoulême est le père de Laura
et Ilan. Ma sœur Ginette, chimiste puis enseignante, habite à Eaubonne. Elle a
repris le flambeau de la tradition. Elle a eu Yves et Sylvie puis trois
petits-enfants. C’est Sylvie qui m’a gentiment aidé à mettre en forme mon
Français égyptien. Ety et Jo mes demi-frères ainés vivent en France depuis
notre exode. Ety a eu trois enfants, Jo deux filles: Diane avec ses 5 enfants
et Eva et ses quatre enfants. Tous maintenant installés en Israël. Ety a eu
trois enfants dont un vivant au Brésil. Notre sœur aînée israélienne Andrée
(Ada à Haïfa), écrivain, poète et
sociologue au Technion, connaît le
succès avec ses nombreuses publications. Elle a une grande et belle
famille de ses enfants Ariel et Talia, qui ont eu trois enfants chacun et l’ont
rendue arrière-grand-mère déjà 6 fois.
Ada est une grande militante pour la paix, elle est l’initiatrice de ce
récit et je milite avec elle pour la reconnaissance de cet exode des Juifs des
pays arabes, malheureusement très ignoré en France et partout dans le monde, y
compris en Israël !
Reçu de (par ordre
d’arrivée) :
Once a magnet for Egypt’s high society when it
was considered the world’s Ritziest tea room, Groppi, set in Cairo’s Talaat
Harb Square, still retains its original mystique although its interior is somewhat
faded. Groppi’s, the creation of Swiss pastry maker Giacomo Groppi, has been
featured in countless films and extensively written-about.
Groppi stands as a living legend and is still a magnet for visitors to Cairo
today. It symbolizes a never to return era; a time of great wealth and
ostentation; the days of the Egypt’s kings, princes, pashas, beys and cotton
magnets when the Egyptian pound was worth more than either sterling or the
dollar.
It was once a place of political intrigue, a venue where historic deals were
done and a beloved haunt of authors, journalists, artists, movie stars and
socialites eager to be seen. Those who remember that glittering era first hand
are dwindling. The few who still remember wax lyrical about those good old
days.
Architect Chafik Nakhla, recalls what Groppi
once symbolised for him.
“Oh how I loved Groppi,” he said with a far-away look in his eyes. Throughout
the 1950s, when we lived in Assiut, we regularly spent our summers in
Alexandria . En route, we would usually stop for a week at the Shepheard’s
Hotel in Cairo .
“We children were not allowed outside the hotel without our governess but we
would persuade Abdou, the family retainer, to go to the Groppi Garden each
morning so as to bring back freshly-baked croissants for breakfast. I can still
taste them now.”
Now steeped in memories of a gentler era, Chafik enthused over Groppi’s Petit
Suisse (sweet fromage frais) and its marrons glacés “better than any in Paris
”. It was then his wife Marian, an English-language teacher at the American
University of Cairo , joined him on his trip down memory lane.
Cairo’s answer to Fortnum and Mason’s
“My parents
would often take me to the garden for ice-cream soda with strawberry syrup,”
she said. “Christmas and Easter were special times when there were always
fabulous displays, a giant Christmas tree, stockings filled with sweets and
goodies, life-sized Santas or huge Easter bunnies. You could say that Groppi’s
was Cairo ’s answer to London ’s Fortnum and Mason’s.”
Adel Toppozada, former Deputy Minister of Information and grandson of former
Egyptian Prime Minister Hussein Pasha Rushdy, describes the area around Talat
Harb during his youth, as “extraordinary”.
“Those streets boasted the best coffee shops and tea-rooms but none could
compete with Groppi’s. It was normal in those days to see the aristocracy
stepping out of a Rolls or a Cadillac for a hairdressing appointment at Socrate
or George or Climatianos, which sold exquisite men’s hats and ties. Those were
the days when the shops were stocked with anything you could possibly want from
Paris , Rome or London .”
“In my student days, we often went to Groppi’s or Locke’s, dressed up to the
nines. These were real occasions and people always looked as though they were
going to a party, the women in long evening dresses and fur stoles. Groppi’s
tea room was the place to people watch and be seen.”
“Kamel Shenawi the journalist and poet had his own table and I often spotted
the author Taufik Al-Hakim, who had a reputation for being a misogynist”.
“During WWII, Groppi’s on Adly Pasha Street (a second branch of Groppi’s) was
frequented by members of Britain’s Eighth Army and was a favourite of General
Montgomery, who came to enjoy jazz evenings in the garden,” says Toppozada.
German prisoners
Indeed,
Colonel David Sutherland, who was characterised by Dirk Bogarde in the WWII
movie “They who Dare”, recounts in his memoirs how he treated two German
prisoners to tea at Groppi’s before turning them over to British
interrogators.
How cruel was that? Oh how those men must have suffered during their
incarceration longing for those delicious flavours and refined ambience that
encapsulated Groppi’s of the day.
A biography of Admiral Sir Horace Law, a descendant of Horatio Nelson,
describes how guests at Law’s wedding party marvelled at a cake made by
Groppi’s, the like of which hadn’t been seen in London for years.
But the British weren’t the only ones milling around Groppi’s during the
war.
According to a statement signed by a Fascist spy Theodore John William Schurch,
a Swiss national who was incarcerated by the British, Groppi’s was the venue
for meetings with his Italian recruiter.
And according to SS archived microfilm, Hitler’s right-hand man Adolph Eichmann
visited Cairo in 1937, where he met with a member of the Haganah on October 10
and 11 at Groppi’s – a meeting that some chroniclers of history would prefer to
erase.
A member of the US 98 Bomb Group recounts an evening spent at the Groppi garden
in the 40s. “Well into the evening, the musicians stopped playing and all
dancers left the dance floor, which was then hydraulically raised two feet to
become a stage for the floor show. There were some very accomplished
performers…I think they were the best floor show acts I have ever seen.”
In 1952, due to its British army clientele, Groppi’s tea room narrowly escaped
destruction. An anonymous eyewitness recounts the day Egyptian protestors
almost burned it down.
“First was the sound of shattering glass of Groppi’s windows. Some of the mob
went inside and escorted the employees safely outside. Some climbed for the
Groppi’s sign and dismantled the Royal emblem (Confisserie de
But Groppi’s swiftly recovered and in later years during the 50s” it was
fashionable to take breakfast at Groppi’s side-by-side with pashas, famous
politicians, artists, writers and editors, such as Ali Amin, Mustapha Amin and
Mohammed Al-Tabei,” says Toppozada.
Former UNESCO official and Secretary-General of the Aga Khan Foundation Said
Zulficar, who lives in France, has rather less pleasant memories of breakfast
at Groppi’s.
“In 1960/61 when I was doing research in Cairo for my PhD thesis, I lived
across the street from Groppi’s at the Tulip hotel, which cost EG 1 per night.
And so I used to have breakfast every day at Groppi’s, which was the “in place”
in Cairo and often sat with other habitués, who assisted me with my research.
These included journalists, historians, an ambassador and several members of
the French commercial delegation (there was no French embassy since the 1956
Suez War).”
“These daily breakfast meetings went on for some three months after which I
fell ill with hepatitis and went to convalesce in my grandmother’s Alexandria
flat. I give this detail because my absence from Cairo saved me from a terrible
fate.”
“One morning, the Secret Police raided Groppi and arrested the whole crowd
under the accusation (totally trumped up) that the French team was plotting
with their Egyptian breakfast colleagues to overthrow the regime. They were
imprisoned for over six months but in the end they were all released as there
was no proof of any such conspiracy”.
“I never resumed my daily breakfasts at Groppi’s, nor have I ever returned to
the Tulip Hotel, which is still there”, says Zulficar.
Leftist conspirators and
secret police
In his book
“Cairo: the City Victorious” Max Rodenbeck describes the ambience of Groppi’s
Tea Rooms and the nearby Café Riche, which both had its share of “leftist
conspirators and secret police…”.
In 1981, Groppi was sold to Abdul-Aziz Lokma, founder of the Lokma Group, its
present owners, explains Khalim A. El-Khadem, Groppi’s current General Manager.
It was then that the bar was closed down and the sale of alcohol banned.
El-Khadem told me that Giacomo Groppi was the first to introduce Egypt to
crème-chantilly and ice-cream and his chocolates were of such fine quality they
received world-wide renown.
King Farouk was so impressed with the excellence of Groppi’s chocolates that
during WWII he sent
These, says El-Khadem, were put on a ship which avoided German submarines by
taking a circuitous route from Egypt to London via West Africa , Spain , France
, Belgium and Scotland . Incredibly, they arrived intact.
The patisserie, the chocolates, the marrons glacés and the jams were made in
Groppi’s factory which still stands today complete with original machines.
“The manufacturing processes were kept strictly secret,” says El-Khadem.
“No single employee was allowed to know every ingredient contained in the final
product. There were always two or three chefs employed; each responsible for
only one manufacturing phase.”
“The recipes were all in French, which the employees didn’t understand, so when
Groppi eventually hired a Swiss-German to run his factory, he was given French
lessons to enable him to read them.”
El-Khadem admits that not all of Groppi’s products today are made according to
the original recipes because consumer demands have changed.
Ibrahim Mohammed Fadel, Groppi’s longest-serving employee, has worked for the
company for 60 years. He worked closely with not only Giacomo Groppi but also
his son and “Mr. Bianchi, who become a partner in the 1940s.”
Naguib Mahfouz
He recalls
the days when the former head of Egypt’s Wafd Party Fouad Serageldin was a
regular of the Adly Pasha branch, and remembers how the Nobel Prize recipient
author Naguib Mahfouz would frequently stop by Groppi’s tea house to read the
newspapers.
It’s a pity that walls can’t talk. Groppi’s encapsulates almost 100 years of
Egypt’s history and an elegant, sophisticated milieu that no longer exists;
except, that is, in the fading memories of those who were privileged to have
been part of that glittering and exciting world.
Sadly there is little doubt that one day all that will remain of Egypt ’s Belle
Époque and Groppi’s glory days will be found on celluloid or deep within the
pages of novels and biographies.
Septembre 2013
Août 2009 – Août
2013 : Il y a quatre ans déjà ! Je ne peux pas m’empêcher de remettre ici
l’Hommage dédié à Victor Sanua lors de sa disparition en AOUT 2009.
HOMMAGE A UN ETRE EXCEPTIONNEL
ADIEU VICTOR SANUA
MON AMI DE TOUJOURS
Victor SANUA vient
de nous quitter…
J’ai fait la connaissance de Victor
SANUA il y a 72 années. Et plus exactement le 15 juillet 1937. J’étais scout à
la MACCABI WORLD UNION de la rue Abdel Aziz et, la veille de ce jour, ma Troupe et moi avions campé à Héliopolis,
une belle petite ville fondée par le Baron Empain à une vingtaine de kilomètres
du Caire, qu’il avait reliée à la capitale par un métro, le seul en Egypte
jusqu’à dernièrement.
Au matin de cette
journée mémorable, nous vîmes arriver un petit groupe de jeunes gens qui
vinrent s’installer près de notre campement ; une quinzaine de filles et de
garçons avec qui nous avons sympathisé rapidement. Nous apprîmes d’eux qu’ils
s’étaient constitués en une association, le Jewish Camping Club, dont les
fondateurs étaient : Victor SANUA, Isy CRESPIN
et Michel CHAMMAH. Par la suite, étant devenus amis, nous nous
inscrivîmes à leur club. Ils avaient un petit local à la rue Kasr El Nil dans
lequel on allait jouer au ping-pong, danser aux sons d’un phonographe, papoter
et organiser les sorties du week-end aux alentours du Caire avec leur petite
tente, plus pour justifier l’appellation de CAMPING CLUB que pour organiser des
campements car leurs parents, à cette époque,
n’autorisaient pas leur progéniture à passer les nuits hors de la
maison, surtout les jeunes filles.
Au fur et à mesure de nos sorties
dominicales vers Les Pyramides, Les Barrages, Le Fort Napoléon, Ezbett El Nakhl
, Méadi, Hélouan, la Citadelle, Haouamdeya,
et tant d’autres endroits, notre amitié fraternelle se renforçait. Je me
suis tant lié avec Victor, Isy et Michel que l’on nous surnommaient : Les Trois
Mousquetaires qui, comme on le sait, étaient Quatre. Il nous arrivait aussi de
sortir tous en barques au clair de lune, autour du pont de Kasr El Nil et nous
chantions les chansons de l’époque : E VIVA EL MARE, LUNA ROSSA, etc. Parfois,
nous organisions aussi des surprises-parties chez l’un ou l’autre : nous
achetions des victuailles, du vin ou de la bière et nous dansions aux sons du
phonographe. C’est chez Victor que j’ai connu ma future épouse, le 31 décembre
1942, au cours du Réveillon organisé chez lui.
Victor SANUA avait
une personnalité charmante, attachante; il incarnait la joie de vivre ;
toujours souriant, aimable, s’intéressant à chacun de nous et, éclatant de rire, il nous mettait tous en
joie. Lorsque on le voyait danser les claquettes comme Fred Astair, avec un
radieux sourire sur son visage, son
bonheur de vivre irradiait de tout son
être. Il a gardé ce merveilleux sourire sa vie durant : je ne l’ai jamais vu
autrement.
Alors qu’il
continuait ses études à l’Université Américaine, ceux d’entre nous qui avaient
dû interrompre les leurs pour travailler, s’inscrivaient aux cours du soir du
Lycée Français du Caire ou bien aux cours de l’Ecole Universelle par
Correspondance de Paris . Et, pour améliorer nos connaissances en Anglais, il
nous réunissaient chez lui une soirée
par semaine. A des dizaines d’années de distance, je me souviens encore du
titre du livre de lecture qui était King Solomon’s Mines.
Puis, les années
passèrent : il partit aux Etats-Unis et notre groupe se dispersât à la suite de
l’Affaire de Suez : Isy Crespin en Israël, Michel Chammah à Paris et moi, à
Marseille. Mais nous étions en relations par correspondance et
téléphoniquement.
Il appartient à
plus qualifiés que moi de parler de ses importants travaux scientifiques et de
ses nombreuses conférences internationales sur l’autisme et autres sujets. Moi,
je voudrais témoigner de son inlassable activité pour la défense de la mémoire
de la Communauté Juive en Egypte dont, entre autres, la création de International
Association of Jews from Egypt, aux Etats-Unis, Canada etc. Voici la teneur de
ma lettre du 08/05/2005 à la réception de son dernier livre :
A GUIDE TO EGYPTIAN JEWRY
IN THE MID-TWENTIETH CENTURY
The beginning of
the demise of a vibrant Egyptian Jewish community .
Cher Ami,
Je constate avec
émotion que tu as mis tout ton cœur et toute ton âme pour construire ce
monument dédié au souvenir de l’Age d’Or des Juifs d’Egypte. Chaque page,
chaque article, chaque photo fait apparaître ton profond désir d’éclairer ce
témoignage de leur présence dans ce Pays et, surtout, pour que le souvenir de
cette présence ne soit pas effacée par le temps qui passe.
Certains
Egyptiens, pour une raison que je ne comprends pas, ont voulu occulter cette
présence alors que ces Juifs ont tout fait pour le rayonnement, pour le
progrès, pour la prospérité de l’Egypte. Et ce, que ce soit depuis le modeste
artisan de Haret El Yahoud jusqu’à Joseph Cattaoui Pacha, Ministre des Finances
de ce Pays, en passant par les innombrables savants, chercheurs, médecins,
députés, sénateurs, juristes, avocats, ingénieurs, industriels, exportateurs,
banquiers, commerçants, écrivains, poètes, journalistes, enseignants, artistes,
etc.
Grâce à ton
travail admirable depuis plus d’un demi-siècle,
le souvenir de cette présence bienfaisante ne risque plus jamais de
s’effacer. En feuilletant ton livre, qui ne représente qu’une petite partie de
ton œuvre remarquable, toute personne, Juif d’Egypte ou étranger à ce Pays,
quel que soit sa nationalité ou sa confession
saura que, durant des siècles, des centaines de milliers de Juifs ont
vécu heureux en Egypte en bonne intelligence et amitié avec les Egyptiens.
Avec mon amitié et
mon affection.
Albert Pardo.
Il est venu me
voir à deux reprises à Marseille et, à chaque fois, nous avons passé la nuit à évoquer nos
merveilleux souvenirs de jeunesse au
Caire. J’ai eu la joie de l’avoir au
téléphone une dernière fois , moins d’une semaine avant sa disparition.
Adieu, mon cher
Victor, mon ami de toujours ! J’attends sereinement mon tour pour vous
rejoindre, toi, Isy Crespin et Michel
Chammah et pour que les Trois Mousquetaires reprennent leurs discussions amicales interrompues ...
Mai 2013
Reçu le 14 février 2013 de
Monsieur
Il y a près de 50 ans je vécus mon premier départ d’Alexandrie.
Je n’étais alors qu’un jeune adolescent de 18 ans, accoudé au
bastingage du vieux paquebot « Samsun », vers fin septembre 1956, avec pour
tout bagage un certificat de Bac dans la poche et quelques pulls tricotés à la
hâte par ma mère.
Mes parents m’avaient donné la somme
maximum autorisée de
Après les affres d’un embarquement
précipité et très bousculé, j’étais maintenant envahi par les angoisses d’un
futur proche plus qu’incertain. Je ne savais rien de ce que serait mon sort
d’apatride, sans documents, après notre arrivée à Marseille.
Les mêmes questions tourbillonnaient dans
ma tête : « Pourquoi ? » et « Qu’adviendra-t-il maintenant de mes parents qui
sont restés de force, et quel sera mon sort, moi qui part tout seul sans autre
moyen qu’un billet sans retour pour Marseille? ».
A bord, impuissant devant ces évènements
qui me dépassaient largement, accroché à la rampe d’acier, j’essayais avec
toute la force de mes pensées de retenir ces bras qui, sur les quais,
larguaient trop rapidement les amarres. Mais bien vite, la ville d’Alexandrie
s’évanouissait dans la brume du crépuscule.
Comme beaucoup d’autres alexandrins qui
ont du partir très vite, j’allais vivre pendant longtemps la douleur de ce
déchirement. Il me faudra des années pour l’évaluer dans toute son ampleur. En
fait, Alexandrie était le berceau où depuis des générations, mes aïeux, mes
parents, mes amis et mon école avaient toujours constitué mes repères
fondamentaux. Qu’allait-il nous arriver maintenant ?
Des sentiments étranges m’assaillaient
pour la première fois. Il y avait bien sûr l’inconscience de mon âge qui me
faisait assimiler ce départ à un jeu, à une grande aventure qui allait
commencer. Mais je me souviens encore de l’angoisse de ce que pouvait me
réserver le futur, celle de ne rien savoir sur ce qui pouvait m’attendre à
l’autre bout de la Méditerranée pour une nouvelle vie où je repartais à zéro.
Et surtout l’incertitude oppressante sur le sort de mes parents que je laissais
derrière moi dans une situation très difficile.
Ces heures furent
le vertige de l’inconnu alors que toute notre vie dépend de quelques réponses,
n’avoir rien pour s’accrocher à ce présent qui s’écoulerait dorénavant dans le
sablier de mon existence. C’est cette prise de conscience qui m’a soudain fait
passer à l’âge adulte : en regardant les autres, je sentais que, comme eux, mon
regard de gosse avait perdu quelque chose dans son éclat, il avait changé en
quelques heures en s’assombrissant d’angoisses.
J’étais envahi de
doutes. Je ne pourrais plus jamais avoir l’approbation des autres, de mes
parents, de mes amis ou de mes chers profs. Dorénavant je devrais prendre des
risques dont j’aurais l’entière responsabilité. Est-ce cela devenir adulte ?
Mon camarade de
classe, le brillant Freddy, était sur le bateau avec moi. Nous nous sommes
revus plusieurs fois depuis, au fil des années. Nous communiquons maintenant
souvent par Internet en vieux copains. Mais je ne lui ai encore jamais dit qu’à
ce tournant de ma vie il a représenté soudain ma seule continuité, mon seul
espoir, car je n’avais jamais encore affronté
C’est ce qu’en
théorie je devais faire aussi, ayant eu la promesse de l’aide matérielle de mon
oncle Victor qui se serait occupé de moi si je réussissais à arriver en
Angleterre. C’est cet espoir, matérialisé par Freddy qui allait le vivre avec
tout le succès qu’il s’est mérité dans sa vie, qui m’a soutenu pendant les
quelques jours de traversée, et jusqu’à notre arrivée à Marseille. Là j’ai
connu la solitude car la réalité m’a vite rattrapé.
Comme la plupart
des passagers du « Samsun », j’étais parti en tant qu’apatride. Je n’avais
jamais eu besoin d’avoir un passeport avant d’être expulsé. Mais, né en Egypte,
donc « égyptien » aux yeux de l’Angleterre, et vu l’état de guerre entre les
deux pays, je ne pouvais certainement pas obtenir le permis d’aller à Londres.
Cette solitude
allait déboucher sur une nouvelle naissance, sur une longue histoire de vie,
qui je l’espère va continuer encore pendant longtemps. Je savais tout le temps
que je pouvais être réveillé et stimulé par cet évènement, ou au contraire, et
tout aussi facilement, être plongé dans une paralysie totale.
J’ai souvent vécu
les deux situations, avec la prise de conscience et l’instinct de rebondir
après l’anesthésie passagère.
En fait et comme
tous ceux qui sont passés par là, dorénavant, je n’avais de compte à rendre
qu’à moi-même, dans le respect des enseignements et de l’éducation que j’avais
reçus jusqu’ici, même si ceux-ci, avec mes 18 ans, n’avaient pas encore été
complètement assimilés et auraient du porter un écriteau « Attention, Peinture
fraîche»
Mais j’ai eu
comme d’habitude énormément de chance, et cette chance m’a accompagnée tout le
long de mon parcours. J’ai pu découvrir des aspects de la vie et de moi-même
qui m’ont permis de rebondir, de recommencer à chaque fois que je m’étais
trompé de chemin, de sélectionner et de consolider toujours mon vécu pour
essayer à chaque fois de structurer une meilleure relation avec moi-même et
surtout avec ceux que j’aime.
Je n’y ai pas
toujours réussi par le passé. Maintenant, dans ma situation actuelle mes choix
sont plus clairement définis et j’ai eu encore une fois beaucoup de chance, il
y a quelques années, de rencontrer ma compagne qui m’a accompagnée pour ce
dernier voyage à Alexandrie.
Le parcours de
cette vie a été un engagement continuel. Il a eu plusieurs fils conducteurs.
Ceci pourrait faire l’objet d’un témoignage différent, car il ne concerne
vraiment que le cercle restreint de ceux qui m’entourent encore aujourd’hui.
Ceux qui ont tellement compté dans ma vie et qui ne sont plus là parce qu’ils
sont partis trop tôt le savaient de toute manière, j’en suis sûr. Les autres le
devineront à l’avenir dans ce qu’ils voudront trouver au plus profond de ce que
je leur aurai témoigné avec mon affection et mon respect de tous les jours.
Pour en revenir à
Alexandrie, comme tous les anciens Alexandrins, j’en ai toujours gardé une
grande tendresse, une nostalgie des saveurs, des parfums, des bruits, comme l’a
si bien décrit Bob dans son livre « Mais d’où venez-vous Monsieur ? ».
J’y suis retourné
quelques fois pour mes affaires, mais sans avoir jamais eu le temps de refaire
un parcours et un état des lieux dans mes souvenirs. Ou plus probablement parce
que bien que réceptif à tout ce qui concerne les échanges avec d’autres
personnes durant le cours de la vie, je n’avais certainement pas le temps de me
réveiller et m’émerveiller à la rencontre de personnes vraies qui auraient pu
jalonner ce parcours à l’envers.
Maintenant j’y
suis retourné en tant qu’homme, oh combien adulte !
Je savais que mon
départ d’Alexandrie en 1956 avait été vécu par un adolescent inachevé. J’étais
tombé alors, depuis le ventre créateur de tout ce que cette ville représentait,
dans un univers totalement inconnu dont la réalité ne m’est apparue que par
petits morceaux, par les bribes d’un vécu qui se poursuit encore aujourd’hui.
Mais j’ai
toujours eu la chance de pouvoir poursuivre mon désir de bien faire plutôt que
de me faire paralyser par la peur de l’inconnu. A l’heure de mon départ en 1956
j’avais été envahi par l’angoisse et la peur du lendemain. Heureusement, c’est
le désir qui a pris le dessus et toute sa place dans ma vie.
Je suis retourné
cette fois à Alexandrie, bien entouré par l’affection de ma compagne de vie,
pour y retrouver des symboles, ceux qui m’ont accompagné, cachés au fond du
cœur, durant toutes ces années. Pourquoi ? Je n’en connais vraiment pas
J’étais très ému
et optimiste ce matin là en arrivant à nouveau par bateau à Alexandrie. Le même
port, les mêmes vieux bateaux rouillés en train de pourrir à l’ancre, les mêmes
épaves le long des brises lames laissées par les batailles de 1945. Et surtout
le même abandon dans ces bâtiments qui jadis avaient abrité les grands
commerces de coton et d’oignons de notre époque. Le temps se serait-il arrêté à
Alexandrie ou aurait-il fait marche arrière ?
Je voulais
proposer à cet évènement une relation plus respectueuse, plus intense, plus
humainement responsable, en dépassant les clivages, le radicalisme et les
incompréhensions qui depuis ont envahi la région, tout le Proche Orient et
maintenant le monde entier. Je voulais pouvoir dire et entendre des choses
qu’autrefois on retenait, on censurait. Où aurais-je pu trouver meilleure
audience qu’à Alexandrie ? Surtout parce que mon ami Sandro m’avait préparé un
accueil de grande qualité en la personne de Madame C. qui nous a consacré tout
son temps pour que je puisse faire mes retrouvailles au Lycée et en ville.
Depuis, je ne
voulais pas écrire quoi que ce soit à ce sujet car mon expérience a été très
dure et elle pourrait être mal interprétée par ceux qui m’ont accueillis si
généreusement. Mais tant pis, par honnêteté intellectuelle, et par respect pour
ces mêmes personnes, je ne peux garder sous silence ce ressenti des mêmes
angoisses : que se passera-t-il maintenant pour Alexandrie, quel sera le futur
pour tous ces jeunes et moins jeunes ? Combien de temps vont-ils poursuivre
dans cette voie avant de s’éveiller comme nous l’avons fait depuis que nous
avons été expulsés ?
Car en réalité,
au terme de ce retour en arrière, j’ai trouvé une ville complètement inconnue,
maladroitement maquillée en surface, où la plupart de mes repères humanistes
avaient disparus. Heureusement qu’ils sont inscrits à jamais dans le cœur de
tous ceux qui l’ont connue à son époque de gloire.
Les seuls
témoignages de sa splendeur d’autrefois, comme le Lycée Français, ne résistent
vraiment plus à la dégradation et au pillage irresponsable que j’y ai constaté.
J’avais toujours
pu faire la différence entre les personnes et leur comportement, mais là la
conduite des dirigeants qui laissent faire est trop lourde à supporter. Les
conditions d’espoir dans l’avenir commun de notre humanité qui justifie de
faire de sérieux efforts sur soi-même pour s’intégrer au développement de notre
société, plutôt qu’à se laisser submerger par celui religieux, si présent
partout, et qui règle dorénavant les comportements de toute cette génération,
et bien, tous ces espoirs ne sont pas là, malgré la réalisation extraordinaire
qu’est cette magnifique Bibliothèque Alessandrina. On ne lit pas cet espoir
dans les yeux des jeunes. On y devine par contre une espèce de résignation
contre ce qui est trop puissant pour qu’on puisse y changer quelque chose tout
seul. Je ne veux pas faire d’autres considérations sur la société d’Alexandrie
d’aujourd’hui qui ne seraient certainement pas à leur place ici. Mais il y a
des enseignements par ailleurs dans le monde où il est évident, que poursuivre
sur ce chemin ne peut que mener à toujours plus d’enlisement dans une société
de plus en plus gourmande et contraignante pour les esprits.
J’ai toujours eu
la chance de rencontres exceptionnelles avec des personnes dont il émane une
sensibilité particulière, une chaleur envoûtante et qui ont toute la simplicité
et la tolérance des grands, et desquelles se dégagent les valeurs humaines de
dignité essentielles qui définissent clairement leur positionnement. Ceci a été
encore une fois le cas à Alexandrie avec Madame C. et son hospitalité, sa gentillesse
et sa sensibilité hors du commun. Mais le contexte ambiant d’Alexandrie a été
tel que cette fois-ci, je crois que j’ai définitivement quitté la ville, au
bout de près de 50 ans de séparation.
C’est ce départ
final qui est le titre de cette lettre.
Aussi, une
nouvelle fois, je me dis que nous les Alexandrins, nous avons eu bien de la
chance de connaître le lait et le miel, avant de partir exilés, pour semer et
récolter ailleurs, dans un monde que nous voudrions libre et tolérant comme
celui de notre Alexandrie d’alors, où l’on peut aimer, engendrer et avoir
chacun notre culture avec l’assurance pour nos enfants d’une vie riche et bien
remplie.
Adieu
Alexandrie ! Tu as été le témoin de mon premier éveil à
l’amour, dans ce port que je quitte maintenant sans regrets. Tu es toujours
dans mon cœur telle je t’ai connue alors, même si tu n’existes plus réellement
que dans mon esprit, avec tous les parfums et la multitude de sensations de mon
vécu d’homme dont tu as été le premier témoin affectueux et attentif.
LA
MOLOKHEYA,
En
Egypte, dans la cuisine judéo égyptienne, deux plats se distinguaient
particulièrement et ils étaient (ils le sont toujours) très appréciés par les
connaisseurs : la molokheya (corète potagère) et la bamia (gombo). A
tel point que, là où ils vivent, dans n’importe quel pays où ils ont choisi de
vivre après avoir quitté l’Egypte, ils n’ont de cesse que lorsqu’ils arrivent à
trouver ou à importer de la molokheya et de
la
molokheya que la bamia,, en cuisant, elles devenaient quelque peu visqueuses et dans leur préparation il y a
certaines épices et beaucoup d’ail dont les odeurs conjugués m’indisposaient
beaucoup. Ce qui fait que je n’ai jamais goûté ni à l’une ni à l’autre. A
chaque fois qu’elle cuisinait la molokheya ou la bamia, ma pauvre mère se
désespérait de mon refus d’en manger et me disait : mon fils, si tu goûtes
et que cela ne te plaise pas, je le comprendrais mais tu refuses même d’y
goûter !!! Et lorsque le souvenir de la molokheya ou de la bamia
m’effleure, j’ai des remords de l’avoir déçue tant de fois.
Voici, à ce propos, une histoire
comique concernant
Reçu
de Madame
PAR:
1911-1984
Transmis par sa fille,
Chaque
fois, chaque fois que Nono prenait le paquet des ordures pour le jeter à la
poubelle en bas, chaque fois il ne pouvait s'empêcher de soupirer après cette
corvée.
Ah
expliquait-il… Nous étions tout petits, et je ne me souviens jamais que
quelqu'un de mes frères ou sœurs aient jamais jeté les ordures. Non.
Les
riches et les pauvres avaient leur ramasseur d'ordures qui moyennant trois
piastres par mois venait chaque matin ramasser les ordures et vider notre
boite. Tous les matins, cela faisait une millième chaque jour… Une millième. Et
ici, ici le plus riche comme le plus pauvre se doit de descendre lui-même ses
détritus… et payer un prix énorme pour qu'on les prenne en bas. Ah ! et cela
sans parler des grèves ou il laissent tout sur le tas.
Et
Nono ne peut s'empêcher de raconter en détail, comment Osta Ahmad vidait dans
sa hotte noire, tous les jours,
Vers
les douze heures il finissait le tour de tout le quartier et, dans le Mestoed,
le bruloir des détritus, de grands tas se dressaient ça et la pour être
détruits. Osta Ahmad séparait les papiers des boites d'étain, et des
épluchures. Si jamais il trouvait une cuillère, un couteau ou même une paire de
ciseaux, il savait juste à qui ils appartenaient et les rendaient à leur
propriétaire. Il avait notre pleine confiance.
Un
très vaste terrain était à sa disposition, et sous le four ou brulaient les
ordures, on avait placé un immense réservoir en fer épais, qui rempli d'eau
chaude desservait le Hamam qui n'était pas loin de
Mais
écoute, ce n'est pas tout. Le feu qui
réchauffait l'eau du bain, faisait cuire lentement entre ses cendres brulantes,
le Foul du Shabat. La terrine en terre cuite, bien bouchée avec un couvercle et
un torchon bien propre enduit de 'tafl' - argile, et il fallait gouter
au foul le mieux cuit et le plus délicieux !
Osta Ahmad menait et ramenait la terrine lui-même, il en avait des
dizaines, des dizaines. Il savait exactement à qui celle-là appartenait et à
qui celle-ci appartenait sans jamais se tromper. Ainsi il vivait honnêtement,
dans cette éternelle besogne, entre les amoncellements de détritus et de
cendres qu'il vendait comme engrais à des fermiers qui de loin venaient la
chercher.
Et
puis attend, ce n'est pas tout… Les vendredis soirs, après les dix heures, il
faisait le tour du quartier et éteignait les lampes de toutes les maisons. Oui,
une à une, chacun à l'heure convenue. Il recevait pour cela un pain, une pita
entière, grande et croustillante et en plus un bout de gâteau. Voila, c'était
la vie d'un pauvre diable, qui encore une fois nous apprend qu'il n'y a point
de sots métiers… il n'y a que de sottes gens.
Et
ici, ici, dans tout ce modernisme effarant, la vie est si dure, si compliquée.
Oui, Nono a raison. Je me rappelle, non seulement au quartier, mais partout, à
Héliopolis à Helwan, à Ghamra… le tarif était trois piastres par mois. Même
dans le grand immeuble à 7 étages de
Mais
ici, c'est autre chose… Nous avons évolué parait-il, en reculant ou en
rétrogradant nos mesures d'assimilation…
Reçu le de Madame Suzy
Pirote Vidal :
Why does Jasmine have such a particular appeal for us ‘Egyptians?’
When I went to school as a young teenager and no longer needed the
school bus, I took Baron Empain’s Metro and went to
On days when the Khamsin winds blew and everything became yellow I
looked at that villa from my class window and imagined a vampire lived there!
In the early hours of the morning, throughout the 10-minute walk to
school I would smell the delightful scent of foll that filled the air and it
charmed me.
But I reluctantly had to go to my jail.
I could have stayed near a jasmine bush for hours had it not been that I
was already late for school and that I would receive a punishment.
There was the special ‘foll’ that the Arabs threaded into necklaces. It
had a very small hollow stem that could be easily formed into a necklace. And
in the evenings in summer either in
It was inexpensive and a cheer delight.
My dear father always offered us,
the women in the family, at least two necklaces each. All through our walk to
an open-air restaurant where he would take a birra Stella and we would jump on
the mezze, we smelled this delightful scent.
Sometimes I tried to keep the foll fresh overnight, but next day it was a
light brown and had lost its scent. What a disappointment! I tried to put it in
the fridge but it did not work out either.
It was one of those fugitive pleasures in life.
Later when we had boyfriends, it
was their turn to offer us these necklaces.
It was a significant gesture, a kind of engagement.
Did we ever wonder at the work it took to give us a quick short-lived
happiness?
We took everything for granted in
Certainly first and above all the
flowers had to be planted.
Then when they bloomed, picked up
one by one. I imagine those villagers sitting down on the ground in front of their
flowers and threading them while exchanging jokes or singing till they had
finished their stock.
They probably earned their living in that way and if they did not
succeed in selling their necklaces, they would go hungry and perhaps only eat ‘eich
baladi ou bassala’.
Some objects remind us of sad moments but jasmine always of happy ones!
I smell this delicate scent and think: oh yes, once I received a
necklace by so and so.
No tears were attached to ‘foll’.
The French perfume industry relies on jasmine. It is the basis of a good
perfume and it fixes the scent whereas some other flowers do not. Before
synthetic perfumes made their appearance, season pickers handpicked jasmine and
their baskets were weighed to know how much each had picked. According to the
weight they got paid what was due to them.
At the World Congress of Jews from
It was a significant gesture. I closed my eyes and smelled this tiny
delicacy and relived the special moments in
When I started to write my books,
the very first one already had its name in my head and it was related to
jasmine. I called it:“The Jasmine Necklace.”
That flower is the symbol of our happy life and tells me so many
stories.
My notebooks and books are full of dried flowers. I have this passion.
And though they no longer have their perfume, they nevertheless remind me of so
many things.
Then 1956 and 57 pointed their ungracious noses and because there were
so many Egyptians happy to get rid of us, we were kindly pushed out to leave of
our own free will. We finally left that country. But what an agonizing
heartbreak that was!
What could be better than this greeting
in the morning Sabah el Foll: reinvigorating, imaginative and personal!
Is it not a thousand times better than a “Good morning” or “Bonjour?”
Imagine yourself waking up
surrounded by the magic of foll. What a way to start a day!
Or when asking someone: Ezaiyak and the answer is Zay el Foll.
Immediately in your head you imagine this is a happy person who is not prone to
grumbling and saying ZaY el zeft!
Or a proud housewife saying of her home that it was zay el foll!…
It was absolutely part of our culture in
Personally and since that departure I have never worn a jasmine necklace
again and I do not know if today with all the pollution of
Ya Khessara! ehna rohna mengher el Foll!
Janvier 2013
Reçu le 27 septembre 2012 de Monsieur Jean
En ces temps anciens,
à peu près contemporains de Lascaux ou d’Altamira, Farouk était roi d’Egypte.
Il y avait des pachas et des beys et l’Egypte ne comptait qu’une vingtaine de
millions d’habitants : des fellahs, des coptes, des italiens, des grecs,
des français en particulier dans la zone du canal (de Suez… ceux-là habitaient
surtout à Ismaïlia et étaient assez prétentieux), beaucoup d’anglais (la
plupart étaient habillés en kaki) et un peu de tout, des juifs, des musulmans,
des chrétiens. On ne résonnait pas par nationalité mais par passeport. Tout ce
monde là vivait en très bonne intelligence mais avec des préjugés venus tout
droit du Moyen-âge. Nous, les enfants, avons été élevés comme au temps du roi
Louis-Philippe, celui qui avait un parapluie et une tête en forme de poire.
Le pavillon national était vert
avec un croissant et trois étoiles blanches, à la fin de chaque séance de
cinéma, il y avait l’hymne national que toute la salle écoutait debout et
l’indicatif des informations à la radio, c’était les trompettes d’Aïda. On
fêtait l’arrivée du printemps en lançant des pétards, c’était Chem el
Nessim. On achetait les gâteaux chez Groppi
et chez Bigel, les pâtisseries orientales chez Hadj el Bekir,
l’épicerie fine chez Lappas et on rêvait devant les jouets exposés toute
l’année dans les vitrines de Robert Hugues rue Kasr el Nil. En période
de Noël, on rêvait aussi chez Sednaoui, Gattegno, Cicurel ou Benzioni.
Le cinéma Rivoli avait un orgue
électrique qui sortait du sol pendant l’entr’acte, le cinéma Metro avait donné
Gone with the wind en 1942 ou 1943 avec des sous-titres en français, le Diana
Blanche-Neige, Le Fantôme de l’Opéra et Les Enfants du Paradis. L’Opéra Royal
était magnifique, tout en bois (il a fini par brûler) : on y a vu Louis
Jouvet, Jean Marais et bien d’autres. Non loin, il y avait le cabaret Kit Kat,
où chantait Om Kalsoum (on n’y est jamais entrés, ce n’était pas convenable à
notre âge).
C’était cela Le Caire de ma
jeunesse, un monde qui n’existe plus
dans un pays qui n’existe plus, dans un temps qui n’existe plus et qui
n’existera jamais plus, ce qui est exactement la définition d’un phénomène
archéologique !
Reçu le 10 octobre 2012 de Madame Suzy
PIROTE VIDAL :
Any Jew who
lived in
Every
Saturday in winter, it was the meeting place of Jewish families, when we still
had a life as Jews .The women went to that garden whereas the men went to the
Synagogue. After the service, the men joined us. My two older uncles Leon and
Jacques handsome in their suits would pretend they did not know us and joined
their friends inside the inner salon. My nonno joined the women.
And the
chattering went on: ‘I saw that one or the other one at the synagogue or did
you hear what happened to that one.! It was the news exchange of the day,
particularly concerning Jewish families.
There was
no cooking on Saturdays because of Shabbat and everything had been prepared
beforehand. The food was re-heated by the ‘khadam’ (the servant) and we just put our feet under the table and
started eating.
Then one
day they had what they called their bloodless revolution. They did not kill us
in the streets but only fools walked the streets! So the weekly meetings at le petit Groppi
vanished from our lives. The great Exodus started with the vast majority of
Jewish families leaving.
Life was
never the same again!
(*) Note d’Albert
Pardo : Chère Suzy, ton texte m'a rappelé que, le samedi soir, nous allions en
groupe d'amis dîner et danser au Grand Groppi situé à la Place Soliman Pacha dont la statue était
au centre de cette place. Le vrai nom de Soliman Pacha, prononcé en arabe
«Solimane Bacha El Franssaoui (le Français)» est : Joseph Anthelme Sève,
un officier français qui se convertit à
l'Islam et devint généralissime de l'armée égyptienne en
Reçu le 12 novembre 2012 de Madame
55 ans après
Le 3 Janvier 1943 est la date de ma
naissance. Je n'ai aucun souvenir de ce jour-là. Le 3 Janvier 1957 est la date
de ma re-naissance et j'en garde un souvenir très précis: l'aéroport de Lod
(Ben-Gurion), pluie torrentielle, froid pénétrant, larmes d'émotion et sanglots
de Papa au contact du sol: "les enfants nous sommes en "Eretz
Israel"! Je ne comprenais pas
encore l'impact de ces premiers pas sur une terre inconnue que mes parents
évitaient d'évoquer auprès des
domestiques. "Eretz Israël, Palestine, Etat d'Israël" ' mots toujours
chuchotés prudemment à voix basse, étaient pour moi énigmatiques et je n'en saisissais pas encore
la portée.
Traumatisée
par les derniers événements en Egypte – la Campagne du Sinaï, les émeutes
contre les Juifs, les masses défilant par milliers dans les rues du Caire,
torches à la main criant farouchement "Edbah el Yahoud" (égorgez les
juifs), les nuits dans les ténèbres, cachés dans le long corridor-abri après le
couvre-feu , je me sentais soudain
perdue! Maman avait beau nous rassurer, l'incertitude me rongeait. Des
larmes d'indignation et de douleur m'étranglaient à l'idée d'abandonner à la
hâte la maison où j'étais née et où j'avais vécu des années heureuses. Nos
livres tant aimés, nos cahiers jonchaient le sol. Des valises remplies de
vêtements et quelques objets jetés pêle-mêle étaient désormais le seul bagage
emporté! Tout le reste était offert à un officier égyptien qui s'était emparé
de tous nos biens pour une somme dérisoire. L'usine de textile gérée par mon
père ayant été séquestrée par le gouvernement de Nasser en décembre 1956, il ne
nous restait aucun autre choix: il fallait se sauver le plus vite possible
avant la grande catastrophe.
Ne
plus revoir mes amis intimes, mes amis de classe, mes professeurs, mon école,
le lycée français de Babelook, où je venais de commencer l'année du brevet! Me
séparer des paysages familiers et tant aimés: le pont Kasr-El-Nil, les jardins
japonais, le café Groppi au coin de la rue, les pyramides où nous allions
toutes les semaines et…surtout les sables doux et chauds de Ras El Bar située
dans le delta du Nil à l'embouchure du
Nil et de la mer méditerranée. Véritable paradis où nous passions les mois de
juillet et Août, logés dans des huttes de bambou. L'air, le soleil, la mer, les
balades en barque sur le Nil, cette eau bleue et limpide où Papa nous avait
appris a nager et que je n'ai retrouvée nulle part depuis. Les souvenirs du parfum envoûtant des guirlandes de jasmin
portées par les nuits d'été, de la saveur des beignets (lokomadis) dégustés au
petit déjeuner, du son apaisant et grisant du vent chaud soufflant dans les
voiles de la felouque – ces souvenirs restent toujours vivants en moi.
"Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après
la destruction des choses, seules plus frêles mais plus vivaces (…) plus
fidèles, l'odeur et la saveur restent longtemps, comme des âmes, à se rappeler,
à attendre, à espérer (,,,) à porter (…) l'édifice du souvenir."(Proust, A
la recherche du temps perdu).
D'un
coup, j'étais cruellement arrachée à tout ce que je chérissais et qui me
procurait bonheur et sécurité. J'étais épouvantée à l'idée de commencer une
nouvelle vie, apprendre une nouvelle langue , m'adapter à une culture
différentes! Jusqu'à ce jour, j'étais d'une timidité foncière, toujours un peu
renfermée en-moi-même, je parlais peu.
Ce 3 Janvier 1957 ouvre une ère nouvelle dans ma vie.
Tout
d'abord, mes parents ont joué un rôle des plus importants dans ma vie
d'adolescente. En dépit de toutes les difficultés prévues, j'ai appris, grâce à
leur optimisme, leur courage et leurs encouragements, à surmonter les obstacles
et à me frayer une voie dans "la jungle" israélienne. Je suis
consciente du patrimoine qu'ils m'ont légué: patience, tolérance, savoir-
vivre, assimilation facile, sensibilité,
ténacité, humour, joie de vivre , tant de valeurs morales universelles
(caractéristiques aux juifs d'Egypte) dont j'ai été imprégnée tant à la maison
qu'au Lycée Français .
Puis,
nous avons eu la chance d'avoir été accueillis par la sœur de ma mère et sa famille
déjà installés à Haïfa depuis les années 50. Leur générosité et leur affection
nous ont sauvés de
Il
m'a été très difficile de subir l'agressivité des jeunes sabras, le manque de
politesse et leurs stéréotypes provenant de leur ignorance de cultures
différentes de
Après
le bac, le second baptême du feu était Zahal : période éprouvante et
passionnante vécue dans une unité d'élite qui m'a ouvert les portes d'un monde
mystérieux et édifiant. Durant 2 ans de service militaire, j'ai vécu une
expérience rare et précieuse source de savoir, savoir-faire et savoir-être qui
m'inspirent et me guident dans tous les domaines tous les jours.
Les
nombreux "putschs" dans plusieurs pays arabes, l'instabilité dans
notre région et l'état d'alerte constant auprès des soldats de ZAHAL marquent
cette période de 1962 à 1964. Le danger imminent, les longues nuits de travail
avec les officiers en charge de la sécurité des frontières ont forgé petit à
petit des liens inextricables avec le peuple et le pays.
C'est
alors que j'ai enfin compris l'impact de
la décision sioniste de mon père et son émotion en foulant la terre
d'Israël. Nous sommes nés en Egypte mais c'est au peuple d'Israël que nous
appartenons, c'est dans ce pays que je
veux vivre, élever mes enfants et éduquer la jeune génération.
Ma
route était tracée: après 3 ans à l'Université de Haïfa, je me voue à
l'enseignement du français et à l'éducation au lycée de l'Alliance. C'est dans
cet établissement qui m'a formé durant
ma jeunesse que j'allais consacrer 35
ans de ma vie. A travers la langue française, enseigner une culture, une façon
de vivre, une joie de vivre et le besoin d'appartenir. "Cela nous concerne
tous" disait Camus dans
Ma
passion pour la littérature française a toujours été pour moi source
d'inspiration et de plaisir. Une bourse d'études offerte par l'ambassade de
France m'a permis de passer un an à la Sorbonne et de soutenir une thèse de
doctorat de 3eme cycle à l'Université de
Lyon (1982) .
Malgré
le désir de continuer dans la voie de la recherche, j'ai décidé de mettre
l'accent sur la formation des jeunes et en parallèle à la formation de
professeurs. Nommée directrice pédagogique au lycée de l'Alliance et quelques
années plus tard Inspectrice régionale de Français à Haïfa, j'ai pu développer
et réaliser des programmes d'études adéquats. Rendre l'enseignement et
l'apprentissage significatifs, agréables et adaptés aux changements fréquents
de notre existence en Israël.
La
tâche était lourde mais je l'ai accomplie avec enthousiasme.
J'ai
pris ma retraite il y a quelques années sans pour cela arrêter mes activités.
Je consacre une grande partie de mon temps à faire des recherches et donner des
conférences interdisciplinaires sur la culture française (littérature, théâtre,
cinéma, art, mode) et ses liens avec la culture israélienne. Le rapprochement
entre ces 2 cultures répond à une double passion : mon amour du patrimoine
français dont j'ai été nourri depuis mon enfance en Egypte et mon attachement à
la société israélienne et au pays d'Israël. Et je ne suis pas la seule: mon
mari (né à Alexandrie, ex- officier à la marine) et mon fils (officier
haut-gradé à la marine, marié et père de 5 filles) partagent cet engagement à
l'égard du pays.
Nous
évoquons souvent des souvenirs d'Egypte : la vie aisée et la jeunesse heureuse, la vie dynamique et tellement
chaleureuse en famille, les plats préférés, la cuisine de maman, les parfums
exotiques, les sons de la musique orientale, les proverbes pleins de sagesse,
les couleurs variées des paysages inoubliables et inséparables de notre
existence. Toutefois, le départ d'Egypte et la "montée" en Israël est
l'événement qui a transformé ma vie, m'a
permis de "renaître" , de former ma personnalité, de découvrir mon
identité et donner un sens à ma vie.
Dr.
Octobre 2012
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Septembre 2012
Reçu de Mme Iryt GUTER cet article écrit par Mme. Simone Béhar
NEMON
SOUVENIRS
D'EXCURSIONS CULINAIRES ALEXANDRINES
A Alexandrie, chez mes parents, nous mangions rarement dehors car nous avions une cuisinière à qui maman avait enseigné, un tas de bonnes choses, et nous mangions mieux que dans les restaurants.
Pour le chich Kebab on allait chez "El Hati", et
pour du poisson au San Giovanni ou bien au Mex. Le "Foul"
et les "Fallafels", sans pareils
se trouvaient à
Qui se souvient du vendeur albinos qui, aux entractes du Cinéma Royal se promenait à travers les rangées appelant "Eskimos-Chocolats-Mentips ! Good for stomach !"
Et puis qui se souvient des "Lokoumades", des "Dondourmas", et des "Granitas ?" A la plage de Stanley Bey, vous souvenez vous des vendeurs ambulants qui vendaient des "Colourias" et puis les vendeurs de pistaches qui vous leurraient avec leurs jeux de "goz walla fard ?"
Sur la Corniche, on trouvait parfois des vendeurs de maïs grillés "Douras" ou des
châtaignes.
Aussi le vendeur de figues, criant "Agami ya Tin !", celui de dattes " Balah Beta' l Malek !" (indiquant que les dattes venaient du jardin du roi). Et le vendeur de pastèques, poussant sa lourde charrette criait " A la Sekina !" (Indiquant qu'il ouvrirait la pastèque au couteau pour vous faire voir qu'elle était bien rouge et douce. Soi disant vous seriez libre de la refuser... )
Assise au café avec mon père, je commandais un "Campbell" (une boisson pour les jeunes, faite avec un petit peu d'angustura dans un verre de gazeuse Spathis", servi avec une tranche de citron). Papa, lui, commandait une bière "Stella", et l'on nous servait gracieusement d'abondant "mezehs" (c'est à dire : des cacahuètes, des pommes frites, des salades assorties, des tourchis", et de la "tahina", en somme, un vrai festin !)
Quand, à la gare de Ramleh, je m'arrêtais
souvent au "Brésilien" pour un verre de café glacé, et au
"Délice" pour des pâtisseries, sans aucunes pensées pour ma
taille. Je choisissais parmi les babas au rhum, les éclairs, les
palmiers qu'on appelait "lunettes", les mille feuilles, les
Meringues qu'on appelait "baisers", les Sablés et tant d'autres, et
puis en sortant, je disais simplement à Vassili, le directeur,
"mettez les sur le compte !"
Après plusieurs années,
je suis retournée à Alexandrie, à la recherche du temps passé.
Comme dans le vieux film "Carnet de Bal", rien n'est comme on s'en souvient ! Tout change; Alexandrie aussi ! Les gâteaux de chez Délice n’étaient plus appétissants ; le café du Brésilien, comme de l'eau et les mezehs réduits à quelques cacahuètes, comme mes souvenirs d'ailleurs.
Mai 2012
Une
Pensée de Madame Suzy PIROTE VIDAL à propos de l’EGYPTE , notre Pays
de naissance:
LA
NOSTALGIE QUI NE NOUS QUITTERA JAMAIS ET QUE LES NOUVELLES GENERATIONS NE
COMPRENDRONS PAS TOUJOURS.....
-o-o-o-o-o-o-o-
Lucy & Avraham Calamaro
|
|
|
|
|
|
JE SUIS NEE AU
CAIRE LE 21 AVRIL 1944- J'HABITAIS A BABELLOUK BELLE REGION AU CENTRE DE LA
VILLE- J'AI FAIS MES ETUDES A LA MISSION LAIQUE FRANCAISE DE BABELLOUK+ 1 AN A
L'UNIVERSITE AMERICAINE EN PSYCHOLOGIE. J'AI EU UNE ENFANCE HEUREUSE JUSQUE L'AGE DE 7-8 ANS MAIS MALHEUREUSEMENT DES LE DEPART DU ROI FAROUK D'EGYPTE LES CHOSES EN COMPLETEMENT CHANGEES. JE ME RAPPELLE LE
JOUR DU DEPART DU ROI CAR J'ETAIS A ALEXANDRIE EN CE TEMPS- NOUS NOUS SOMMES
RENDUS AU PORT OU TOUTE UNE FOULE DE CURIEUX ATTENDAIT POUR VOIR COMMENT LE
ROI D'EGYPTE A ETE EXPULSE DE SON PAYS- JE N'AURAI JAMAIS
REVE QUE LES CHOSES ALLER TOURNES COMME CELA- MOHAMED NAGUIB A PRIT LACHARGE
,JE ME RAPPELLE QU'IL EST VENU RENDRE VISITE A LA SYNAGOGUE ISMAILIYA POUR NOUS DONNER SES HOMAGES- ET
LES JUIFS ONT RESPIRES PROFODEMMENT. MAIS MALHEUREUSEMENT CELA N'A PAS DURE
LONGTEMPS CAR NAGUIB N'ETAIT PAS ASSEZ FORT COMME L'ONT DIT LES EGYPTIENS ET
UN JOUR ET SANS AVERTISSEMENT IL Y EU DES DEMONSTRATIONS –LES EGYPTIENS ONT
BRULES LE CAIRE- ILS ONT CASSES LES VITRINES DES MAGASINS ,ILS ONT VOLES TOUT
CE QU;IL Y AVAIT DEDANS ET LES JUIFS ONT CREVES DE PEUR. NOUS NOUS SOMMES
ENFERMES A LA MAISON DURANT UNE SEMAINE SANS METTRE LE NEZ DEHORS. JE ME RAPPELLE CE JOUR CAR
LE MAGASIN DE BONDI UN JUIF QUI VENDAIT DES ARMES ETAIT PAS LOIN DE CHEZ NOUS
ET LES BOMBARDEMENT QUI SORTAIT DE SON MAGASIN ARRIVES A NOS OREILLES MALGRES
LES FENETRES FERMEES.. ET PUIS VOILA
GAMAL ABDEL NASSER ET AU POUVOIR- DICTATEUR INFINI QUI HAIT LES JUIFS, LES
COPTES,LE CHRETIENS ET TOUT CE QUI EST RICHE OU EDUQUE. ON A BIEN SENTIT
CETTE HAINE JUSQU'AU JOUR DE NOTRE DEPART. JE ME RAPPLELLE QUE
CHAQUE FOIS Q'ISRAEL FAISAIT QUELQUE CHOSE CONTRE LES ARABES ET BIEN NOUS ON
A SENTIT CELA. LES MOHABARATS VENAIT TARD LE SOIR TAPPER A NOTRE PROTE AVEC
LEURS PIEDS ,LEURS MAINS ET RENTRAIENT DAND NOTRE MAISON EN NOUS DEMONDONS DE
NE PAS BOUGER,ILS RENVERSAIENT TOUT CE QU'IL VOYAIENT,IL DECHIRAIENT LES
EDREDONS DISONS QUE NOUS CACHONS DES ARMES ET EN GENERAL ILS PRENAIENT AVEC
EUX MON JEUNE ONCLE AGE ALORS DE 20ANS POUR QUELQUES JOURS- DES JOURS
HORRIBLES OU ON NE SAVAIT PAS OU IL SE TROUVAIT. MAIS GRACE A DIEU ON POUVAIT
TOUT ACHETER AVEC L'ARGENT ET AUSSI L'ENDROIT OU SE TROUVAI MON ONCLE. MON PERE DONNAIT ALORS BEAUCOUR D’ARGENT
POUR QU'ON LE LIBERE. ET CE PAUVRE JEUNE HOMME REVENAIT A LA MAISON APRES
QU'IL A RECU DES COUPS, DES GIFLES ET A ETE HUMILIE, CELA NE FINISSAIT
JAMAIS , LA VISITE DE MOHABART CHEZ NOUS ETAIT PERMANENTE CAR MON ONCLE ETAIT
MEMBRE DU GROUPE MACCABI BATSKETBALL. ET VOILA ARRIVE
LAGUERRE D'ISRAEL/FRANCE/ANGLETERRE EN 1956 –LE MOCHABARAT REVIENNENT
CHEZ NOUS POUR PRENDRE MON ONCLE MAIS CETTE FOIS CI C''ETAIT DIFFERENT
–APRES DEUX TROIS JOURS LES MOCHABARAT NOUS ENVOI UN PYJAMA A MON ONCLE TOUT
PLEIN DE SANG –ON A PENSE QU'ILS L'ONT TUES- MA GRAND MERE SA MAMAN EST
RENTRE EN DEUIL ET A PORTE UNE ROBE NOIRE PENDANT TROIS SEMAINE JUSQUE QUE
MON PERE APRES DE LONGS EFFORTS A REUSSI FINALEMENT A SAVOIR OU IL EST ET QU'IL N'EST PAS MORT. MON ONCLE ET MA
GRAND MERE AVAIENT LA NATIONALITÉ FRANCAISE , MON PERE ET MA MERE AVAIENT LA
NATIONALITE ITALIENNE. APRES A PEU PRES UN
MOIS DE LA GUERRE DE 1956 GAMAL ABDEL NASSER A DECIDER DE RENVOYER TOUS LES
JUIFS FRANCAIS ET ANGLAIS HORS D'EGYPTE IL LEUR A DONNER 24HREURES PAS PLUS-
ILS ONT ETE OBLIGE DE LAISSER LEUR MAISON ,LEUR BIEN ET TOUT CE QU'ILS
AVAIENT AU GOUVERNEMENT EGYPTIEN, ILS ONT MEME SIGNES QU'ILS N'ONT RIEN A
RECUPERER EN EGYPTE. DONC DANS CE CAS
MON ONCLE AUSSI DEVAIT PARTIR ET SA MAMAN AUSSI-UNE FEMME DE 70 ANS QUI N'A
JAMAIS QUITTE SON PAYS L'EGYPTE POUR SE RENDRE N'IMPORTE OU. NI NOS PRIERES
AU GOUVENEMENT NI L'ARGENT DE MON PERE ON PU CHANGER CET ORDRE. ET VOILA DANS 24
HEURES MA GRANDMERE A QUITTER TOUTE SEULE EN AVION POUR RETROUVER SON FILS A
PARIS QUI EST [PARTI AVANTT ELLE. SANS UN SOUS ,SANS
RIEN SEULEMENT UNE VALISE AVEC DES HABITS. MA FAMILLE CONTINUE
A VIVRE AU CAIRE CAR MON PERE GAGNAIT BIEN MALGRE TOUT CELA JUSQUE UN JOUR ON
A TAPPER A NOTRE PORTE POUR NOU AVISER QU'ON A ETE SEQUESTRE COMME TOUS LES
RICHES EN EGYPTE.\QUAND JE DIS TOUS C;EST AUSSI LES MUSULMANS,LES
CHRETIENS ET LES COPTES. ILS ONT DEMANDER A MON PERE DE LEUR REMETTRE LES CLES DES TROIS
VOITURES QUI SE TROUVAIENT AU GARAGE ,ILS ONT MIS L A MAIN SUR L'ARGENT QUI
SE TROUVAIT A LA BANQUE ,SUR LES DEUX GRANDS MAGASINS QU'IL AVAIT ET SUR
TOUTE LA MARCHANDISE QUI SE TROUVAIT A L'INTERIEUR .
MALGRE TOUT CELA PAPA N'A JAMAIS PENSE A QUITTER- IL GAGNE BIEN ET POUVAIT
FAIRE DES AFFAIRES SOUS LA TABLE .
MON GRAND FRERE ET MOI ETAIENT DEJA GRANDS
ET POUR NOUS CE PAYS ETAIT LA CAGE D'OR OU MES PARENTS NOUS ONT
CLOUES- MON GRAND
FRERE TERMINAIT EN CE TEMPS L'UNIVERSITE DU CAIRE (INGENIEUR) ET MOI
J'ETAI A L'UNIVERSITE AMERICAINE- LES CHOSES DEVENAIENT DE PLUS EN PLUS
COMPLIQUE ET LES PROFESSEURS AINSI QUE LES ETUDIANTS NE M'ONT PAS DONNE PLACE
POUR RESPIRER. LES INSULTES CONTRE
LES JUIFS , LA PROPAGANDE INTOLERABLE NE M’ONT LAISSE QU'UN CHOIX ET DE
QUITTER L'UNIVERSITE. J'AVAIS DEJA 19 ANS EN CE TEMPS, RESTER
A LA MAISON C'ETAIT PAS DANS MON AGENDA. DONC IL FALLAIT QUE
JE FASSE QUELQUE CHOSE –CHERCHER DU TRAVAIL AUCUNE SOCIETE NE POUVEZ CE
PERMETTRE DE LE FAIRE CAR JE SUIS JUIVE.
ALORS QUE FAIRE-
J'AI ESSAYER AVEC MON PASSEPORT ITALIEN DE TROUVER QUELQUE CHOSE (DANS MON
PASSEPORT IL N'Y A PAS ECRIT DE RELIGION JUIVE) ET VOILA JE TROUVE UN TRAVAIL
DANS UNE SOCIETE ALLEMANDE QUI PRODUISAIT DES OPONTS POUR L\'ARMEE
EGYPTIENNE. AUCUNE JEUNE FILLE
ET AUCUN JEUNE HOMME JUIFS NE TRAVAILLER
EN CE TEMPS EN EGYPTE J'ETAIS LA SEULE DE POUVOIR TRAVAILLER DANS UNE SOCIETE
CONNUE PAR LE GOUVERNEMENT FRANCAIS. ET BIEN VOUS VOUS
DEMANDER POURQUO J'AI TRAVAILLER POUR LES ALLEMANDS ET ENCORE QUI
CONSTRUISAIENT DES PONTS POUR L4ARMEE. ET BIEN JUSQUE QUE
JE SUIS ARRIVEE A PARIS EN 1965 JE NE SAVAIS RIEN APROPOS DE LA SHOA CAR LA
CENSURE EGYPTIANNE CONFISQUEE TOUTES CHOSES QUI TOUCHAIT A CE SUJET. DONC QUE POUVAIS JE
FAIRE ? J'AI TRAVAILLE UN AN
COMME SECRETAIRE ET FINALLEMENT APRES DE LONGS LONGS EFFORTS MON FRERE ET MOI
ONT REUSSI A CONVAINCRE PAPA QU'IL EST TEMPS DE QUITTE L'EGYPTE. LE JOUR DE NOTRE DEPART 4 SOLDATS SONT ARRIVES CHEZ NOUS A LA MAISON ,ILS NOUS ONT MIS A 6HRS DU MATIN A LA PORTE ET ON PRIS LA CLE DE L'APPARTEMENT. ET VOILA FINALEMENT ON QUITTE CE PAYS QUI POUR MOI ETAIT LA CAGE D'OR OU J'AI ETE ENFERME DEDANS PENDANS A PEU PRES 20 ANS |
|
-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 5 mars 2012 de Monsieur Joe
ROSSANO :
THE SPORT OF KINGS IN EGYPT FROM 1940S TO 1960S
(A mon tres cher ami Si-Berto et en souvenir de
tout les mauvais tuyaux que tu m’as donne aux courses, helas si l’on pouvait
miser sur le dernier de la course, toi et moi nous aurions fait beaucoup
d’argent.)
From
the recesses of my memory, this article I hope will give you an aperçu on horse racing in Egypt
from the 1940s to 1960s In 2002 and 2006 I touched very briefly on this
subject. Enjoy Joe La Gargoulette
In
memory of my dear father, uncle, and to all the others unforgotten comrades
who enjoyed the "Sport of Kings"
Thursdays' afternoons were
very specials, and what was so special about this day: The eve of the
official week end holiday? No. The day movie theaters change films? No.
Getting together with friends to discuss Friday’s soccer matches and how the
Cairo’s 3 clubs Ahly, Zamalek and Tarsana (Arsenal) will do? No. Something
special on TV like a Laurel and Hardy movie, a Bat Masterson series, a Rihani
play, the Troup Reda, or the monthly soiree with Om Kalsoum?
No . Well?.
The much anticipated weekly
event couldn't come to soon. There was a mental countdown among aficionados,
and the first thing asked when greeting one another... what time is it? Minus
40 hours....24 hours. Heard anything new? Yes I heard from a friend of a
friend who knows someone who worked at the print shop who on the sly
said that there will be few surprises in forecasting, and in
handicapping this coming week end races...You got the time? Yes
approximately less than 19 hours before the paper will be out to the public.
Yes indeed, Thursday was the
day after (perhaps two days earlier?) the Al Riada horse racing newspaper
comes off the printing press, followed the next day by l'Echo Sportif,
and the Turf. My, my, all these out of shape athletes rushing to
snatch the first edition. This marked the beginning of 44 hours of intensive
scrutiny, an almost non stop intellectual marathon leading to Saturday's
afternoon 1st race. Nothing is left to chance, the statistics, time
clocked during practice, how was the weather between the running exercises, was
the horse happy, was the jockey awake, what both had for breakfast. These are
some of the very important facts to consider before placing your bet....
At the cafes, backed by the Al Riada, l'Echo Sportif, and the Turf
statistics and predictions, the real pros dispensed freely their
prognostication: Someone just thinking out loud- “Hey! who do you see winning
the first race?” With nine entries, you get of course nine different
winners, with precise details of how each horse will
run the race and in what order they will be crossing the finish line. The
same goes for all the other races on the program....Amateurs!!.
Of course one of these
'pickers' will be right and he'll brag about it ad nausea, until
someone asks the question on how he did in the other races.
There are of course other intuitive methods, less scientific but somehow more
fruitful: such as add your age to any one of your companion (what do you want
my age for?) and then multiply it by the shoe size you
wear. Another with an equal high rate of success: go to the
paddock and have a direct eye to eye contact with the horses parading before
the race . A not so reliable and confusing formula: while on your way to
the track you pick all the numbers your eyes come across, car license tags,
building numbers, the speed you're traveling...”I forgot to call Emile a friend
said”…”What's his phone number another one asked?.....You got the idea.
Of course there were always as many last minute rumors as horses on the card..
A horse relieving himself in the paddock for some this could be significant,
that the horse is lighter now, feel good, more comfortable and ready to run
After the week-end, from Monday to Thursday afternoon, that time
was strictly reserved for the intricate analysis to what went
wrong. Then the cycle restart all over again.
Few teachers from my school, Lycee Francais du Caire, were very good
friends of the family, and also friendly to me when I was at the
racetrack, especially after I bet on Mercure, a long shot that paid 50 to
1. Friends and teachers were curious on how I picked that
horse. I will never forget the first time I went to say good morning
to one of the professors on a Monday, just the next day, after a warm
and friendly chat at the track, he behaved as though this never happened.
He was cold and distant and seemed affronted by my overly familiar
greeting. And that was the last time .
There
was many Jewish owners, a cousin of mine had a stable of perhaps a hundred
horses, other cousin (s) with just a few. There was Jewish Jockeys, Ozeri
a Yemeni, Kroub, I believe that Rochetti was too, not sure about Angelo.
Among the Jewish trainers, Maurice Zilber,
became successful
and very famous in France and as well as in the international
equestrian circle. http://en.wikipedia.org/wiki/Maurice_Zilber and Handali, Maurice Tsillag (I’m not sure
about the spelling) These are what come to mind,
there might have been other Jewish jockeys and trainers
.
To my brothers and sisters
who enjoyed the King of sports and the sport of Kings, the manicured turf, the
genteel and wonderful ambiance at the tea island, the saddling of these
magnificent creatures at the paddock, and the elation when cashing your winning
ticket. It was not uncommon to see a small happy group at the cashing window
sharing one winning ticket. Yes, my friends I shared these same feelings.
From the recesses of my
memory, and with moist eyes, I’m sharing with you few names of these
magnificent athletes who gave us such pleasure
Affioungui-Amran-Adnan-Allam-Addlallah-Adwan-Aboul
Fettouh-Azzam-Abdoun- Avatar
-Awantagui-Belfegor-Balfagui-Ballyhoo-Balfour-Baroud-Banabak-Baltazar-Dinar-Dastour-El
Moutanabi-El Wardan-El
Wardani-Elwan-Ferdan-Ferdoss-Fadlallah-Fanar-Fanous-Garrah-Gawhari-Hegazi-Hamiar-Hamdan-Hamdoun-Ibn
Hamdoun-Korbag-Kerdani-Lady Orestes-Lord Byron-Merazi-Moustachar-Ma'aboula
(unbeatten mare and winner of many international competition)-Moussbah-Moftah
El
Farag-Marazi-Marawan-Marwan-Mercure-Mirghani-Mamdouh-Midan-Nasrallah-Nemrod-Nemr-Nar-Na'ama-Orage-Oraby-Parnassos-Radwan-Rashwan-Rim
El Sahara-Ra'ad-Rizkallah-Sa'adoun-Sha'aban-Sidhom-Sauvage-Sauvageon-Shirazi-Sharkassy-Sirdar-Salman-Top
Hat-Wahdani-Warak-Wagdan-Wagdani-Za'abola-Zawi-Zawia
The four tracks, in winter time Guezireh and
Heliopolis, in Cairo, and in summer Smouha and Sporting in Alexandria. How many
happy faces on the special train de mer, leaving for Alexandria every week end
during the racing season, to attend the Sport of Kings. The return trip had a
more somber atmosphere, which was certainly different from when
we started out. In spring, they were occasional Gymkhanas, camel and donkey
races. Camels were ridden by Nubians, the military black guardians of the frontier
(Hagana) It was an occasion to see
familiar faces during the off season, the joyous crowd cracking jokes about the
races and exchanging funny repartees and without missing to place a bet on each
race.
There was a first class (25 piasters to get in) and
second class (10 piasters or more), and if I remember well an extra 5 piasters
to access the Tea Island at the Guezireh. And for those avoiding the entrance
fee, they could bet through the second class fence, using a shuttle (a navette)
for a small fee, it could be one or two cigarettes, or a small percentage from
the winnings. Or chip in and buy an entrance ticket to a trusted person
The races in Egypt run clockwise, unlike most of the
world’s racetracks. There was no gates, the horses lined up close to the
starting ropes
Most of the racing
horses were Arabians, and there was one thoroughbred race per racing day. There
was also a selling race for beginners, and the winner was auctioned.
Benyamin at Ramleh, famous for his foul, falafels,
fried cheese, fried eggs and fresh hot and puffed small pita bread in a basket,
was a favorite place for the gamblers to have lunch before going to the
racetrack Another smaller restaurant, Sultan, a block away and across
from the Sporting racetrack, was owned by Ozeri, the jockey’s father, there too
you could have enjoyed the same menu. At Heliopolis there was Mansourah, and in
Cairo le restaurant Issaevitch among many others.
There was no official announcer for the race, we had
to rely on the commentaries of some confused spectator with
powerful binoculars " the lightweights (long shots) are leading the pack...”
after crossing the finish line, and relying on his comments, we
were still confused , as to the exact finish order.. And if there was a
photo finish or a Steward objections. That would instantly cause speculations
by the public, and the ones, strictly by chance, who guessed the result would
immediately consider themselves as the world’s greatest horse racing
experts “You see I told you so” – “No one has a nose for horses
like me… (a cynical voice from the crowd “El a’akrout shamam” meaning he’s a
good smeller) - “You must listen to me when I say something…and then he
predicted that within two years King Farouk will be brought back from exile and
the monarchy re-instated, and in 10 years a cure for stupidity will be found,
in 20 years the first horse racetrack on the moon will be operational, and in
2010, total peace and prosperity throughout the world” For some, that
won’t be the end of the story, it will be repeated out loud for days at the
cafes for the benefit of all the patrons, and to whoever cares or not to listen
They used to call the
long shot "outsider". And frequently many outsiders won
races and surprised the dumbfounded aficionados "What
happened? One of the more frequent answers to this question "the race
was fixed" another answer was that the jockey riding the favorite
horse was probably partying all night before the race, and...." And
there are those who suspected that every race they lost was fixed, but the
winners of course had a different opinion
And when a long shot
wins a race, the whole track is silent, except for the jubilant
schmuck holder of the winning ticket sitting next to me "How you
picked him to win?" - "Well I saw him at the paddock and he smiled at
me" Later at the paddock I asked him - "Which mare are you picking to
win this race?" - "Very hard to pick, they all have beautiful
faces" – a loud sarcastic voice from the crowd - "No doubt the
man must be in love and can't make up his mind who he will choose to introduce
to his parents”
After the race there’s
always someone blaming himself in public- "How stupid of me, and why
why and why I didn't bet on him, specially after the hot tip I got from a
friend of a friend who had a friend who's sister is married to a friend of a
friend who had a friend who lives in the same building as the trainer...why why
and why…
The betting was quite
simple: 1)To win - 2)To show for the first three horses crossing the
finish line (very seldom two if the field was short) - 3)Twin: pick the first
two horses who crossed the finish line - 4) Doublé: picking the winners
of two following races - 5) Natat (in Arabic) pick two winners from
different races, like the 1st and 3rd race. The last two
wagers were not available each race. I believe. if not mistaken, there was also
a wager called triplet and quadruplet, the proceeds of one race is bet on the
another race, and then on a third and all on the fourth
In the late 1940s, and
only in the morning before the races, one could place bets at a ticket office
near the cinema Cosmo, and off Rue Emad El Din. And in later years, only
in the morning on racing days, at the Guezireh, the access was free. It’s
possible it was the same for the other racetracks. There was of course quite a
few bookmakers, this thriving cottage industry was not approved by the law, but
tolerated. It was quite convenient for gamblers and high ranking officials to
gamble without having to go to the racetrack, I’ll leave this story for another
day.
It really
was a great way to spend a lovely afternoon in the open
air with friends. Frankly some gamblers could be the funniest people
you' d ever met. Their salty comments specially after
they bet on the wrong horse, are real gems. In general the gamblers are
usually optimistic. In a bad day it was not uncommon to hear a friend remembering
the days he won, “Yes, I’m now even, I remember it was exactly on the same day
a year ago that I won 20 pounds”. Frankly I don’t consider that even, when he
just lost over 200 pounds today, but didn’t have the heart to tell him
that..
Not
unusual conversation at the café:
"Hello!
Emile, how you made up last weekend at the track?"
"Don't
ask, Joe. I was so cleaned out, I had to borrow money for the cab fare. I
decided to lay off for the rest of the season."
"Sorry
to hear that Emile. Take good care and I'll be seeing you."
"Yes,
next Saturday at the race track."
"But
I thought that you just said that you'll stay away for the season."
"I'll
be there only as a spectator and to test my will power. Say. you wouldn't
happen to have a hot tip would you?"
Ah,
yes, many happy memories of days gone by.
Copyright Joe Rossano (a.k.a "La
Gargoulette"). All
rights reserved. This material may not be reproduced in any form without
the written permission of the copyright holder.
At
7 minutes and 39s of this 1950 video http://www.youtube.com/watch?v=Dj1uuyHYbSs&feature=related
you’ll have a short view of the Guezireh racetrack, how they used to weigh the
jockeys, the paddock, the elegant ladies, and part of a race
Click
on following sites to see 2 old pictures of Heliopolis horse racetrack, and the
Guezireh Tea Island at the Guezireh racetrack
http://en.wikipedia.org/wiki/File:Heliopolis_Old_Inhabitants_2_(2).jpg
http://www.flickr.com/photos/8637723@N05/3873958298
To
see a picture of the Guezireh Tea Island at the race track click on this site
http://www.flickr.com/photos/24122157@N08/3416358401/
I
remember the Tea Island with beautiful flowers, and manicured lawn and hedges
JOJO
Janvier 2012
Reçu le 10 octobre 2011 de
Madame Suzy VIDAL,
by
Suzy Vidal, author of The Jasmine Necklace Trilogy.
There was this oddity in some Jewish Egyptian families:
they sent their children to Catholic schools! Strangely enough there were not
many conversions to Catholicism, even though we listened to prayers and
Catechism every day!
Not speaking a word of English, my parents
chose to send me to The Alvernia English Convent School For Girls in Zamalek to
begin my education because I was a very disobedient child and no matter what my
parents said, I never obeyed. So they shopped around and found that Alvernia
was the school that had the greatest discipline. If the nuns could not
tame me then no one would!
I was four when I started my kindergarten. I
went to school with my English style uniform, felt hat and carried a small
wicker basket with my meal in it.
In school, Sister Mary Kitchenisa (as we called
her) heated our lunch at noon.
The school bus picked me up regularly and I
rarely missed it. If I did, then it was very complicated to go to Zamalek on my
own and my mother had to accompany me.
The nuns being pure Irish did not understand a
word of French let alone Arabic. Everything was in English! At the beginning I
was lost and unhappy!
My sister, for example, came to Alvernia just
for one day and refused to go back! She was sent to the Lycée.
There were several other English schools but
almost all were directed by missionary nuns or priests to save us from going to
hell.
The pendant school for boys was Victoria
College.
There, discipline was no joke!
When the boys misbehaved they received a caning
by the headmaster who asked the culprit to bend on a stool and administered his
strokes on the naked back of the knee. The pain was excruciating! The boys
called caning: torture.
Few were the ones to escape that!
In the girls’ schools there was no caning but
pulling and twisting of ears. This can be as painful as caning especially on
young ears. The favourite punishment however was to put the girl facing a
corner and going on with the lesson.
It was extremely tiring to stand without moving
but sister did not care about that. Or, she put the culprit outside till the
lesson was over. That was not so tiring but then the lesson was completely
lost.
The sisters, believing I was deaf, kept saying
about me: “and you know sister she never even cries!”
Another way of punishment was to impose a
certain number of lines, never fewer than 100. When these lines were not done,
they went up to 500!
It was forbidden to talk in class and anyone
who did that was immediately punished. If the pupil had been very naughty, she
was sent to Mother Superior who would go on with a long speech about what a
great honour it was to be in this school and that the uniform was to be
respected in all possible ways!
Concerning uniforms these had to correspond in
every detail to the picture in the regulation manual:
In summer: white, long-sleeved blouse, a tie
around the collar, lighter blue uniform with all the appreciated English
decorations: badge, colour of the section then for those who were angels
a prefect’s badge. At the waist the sash tied correctly according to
regulations. A straw hat decorated our head and on our feet strict, black-laced
shoes with white socks. The hem of the uniforms had to cover the knees because
it was indecent to show that (sexy) part of the body.
In winter: dark blue uniform, English style blazer, the school badge and felt
hat.
Regular inspections took place. At least once a
week!
Any uniform that was not in order was the
reason for a letter to the parents to remind them of the prestige of that
school and how to represent it correctly.
That was funny because most parents did not
understand one word of English and had difficulty in deciphering what Mother
Superior wrote!
Oxford and Cambridge Boards homologated these
schools.
We learned all the English subjects: our nuns taught
us English Poetry, English Maths, English History, the simplified version of
Shakespeare’s plays and calligraphy conscientiously. The girls who came out had
that unmistakable writing! We also had drawing, sewing and singing.
A laywoman taught gym.
Our school was a British colony on another
planet!
For my secondary education, once I had started
in English and that English seemed to be the language of the future - remember
the Americans and the British Commonwealth ended the 2nd W.W. successfully - I
went to St.Claire’s College for girls, in Heliopolis. To go there I took the
Metro built by Baron Empain and sat in the harem compartment.
By then the teachers had moulded us into
typical young English ladies and we knew all about English Grammar, English
History, Poetry, William Shakespeare and unfortunately their strange system of
weights, measures and surfaces, plus their monetary system which was in L.s.d.
(pounds, shillings and pence). Not forgetting Algebra and Geometry. For a
mysterious reason I was good in Algebra but certainly not in Geometry
(impossibility to understand the theorems).
We were living in a metric system where our
Egyptian pound was 100 piastres and one piastre 10 (?) millims, but we had to
know that the English drove in miles, (1,607 mtrs) or weighed butter, meat and
fruit in lbs (454grs), their beer by the pint, (0,473 grs) and that their yard
was not one metre at all but 91 centimetres. The British ton was 1,O16 grs,
whereas the American ton was 907,18 grs.
And this is only part of the headache. Racing
tracks were measured in furlongs equalling 201, 17mtrs!
They never did anything like the rest of the
world!
We also learned that Napoleon was an adventurer
only there to exasperate the British! The Duke of Wellington won the Battle of
Waterloo (in Belgium), and Nelson
defeated Napoleon at Aboukir (in Egypt). Mainly that everything British was
better than the rest of the world! In short all the rest was zarta!
We were given a lot of homework and we had to
study the maths tables until we dropped. I never completely assimilated all of
them especially the table of 9! I remember taking my book along with me when we
went on picnics to the Pyramids, to the Jardin Zoologique or to the Japanese
Gardens in Helouan, and studying during that extraordinary season we called
winter!
I had a desperate time solving problems and
though my dad was a chartered accountant it sounded like Chinese to him. He
scratched his head and confessed he did not understand the problems! Because
the tap was leaking in British liquid measures or that the car was filled in
British gallons (4,546 and the US gallon being 3,785 litres) and running at 30
miles an hour (one mile is 1,609km).
It was the same for every other subject.
When I had to study for a dictation there was
no one to make me practise.
So I had to write certain words ten or twenty
times to make sure I had them correctly. That is how I became very good in
dictation.
Later this acquired love of the English
language led me to become an author.
At St.Claire’s College too the uniform was
all-essential.
We wore the famous dark pleated skirt and our
spotless white blouse in summer had to be decorated with a large frilly collar
and around the neck a long string with pompons, (red, blue and white of
course).
In winter we changed into a dark blue blouse and added the English blazer with
the school badge. Not forgetting the dark blue felt hat transforming us into
English pupils! I hated that hat and as soon as I could, stuffed it into my
school bag. Once I was caught and given 100 lines, which I did not do. They
were turned to 500! I had my fair share of punishments!
We were forbidden to talk to any boy when
wearing their beloved uniform because then we would disgrace it!
At the end of a school year we had a Gym Feast
trained by Monsieur Hemo, and his famous “claquette”. Our gym teacher did not
speak a word of English!
Maybe they were right to be so rigid because
the school was greatly renowned.
One of King Hussein’s numerous wives (Dina of Jordan)
came out of St.Claire’s. Several other well-known public figures added their
names to the prestigious list. This school still exists today.
I played my first tennis matches trained by a
“master”. Then at University, I was the Tennis captain.
Gradually and at long last, (I did not become a
princess) I learned discipline and became a good student.
I sat for my Oxford and Cambridge exams then
went to A.U.C. (University). Our University professors considered the girls
coming out of St.Claire’s College as superior in English and they wrote their
appreciation on our tests!
Later, I became a teacher (!) first in Milan
after our exile, then in Belgium where I got married.
I too was a strict teacher but never pulled
anyone’s ear or made any hurtful and unkind remarks such as our Sisters did:
“you are hopelessly stupid or you will never succeed in life” or other such
niceties!!
I now know that my parents did the right thing
by sending me there to become what I am.
They canalised my energies into something meaningful!
The discipline learned in school did not stop
my heart from bleeding when we left Egypt but helped me to survive.
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 8 janvier 2012 de Madame Maryse
ZEITOUNI :
Who can forget the excitement (although hushed and
kept under wraps) at the establishment of the State of Israel, despite constant
referrals on Cairo Radio to the soi-disant Etat
d'Israël (the so-called State of Israel)? I feel sorry
for my kid brother who wasn't even born then. At the time, I was at
Alvernia English School grappling with pounds, shillings, pence,
Byron, Keats and Shelley.
I remember the random roundup of Jews, which struck
fear in our hearts. Who will be next? On the 6th floor of our
building, Boubi Hassia and Jacques Blau were herded off to Huckstep Prison with
so many others. Why? What could they possibly have done to deserve
such demeaning and harsh treatment after all their contributions to the country
of their birth?
I remember the tears and sadness of so many good-byes
to friends I had known since kindergarten. Those were not times when you
would wear your Magen David prominently. ( I do remember the days when
all of Cairo would close down on Yom Kippour.) At a showing of
"Green Dolphin Street" there was some kind of native uprising on the
screen and hecklers in the audience started screaming "Sahiuni"
(Zionists) and there we were in the midst of all that pent-up rage. But
after every jolt and shock to our Jewish systems, we would be lulled into a
false sense of security and life would go on.
28 October 1956 - I have blocked out the trauma of Suez and the massive expulsions of
British and French nationals (most of them Jewish). I was focusing on the
joys of motherhood at the time. The details of the crisis and its impact
on Egyptian Jewry did not register fully with me. Selective memory?
I want to remember sailing in the sunset at the guerba
in Ras El Bar with the fragrant scent of jasmine filling the air, the
scrumptious meals at Marine Fouad and the glorious Mediterranean stretching out
to infinity (but I can breathe more freely and say what I please at Jones
Beach).
In what capital of the world can a donkey interrupt a
philosophy class? In dear old Bab-El-Louk, that was par for the course.
Put on a happy face,
Maryse
Zeitouni
Octobre 2011
Reçu le 14 juillet 2011 de Madame Gisèle
KLEIMAN :
Cher Mr. Albert Pardo
Je vous remercie de votre réponse et serais reconnaissante si vous
voudriez bien mettre a jour mon article écrit en 2007 ...je voudrais vous dire
qu'en le lisant je me suis émue de me relire..car 4 ans ont passées depuis ...
Je vous prie d'agréer mes plus cordiales salutations et continuez votre
oeuvre sublime...
Moi je suis nee au Caire en 1939. Nous habitions a Abdine en face du
palais du roi Farouk jusquen 1948 que le roi a donne ordre de renvoyer tous les
juifs qui habitent pres de lui.La alors nous avons demenage a la rue Kasr El
Nil jusqu'en 1960 que je suis venue en Israel
Alors pour qui peut s'interresser ou bien me reconnaitre je m'appelle
Gisele ex Menahem, la troisieme des soeurs Leonie(Loulou) et Yvonne. On nous
surnommees les trois graces...Nous avons ete eduquees chez les soeurs
religieuses a l'ecole Saint Vincent De Paule a la rue Helmieh, il y avait un
bus qui nous prenait le matin et nous ramenait l'apres-midi, nous dejeunions a
l'ecole au refectoire >Nous avons etes tres bien elevees , moralement,
etudes, politesse ect...Nous avons passes toute notre enfance depuis le jardin
d'enfant jusqu'au Bacheau.
Nous etions une famille assez aisee avec bonnes et domestiques ect..En
1954 quand on a brule le Caire nous avons aussi ete un peu atteints car notre
maison se trouvait entre la banque Barclay's et la banque belge et ils ont tout
brule meme jusqu'a nos fenetres...Nous avons etes tres choques de voir les
corps morts carbonisees qu'on sortait par les fenetres.Nous assitions toujours
au manifestations qui passaient sous notre balcon(mozahra)
Nous avions beaucoup d'amis et des parents qui se sont dispersees dans
tous les coins du monde...Ma maman nous a quittes tres tot a l'age de 42ans par
la suite d'un cancer. Mon pere qui a prit a coeur perdu la vue peu a peu et
devint aveugle et sourd par suite d'operations echouees.
Ma grande soeur se maria avec Raymond Forte et partie avec sa famille au
Bresil. Ma seconde soeur s'est marriee avec Roland Hayeck et partie en
Californie Et moi j'ai connue Willy Kleiman dans les partys que l'on organisait
toutes les fins de semaines a cote du temple Ismaeleya ,nous nous sommes
frequentes deux ans les plus belles annees de ma vie a sortir en groupe d'amis
dans des partys, a l"auberge des Pyramides, au menahouse ect et puis les
belles promenades aux pyramides, au barrages ect ect...Willy et moi aimions
beaucoup danser et dansions si bien que partout nous recevions des
prix...jusqu'aujoud'hui d'ailleurs
En 1959 Willy a du me quitter pour partir en Israel avec sa maman.La
separation a ete tres dure et deja arrive a Alexandrie avant meme de prendre le
bateau qui devait l'emener a Athenes station avant Israel il m'ecrit une lettre
pleine de larmes qu'il ne pourrait vivre sans moi et que je devrais le
rejoindre...Moi j'avais commence les formalites pour partir au Bresil ou ma
grande soeur se trouvait..Mais le Bresil n'a pas accepte mon pauvre papa car il
etait aveugle et sourd.
Entretemps je le soignais et je travaillais a l'ecole Aubert des langues
vivantes a la rue Emad el Din, la ou j'ai appris la steno dactylo et
l'anglais.Pendant un an Willy qui etait arrive en Israel ne cessait de m'ecrire
pour venir le rejoindre et voila qu'en Juillet 1960 j'ai quitte l'egypte avec
mon pere, la soukhnout nous a aides naturellement et apres un mois a Athenes je
suis venue rencontrer mon amour qui a ete mobilise a l'armee, notre rencontre
etait tres emouvante ...J'ai ete envoye dans un kibboutz pour apprendre
l'hebreu dans un oulpan 4 heures d'etudes et 8 heures de travail a la cuisine
ou au jardin d'enfants pendants 6 mois ..Par la suite Willy fut libere du service
militaire et nous nous sommes marries simplement dans un jardin d'une villa
d'une cousine a Willy c'etait un marriage si simple beau et naif....
Je resume en disant qu'aujourd'hui apres 45ans de marriage je suis mere
de trois bons enfants et grand-mere de 5 charmants petits enfants. Je suis a la
retraite apres 35 ans de travail ,,,je m'occupe de la maison, de ma petite
fille ,je suis membre dans un club pour faire un peu de gym. et tous les mardi
soirs nous allons dans un petit club de juifs emigrants d'Egypte tous ages de
notre age, on se rencontre, il ya parfois des conferences interressantes,
parfois de la musique et on danse aux sons de nos beaux souvenirs de
jeunesse...Nous sommes tous comme une famille
Voila je crois que j'ai beaucoup bavarde Je serais contente d'etre en
contact avec qui le desire ou si quelqu'un m'a reconnue je repete je suis la
plus jeune des trois soeurs Leonie(Loulou) une brune,(Yvonne) une rousse et moi
(Gisele)accajoue...Je suis tres sensible et sentimentale et j'ai toujours la nostalgie
de mes beaux jours d'enfance et de jeunesse
Je profite que
nous sommes a la veille de la nouvelle annee 2008 pour vous souhaiter a vous et
toute votre famille et tous les egyptiens emigres d'Egypte
" KOLLO SANNA WOUNTOU TAYEBIN ' que cette annee vous soit a tous
douce et legere, une parfaite sante Beaucoup de bonheur et " LA PAIX
" sur Israel et le monde entier Amen
Bien amicalement
GISELE
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 31 août 2011 de Madame Levana ZAMIR
ce souvenir émouvant qui nous retrempe dans un passé merveilleux de
bonheur, de simplicité et de joie de
vivre :
"Les Cigarettes de ma
tante Kahla"
par: Esther Vidal-Mosséri
Une petite histoire simple et colorée sur
la vie d'antan, quand la vie coulait si douce.
Extrait du recueil "Par delà les
jours", écrit par Esther Vidal-Mosséri.
====================
On
a juré que fumer est une des raisons de tant de graves maladies qui tourmentent
notre pauvre existence… Mais, réplique Nono Vita: "Depuis que je me connais,
j'ai vu ma grand-mère Réna et son mari, Nono Habib, fumer… Il lui tendait sa
cigarette à elle, avant d'allumer la sienne propre… Et tous les deux
bavardaient des heures durant, sans tenir compte de la fuite du temps,
commodément assis sur leur canapé, le plateau du café, avec tout son attirail,
déposé entre eux. Cet attirail comptait un petit réchaud à mèche trempée dans
l'alcool – la spirtiéra – une boite de café turc, sentant bon à une lieue à la
ronde, une autre boite de sucre fin, blanc, importé de l'Europe et, enfin, une
petite cafetière en cuivre doré, ainsi que le plateau et les tasses.
Mais
les cigarettes de mes grands-parents, ils les roulaient eux-mêmes: dans la
tabatière remplie de bon tabac sec, ils puisaient avec le pouce et l'index, délicatement,
une pincée de pacotille blonde, la mettait dans le papier fin, d'une
transparence idéale, coupé à la mesure de la cigarette. Il la roulait lentement
amoureusement patiemment, goutant à l'avance au plaisir de fumer et de se
délecter du nectar de ce tabac choisi… Et puis, ayant remis en place le carnet
de ce papier fin, ainsi que la tabatière, alors, ils allumaient la cigarette
qui envoyait dans la chambre, les volutes bleus d'un nuage toujours montant
avant de disparaitre tout à fait, vite suivit par un autre nuage… deux vieux
amis… deux vieux amis, unis pour le meilleur et pour le pire… deux vieillards…
Mais
Khalti Kahla, notre voisine de palier, fumait, elle, de vraies cigarettes,
prêtes. Une dizaine dans la boite… sans marque aucune, sans nom, sans adresse…
enroulées à la main par de petits ouvriers. Elle m'appelait Atati, me raconte
Nono Vita, et c'était toujours moi, qu'elle envoyait pour lui acheter ces
cigarettes. Elle les vidait de leur boite et les mettait dans son étui à elle…
un étui de fer blanc, qui mieux que le carton, conservait ses cigarettes, bien
au sec. Mais elle ne jetait pas la boite: elle me la donnait, et moi, je les
conservais en lieu sûr… Quand j'avais
déjà une dizaine de ces boites, je les donnais au vendeur de cigarettes qui
lui, me remettait une piastre !... Oui une piastre entière… c'était quelque
chose en ce temps là… J'avais sept ans… et avec cette piastre, je pouvais aller
au cinéma Olympia… et faire le fier avec mes copains."
-o-o-o-o-o-o-
Par Rosa Menasche Haïfa
Haïfa, le 21/07/83
A Suez, sur la Mer Rouge, à l’embouchure du
Canal, quelques familles juives ont constitué une minuscule communauté depuis
le début du siècle. Des familles comme les Dancour, les Azoubel, les Menasche,
les Horowitz, les Lichtental, les Benatar, les Cadranel et autres, ont vécu en
parfaite harmonie avec les communautés d’européens, les italiens, les grecs,
les français, les anglais, les hollandais, les maltais et avec des relations de
réelle amitié avec les égyptiens.
Les juifs de Suez venaient des horizons les
plus lointains (Rhodes italienne, par exemple) et exerçaient les métiers les
plus divers : grand commerce, orfèvrerie, bijouterie, photographie, etc.
Pendant la seconde guerre mondiale, à Rosh
Hashanah, à Kippour, Pessah, combien de soldats juifs de l’armée britannique et
de frères américains, ainsi que de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont
trouvé un foyer juif pour les accueillir, les héberger ! Souvenirs
d’enfance inoubliables même lorsque les Polonais attablés chez nous et déployé
sur la table en gros caractères, le quotidien « Le Progrès Egyptien »
de langue française, reportait les néfastes nouvelles de l’occupation nazie du
couloir de Dantzig.
Vers 1947, les commandos palestiniens ont
menacé des juifs, dont mon père, qui vivaient pour la famille et le travail,
sans activité politique d’aucune sorte. Menaces de mort et de terreur s’ils
n’allaient pas verser des sommes importantes pour financer ces commandos mêmes.
Le gouverneur local a pourvu à protéger ces
juifs en les faisant escorter ( pendant un certain un certain temps) par des
soldats de l’armée égyptienne, fusil à l’épaule, du travail à la maison et
vice-versa.
Cela n’a pu duré au-delà de la guerre de
1956 alors que plusieurs membres de cette petite communauté ont été internés.
Certains, comme Gabriel Menasche, mon père,z.l.,, né à Suez, furent transférés
à la Citadelle, prison du Caire pour délinquants communs, car il refusait
d’être expulsé séance tenante en tant que citoyen italien et juif habitant la
zone du Canal de Suez, soupçonné de pouvoir devenir un espion et cinquième
colonne de l’Etat d’Israël.
1977 : Visite mémorable de Sadate à
Jérusalem. Ce même Gabriel Menasche observe son poste de TV, à Milan et goûte
une joie insoupçonnée mêlée d’émotion. Ca y est : la roue tourne.
Qu’est devenue cette petite synagogue
perchée au troisième étage d’un vieil immeuble aux grands balcons de bois, près
du Souk, où nous fêtions, entre autres,
Souccoth, la fête des Cabanes et la fête où, dans notre lointain passé, nous
avions prié pour toutes les nations du monde ?
Des tapis persans encadraient les parois de
ce vieux balcon et là, les femmes bavardaient tranquillement en attendant les
points culminants de la prière. Les enfants jouaient dans une petite pièce à
côté.
Et la soif qui vous prenait à Kippour, et
la musique irrépétible des « rimmonim », avec en sourdine le bruit du
Souk.
Suez, Port-Tewfik, cieux aimés et
délicieux, petits jardins, plages aux marées généreuses, Sayed, Mohammad,
Barakat, Ali Shérif, Rashad Effendi, qu’êtes-vous devenus ? Et le quartier
arabe de l’Arbaïm est-il toujours sur pied ? Et l’Hôpital français où je
faisais mes premiers pas dans le volontariat à l’âge de 15 ans ?
Suez et Port-Tewfik, ce n’est qu’un
au-revoir…
Juin 2011
Reçu le 4 février 2011 de
Monsieur Joe CHALOM :
Ibrahimieh, Alexandrie
(1940-1957)
Petite rue du quartier d’Ibrahimieh, commençant rue Ambroise Ralli, rejoignant la promenade de la Corniche après avoir croisé l’interminable rue Tanis, parallèle au bord de mer. Petite rue cosmopolite paisible, comme tant de rues de cette banlieue de Ramleh à l’époque.
Avant le croisement avec la rue Tanis la population est plus cosmopolite. Au delà de la rue Tanis la rue devient plus musulmane et plus populaire. Musulmans et non-musulmans se côtoient et paraissent un peu s’ignorer, sans aucun signe hostilité. Les enfants dits « européens » regrettent un peu ce cloisonnement : certains auraient bien aimé jouer au « soldat et au voleur » avec les gosses du bas de la rue !
A l’entrée de la rue, coté Ambroise Ralli, se trouve l’épicier musulman Ghali (pas plus cher qu’un autre malgré son nom), petit chef d’entreprise toujours souriant, dynamique et bien achalandé. En face de chez Ghali est située la villa assez vétuste d’un menuisier ébéniste italien. Il travaille dans une cour poussiéreuse, au pied de notre maison, entouré de son épouse, de ses chiens et chats. Sa mine est plutôt sombre et fermée ; on le dit traumatisé par l’internement de ses deux fils durant la guerre, entre 1939 et 1945.
Quelques mètres plus loin, gardés par des Baouabine (gardiens d’immeubles) saïdiens, trois assez beaux immeubles de cinq à six étages (certes embellis par le souvenir) habités par des italiens, des grecs, des maltais, des arméniens, un grand nombre de juifs et des musulmans. Nous habitons dans l’un d’entre eux. Au pied de ces immeubles, les Baouabine gèrent une caisse de boissons rafraichissantes (Coca-Cola dit « caccoula », Sinalco, Spathis, etc) et la vente de blocs de glace, totalement indispensables en été. A coté, des bancs de bois accueillent des joueurs de flute qui se délassent surtout la nuit : « Ya leili, Ya eini, Ya ein !).
Notre rue était à deux pas de la mer et nous profitions presque journellement durant les vacances scolaires. Avant de filer à la plage, nous avions l’habitude de faire un tour sur notre balcon et de regarder à gauche en direction de la plage. Si les flots apparaissaient au loin d’un beau bleu, cela laissait présager « une mer d’huile » ; Si ils paraissaient un peu blanchâtres, on pouvait craindre une mer « démontée » ( !!) avec un grand drapeau rouge planté sur la plage.
Quand j’ai retrouvé avec émotion ma rue lors de mon premier retour en 1991, j’ai été surpris par l’exigüité du lieu : Il y avait à peine cinq mètres entre les maisons des deux cotés de la rue. Et ceci était déterminant pour notre vie sociale. Les soirs d’été, ma mère s’installait au balcon pour prendre l’ait et pour « papoter » avec les voisins « d’en face », tout en grignotant de la pastèque ; elle avait ainsi de longues conversations avec les dames Aghion de l’autre coté de la rue. En haussant un peu le ton elle lançait même des invitations à Madame Borroda qui habitait encore un peu plus loin.
Le matin, ma sœur et moi utilisions à notre tour cette proximité : Installation d’un « micro-téléférique » entre notre balcon et celui des Aghion ; envoi, à bout de bras, de paquets de timbres-poste à notre ami maltais Roby Cortis qui habitait en dessous des Aghion, ou à nos voisins arméniens Magar et Vartan. C’était le « Club d’été » de la rue Nag-Hamadi.
Mais ce « Club d’été » ne fut pas éternel. Juste après la guerre, Magar et Vartan disparurent de la circulation. Ils étaient partis en Arménie Soviétique, patrie de leurs ancêtres. Beaucoup plus discrètement, vers 1948, un grand nombre de nos voisins juifs – surtout des jeunes - s’éclipsèrent discrètement : Les Della Ricchia, les enfants Adereth, les fils Aghion, Joe et Anita Négrin ne faisaient plus partie de notre paysage familier. Ils étaient partis « là-bas », comme on le chuchotait à l’époque.
La nostalgie commençait à poindre avec le départ de ces personnages si familiers. Quelques années plus tard, en 1956-1957, ce fut à notre tour de partir.
Quand je suis revenu dans la rue en 1991, certains vieux baouabine (qui tenaient toujours le débit de boissons) se souvenaient encore de nous, et même de certains noms de famille qui leur étaient encore familiers. Mais le cosmopolitisme était terminé, et sans doute à jamais.
-o-o-o-o-o-o-
Voici un article de mon
regretté ami Raymond LEVY (surnommé LEVY LE ROUX à cause d’une chevelure
flamboyante) ex Secrétaire Administratif de la Maccabi « Centrale du
Caire » Rue Abdel Aziz.
MES SOUVENIRS D’EGYPTE A LA MACCABI
CENTRALE DU CAIRE
En 1925, j’ai été entraîné par mes Amis
Jacques Gold (que son aîné repose en paix) et Willy Saphir, qui fut expulsé
d’Egypte (menottes aux mains) vers la France où il exerçait en tant que
journaliste pour les grands journaux et revues
J‘ai eu comme premier chef Otto
Oppenheim aidé de son second Max Singer. Le père de Otto Oppenheim et son autre
fils Jack se dévouaient aussi corps et âme pour la Maccabi, attirant la
jeunesse juive du Caire : Louveteaux, Eclaireurs, Rovers et Sportifs.
Les enfants qui m’entouraient et moi
avions été très impressionnés par les leit motiv : « Mères Juives, confiez-nous vos enfants, nous
en ferons des hommes » et « Apprenez
à vivre avec un esprit sain dans un corps sain » et nous nous sentions
devenir, petit à petit, des hommes forts et conscients de notre avenir
sioniste.
J’ai passé de belles années parmi mes
camarades à la Maccabi : les jeux, les sports, les excursions, les
rencontres internationales avec nos autres frères éclaireurs de toutes les
nations. Nous chantions en hébreu autour du feu sans toutefois comprendre un
mot, notre éducation se faisait en français à cette époque.
Une histoire bien amusante s’est passée
dans l’une de nos réunions avec les éclaireurs des autres nations. Chaque
groupe devait envoyer un représentant
pour prêter le grand serment « Scout » dans sa langue maternelle et,
nous autres, les Juifs, nous étions dans l’embarras…Tout d’un coup, le grand
diable de garçon du nom de Mazliah se lève, se dirige vers le feu, fait le
grand salut et déclame… la prière « Schema Israël, etc… » nous tirant
tous d’embarras à la grande satisfaction de nos chefs.
C’est au « Bet Haam » de la
rue Fouad, en face des Tribunaux Mixtes que j’ai eu l’honneur de voir, pour la
première fois, notre premier Président, le grand Haïm Weizman qui m’a tout de
suite remarqué à cause de mes cheveux roux fauve flamboyant. J’ai même eu droit
à une caresse de sa part pendant qu’il parlait de moi avec les représentants de
la Communauté Juive du Caire, Messieurs Salama, Cicurel, Sanua, etc.
Plus tard, nous trouvant sans local à
la suite de l’assassinat de M. Salomon Cicurel, nous avons loué un appartement
dans un sous-sol dans l’ avenue de la
Reine Nazli sous la direction des frères Busnach, Jacoël, Amarillio, etc. les
frères Oppenheim n’étant plus au Caire. Ce local n’était pas commode par manque
de terrain de sport. Entretemps, j’avais grandi et m’était transformé de
Louveteau en Eclaireur.
De ce local provisoire nous avons trouvé,
en face de la Grande Maison Orosdi Back à la rue Abdel Aziz un local plus
adapté à nos besoins avec comme Président Monsieur Amiel, un entrepreneur qui
nous fit cadeau de la construction, avec une salle de fêtes et c’est là que
nous avons reçu en grande pompe Lord Melchett, président de la « Maccabi
World Union », qui était de passage en Egypte pour l’organisation de la
première « Maccabiade » en Eretz Israël.
Nous avons reçu aussi M. Dizingoff, le
Maire de Tel Aviv qui nous fit un discours qui nous avait beaucoup
impressionné. C’est dans ce local que, pour la première fois, nous avons eu le
plaisir de former une équipe « jeunes filles » de basket ball, sous
la direction du Capitaine Mlle. Mizrahi ainsi que des Eclaireuses.
Notre équipe de Basket Ball jeunes gens était championne d’Egypte et champions
des Maccabiades avec la participation des trois frères Harari, l’équipe de
Boxeurs comprenant des champions d’Egypte tels que les Hadjès, Salonikio, De
Bono et, plus tard, le jeune Mattatia.
Sur ce, notre Président M. Appel, grand
bijoutier du Caire, fit son apparition et,
sous sa direction, la Maccabi prend un grand essor. Entre temps, je me
suis marié et mon fils aîné a suivi ma trace à la Maccabi, à l’âge de 6 ans je
l’envoi en campement pour 21 jours il me retourne malade et c’est le Dr. Aron
Shual, camarade de la Maccabi qui le soigne avec grand dévouement. A l’âge de sept ans il collecte de l’argent
pour le K.K.L. et jure ses grands dieux
qu’il veut devenir un soldat dans l’armée Juive !!!
C’est en 1951 que nous partons pour
nous installer définitivement en Israël où mon aîné a tenu parole, il a en
effet servi dans « Tzahal » pour environ 11 ans.
Raymond Levy
-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 27 avril 2011 de Madame Suzy VIDAL (Sultana
Latifa) :
Coming out
of Egypt (1956) we were only allowed to take one suitcase and £10!
I chose to
take my nonno’s personal kanaka.
His name was
Brahim (Abraham) and he was married to Sarah, exactly as in the Bible.
Brahim was
a short man. If energy were to be counted by centimeters, it would be a
laughable matter because energy overflowed from him.
Like
Abraham he had a stutter.He would stop in the middle of a sentence open his
mouth and look for his words.
He woke up
at 5 o’clock, washed in cold water, said his prayers with his tefelim around
his forearms, then trotted off to the kitchen to prepare his ahwa in his own
Kanaka before the goy came over for his day’s work.
This Kanaka
was a small one-cup Turkish coffee maker in copper on the outside and pewter
inside. The handle was in wood with a small hook to hang it next to the other
kanakas on which you could see, 2, 3, 4 and 5. These numbers weren’t Cabalistic
but indicated the quantity of cups one could prepare with that specific kanaka.
For instance the mark 3 meant that three cups could be prepared. We are talking
of Turkish cups here.
There was
the mazboot coffee, sugar just right and soccar ziyada sweeter.
Nonno was for the mazboot, whereas I was for soccar ziyada, thus
surely prepring my path to diabetes!!!
Nonno took
a generous spoon of ground ahwa which he himself had bought green and then
taken to be roasted, put it in the kanaka containing water added sugar and then
placed it on the spiritiera, alcohol burner. Once the mixture had risen
three times, his coffee was ready.
He sat in
front of a back window to, as he said: “ne shoof wesh el sama,”to see the face of heaven.
He probably planned out his day while sitting there.
After
drinking his coffee, he would get ready to go to the Muski where he had his
shop selling wholesale English fabrics and more especially poplin cotton.
I still
have a blouse made out of that poplin.
The silly
things one takes out when going into exile!!!
The kanaka
represents a whole era for me.
The time
when guests came for a chat, or when they came for Abel after a departure to a
better place.The reading of good fortune. No one laughed at that.
Brahim had
an Egyptian nationality, then for the only reason that he was Jewish, it was
taken away from him and he became stateless. We used to call this “apatride.”
His shop
was confiscated and put in the hands of a sequester.That was the name given to
the man who lorded it when the shops were seized.
We were
told secretely that the police was coming to “talk” to nonno. We did not know
when but we were so scared that my parents urged Nonno to take a ticket for
Milan where our cousin lived. Imagine someone who had never left his country
taking a plane and speaking only Arabic?
He left
everythng, his money, his shop, his home.
When he
reached Milan Airport no one understood what he was saying.
He cried like a little boy, till finally the
authorities brought over a translator. Then our cousin in Milan was contacted
and came over to get him.
“I have
never seen greater morons than you!” She told us later. “leaving an old man all
by himself!!!”
The Kanaka
is hung in front of my place when I have breakfast in my kitchen and reminds me
of that dearly loved nonno.
I no longer
cry now, I haven’t got any tears left in my body!
I think of
Brahim serenely knowing that he is resting in Israel, that was his dearest
desire.
Suzy Vidal:
aka Sultana Latifa, a Jewish refugee from Egypt
-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 19 mai 2011 de Monsieur Jamy
TIVOLI :
JAMY EN EGYPTE 1947 - 1955 -
2009
Souvenirs : Jamy et ses camarades en Egypte
Dans l’avion d’Egyptair qui me ramène en France, je pense à la masse de travail qui m’attend : 15 jours d’absence à cette époque de l’année j’imagine le courrier qui s’empile sur mon bureau, les rendez-vous, les ceci ou les cela. …. Je jette un regard par le hublot et vois le delta qui défile sous mes yeux, mon esprit vagabonde : oublié le courrier empilé, les ceci et les cela …Je me revois petit garçon il y a 62 ans à Alexandrie, débarquant du Cyrénia, mon beau père sur le quai m’attendait, je réentends les clameurs de joie de cette foule bigarrée heureuse de retrouver un parent, un ami venant de France, d’Italie ou de Grèce. On avait mis 8 jours pour traverser la Méditerranée : Marseille, Gènes, Le Pirée. Après le départ de Marseille, à Gènes visite du cimetière. Pour voir le Stromboli qu’on longeait on s’était levé à 4 heures du matin, le détroit de Messine avec Charybde et Scylla ces fameuses îles tant redoutées dans l’Antiquité.
Au Pirée visite d’Athènes, du Palais Royal avec ces Effzones si curieux avec leurs drôles de chaussons, et puis à l’Acropole je fus émerveillé par les cariatides, ces jolies jeunes filles si bien sculptées. Très étonné par le prix demandé par le taxi : 70 000 drachmes pour le trajet : Le Pirée - Athènes. Tous ces souvenirs me reviennent de façon très précise : miracle de la mémoire ces faits vieux de 62 ans que je croyais enfouis ou perdus remontent à la surface
et je suis ému jusqu’aux larmes, mon ami Moïse m’a dit que les orphelins ont une sensibilité particulière : j’avais perdu mon père à l’âge d’un an.
A Alexandrie, Billy mon beau-père m’accueillit, nous primes l’un de ces merveilleux cars Américains aux formes arrondies. Une halte au Rest House : je goutai des mets égyptiens ou grecs aux saveurs merveilleuses . Puis l’arrivée au Caire, à Zamalek 8, Sharia Ahmed Ishmet Pacha.
Nous passions nos journées au Ghézireh sporting club, paresseusement à la piscine ou à jouer au tennis : à la maison 3 domestiques nous servaient : un cuisinier, un suffraghi, une nanni pour garder mes ½ frères.
Une vie d’enchantement entourée d’un environnement qui m’émerveillait avec ces superbes flamboyants, ces belles villas, et au centre ville, ces belles rues aux magasins élégants.
Le Lycée Français de Bab-el-Louk : c’était le saint des saints, l’un des meilleurs lycée français dans le monde. J’appréhendais la rentrée et le bizutage initiatique un rituel français. Je m’imaginais obliger de courir nu dans les rues du Caire avec des plumes dans la fesse, mais en Egypte cela ne se faisait pas et je fus reçu comme un ami et mieux comme un frère. Depuis cette affection fraternelle a perduré à travers les décennies jusqu’à aujourd’hui.
Quelques turbulences, je sors de ma torpeur et de ma rêverie :.je pense à cette chanson romantique de Charles Trenet « Que reste –t-il de nos amours » Une photo, vieille photo de ma jeunesse …..et oui que c’est loin, mais proche tout ça.
Ce voyage après plus de 54 ans je l’avais organisé avec 4 anciens du Lycée, 2 de mes fils,
3 de mes petites filles et nos épouses, nous accompagnaient
Nous n’avons pas retrouvé au Caire cette vie idyllique sans doute idéalisée par nos rêves de
jeunesse et par le vie de pacha que nous menions. Le Caire comme Alexandrie sont
devenues des mégapoles, sales, polluées, bruyantes, dont les beaux immeubles sont dégradés.
L’Egypte, c’est 80 millions d’habitants, contre 20 quand nous l’avons quittée, la population
augmente d’un million de personnes par an. Le Grand Caire a une population de l’ordre de
20 millions d’habitants, Alexandrie plus de 4 millions.
Personnellement je n’ai pas été déçu, je m’y attendais, je n’avais en tête que des souvenirs sans nostalgie : le temps passe vite et façonne de nouveaux paysages.
Au Caire, visites classiques du musée où nous insistâmes pour voir la stèle qui marquait la frontière entre l’Egypte Antique et Israël il y a 4000 ans, des pyramides de Guizeh, le spectacle son et lumière furent des moments touristiquement très intéressants mais connus.
La pyramide de Saqqarah, toujours aussi majestueuse et magique, me rappela ma première rencontre dans la petite maison de Jean-Philippe Lauer que ma mère connaissait. Il nous fit visiter il y a 62 ans avec passion les 40 sarcophages des Bœufs Apis, malheureusement fermés aujourd’hui.
Dans le Vieux Caire, la visite du musée Copte est une petite merveille, celle de la plus ancienne Synagogue d’Egypte « Ben Ezra » fut très intéressante. Nous pûmes relever des noms connus comme Vidon ou Beinisch dont les descendants sont nos camarades et vivent près de Paris. Mme Carmen Weinstein, présidente de la Communauté nous accueillit à la porte du Cimetière Juif de Bassatine : cimetière dévasté, mais propre, avec des allées bordées d’arbres et quelques fleurs. Pour nos camarades nous y recueillîmes la Terre de ce cimetière que nous avons ramenée en Terre de France pour la remettre à ceux de nos camarades qui le souhaiteraient : quelques inscriptions touchantes en langue française nous étions tous émus, silencieux les larmes aux yeux en pensant à nos camarades qui avaient les leurs ici quelque part .
En compagnie de la présidente de la Communauté, nous visitâmes la synagogue de la Rue Adly. Pour y accéder, il faut montrer patte blanche et passer les différents points de contrôle passeport de rigueur…..cette synagogue est parfaitement bien entretenue et très belle.
Alexandrie qui rivalisait autrefois avec les plus belles villes de la Méditerranée subit, elle aussi, des ans et de la bêtise humaine l’irréparable outrage. Nous mangeâmes dans des restaurants sympathiques le Fish market, au club nautique grec et chez l’ex Benniamine. Nous couchâmes à l’hôtel Windsor près le Cécil Hôtel un vieil hôtel très « victorien ». Nous visitâmes cette superbe bibliothèque près de la faculté de Lettres où nous vîmes ces centaines de charmantes jeunes étudiantes qui représentent le futur du pays affublées du foulard. Et enfin nous visitâmes après palabres avec la maréchaussée, présentation des passeports (photo-copiés) la synagogue de la rue Nebi Daniel .. M. Gaon Joseph, le Président de la Communauté nous fît les honneurs de cette très belle synagogue, très bien entretenue .
Un de mes camarades me signala des chaises au nom de Tivoli, une branche éloignée qui s’était établie en Egypte au 19ème siècle.
LOUXOR KARNAK LA VALLEE DU NIL ASSOUAN ET ABOU SIMBEL
C’est la partie magique et mythique du voyage. Arrivés à LOUXOR par avion, nous déposâmes nos bagages sur notre bateau, une dahabieh du nom d’Agatha Christie que notre ami du Lycée Français Elhamy Elzayatt avait mis à notre disposition pour 7 jours : 8 cabines doubles tout confort, une vingtaine d’hommes d’équipage pour nous servir et notre guide Hosamm Zaki, remarquable d’Egyptologie.
Nous partîmes visiter Karnak ce temple est impressionnant comme chacun sait mais de visu
on est ébloui par l’exploit et la beauté de cette œuvre gigantesque.
Puis nous rejoignîmes LOUXOR à quelques encablures. Nous y étions à la nuit tombante, magie de ce temple illuminé et sur un promontoire mystère de cette église copte enchevêtrée à une mosquée.
De retour sur notre dahabieh, un excellent dîner nous attendait, puis départ dans la nuit où nous remontions le Nil soit à la voile, soit halés par un bateau à moteur. Au petit jour, premier levé pour admirer le lever du soleil sur le Nil. Petit déjeuner copieux, et allongés sur des transats confortables nous admirions en maillot de bain ces spectacles somptueux, ce fleuve Dieu, ces villages où les gens vivent heureux loin des tracas et des soucis : nous déjeunions sur le pont du bateau, ou nous nous arrêtions dans quelque île où nous faisions un barbecue. Nous allions au gré de l’eau, on observait des aigrettes, des martins pêcheurs, des grands hérons bleus, de grands cormorans, des pics bœuf quelques oies sauvages, et allongés sur nos transats en nous dorant au soleil du Tropique du Cancer si proche on voyait défiler de petits temples, des tombeaux creusés dans la roche , des mausolées. Le soir on organisait des parties de tric-trac, autre fois Jacquet mais aujourd’hui appelé je ne sais pourquoi de ce nom horrible de « backgammon ». Mais ici sur la terre des pharaons, ce sera tric trac. Nous aimions à discuter de tout et de rien et puis vers 20H00 nous nous retrouvions tous autour de la grande table dans la salle à manger où on nous servait des plats orientaux délicieux inspirés par Roger qui dosait le mariage des épices et Kouky qui les goûtait, le tout arrosé d’excellents vins Egyptiens que nous ne connaissions pas du temps où nous vivions en Egypte et que nous voulions mettre nos connaissances et nos compétences à son service. Mais le Destin en décida autrement.
Les serveurs et le personnel triés sur le volet nous rappelaient nos anciens cuisiniers, suffraghis ou baouabs par leur extrême gentillesse et leur politesse exquise qui étaient l’apanage de cette terre antique, comme le sont pour la France les meilleurs vins et les fins fromages. On s’arrêtait dans la journée pour visiter tel ou tel temple, franchir l’écluse d’Esna avec tous ces marchands qui de leurs barques lancent avec précision objets et vêtements récupérés sur le pont de la Dahabieh, soit rendus à l’adresse du marchand dans la barque, soit avec quelques euros en échange. Edfou, Kom Ombo, Assouan, l’Ile de Philae, dîner sur une île avec les Nubiens, et puis cerise sur le gâteau Abou Simbel : une merveille pharaonique et un travail de sauvetage exceptionnel que nous devons à Christiane Desroches Noblecourt qu’elle en soit mille fois remerciée. Sur les parois du temple est relatée la victoire de Kaddesch . Or chacun sait qu’à Kaddesch il n’y eut aucune victoire, après une première confrontation qui ne fut pas décisive, les troupes Hittites se retirèrent et proposèrent un traité de paix que Ramsès II accepta . Mais la propagande de l’époque attribua à Ramsès II une victoire glorieuse, et il fut divinisé. Cela me rappela certains évènements survenus 3350 ans plus tard où la même propagande érigea en victoire une bataille au sort funeste.
Mes chers amis et camarades, mes frères, qui avez connu cette culture Orientale, cette exceptionnelle éducation que nous avons reçue les épreuves et les aventures qui nous ont façonnées, je n’ai cessé de penser à vous tout au long de ce voyage dans ce pays qui nous a marqués. Nous étions 90 000 et maintenant une vingtaine. Je pense à « l’exode oublié « de mon ami Moïse…. Je pense aussi à notre émotion lorsque nous visitâmes le Lycée français la gorge nouée et les larmes aux yeux. Mais les septuagénaires que nous sommes devenus aiment rire et faire la fête en bons Sépharades et sont unis comme des frères.
la Comterie (Savoie) le 26 décembre 2009
Jamy Tivoly Avec le concours de David Harari, Kouky Carmona, Roger Coriatt, et Jean-Pierre Hazan, tous anciens du Lycée Français. De Bab el Louk
Janvier 2011
Ouvrage de Monsieur Marcel Fakhoury
LE CHEVALIER BAYARD
Reçu le 26 septembre de Madame Lucette
LAGNADO :
The Lonely King Without a Throne
By LUCETTE LAGNADO
Therese and Joel for The Wall Street Journal Ahmed Fouad II in Switzerland. Ahmed Fouad II leads a quiet, secluded
life in the Swiss countryside, surrounded by mementos of his ancestors—oil
paintings, busts and old black-and-white photographs. He reads history books,
putters in his garden and ruminates about the past. One of his favorite
possessions is a picture of his father, King Farouk of Egypt, saluting the
cheering crowds at his 1937 coronation. His
father, King Farouk, salutes the crowd at his 1937 coronation. In the midst of all this angst,
"Farouk fever" has been sweeping Egypt. A TV soap opera on King
Farouk was such a hit its producers just unveiled another series about the
royals. Books set in the era are selling briskly at the popular Diwan
bookstore chain in Cairo. A tour company is marketing cruises along the Nile
on a yacht with a "Farouk Suite." Fouad, at
about age 6, and Farouk in Switzerland. He attended a public school in the
village, studying with children of vineyard workers. While no one at home ever
talked about him being the king, other kids at school would tease him. It
didn't help that his Albanian bodyguard took him to and from school every
day. Later, Fouad was sent to Le Rosey, an elite Swiss boarding school. |
||
|
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 4 octobre 2010 de Madame Daisy GILL :
“SIGN HERE” LED TO EXPULSION AND A NEW LIFE
By Daisy Gill
Renewed public interest in the now largely forgotten
1956 Suez War prompted Alan Gill, a UK-born Sydney writer and journalist, to
goad his wife, Daisy, into providing the following recall of her experiences.
Film
scriptwriters are fond of depicting the knock on the door, usually at midnight,
followed by interrogation or arrest of the unhappy occupants.
Well, in
our case this was no fictional episode. Only the timing of the knock was
different. It happened on 22 November 1956 – which happened to be my 25th
birthday. Two armed policemen turned up at my parents’ flat in a smart area of
Cairo, A sheet of paper was thrust in front of my surprised father, who was
asked to sign.
Protestations
that he could not read Arabic were ignored. He was told to sign first and an
explanation would be given afterwards. It turned out to be a notice of
expulsion and that we were leaving of our own free will!
It was not
the first visit by police. We were already under house arrest and had received
several routine checks that we were still indoors. During one call the porter,
who was usually deferential, shouted what he would like to do to the English
dogs. He did not realise that we were among the “dogs”. I suppose I can’t
really blame him. We were at war, and our troops had invaded his country.
The
expulsion order was simple but direct. We had a week to leave the country in
which I was born and where my parents, and for that matter grandparents had
spent most of their lives.
Though
neither my parents nor myself were politically active, we had world politics
thrust upon us. We had been caught up in the infamous “Suez War” which followed
the seizure and nationalisation of the Suez Canal by Egyptian President Gamal
Abdel Nasser. The resultant intervention by British and French forces in
cahoots with the Israelis led to the expulsion of all British and French
nationals, who had to return to their supposed countries of origin.
I say
“supposed” because, although proud of his British ancestry, my father, though
educated in England, and a manager with the Shell Company, first in Alexandria,
then in Cairo, was in reality part of that unique polyglot, multi-lingual
community, which typified European settlement in the Middle East. Culturally we
were what “real” English people would consider distinctly “foreign”.
It was a
tough period for us and for several thousand others. In some cases husbands and
wives were separated. One partner may be expelled, the other not. For example,
a Greek married to a Maltese. We were allowed to take 10 Egyptian pounds, which
proved worthless, and one suitcase containing only clothes. It meant goodbye to
family pets, photo albums and jewellery. (A few very precious small items, such
as a couple of photographs or very precious jewel were slipped unnoticed in a
handbag.) Items of furniture were left as they were. The key of the flat was
left with a relative. Coinciding with the initial house arrest we had been
dismissed from our jobs. Some employers, being decent people, did so only under
duress.
At the time
none of this bothered me much. I had a boy friend (not my future husband) in
England, and expulsion would bring me closer to him. Those who were expelled to
Britain were offered makeshift accommodation in nissen huts last occupied by
German POWs in World War II. My parents were spared this indignity as my elder
brother was working in London at the time, and we found temporary accommodation
with him.
Things
actually went fairly well for us. Within days of our arrival in a cold, wintry
Britain my sister and I had found jobs with Barclays Bank International (then
Barclays Bank DCO) in London, and were strap hanging on the “Tube” with the
bowler hatted types. Dad was re-employed by Shell, though in a lower capacity.
We had little money, and there was nothing at all for luxuries. Gradually we
rebuilt our lives.
Young
people rarely look back, which was perhaps as well. Fifty years on, I now have
time to reflect. I think about the old days – the daily house help, the clubs
and privileged life that European people enjoyed in the Middle East. In England
I met my husband, Alan, and we emigrated together to Australia in February 1971
(it was the day Britain introduced decimal currency.) The reality is that had I
stayed in the Middle East the lifestyle I enjoyed would not have lasted and our
friends have scattered. It is a bygone era that will not return. Perhaps Nasser
did us a favour. We have found happiness in Australia and, and in spite of
having travelled fairly widely, in the words of the song: “I still call Australia
home.”
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 19 octobre 2010 de
Madame Clemy PINTO – Saô Palo :
A ALEXANDRIE DANS LES ANNÉES 50
Chez nous, familles Osmo et Dassa -
voisines d'étage - c'était tout un
ceremonial.
Sur la grande table de la salle à
manger recouverte d'une toile cirée :
d'un côté, un grand bol contenant
des amandes émondées. De l'autre des «
kilos et des kilos » de dattes jaunes bien lavées. Une troisième assiette contenait des
cure-dents. Et une 4e. assiette recevait les noyaux des dattes. Notre travail, (c.a. d. nous les enfants),
consistait au dénoyautage des dattes jaunes.
On poussait le noyau vers l'extérieur avec 2 cure-dents à la fois, et on
introduisait une amande dans l'orifice ainsi formé.
Tous les enfants étaient de la
partie. Par ordre d'âge : Clemy,
Lucette, Ruby, Samy et même notre petit Maurice chéri (3 ou 4 ans à
l’époque). C'était à qui poussait le
plus fort.
Inutile de dire qu'à chaque 3 ou 4
dattes, on se fourrait une amande dans la bouche en mourant de peur que les
amandes ne soient pas suffisantes, mais comme les mamans connaissaient le truc
(depuis leur enfance, peut-être... ), elles s’étaient préparées.
Pendant ce temps, ma tante Anita
(Osmo) et ma chère maman Nella (Dassa) préparaient le syrop et plaçaient les
dates les unes à côté des autres.
Une fois la confiture prête, nous
étions si impatients d’y goûter, qu'on n'attendait même pas qu'elle
refroidisse. On plaçait ensuite les
dattes dans de grands bocaux, qu’on divisait pour chaque famille et on les
servait aux invités dans un compotier spécial entouré de petites cuillers en
argent, avec autant de verres d'eau glacée que de convives.
Comme la saison des raisins « banatis » était la même que celle des
dattes, quelques jours plus tard c'était la cérémonie de la confiture de
raisins, mais elle était de loin, beaucoup moins amusante...
Je suis sure que vous avez tous des
souvenirs de ces confitures que nos mamans préparaient, sans oublier celles à
la noix de coco, aux abricots, aux fraises, aux écorces d'orange - laringues
- et celle aux pétales de roses (cette dernière était inconnue chez moi ; par
contre, dans la famille de Cesar (Pinto) mon mari, c'était chose courante).
Bien sûr, quelques semaine plus tard,
il fallait préparer les bocaux de « picklès », mais je vais réserver
ce sujet pour une prochaine fois.
Ça, c’était le bon vieux temps, le
temps de l’abondance et des gâteries,
surtout pour les enfants que la politique n’inquiétait pas...
Bon appétit, alors. Régalez-vous. Clemy
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 15 décembre 2010 de Madame Suzy VIDAL
PIROTE :
How many of us have suffered from that horrendous ho-na!!!
I , for one, when in Egypt had several ho-nas!
How was it done?
There was an iron recipient about one or two liters in which was poured
warm water with either an emollient or a herbal preparation. On the lower part
of that ho-na was a tube from which the liquid would pass through directly with
the lay, into the bowels.
The most stressful part was immediately following the ho-na.
You had a tremendous urge to evacuate this liquid, but you were not
allowed to.
You had to keep it as long as possible till you were ready to die!!!
Then when you were finally allowed to go to the toilette, it was the
greatest relief on earth.
The ho-na was a regular instrument of torture I always dreaded that torture.
However today and knowing this through personal experience, the modern
ho-na is a real jewel compared to the one we knew in Egypt.
Gone, is the iron recipient, the tube and the la!!!
It is now replaced bu a small plastic tube, with an innocuous laii.
I lived through this experience only a few weeks ago when I was in
hospital after a fall.
I wouldn’t say it was a delight compared to the Egyptian ho-na, but
almost.
This expression was also used for people who were very boring.
If you had the misfortune of seeing one, you couldsay:
”Ya mama, howa/heyd ho-na”
And someone would add
“ho-na be lay yakhti!”
Suzy Vidal
Aout
2010
In Cairo, the
once-crowded Shar Hashamaim is restored, but there are almost no Jews left to
pray in it.
Lucette Lagnado
Special to the
Jewish Week
Wednesday, April 28, 2010
david cowles, Ark
at Ben Ezra, Cairo,1994.
I make it a point
to go to shul on Saturday morning, and that wasn’t going to change when I found
myself in Cairo last summer. Yes, it is in an Arab country, but it is my Arab
country, where I was born and where of late I have found myself traveling again
and again. There is no one there for me — the 80,000 Jews who once lived in
Egypt are pretty much gone, as are all my relatives. Cairo, to paraphrase Janet
Flanner, was yesterday.
While at a festive gathering at the home of the United
States ambassador, I asked if there were services I could attend that coming
Saturday. Everyone shrugged, but then the head of Egypt’s virtually nonexistent
Jewish community, Carmen Weinstein, spoke up to say there was certainly a place
where I could pray, and I thought I detected a certain edge in her voice.
I could go, she informed me, to the magnificent
central synagogue, Shar Hashamaim — The Gates of Heaven. My parents were
married there back in World War II, and I have always had a romantic attachment
to it. When I’d first returned to Egypt in 2005, I saw little beauty in the
careworn massive stone building. Like most of the synagogues in Cairo, it
looked like the house in the Addams Family: dark, frayed, forbidding.
But since that time, Weinstein had overseen a major
renovation, encouraged and embraced by the American Jewish Committee, to
restore the temple to its former splendor. Hundreds of thousands of dollars
were apparently spent by the Egyptian government to fix it up, and there’d been
a formal ceremony marking its reopening. The Gates of Heaven has no rabbi and
no regular minyan, but come certain holidays, the handful of Jews who remained
in Cairo, many quite elderly, venture out and reunite in the sanctuary.
One Saturday morning last June, my husband and I made
our way to downtown Cairo, the hub of what had once been an intensely glamorous
city; the synagogue had been situated steps from delightful patisseries,
fashionable department stores, cinemas and boutiques. But, of course, that was
when Jews and a multitude of Europeans — French, Swiss, Italians, British and
Belgians — made Cairo one of the most cosmopolitan cities in the world. Since
these “foreigners” were thrown out or forced out, Cairo had become hopelessly
provincial. The elegant stores gave way to cheap emporiums. And the Gates of
Heaven was essentially abandoned — there were no Jews left to pray.
I spotted a small, armed militia outside the temple’s
doors. They looked suspiciously at us, but I was ready for that: Egypt likes to
post armed guards outside all its Jewish sites no matter how dusty. Gotta give
them credit. How many other Muslim countries protect their Jewish sites with
such diligence? Once we showed our passports, we were free to enter.
The synagogue was poorly illuminated, but it was clear
much work had been done to restore it to its original splendor. The marble
steps leading to the Holy Ark were gleaming. And the wooden pews that once
accommodated hundreds of worshippers had some of their original luster. On the
bima, I saw an open Torah scroll.
There were all the elements of a great synagogue
except one: people.
I went up on the bima and put my hand on the scroll.
Then, I climbed the marble stairs and kissed the velvet curtain that covered
the Holy Ark. I looked around me, unsure what to do next.
I felt excruciatingly lonely. Though I have prayed the
Sabbath morning prayers a thousand times, I didn’t feel I could recite them
anymore, not without the soothing voice of a rabbi or a cantor or fellow
worshippers. It all seemed heartbreakingly pointless.
The Gates of Heaven had once accommodated several
hundred worshippers, and its women’s section upstairs alone had scores of
seats. I had been told the strict separation between men and women only
encouraged romance; young men would stealthily look up as pretty girls dressed
in their loveliest clothes would preen as close to the balcony as possible, to
make sure they were noticed by their intended. There were flirtations and
matches and fateful encounters, every Shabbat.
I grabbed a prayer book and flipped to the page of the
Amidah, the silent devotional, and prayed quietly. Then, after taking one last
walk around the empty sanctuary, I picked up my passport from the guard in the
booth, took my husband by the hand, and left.
I could think of nothing more to do on this lonely
Levantine Sabbath.
* *
* *
In the last couple of months, we’ve heard that Egypt
is repairing more synagogues; indeed, that they expended funds to restore the
most venerable temple of all, Rav Moshe, in the Old Jewish Quarter, where
Maimonides was said to have studied and prayed some 800 years earlier. Egyptian
Jews, myself included, regularly went to Rav Moshe when they were sick, hoping
to be healed. I traveled to Cairo again last month to visit Rav Moshe and was
impressed by the meticulous restoration. The Egyptians have also begun work on
a broken-down Karaite shul and vowed to renovate some other once-grand
institutions.
It all has seemed pretty wonderful to me — an Arab
country faithfully restoring its Jewish institutions? It was as if my most
fervent wish was coming true. Or was it? Is fixing up the empty, abandoned
Jewish properties in countries devoid of Jews really worthwhile?
Looking back at my less-than-transcendent experience
at Shar Hashamaim, I wonder if what I did had any meaning. Perhaps I could have
communed with God nearly as well by staying in my room at the Marriott and
davening there. It would have been more cheerful.
In Philadelphia, Rabbi Albert Gabbai of Congregation
Mikveh Israel, who was born in Egypt and even sang in the choir of Gates of
Heaven as a child, echoed the view that repairing it and other synagogues is
essential — if only to remind the world, he says, that once upon a time Jews
were there and in substantial numbers.
Since he left Egypt decades ago — after spending some
years in prison camp, which is what happened to Jewish men who lingered — Rabbi
Gabbai has had no desire whatsoever to go back, except to his synagogue, except
to Gates of Heaven. He embraced my decision to pray there. “It means that you
are reclaiming the place for Jews — for you as a Jew, and for all the Jews —
[saying that] it belongs to them.”
Not everyone would agree. Rabbi Gerald Skolnik of the
Forest Hills Jewish Center casts a tepid eye on efforts to refurbish synagogues
in places where there are no Jews; from Poland to Egypt, he wonders what is the
point other than to attract tourist dollars.
“Is it better for a synagogue to be rehabilitated
instead of being torn down or made into a mosque? Halachically, yes. But what
is sadder than seeing an empty synagogue?”
Rabbi Elie Abadie, who presides over the Edmond J.
Safra congregation in New York, staunchly argues in favor of restoring these
lost synagogues. As a native of Lebanon, he has suffered the heartbreak of
watching grand houses of worship destroyed or converted or sold or abandoned —
as most were in and around Beirut. He passionately believes that the
governments that drove out their Jews “have the financial and ethical
responsibility to restore the synagogues.”
As for my woebegone feeling on that Cairo Sabbath, he
says, “If a person is praying in a synagogue — albeit empty — those prayers are
at a higher level and more meaningful because the synagogue maintains its
sanctity. Even if there is no minyan [quorum of 10 men] the prayers are at a
higher level,” Rabbi Abadie contends. God, he says, was of course there in the
original Great Temple, and then in the Second Temple. “Once the Temple was
destroyed, its sanctity was transferred to all synagogues all over the world,”
he said. When a synagogue is built, he said, “it is believed that God enters it
and remains there,” till eternity.
I found comfort in hearing that while I may have felt
desperately alone that Sabbath morning, God was indeed there beside me in that
great cavernous space in Cairo.
Lucette Lagnado is at work on a companion volume to
"The Man in the White Sharkskin Suit" (HarperPerennial), a memoir of
her Egyptian-Jewish family.
Reçu le 9 mai de Monsieur
Ce souk n’était
pas à “Old Cairo” ou “Vieux Caire – Masr Atika ou Fostat”, mais bien au centre
de
Continuons notre
chemin dans
Mais retournons au
“Hemzaoui”,… nous tournons à droite et pénétrons dans les ruelles étroites et
sinueuses du “Souk-El-Attarine”. C’est difficile d’y trouver son chemin et l’on
s’y perd aisément. L’odeur des épices est inoubliable, vos narines sont
sursaturées de ces odeurs fortes qui vous envahissent et vous commencez à
éternuer continuellement . Vous ne pouvez pas vous tromper,… vous êtes en plein
centre chez les “Attarine”, un vrai bazar levantin,… tout le Proche et Moyen
Orient sont là.
Des étalages
infinis de produits et d’ingrédients connus et inconnus, venus de pays
lointains; des épices en graines ou moulues en poudres coloriées, des résines,
des herbes aromatiques séchées, des écorces et des racines d’arbres ,… bref une
féerie de couleurs et de formes diverses, rivalisant avec les meilleurs
tableaux des peintres impressionistes.
Un vrai
régal. Ici, c’est le paradis des
“Epices” et du “Boukhour”.
J’en connais tous
les coins les plus reclus pour les avoir visité et fréquenté durant des
années,… (J’étais étudiant au collège des frères “Saint Joseph” à Khoronfish
tout près). C’est ici que je venais m’approvisionner de “Habbahane, kamoun,
shatta, kosbara, kourkoum, mesteka, tamr-hindi ,…etc ,…etc,… ainsi que les encens
nécessaires pour le “Boukhour”, que ma grandmère, qui vivait avec nous, ma
nonna Marietta (Allah Yerhamha) ne pouvait s’en passer. C’était son rituel
hebdomadaire; chaque vendredi après midi avant le kidoush de “Kabalat Shabat”,
elle embaumait la maison de ces odeurs spécifiques, particulièrement
calmantes, allant d’une chambre à
l’autre pour les purifier contre “Le mauvais oeil”, éloigner les maladies, et
les esprits méchants.
Mais un détail
très important ne peut être oublié ou omis,…
“Les sons” ! En effet, après
avoir acheté les épices en graines, il fallait les moudre. Pour cela, chaque
magasin avait des ouvriers pour ce travail. Ils versaient les ingrédients dans
un grand récipient,… un mortier en marbre ou en granit, de forme conique.
Chacun tenait une longue et lourde barre d’acier, de forme cylindrique et
commençait à marteler et écraser les graines, avec un son et un rythme
régulier, accompagné d’un murmure ou d’un court refrain chantonné de façon
régulière et monotone.
En 1982, lors d’un
voyage en Egypte et d’une visite dans le souk, j’ai acheté quelques épices ,…
les mortiers en granit étaient là,… les barres d’acier aussi, et j’attendais
impatiemment avec ma camera pour filmer
Remarquant mon
étonnement, il m’en demanda la cause,…Je lui racontai alors tous mes souvenirs
d’antan sur le souk et tout le quartier,… il m’écoutait avec beaucoup
d’attention, lorsque soudain du fond de la boutique, apparut un personnage âgé
(c’était son grand-père) qui, intéressé par mon récit, n’attendait que cette
occasion pour bavarder, étaler et raconter ses souvenirs,… il m’invita à
rentrer prendre un thé,… quelle hospitalité, cela ne peut se passer qu’en
Egypte ,… j’acceptais de bonne grâce,…
Il me parla du
Hemzaoui, des familles juives, de Youssef Mizrahi et son magasin de jouets, de
Hamaoui qui vendait des articles de maison, de Moussa et son frere Soliman
marchands de tissus ,… etc,…
Nous étions dans
un autre monde, vagabondant dans notre passé commun,… Les effets bienfaiteurs
d’un moment de nostalgie !
Pour quelques
minutes, j’oubliais que c’est dans ce même quartier du Hemzaoui et
Voila mes chers,
quelques réminiscences du “Souk El Attarine” du Caire.
Reçu de Monsieur Joe ROSSANO :
Elie Patan, that was a great description of the
Mousky. Allow me to add few names and establishments
The jewelers, Sirghani (very nice family),and Lichaa
The kabbab restaurant Agati, and the well renown Cafe Fishawi
The haberdasher, Azzouz Milad, a very nice Coptic family, the older brother
George was running the store, Fayed became a doctor, and the youngest brother
Annis last I saw him he was studying at the Cairo university
In 1970, there was a very old 'A'atar' in Acco. One of the funniest old man I
ever met. He was hilarious and an excellent salesman, I bought few things,
among them a special amulet, and he suggested an aphrodisiac, one of his
special concoction
In the old part of Mexico City, I passed by a Lebanese A'atar, among the products
he was selling an assortment of dried fish shells
In the USA, bokhour can be found sometimes at Indian grocery stores.
I don't recall exactly if it was at the entrance of the Mousky or ar the
vicinity, they were stores selling second hand clothes.
Excerpts from a three of pieces I wrote
"This is strictly for the ones among us who can remember their early teen
years growing up in
Not a minute to soon, the day finally arrived, the great expectation is here.
In
THE
There was the famous minus five stars hotel Parliament (lokandet Barlaman), a
favorite place of visitors from the south, it was said that the bed bugs were
very chummy and as faithful as a dog. That place was a magnet for "les
flibustiers et mauvais garcons", they preyed on these innocents tourists,
it was like shooting fish in a barrel. Occasionally the papers printed stories
about bizarre transactions such as the selling of a bridge, the hairs of The
Prophet, a tramway partnership, or shares of "La Gare du Caire" etc.
This square was also close to the Hamzaoui, an important wholesale center. The
Muski, home of well known specialties stores, jewelers, second hand clothing
stores and spice merchants, and the old Haret El Yahoud and the famous Khan
Khalil Bazaar."
"Bokhour" (incense made of a mix of dry plants and arabic gum): This
ritual was performed to chase away a streak of bad luck such as a long spell of
bad investments or gambling losses, or to resolve a lovers' quarrel and bring
them back together. To be effective, this ritual must be performed just before
noon on a Friday. More than one person could participate in this event, usually
a group of friends and neighbors. Even if it doesn't help you, it won't hurt
you. The "Boukhour" mixture was placed over a "Babour" (un
réchaud a petrole). A participant had to pass over, by straddling the thick
plume of smoke, exactly seven times. You were cautioned to be very careful not
to catch your "galabiah" on fire and to wear long pants if you had
hairy legs.
"Fok el rossass" (liquefy the metal): For more serious cases, such as
chasing away an illness, finding a job, or if a "Boukhour" ritual had
failed, a "specialist" in his home prepared a powerful potion. The
candidate's presence was not required. All that was needed was for someone to
present your case accurately, to state the problem. The candidate would get a
small bottle containing the potion to pour on any street corner before noon on
a Friday.
A prescription often given to women trying to get pregnant was to cross the
Included in the quartier Attarine of Alexandria" the cinema Metro, Amir,
Rio, Rialto, the restaurants Santa Lucia and in the back of the restaurant
Jojo
-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 31 Juillet 2010 de Madame
par
(1911-1984)
C'est une
Lettre du Kiboutz Nitzanim
écrite le 29 Septembre
1983, dernier jour de Souccot
Yom Kipour est passé dans le jeûne et la prière au Kiboutz
Nitzanim, et Souccot est déjà là. L'immense Soucca dressée sur la place
centrale du Kibboutz, illuminée et ornée
avec le meilleur goût possible, est prête à recevoir 600 convives autour de
tables rondes toutes recouvertes de nappes blanches.
On m'a prié de monter sur l'estrade et raconter comment était
Soucca Mitzrayim.
Vous savez qu'à Nitzanim les Havérims ont une toute autre mentalité
que nous. On m'a donné juste cinq minutes pour m'expliquer. Il fallait donc
être brève, nette et intéresser ce monde.
A haute voix devant le micro, je m'entendis dire: Soucca Mitzrayim
? Oh Havérims… Soucca Mitzrayim, Soucca Rahamim, Ahava ve Shalom… Oh! tente
bénie, tente de clémence, de charité et de paix… Petite sœur de l'immense tente
de Nitzanim. Son toit était recouvert de
palmes vertes et fraîches avec aux quatre coins des grappes de dattes rouges ou
jaunes.
Soucca Mitzrayim avait ses quatre côtés couverts d'un blanc tissu. Du côté Est brillait le parokhet brodé en lettres d'or. Tous les
fruits de la saison et même les nouveaux
suspendus là-haut, égayaient de leur couleur ce petit sanctuaire où, une
grande coupe de verre remplie d'huile attachée à la poutre du milieu par une
longue chaîne, était allumée nuit et jour durant toute la Fête de Souccot…
Je sentis le silence qui se fit soudain et je continuais: oui mes
amis, nous prenions tous nos repas sur la belle table de la Soucca, et, le soir
venu j'enviais mes frères et mes cousins qui dormaient avec papa et l'oncle sur
les canapés blancs qui se faisaient face.
Quand nous rentrions du Temple, grands et petits, tous de blanc
vêtus avec la calotte (la Ta-é-ya) blanche couvrant toute la tête, écoutant
pieusement le Kidouch, la brise du soir se jouait entre les draps immaculés qui
remuaient doucement, pareils à des ailes d'anges, des anges descendus du ciel,
qui, d'un moment à l'autre nous entraîneront dans leur envol, haut très haut,
loin… très loin… vers Jérusalem, vers
Imagination d'enfants… rêves que nous avons voulu voir se réaliser…
souhaits que nous échangions entre nous des siècles durant, miracle que nos
aïeux ont tant attendu… et voilà … voilà que nous, pour nous ce Ness s'est
réalisé. Nous sommes tous venus… nous sommes tous là ensemble… et souhaitons
que d'autres Nitzanims se réalisent… notre peuple en a tant besoin… notre
peuple dispersé aux quatre coins du monde dans leurs Souccots, nous avons
besoin de cette Soucca, la patrie, Ha Moledet, Soucca Rahamim, Ahava, Chalom ve
Chalom, Chalom, Chalom…
Je suis descendue de l'estrade, mais quelque chose de très doux
planait encore dans l'air… j'aurai pu continuer, parler, raconter, décrire le
Grand Temple du Caire et son immense Soucca faite de Tarc Egyptien,
cette toile aux mille couleurs vives, brodée de dessins pharaoniques, où durant
les huit jours les jeunes venaient prier, déjeuner, chanter, danser. Cette
tente joyeuse où Nahum Effendi, Grand Rabbin, recevait les diverses hautes personnalités
de l'Egypte et de l'étranger venus présenter leurs souhaits au seuil de l'an
nouveau, à la belle communauté israélite du Caire. J'aurai pu décrire le
délire, la joie des jeunes et des moins jeunes remplissant les rues, le soir de
Oui, les Havérims voulaient encore et encore entendre. Je leur ai
décrit la Soucca que David Mosséri a construit de ses mains en 1885 dans la
cour du Temple de Hélouan et où mes fils à moi, 4ème génération ont fait leur
Bar-Mitzva, où ils faisaient le Kidouch et
Ceci n'est pas une nostalgie ni un compte rendu, ceci est
simplement Soucca Mitzrayim.
-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu de
Madame
OUR
Today you can
have hot water for your bath at the turn of your tap.
I’m going to tell
you how it was more than 65 years ago in
Friday pre
Shabbat bath was a ceremony.
The first step
was to buy the petrol from a peddler passing by with his donkey and crying out
“gas, gas.”
My mother stuck
her head out of the balcony and shouted “gas, gas”.
The peddler
looked up and my mother motioned him to come up through ‘l’escalier de service’
(five storeys) with his gas in a container on his shoulder. We did not think
then that it was inhuman or undignified.
He left his
donkey unattended with a big bag of oats tied to its head eating while the man
went up.
Your primus was
then filled with el gas. The Primus was every family’s prized possession.
Standing on three legs that would hold the recipient, it had a small
ashtray-like mould in which you poured some alcohol and then you started
pumping.
You scratched a
match and when you were lucky it lit up the primus.
If you were
unlucky it boomed up in your face sometimes causing severe burns.
But through time,
we had become experts in lighting the Primus correctly.
The water was
heated up in a recuperated oil safiha, pail, put in the corner of the bathroom.
In my home we had
three copper toshts (basins) of different sizes.
The very small
one was to put the loofa and Naboulsy soap; there was also a pitcher to add the
hot water to the cold one in another safiha. The biggest tosht was to stand in
and wash ourself.
The medium one
was to rinse. You poured water with that lovely pitcher.
After your
complete rinse, you slipped into your bournouss, put your feet in your aba-ib
clogs, sabots, and clicked out of the bathroom.
The bath was then
prepared for the next person and so on till every family member was ready for
Shabbat.
Then one day
Butagas entered our homes and hot water came flowing out like magic.
However lighting
the Butagas was also treacherous.
If you turned the
small handle that let out gas and did not light it immediately it lebbed,
boomed, in your face too.
So modernism also
required getting used to.
Has anyone
thought of that poor “gas man?” and what happened to him when the Butagas took
over?
Now we do not
even have a butagas at all, our central heater in the cellar does it all. Night
and day your hot water is at your disposal! The whole system is not bigger that
a fridge and it gives you Central Heating in your radiators and hot water.
It also works
with gas: from the
What an easy life
we have now compared to our parents.
And still we
complain!!!
KASSAT EL HAWA:
SUCKING GLASSES, VENTOUSES.
For breathing difficulties or bronchitis, those precious kassat el hawa
were applied to your back. Kassat el hawa were similar to drinking glasses
except they had a rounded bottom and smaller neck.
You prepared a torch and soaked it in alcohol then put a match to it.
The patient outsetched on his abdomen, you turned the turned the torch in the
kassat and quickly applied them to the back. You looked like a tortoise with a
glass roof.
The patient had to keep still till the skin inside the kassat turned
bluish and looked as though ready to explode.
What a relief when those kassat made that kissing noise and your back
was liberated!
However there were marks on your back: black and blue moons or half
moons. These remained for a few months. When summer came along and the marks
had not faded out, it was embarrassing in a swimsuit. But then you knew who had
been ill that winter.
Sultana Latia (
taken from THE JASMINE NECKLACE TRILOGY OGY
CURING A SOAR
THROAT.
There weren't 50 ways of curing a soar throat.
Only the hated and dreaded methyl blue.
once again you wrapped a piece of cotton on a stick; dipped it
into the methyl and with your mouth wide open received the awful taste of that
so-called miraculous medication!.
It was not certain that your throatache was cured but you surely
turned into a blue person: blue tongue, blue teeth and blue lips!
Sultana Latifa
taken from the Jasmine Necklace Trilogy
NONNA SARAH’S
TREATMENT FOR HIGH BLOOD PRESSURE :
This is "the" one treatment I remember clearly!
Today i may be looking for my keys or eyeglasses or anything else but my
nonna's high blood pressure treatment I remember clearly. And that was
around 1948!
The leech (sangsues) doctor regularly came to my grandparents. When my
nonna said she had a babour (réchaud) in her head, it meant that it was
time to apply those leeches.
Was he a doctor?
i do not know. but he knew his job.
My nonna sat on a sofa in her darkened room and he took one worm after
another and pressing its jaw gripped my nonna's white skin on her temple. He
put three or four worms on each side and nonna sat there with a basin full of
water waiting for the worm to have drunk her blood and fall off.
As a child I sat on one of the stools and watched fascinated. From
thin little things they grew and grew till they became fat and dropped in the
basin.
They left little holes in my nonna's white skin (she came from
She would rest in her darkened room and feel better till it was time
again to stop "el babour" with the visit of the "leech
doctor."
Sultana Latifa taken from The Jasmine Necklace Trilogy.
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 9 mai
C’etait un
mardi, je faisais mes devoirs et devais recopier une carte pour le cours de
geographie, quand tout a coup il y eut ces bruits effrayants... les vitres
tremblaient, la maison entiere semblait vouloir s’effondrer. C’etait le debut
de la guerre de 1956, les avions bombardaient le Caire et ses environs. J’avais 13 ans et on venait juste de
commencer l’annee scolaire (au Lycee Francais).
Nous sommes 3
soeurs Desiree, Aimee et moi, la plus jeune
Pour nous ,tout a coup tout fut bouleverse. Mon pere travaillait comme chef comptable chez Albert Gomel, mais comme tous les commerces juifs celui la aussi fut sequestre.
Le Lycee aussi au debut, puis il fut dirige par des
Egyptiens puisque les profs Francais avaient du quitter precipitamment. On lisait l’inquietude sur le visage de nos
parents. Papa a la maison (ce qui n’etait jamais arrive jusqu’a present) avait
une valise toute prete pour le cas ou on l’aurait arrête comme on le faisait
pour les juifs sans aucune raison. Nous n’allions plus en classe . On
commencait a parler de quitter l’Egypte. Mais pour ou? Nous etions des
apatrides sans nationalite aucune. Donc il faudrait s’organiser pour nous
rendre en Israel. Tout cela pris un peu plus d’un an. Cette periode etait
terrible. L’incertitude de ce qui
nous attendait, l’inquietude et la peur du futur nous tourmentaient. Ce qui
arriva par la suite nous bouleversa encore plus:
Un jour trois
jeunes etudiants Egyptiens vinrent voir si nous avions des meubles a vendre,
car ils savaient que les juifs se debarrassaient de toutes leurs possessions
pour quitter le pays. Ils demanderent plusieurs questions et maman y
repondit naivement. Ainsi ils surent que
nous partions pour quelques jours a Alexandrie, mais que papa resterait a la
maison et comme cela il pourrait leur vendre ce qui les interresserait. Au
retour notre portier nous raconta que des jeunes garcons ont essaye de penetrer
dans notre appartement, mais qu’il les avaient attrapes a temps et appele
Tout cela rendit
la decision de nos parents de quitter l’Egypte encore plus rapide. C’est ainsi
que fin Novembre 1957 nous avons embarques sur
le paquebot grec Aeolia pour le Piree , et une quinzaine de jours plus
tard sur le paquebot italien Enotria
pour Haifa.
15 Avril 2010
Reçu de Madame Etty DIDAY cet article écrit
par son frère, le regretté Joseph N. DIDAY.
PARADIS D’ENFANCE A BAB EL LOUK
Les années qui ont suivi 1930 me
rappellent ma prise de conscience au sujet du paradis de mon enfance ;
Je reviens de l’école et m’approche de
notre maison, 65 rue Nubar Pacha. En fait elle appartenait à mon oncle, c’était
tout flou dans ma petite tête. Avant d’atteindre la porte je m’attardais à la
devanture de l’encadreur de tableaux du rez-de-chaussée. L a devanture était sale, les vitres
poussiéreuses mais je m’obstinais à rechercher du regard le patron italien qui
m’avait vu naître. Il avait les mains et les ongles jaunâtres mais j’admirais
les cadres impeccables qu’il réalisait avec ses cartons, ses bois sculptés, ses
bronzes dorés. Je sentais l’artisan passionné par sa tâche et j’étais sensible
à l’application qu’il prodiguait à sa finition. Je suppose que c’est lui qui a
dû exécuter les beaux cadres qui étaient accrochés sur les murs de notre
appartement du 1er étage. Je lui suis reconnaissant d’avoir préservé
les inoubliables photos de ma famille. Dans l’entrée à gauche, la photo de mon
grand-père Youssef qui avait comme toujours la rose à la boutonnière. Cette
photo me permettait de mieux imaginer l’époux de ma grand-mère Esther née
Palombo, veuve, qu’elle me décrivait rarement. Dans le salon, la photo du
grand-père de mon père, Ibrahim Yadid. Il avait une mine resplendissante,
l’obésité étant à la mode, elle étant un pseudo signe de santé. C’est peut-être
pourquoi il n’a pas vécu assez longtemps pour qu’il me prenne sur ses genoux.
D’ailleurs, ni son fils ni même mon grand-père maternel n’ont pu le faire.
Est-ce la vie dure ou le joug de leurs chères épouses ? Enfin, je ne
mentionnerai que les deux cadres dorés : l’un concernant la photo de
mariage de mes parents Diane et Nessim, couleur sépia, l’autre, celle avec ma
sœur Esther où chacun de nous tenait un
marteau à la main ( nous étions en avance sur l’ère actuelle de bricolage).
Je pousse la porte en face de
l’immeuble, je jette un coup d’oeil sur la petite boîte aux lettres fixée à
droite. Elle était moche et mal entretenue et pour cause : nous ne
recevions pas beaucoup de correspondance. Les parents et amis bius
téléphonaient ou nous rendaient spontanément visite le chabbat et les jours de
fêtes juives. Le journal «
L’implantation sous cette fenêtre
d’une salle de patinage en plein air, et plus tard un cinéma d’été
« Strand » allaient introduire dans ma vie des possibilités de
loisirs répétitifs et peu onéreux : Fred Astaire, Fernand Gravey,
La salle à manger était la salle de
séjour où se succédaient les activités de communication et d’échange de la vie
familiale. Dans le coin droit, il y avait le piano noir oùje tentais souvent de
déchiffrer des airs appris à l’école des Frères de Bab el Louk, «
FrèreJaques » ou « Près de
Mes oreilles étaient condamnées à subir
l’horreur des gammes de Czerny.
Heureusement, plus tard, les valses de Chopin m’ont réconcilié
avec l’instrument. D’ailleurs jusqu’aujourd’hui, quand je sens la visite
d’un moment heureux je fredonne la valse de Chopin n°3. La table de la salle à
manger était aussi l a table de
ping-pong, grâce au filet installé entre deux repas. Sur cette table les jeudi
et dimanche matin je me revois entre les mains du Rabbin à barbe poivre et sel
m’initiant aux rudiments de la prière. Lire sans comprendre, puisque sans
traduction était la règle. Mon père qui avait quitté l’école à quatorze ans me
disait : « Ne t’inquiète pas, tu comprendras plus tard ».
D’ailleurs il n’a pas hésité à me faire donner au Lycée Français du Caire des
leçons d’hébreu par M. Alfillé. J’ai ainsi eu le droit à la grammaire et la
compréhension des prières à la veille des fêtes, en catimini, car le lycée
étantr laïque, il n’y avait en principe pas de cours religieux. Mes camarades
de classe étaient musulmans et catholiques et la tolérance était de règle et le
cosmopolitisme d’usage courant, (grec, italien, anglais, français, syrien,
arménien, etc.)
Cette table a servi avec ses multiples
rallonges de lieu de réunion des membres de la famille qui accouraient à
l’occasion des fêtes et avant, pendant et après le Chabbat .
Un jour, il y avait des membres de
quatre générations qui étaient heureux de ressentir la chaleur de la rencontre.
Ma grand-mère sortait avec fierté son plateau en argent massif sur lequel elle
servait ses confitures inoubliables de courge, de noix de coco, de dattes
farcies d’amandes. Le sirop d’oranges
servi «était confectionné à la maison sans parler des autres douceurs
orientales qui elles aussi étaient préparées en famille et cuites au four de la
boulangerie Simmonds siruée sur le trottoir d’en face. Cette table recevait
aussi les dix indigents barbus qui avaient été invités par mon père aux
anniversaires annuels des personnes décédées telle que ma mère et mon
grand-père.
Une fois la prière terminée, le Kaddich
était récité en présence des membres de la famille, puis le repas était servi à
ces hommes de bonne volonté qui partaient avec une générosité individuelle de
la part de mon père. Après cela toute la famille participait à un repas, où les
spécialités culinaires nema nquaient pas, le coucous compris.
A droite, près du piano, il y avait le
canapé avec son velours rouge où prenaient place ma grand-mère Esther et les
parents qui la visitait. J’écoutais les innombrables histoires de mariage,
naissance, divorce, fête, mésentente, problèmes matériels et psychologiques,
etc…
Set Esther était consultée par tout le
monde, m^me par un oncle Maître Abramino Yadid qui était juge à
La porte fenêtre de la salle à manger
donnait sur un balcon en fer forgé qui nous permettait de surveiller la rue,
son tramway, les défilés, les manifestations d’étudiants, le défilé des allées
et venues du Roi Farouk avec le sable rouge au sol, entre le parlement et le
Palais d’Abdine qui était à proximité de notre quartier de Dawawine. A l’extrémité
opposée de notre appartement, un grand balcon donnait sur une cour intérieure,
c’était là où on tendait les cordes pour suspendre le linge en particulier les
dessous énormes de l’époque 1900 de ma grand-mère. Ils trônaient et
enquiquinaient le voisin de palier qui n’était autre que mon oncle. Il nous
lorgnait de sa fenêtre et désapprouvait comme il le disait le panorama sexy.
A une extrémité de ce salon il y
avait une armoire en bois où toutes les friandises étaient stockées, en
particulier les plateaux d’un mètre de diamètre de baklava et autres
feuilletés au fromage, fruits secs et
miel.
Le jour ou il n’y avait pas de linge
nous y jouions aux billes ou aux patins à roulettes, le soleil était de la
fête. Il y avait même un mur recouvert de plâtre dont j’ai grignoté des miettes
en déclarant que le sucre était bon. On diagnostiquait mes carences en calcium.
Le confort de la salle de bains
laissait à désirer. Il y avait l’eau courante froide, sans source d’eau chaude,
ni chauffage central. Pour prendre un bain on chauffait l’eau sur le réchaud
« primus » avec piston manuel qui fonctionnait au kérosène. La
marmite (safiha) était portée avec précaution dans la salle de bains.
Evidemment l’accident était possible. L’une de mes cousines, Yolande Jabès, a
eu les cuisses amochées par l’eau bouillante. Il y avait de l’ambiance dans
cette salle de bains car on y allait à tour de rôle. Bien sûr, le jour où ma
tante Fortunée se mettait du henné sur la tête il y avait un branlebas que je
ne suis pas prêt d’oublier. De plus la scène d’épil ation avec le mastic de sucre et de citron était drôle. D’ailleurs
j’y goûtais avant la séance ; j’appréciais ce goût de caramel.
La pièce qui m’était la plus chère
était le salon, les fauteuils étaient recouverts de velours rouge et le châssis
était doré. Le lustre avait des prismes de cristal et les rayons de soleil se
décomposaient à leur contact, c’était une féerie multicolore. Quand il n’y
avait pas de monde on recouvrait les chaises de housses blanches. Le sol était
couvert d’une moquette de laine verte imprimée. J’aimais la solitude de cette
pièce où je m’enfermais comme dans un royaume réservé. C’est là que j’ai
réalisé mon premier portrait en aquarelle d’après un livre anglais que j’eux la
chance d’emprunter à la bibliothèque américaine. C’est là aussi que j’ai
commencé à coucher sur une feuille blanche mes premières impressions de
solitaire, mes désirs de comprendre mon environnement et les interrogations de ma vie future.
-o-o-o-o-o-o-o-o-
Envoyé par Mr.
~ MY LIFE STORY ~
Denise
Hodara
December, 1999
To celebrate the
end of the 20th Century in
I was born on April 21,
Our
family was large with many children. They lived in
Sometimes
my memory goes back to the period when we had a small Grunding radio and all
the family, as well as visiting aunts, uncles, and cousins would sit around the
radio to hear the news on the BBC station about the happenings of World War II
in
Finally World War II ended and prosperity
had returned. Modern technology appeared in
That all changed when the War of 1948
between
For the first time in our lives we were
separated from the family – traveling by ourselves, with no money and no
documents. We were allowed to carry very
few belongings. We traveled by sea on a small ship called “Pace”, where
we headed to
After
five years of kibbutz life, we moved to town and my husband managed to find a
job in a bank. For the first time we were earning money. How nice it was to be
independent, to be free to manage and plan our own life. It was an exciting time of hopes and dreams.
Two years later we bought our first house. A very small one but it was
ours. My husband wrote to his brother in
Once settled, I began to work a part-time
job, teaching English to high school students. The year 1962 was a year of big
decisions. My family had left
In
Life
in
In
September 1968 we landed in
We
arrived with very few belongings – each of us carrying a bag and a huge trunk
with books and movies. We had in our
possession US$300 and a job. A friend received us for the first week. We immediately started working. My husband worked in Wall Street and I was a
kindergarten teacher in a Yeshiva in
After a short time in
Our
children, Ruth and Yehuda eventually moved on, got married and had children of
their own. Today I am so happy and blessed to be a grandmother of four and
fortunate to be close to my daughter and her family – her husband Andrew, and
my grandchildren Robert and Lisa.
I
retired in 1994 after working 25 years in the Brazilian Bank and from a small,
frightened clerk, I had reached an executive position with good benefits. As a senior citizen, I joined the
Let the
21st Century bring us continued peace, joy and good health to enjoy
life to the fullest!
Alexandrie, à l’époque où le mot étranger n’existait pas
Nadia Khouri-Dagher - www.nadia-khouri-dagher.com
Alexandrie, à
l’époque où le mot étranger n’existait pas par Nadia Khouri-Dagher Alexandrie
1860-1960. Un modèle éphémère de convivialité : communautés et identités cosmopolites (Autrement,
série Mémoires, 1992.)
Nadia Khouri-Dagher - www.nadia-khouri-dagher.com
Mazarita, Chatby,
Campo Cesare, Ibrahimieh, Cléopatra, Sporting Club, Sidi Gaber, Mustapha Basha,
Carlton, Buckeley, Rouchdy, Glymenopoulos, Zizinia, Fleming, Bacos, Seffer,
Schutz, Gianaclis,… Par cette seule énumération des stations du tramway
d’Alexandrie, Ilios Yannakakis, qui a dirigé avec Robert Ilbert cet ouvrage sur
"Alexandrie 1860-1960", a su résumer ce qui fut l’essence d’une
Alexandrie à cheval entre deux siècles, à cheval entre mille mondes : son
cosmopolitisme, son ouverture, son brassage de cultures et de langues.
Européenne et orientale, occidentale et méditerranéenne, industrielle et
antique, mondaine et populaire, religieuse et libertine, communautaire et
individualiste, raffinée et vénale, affairiste et cultivée, élitiste et
égalitaire, moderne et traditionaliste, ordonnée et libérale, plurielle mais
unique : paradoxale et contrastée, terriblement vivante et attachante, telle
fut la ville qui suscite encore aujourd’hui, parmi ceux qui y ont vécu, et
parfois même parmi ceux qui ne peuvent en avoir aucun souvenir, ce sentiment à
la fois doux et douloureux qui s’appelle nostalgie... Comme Vienne, Tanger ,
Prague, ou Beyrouth, villes jumelles par leur situation géographique de
carrefour et par la place qu’elles surent faire aux "étrangers",
Alexandrie fut un véritable vivier artistique et intellectuel. E.M. Forster,
Constantin Cavafy, Sayyed Darwich, Giuseppe Ungaretti, Beyram Ettounsi,
Lawrence Durrell, mais aussi, plus près de nous, Edouard el Kharrât, Stratis
Tsirkas, ou Youssef Chahine : Alexandrie est célèbre par les artistes, les
écrivains et les intellectuels, venus d’horizons très divers, qu’elle a nourris
de sa sève, et de son vent. Mais qui connaît Averoff, Menasce, Sursock, Karam,
Aghion, Salvago, Cicurel, Bennachi, Antoniadis, Hannaux, Sachs ? C’est pourtant
grâce à ces notables alexandrins, tous d’origine "étrangère" (mais ce
mot n’existait pas alors, nous rappelle Yannikakis...), qu’Alexandrie fut
prospère et active, qu’Alexandrie "craquait sous le bonheur de
vivre". Car, en l’absence de toute structure étatique, ces entrepreneurs
de talent furent les véritables gestionnaires, planificateurs, et protecteurs,
d’une communauté urbaine qui ne comptait que 13.000 habitants en 1821, et qui
allait atteindre près de 800.000 à la veille de la Seconde Guerre mondiale, et
devenir l’un des premiers centres économiques, commerciaux, et culturels, de la
région. Tout le miracle alexandrin tient à cette organisation unique de la
communauté urbaine que décrit, dans un chapitre abondamment documenté, Robert
Ilbert, et que détaillent plusieurs contributions : la coexistence
"conviviale", pour reprendre l’un des mots-clé de l’ouvrage, de
communautés bien différenciées : les Grecs d’abord, les plus nombreux avant les
Italiens, les Arméniens, les Juifs (égyptiens et européens, mais le chapitre
qui leur est consacré, par Jacques Hassoun, ne dit pas s’il s’agissait d’une ou
de deux communautés), et aussi les Syro-libanais (fâcheusement omis par
l’ouvrage, malgré leur rôle économique et intellectuel fondamental dans la
société alexandrine et, partant, égyptienne), les Français, les Anglais, les
Russes, etc. Ces communautés fonctionnaient sur le mode d’un évergétisme à
l’antique, les notables finançant, avec l’aide des institutions religieuses propres
à chaque groupe, la construction des institutions éducatives, professionnelles,
hospitalières, de secours, mais aussi culturelles et sportives, nécessaires à
la promotion sociale et à l’encadrement (à l’"insertion", dirait-on
aujourd’hui) des nouveaux immigrés qui débarquaient en nombre au port
d’Alexandrie. Car l’activité économique et culturelle d’Alexandrie n’attirait
pas seulement des entrepreneurs avisés, des commerçants doués, ou des
intellectuels éclairés : la ville était aussi devenue un véritable "Far
West" en plein "Middle East", refuge et espoir des opprimés, des
misérables d’Europe et de Méditerranée : Grecs chrétiens fuyant les
persécutions ottomanes, Juifs fuyant les pogroms de Russie, paysans italiens
fuyant les troubles du Risorgimento… Et ce sont ces notables, représentant
toutes les communautés d’Alexandrie — y compris les Egyptiens musulmans — qui,
en créant la municipalité d’Alexandrie, en 1885, offrirent à la communauté la
première structure de gestion publique de la cité. Alexandrie nous offre ainsi
une véritable leçon d’économie politique : mélange étonnant de libéralisme
économique et de lourdes subventions (aux hôpitaux, aux écoles, aux
orphelinats, aux centres d’apprentissage, aux réfectoires pour pauvres...),
cocktail de résussites individuelles et d’un encadrement social rigoureux
(encadrement des jeunes dans des structures telles les cercles religieux, les
scouts, prise en charge des plus démunis...), Alexandrie représente un modèle
réussi de gestion tout à la fois de l’économique et du social. A l’heure où
libéralisme et interventionnisme, encouragement de l’initiative individuelle et
protection sociale, sont perçus comme deux réalités inconciliables, Alexandrie
nous montre l’interdépendance et le caractère synergique de l’économique et du
social, de la liberté et du contrôle, de l’intérêt individuel et du "bien
commun". Alexandrie représente aussi un modèle réussi de gestion par ce
que l’on appellerait aujourd’hui "la société civile" des affaires
publiques, et ceci explique sans doute cela. Mais Alexandrie nous offre une
autre leçon, sans doute plus importante, clé de la précédente. Et c’est le
cinéaste Youssef Chahine qui, avec sa sensibilité d’artiste, exprime le plus
simplement, mais le plus puissamment, le message qui court tout au long de
l’ouvrage : « A Alexandrie je crois qu’on était plus doux, plus compréhensif,
loin de ce drôle de racisme, de ce nationalisme absolument primitif... Un
esprit de... je ne veux pas dire coopération, le mot est trop petit. Un
amour... ». Car cette coexistence chaleureuse (qui « ne signifie pas qu’on ne
se disait pas de temps à autre "sale chrétien", "sale
juif", ou "sale musulman" », rappelle Chahine), cette formidable
synergie de toutes les dynamiques, vont s’effondrer avec la montée des nationalismes
importés d’Europe, entre les deux guerres, puis, définitivement, avec la
Deuxième Guerre mondiale. C’est là, pendant et à cause de la guerre, que se
situe le point de rupture final de la "convivialité" alexandrine, et
non pas à l’Indépendance, qui ne fera finalement qu’accéler les divers
processus de prise de conscience nationalistes en cours. Les Grecs sont appelés
par leur armée nationale, les Italiens, devenus ennemis, sont internés dans des
camps, les Juifs autochtones se voient refuser la nationalité égyptienne.
"La méfiance", "le soupçon", se souvient Paul Balta,
s’installent entre des communautés qui doivent désormais s’ignorer, voire se
haïr : "Fallait-il obéir aux adultes qui nous interdisaient soudainement
de nous parler, de nous voir ?" A l’issue du conflit, les Alexandrins,
"qui avaient le monde pour culture et les hommes pour patrie",
"sont contraints au choix, à la définition nationale". "Une
angoisse sourde, informulée encore... Qui sommes-nous, nous les étrangers ?
Voici un nouveau mot qui se substitue à celui d’Européens, utilisé
jusqu’alors", se souvient Yannakakis. Et chacun s’en retourne d’où il
n’est peut-être jamais venu, puisque souvent né dans la ville. "Je ne
savais pas si je partais pour rejoindre mon pays ou si je quittais mon
pays...", pleurait Georges Pieridis sur le bateau qui l’emmenait. "La
force du souvenir, sa présence abime le coeur", nous souffle ici Edouard
El Kharrât, au coeur d’un texte magnifique. "Alexandrie, c’est fini",
dit plus abruptement le héros d’un film de Chahine... Mémoires, nostalgies
douloureuses mais inutiles d’une époque révolue, ou bien raison de croire
encore ? L’Histoire est capricieuse… "Dieu sait, et vous, vous ne savez
pas", avaient coutume de dire les musulmans d’Alexandrie...
Décembre 2009
Reçu
le 8 novembre 2009
Encore un magnifique exemple d’intégration
réussie de nos compatriotes originaires d’Egypte là où ils ont choisi de
résider.
Albert Pardo
Reçu
le 19 septembre
J‘ai
mis beaucoup de temps… des dizaines d’années avant de pouvoir organiser mes souvenirs. Le
levier a été ce qu’il y a eu autour de ma 1ere année en France, arrivant
d’Egypte pour un PCB probatoire aux études de médecine ,et quelques jours après
me trouvant sous le choc d’une guerre qui fera briser toutes mes
évidences admises jusque-la.
L
‘intervention militaire de la France et de l”Angleterre contre l’Egypte, lésees
par la nationalisation du canal de Suez pourrait, à la limite, se comprendre mais la participation d’Israël bouleversait
toute
La 1ere
lettre de mes parents m’ait parvenue par le Croix Rouge 2 mois plus tard,
ensuite nous avons pu nous écrire. Cependant sachant dans quel chaos ils se
trouvaient, je me morfondais
d’inquiétude.
Vivre seule pour la 1ere fois de ma vie réclamait un
certain effort qui tantôt me paralysait, tantôt m’accaparait. L’arrivée de
flots de ‘’réfugiés–rapatriés’’, familles parentes ou voisines hébergées dans
des hôtels et auxquelles je rendais visite, étaient une source de
renseignements mais aussi d’angoisse existentielle pour peu que je les écoutais
avec empathie. Nous avions à faire le deuil de l’’Egypte que nous avions connue
et aimée, à maudire Nasser. C’était la perte du pays natal et tout ce qui va avec comme paysages,
images ,et mots…A l’évidence, le monde avait changé avec les conséquences
de l’expédition de Suez : pour moi comme
pour des dizaines de
milliers d’autres juifs d’Egypte et bon nombre d’étrangers qui ont précédé ou
suivi leur départ. Certains appellent cela « la 2eme sortie
d’Egypte ».’ .C’était un coup du sort ,voire un traumatisme qu’il allait
falloir surmonter pour vivre et oublier. Ma psyché a changé comme ma
vie…Peut-être un sentiment d’incomplétude…une nostalgie…une affectivité
plus réactive ou au contraire gelée …mes souvenirs sont-ils intacts ou
remaniés ?... ,je ne sais… longtemps j’ai élude ces questions .
Dans
les 1eres années de leur nouvelle vie je sentais mes parents souffrir
sans se plaindre de leur vie quotidienne si différente : pas de soleil le matin
au réveil, la pluie, le froid, la neige, l’orage en été, pas de bonne pour
faire le ménage et servir pas de dimanche au club, un budget à étudier dans le
détail et, surtout, l’absence des proches, partis pour le Brésil ou le Canada.
De l’hôtel au quartier latin puis en location à Boulogne, ils ont emménagé à Garges
comme propriétaires d’un appartement grâce à des prêts facilitateurs
et ils y sont demeurés jusqu’à la fin de leur vie. Une petite communauté juive
s’y est structurée comme a Sarcelles et Villiers-le-Bel. Au début on louait une
salle tenant lieu de synagogue pour les grandes fêtes, on allait rue de
Trévise pour la fila et les amandes , les feuilles de vigne , rue
Cadet pour la viande, les épices,et le cacher...Peu a peu
le rythme travail-vacances s’est mis en place et nous sommes partis un été non
pas vers le sud mais à la pointe de la Bretagne, dans un village au joli nom de
Saint-Quay-Portrieux.
De même qu’a la maison au Caire, nous parlions français mais sans addition de
mots arabes. Il me semble que seulement 2 mots égyptiens nous sont restes ,et
que mes enfants d’ailleurs connaissent : ce sont : ‘’yalla!’’ !
(allons !) et ’’maalesh’’! (ça ne fait rien !) ein davar .Or,
en vérité, ‘’ça’’ faisait beaucoup!!! Il y avait eu un davar: ç’est
l’immigration : d’abord les arrières grands-parents et grands-parents
descendus en Egypte de Salonique, Skopje, Alep, Palestina, puis les
grands-parents Beressi et Bitty .forcés à immigrer en France et que la
Providence a fait voisins à ‘’la
Résidence de
Le bridge tient lieu de carte de visite disait mon
père : la suite lui a donné raison! Et l’immigration est devenue l’Alya !.
Octobre 2009
Reçu le 2 septembre 2009 de Madame
Livnat BITTY cet émouvant souvenir :
MOI
JUIVE D”EGYPTE ,ETUDIANTE A PARIS,
ARRIVEE LE 26 OCTOBRE 1956..
C’était un vendredi matin. je me rends
a l’Hôtel du Nil à la Chaussée d'Antin, choisi par le cousin Armand Nessi,
parce que près de son bureau. Le soir, il m'emmènera dîner chez lui et dans le
métro il m'initie aux trajets avec correspondance.
Lundi soir, la France, l’Angleterre et Israël
attaquent ensemble l”Egypte. Très vite, je réalise qu' en tant qu’individu, ma vie ne pourra plus être
partagée avec simplicite ni avec les Francais, ni avec les Israeliens, ni avec
les juifs d'Egypte .Je ne serai plus jamais comme avant.
Nous sommes un petit groupe d'etudiants en
medecine,Maurice et Roland Rokache, Nino Gani et moi. Nous nous sentons en porte-a faux ,victimes de la
politique et d 'un avatar de l” Histoire. Allons-nous etre arretes en tant que porteurs d'un passeport egyptien
? Pourrai-je retourner chez moi?que se passe-t-il au juste pour nos
familles?Papa de nouveau interne a Hakstep?vais-je recevoir l'allocation
mensuelle prevue pour cette 1ere annee d'etudes? jours d'angoisse accroches aux grands titres et articles des journaux.
Les 1ers
expulses arrivent et racontent..la communaute juive d'Egypte est demantelee
suivant la nationalite inscrite sur le passeport des uns et des autres et
qui,comble de l'ironie n'a pas toujours de rapport avec la langue qu'ils
parlent a la maison.
Les''agresseurs ''sont sommes de quitter le pays
dans les 8 jours ,les autres sont pousses a s'exiler par toutes sortes de
mesures privatives par rapport aux egyptiens..musulmans auquels desormais vont
appartenir toutes les forces vives du pays.
Mon oncle arrive avec le flot quotidien des
arrivants d'Egypte a la gare des Invalides.Lui ,sa femme et ses enfants sont transferes dans un centre d'accueil qui
consiste en dortoirs. d'autres familles
a ..Vichy ! les ''rapatries''devront
apprendre a se moduler une nouvelle identite tout en surmontant le traumatisme
de leur depart hatif et definitif.beaucoup sont loges ensuite dans des hotels
proches des grands boulevards ,et beneficient d'une allocation mensuelle du
Cojasor. La chasse a l'emploi commence..ou l'attente d'un visa pour le Canada ,
comme nos amis Guetta .J”apprends avec soulagement que mon pere n'a pas ete
arrete, et ce n'est qu'en decembre que je recois une 1ere lettre,par
Le probleme de mes ressources via ''la mission
culturelle egyptienne''est resolu .Tous les mois je me rends avenue d' Yena
prendre un cheque equivalent a
Neanmoins sur
le plan psychologique j “etais loin d”etre a l'aise . Le foyer de jeunes filles
ou j'esperais etre hebergee m'a refusee ''en raison des evenements''.Une amie
Gaby Dayan m “a heberge dans son minuscule 2 pieces ou elle vivait avec sa
gentille maman et son jeune frere.La cohabitation posait parfois des difficultes
en raison du peu d'espace. 3 mois plus tard j'ai eu la chance d 'etre logee
confortablement dans le petit hotel particulier d'un couple de retraites :
197 quai de Jemmapes ,dans le 10eme
arrondissement. Le service des etudiants etrangers constatant que je parlais
francais comme une francaise m'a dirigee vers le service des etudiants francais
qui m'a donne cette adresse et ces braves gens ont accepte de me louer une
belle chambre pour un prix derisoire.Par la suite j'ai souvent eu des
experiences semblables qui m'ont chauffee
le coeur et j'ai fait
definitivement confiance et aime les
Francais .
Je me posais beaucoup de questions sur mon avenir :
qe se passera-t-il quand mes parents arriveront? La suite de mes etudes? Le
pays ou nous vivrons ? Je refusais categoriquement de partir aux Etats-Unis ou
au Bresil ,immigration envisagee par mes parents pour se joindre a leurs freres
et soeurs. Israel n'etait pas une option vu l'age de mes parents.Mon sentiment
de precarite me faisait douter de la reussite aux examens de ce P.C.B. J “etais
mal a l'aise quand on me demandait ''d' où tu viens?” .Juive de religion
,egyptienne de naissance,francaise de coeur et de langue, une triple identite
ou une identite en 3 pans bien clives ?
Ma vie sur le plan du judaisme etait inconsistante
, et le blocage a dure jusqu'a Pessah. J'ai passe la soiree du Seder chez mon
amie Viva Cazes dont le pere etait franc-macon et chez eux on ne chantait pas
''le cavretico'' du folklore judeo-espagnol a la fin de la
Hagada.
Des sentiments depressifs douloureux m'empoignaient
quand je songeais a ma maison a Meadi, a la vie du Club si agreable, aux rues
du Caire que j'arpentais avec une amie jusqu'au ''Bambou” pour son fameux jus
de mangue,au cine-club du Metro ,et meme a la grande gare du Caire revenant
d'Alexandrie, dans l”euphorie des dernieres vacances avant le grand depart
, prenant ensuite un taxi ,seule comme une grande.
Je pensais a mes parents fragilises par les
nouveaux rapports sociaux dans le pays,Ils avaient vendu leurs biens pour
rien,[ma bibliotheque a une camarade de classe musulmane venue a l”affut alors qu'elle etait loin d'etre une
voisine!] et s'etaient installes a la ''pensiona di Roma'' en attendant leur
visa pour la France . Plus jamais les plages d'Alexandrie,les amis de la-bas
,les visages connus et reconnus tout etait perdu et mon billet d' avion de
retour inutile.L 'amour-propre etait abrase, j'etais handicapee par ma
situation boiteuse, mouvante,et par le regard des autres plus surpris
qu'hostile.Les evenements de Hongrie derivaient l'attention plutot vers
l''Europe et les mefaits des communistes
davantage que le souci du destin des Juifs d''Egypte.
Le poids de ces realites etait surtout psychique et me rendait plutot
solitaire et introvertie.J “etais incapable de frequenter la fac de maniere
reguliere ,d'etudier de maniere disciplinee, et pourtant j'ai reussi mon annee
du PCB ,aidee in fine par l'amitie d”Helene Zarmati comme moi ecartelee entre
passe,present et futur , en recherche de stabilite pour se construire dans cet
ordre nouveau encore mal defini.
Quand mes parents m''ont rejointe , il a ete decide
qu'ils s'etablissaient a Paris pour les
facilites que le pays offrait aux refugies ,pour l'interet de conserver le
francais dans la vie quotidienne, pour mes etudes de medecine grace a une
bourse ,et pour la scolarite de mon
frere a 2 doigts du bac.
J ‘ai alors renonce a ma nationalite egyptienne en
deposant mon passeport a l'ambassade suisse chargee des relations entre
l'Egypte et la France et me suis constituee ''refugiee d'origine egyptienne ''.
Jusqu'a ma naturalisation je devais chaque annee me presenter a la Prefecture
de Police pour renouveler ma carte de residente''temporaire!'' munie d'une
attestation de ressources.C”etait la bourse de l''Entraide Universitaire “ renouvelable elle aussi chaque annee a condition d'apporter la preuve de la
reussite.Ce furent des annees difficiles , sans loisirs , qui se sont bien
terminees , et par un diplome et par un mariage.J'ai eu la chance
Reçu
le 10 octobre 2009
Mon père nous emmenait en vacances à Masr-El-Attica
pour deux raisons :
Comme beaucoup de cairotes, il fuyait la capitale
pendant les trois mois les plus chauds. Il louait un appartement couvrant la
période de Juillet, Août et Septembre. Dans ce coin, il y a des résidents juifs
permanents. Malgré la proximité du tramway, ce quartier est très calme, car il est
retiré. Il est entouré de murs et on avait l’impression d’être dans un village
fortifié, à l’instar de certains villages du midi, haut perchés. Le clou de cet
endroit que mon père et de nombreux coreligionnaires chérissaient, c’est sa
vieille synagogue qui est maintenant un musée. Cette antique lieu de prière que
tous les Juifs d’Egypte (et même d’ailleurs) connaissent renferme des Séfer
Torah uniques. Certains rouleaux de la Torah sont écrits sur des peaux de cerfs
ou de daims et ces peaux datent
du IXème siècle. Malgré le départ des Juifs d’Egypte, les autorités de ce
pays ont eu la sagesse d’allouer à cette vénérable synagogue le statut de
musée. Ce musée est ouvert à tous et à toutes les confessions ».
De mon temps, la meilleure façon de faire honneur à
une synagogue n’est pas de la convertir en musée. Au contraire, il faut la
faire vivre, y aller prier, y fêter les moments rituels célèbres. Mon père et
beaucoup d’hommes de Masr-El-Attica se rendaient dans ce lieu de culte. Je me
rappelle de certains Tish’A Béav (qui tombent en Août) où il y avait foule
d’hommes. Tous assis par terre, le livre d’Eikha ouvert sur leurs genoux. Tous
chantant tristement « Eihkaaa ya chéba badad ». Egrenant les malheurs
qui se sont abattus sur nos ancêtres, il arrivait un moment où tous
couvraient leurs têtes de cendre et pleuraient à chaudes larmes. Comme s’ils
assistaient là, sous leurs yeux, à la destruction de leur patrie.
Généralement, nous retournions au Caire fin
Septembre pour les grandes fêtes : Rosh Hachana, Yom Kippour, Souccoth et,
bien sûr, Simha Torah (objet de la présente chronique). Cette année là, j’avais
8 ans, pratiquement toutes les fêtes sont tombées fin Septembre et on a prévu
de les fêter sur notre lieu de vacances.
Les pratiquants savent sur le jour de Simha Torah
(La Joie de la Torah), à la synagogue, tous les Séfers Torah sont de sortie. Il
ne faut laisser aucun coffret à l’intérieur. Tous doivent voir le jour et
participer à
Ce jour là, non seulement on prie avec la Torah dans
ses bras, mais, à un certain moment, on chante et on danse, comme si l’on avait
sa fiancée dans ses bras. L’excitation était telle que les chants s’entendaient
à des centaines de mètres, hors de
Avec beaucoup de précaution, il me confie le
précieux objet. Il garde sa main sous mon coude afin de s’assurer que je tiens
correctement le coffret. Une fois rassuré, il me conseille d’être prudent et de
ne pas gesticuler. J’acquiesce tellement je suis fier de porter un Séfer Torah.
Je chante avec les autres. Je fais quelques pas, suivi de mon père. Mais
l’excitation est trop forte. C’est comme des gens assis à la terrasse d’un café
et qui entendent une samba endiablée. Ils bougent, ils tapent des pieds, etc.
Je m’enhardis à lever une jambe, puis une autre. Non, vraiment, ce n’est pas
possible de rester inerte au milieu de cette folie. Je danse de plus en plus
vite et de plus en plus fort. Je tourne avec tous les assistants. Je suis aux
anges. Je suis tellement dans les nuages qu’arrive ce qui doit arriver. Le
poids du coffret est au-dessus de mes jeunes forces :
JE LACHE LE SEFER TORAH QUI TOMBE PAR TERRE.
Dans un fracas épouvantable ! La cérémonie
s’arrête immédiatement. Des centaines d’yeux vont de moi au coffret précieux.
Il est cassé. Il y a plusieurs morceaux mais, grâce à Dieu, le rouleau de la
Torah n’a pas été touché. La peau n’a subi aucun dommage. Je ne sais pas où me
mettre. Je suis là figé, tétanisé. Mon père, près de moi est catastrophé. Ses
yeux montrent un homme épouvanté. Combien de temps s’est passé entre le moment
où la catastrophe est arrivée et celui où des personnes se sont précipitées
pour ramasser précautionneusement les morceaux du coffret et religieusement les
rouleaux de la Torah.
Pour moi : un siècle ! Je pense que les
fidèles ont eu un reflex rapide et c’est rapidement qu’ils ont ramassé ce qui
était par terre. Cela a plombé l’ambiance. Plus personne ne désirait chanter et
danser. Le rabbin a pris
Le rabbin a ajouté que toutes les personnes qui ont
vu la Torah par terre devaient jeûner : un jeûne du type Esther, du lever
au coucher du soleil. Le jour le plus adéquat étant le jeudi, jour où l’on
‘sort’ justement la Torah.
Plus tard, mon père s’est mis en rapport avec le
rabbin afin de convenir de la suite à donner : faire réparer le coffret
par un artisan reconnu, replacer le rouleau de la Torah, prévoir une
bénédiction et une petite cérémonie pour le jour où la Torah réparée serait
replacée entre les autres.
J’ai jeûné quatre jeudis de suite, ne trouvant pas
la punition assez grande face à ce forfait.
Ceci s’est passé il y a 69 années et je m’en
rappelle comme si c’était hier. La preuve !
Aout 2009
HOMMAGE A UN ETRE EXCEPTIONNEL
ADIEU
MON AMI DE TOUJOURS
J’ai fait la connaissance de
Au matin de cette journée mémorable, nous
vîmes arriver un petit groupe de jeunes gens qui vinrent s’installer près de
notre campement ; une quinzaine de filles et de garçons avec qui nous
avons sympathisé rapidement. Nous apprîmes d’eux qu’ils s’étaient constitués en
une association, le Jewish Camping Club, dont les fondateurs étaient :
Au fur et à mesure de nos sorties dominicales
vers Les Pyramides, Les Barrages, Le Fort Napoléon, Ezbett El Nakhl , Méadi,
Hélouan, la Citadelle, Haouamdeya, et
tant d’autres endroits, notre amitié fraternelle se renforçait. Je me suis tant
lié avec Victor, Isy et Michel que l’on nous surnommaient : Les Trois
Mousquetaires qui, comme on le sait, étaient Quatre. Il nous arrivait aussi de
sortir tous en barques au
Alors qu’il continuait ses études à
l’Université Américaine, ceux d’entre nous qui avaient dû interrompre les leurs
pour travailler, s’inscrivaient aux cours du soir du Lycée Français du Caire ou
bien aux cours de l’Ecole Universelle par Correspondance de Paris . Et, pour
améliorer nos connaissances en Anglais, il nous
réunissaient chez lui une soirée par semaine. A des dizaines d’années de
distance, je me souviens encore du titre du livre de lecture qui était King
Solomon’s Mines.
Puis, les années passèrent : il partit
aux Etats-Unis et notre groupe se dispersât à la suite de l’Affaire de
Suez : Isy Crespin en Israël, Michel Chammah à Paris et moi, à Marseille.
Mais nous étions en relations par correspondance et téléphoniquement.
Il appartient à plus qualifiés que moi de
parler de ses importants travaux scientifiques et de ses nombreuses conférences
internationales sur l’autisme et autres sujets. Moi, je voudrais témoigner de
son inlassable activité pour la défense de la mémoire de
A GUIDE TO EGYPTIAN JEWRY
IN THE MID-TWENTIETH CENTURY
The beginning of the demise of a vibrant Egyptian Jewish community .
Cher Ami,
Je constate
avec émotion que tu as mis tout ton cœur et toute ton âme pour construire
ce monument dédié au souvenir de l’Age d’Or des Juifs d’Egypte. Chaque
page, chaque article, chaque photo fait apparaître ton profond désir d’éclairer ce témoignage
de leur présence dans ce Pays et, surtout, pour
que le souvenir de cette présence ne soit pas effacée par le temps qui passe.
Certains
Egyptiens, pour une raison que je ne comprends pas, ont voulu occulter cette
présence alors que ces Juifs ont tout fait pour le rayonnement, pour le
progrès, pour la prospérité de l’Egypte.
Et ce, que ce soit depuis le modeste artisan de
Haret El Yahoud jusqu’à
Joseph Cattaoui Pacha, Ministre des Finances de
ce Pays, en passant par les innombrables savants, chercheurs, médecins,
députés, sénateurs, juristes, avocats, ingénieurs, industriels, exportateurs,
banquiers, commerçants, écrivains, poètes, journalistes, enseignants, artistes,
etc.
Grâce à ton
travail admirable depuis plus d’un
demi-siècle, le souvenir de cette présence bienfaisante ne
risque plus jamais de s’effacer.
En feuilletant ton livre, qui ne représente qu’une petite partie de ton
œuvre remarquable, toute personne, Juif d’Egypte ou étranger à ce Pays, quel que soit sa nationalité ou sa confession saura que, durant des siècles, des centaines
de milliers de Juifs ont vécu heureux en Egypte en bonne intelligence et amitié
avec les Egyptiens.
Avec mon
amitié et mon affection.
Albert Pardo.
Il est venu me voir à deux reprises à Marseille
et, à chaque fois, nous avons passé la
nuit à évoquer nos merveilleux souvenirs de jeunesse au Caire. J’ai eu la joie de l’avoir au téléphone une dernière fois , moins d’une semaine avant sa
disparition.
Adieu, mon cher Victor, mon ami de toujours !
J’attends sereinement mon
tour
pour vous rejoindre, toi, Isy Crespin et
Michel Chammah et pour que les Trois Mousquetaires reprennent leurs discussions amicales interrompues ...
-o-o-o-o-o-o-o-
Juin 2009
Reçu le 22 mai
When I lived in Alexandria,
my understanding of
Arabic was rather lacking in quality and in quantity, as I only used it
with the servants and the hawkers.
Our main language at home was
English, and second language was French. My grandfather and great
grandfather (Anzarut) had attended school in Manchester (England)
Manchester Grammar School, and my mum and dad had attended the Lycee Francais
in Alexandria
Looking back, I feel that
literary Arabic should have been part of the school curriculum right from
the start....kindergarten level.
Unfortunately this was not the
case, and I recall with a groan that the serious study of literary Arabic
was instigated at a most inconvenient time.......a time when I found
it impossible to learn or understand this otherwise quite beautiful and
poetic language.
For some mysterious reason that I
have never been able to comprehend, I was very good at grammar, so had high
marks for dictations. I was also able to read quite fluently, but could
not understand a single word....not one.
One day among others...we had to
write a composition in Arabic on any subject we wished, so with my limited
vocabulary which comprised a dozen or so colloquial words, I wrote
two and a half pages.
It went something like this
THE CHAIR
We have many chairs (ehna
andenna keteer karrassee) and we all sit on a chair,, because
the chair does not sit on us. The chair has four legs (arba'a raigle), we
have two (etnaine)
We do not have four legs like the
chair (ehna mafeesh arba'a raigle zay el korsee!). We only have two,
(ehna andena bass etnain.....keffaya) and this helps us walk, but the
chair cannot walk (abbadan) because it has four legs (doll keteer
awee ).
etc...etc...on and on for over
two pages of script..all absolutely grammatically correct (at the time)....
EVERY WORD IN ARABIC.....and with absolutely no spelling errors.
In those days we had
an extra large, baboolah looking Arabic teacher of more than ample
proportions.
The morning after we had given in
our assignment, our Arabic teacher stood facing the
class, pointedly staring at me with Machiavellian eyes, an open
copybook in her hand..
"What on earth is she up
to" I wondered fearfully..."and why is she staring at me like
this?"
I found out soon enough..my
strenuous efforts at writing my first novel in Arabic had something to do with
it....and I had this strong gut feeling of angst that my ten minutes of
homework had not been appreciated.
"I am going to read to you
something that one of you has written" she snarled with a twisted evil
smile on her lips....and so Miss Farragh read my composition.
She had not even finished reading
the first sentence when my classmates started laughing uncontrollably ....They
were all used to my propensity towards writing outrageous comedy, as I had
written a few rather amusing plays that had been performed in front of
the whole school.
My school chums were rolling over
with laughter, tears streaming down their face, well before the Arabic
teacher had finished reading.
Miss Faragh (we all called her
Miss Farkha) put my copybook down, and nearly exploded with rage. She had
wanted the class to laugh at me, and not with me. She lunged towards me
with a rugby tackle ...I was a tiny thing, and she was enormous!!!
It was obvious that Miss Faragh
was hell-bent on turning me into a mince-meat shish kebab !
Luckily for the survival of this
grandmother of 6, she found it very difficult to manoeuvre the
narrow aisles between our school desks.
I was terrified of her!
Miss Farragh meant business! I hopped on top of the desks and
jumped from desk to desk to escape certain mauling death.
My school chums were cheering me
on, aiding and abetting this fugitive, by pushing their desks closer
together so Miss Faragh would not get through.
Finally, panting with exertion,
totally out of breath and shaking with rage, she rolled over to the
classroom door, flung it open, threw my copybook out in the
corridor, and in her guttural Arabic accented English roared "FOLLOW IT".
With a hop, skip and jump (Cirque
du Soleil eat your heart out!!) I made a successful final somersault
towards freedom and safety, and have lived NEVER to regret it!
Fortunately... in spite of the
big Zero that I received in Arabic composition, this did not significantly
affect my school average, due to the high marks that I attained in
every single other school subject.
The End. (Khallaaas)
Avril 2009
Reçu
Ils remplissent la petite ville de Helwan.
Ils viennent de loin, de partout… de tous les pays… de toutes les nationalités…
de toutes les religions. Il y en a qui sont venus de Malte, et ils sont
Chrétiens, les Cassingena. Une grande famille: trois veuves vêtues de noir et
cinq marmots… ils habitent l'Hôtel Panorama. De notre fenêtre je les vois: tous
assis sur les marbres de l'escalier à longueur de journée, essuyant furtivement
des larmes du revers de la manche, parlant une drôle de langue – un meli-mélo
de français, d'arabe et d'italien.
Ils sont nourris par les religieuses de
notre école ou les trois petites filles ont été admises. Et longtemps je suivis
leur assimilation à la vie, leur nouvelle vie, leur vie à Helwan. Longtemps je
fréquentais les petites filles, devenues grandes, vertueuses, rangées,
acceptant leur lot sans gémir… acceptant le travail qui ennoblit les âmes…
acceptant de se mêler a la société qui les a aidé a refaire leur avenir, un
avenir qui sourit, oui sourit, malgré tout, à ceux que la volonté de vivre est
toujours la plus forte.
Les Cassingena étaient les premiers émigrés
que je côtoyais. Puis vinrent les Ephrayim: c'était une famille nombreuse venue
d'Ukraine, quatre garçons potelés, roses, d'une forte carrure, la tête grosse
et ronde et chauve… le visage ouvert, les yeux vifs et intelligents, courant
l'un après l'autre comme de petites souris, ne parlant jamais. Seul le père
connait quelques mots de français et peut s'expliquer avec Papa. "Mr.
Ephrayim est surement comme nous Israelite" dis-je a maman. Car ce matin
la il ouvrit la porte au laitier et je vis sur son front le tephilin et sur son
bras droit aussi. On dit qu'il est riche, c'est pour cela qu'il a pris une
maison spacieuse. On ne voit jamais sa femme, toujours occupée aux soins des bambins.
Mais à kippour elle vint au Temple. Quand aux garçons, ils fréquentèrent
l'école arabe, sous prétexte d'apprendre la langue du pays… Mais la vérité
sortit de la bouche des enfants: "Ce sont des Chrétiens" dirent-ils,
montrant du doigt l'école des Frères, "nous avons une Mezouza à notre
porte, nous ne devons pas mettre nos pieds, là ou il y a la croix"… Cette
remarque faite en arabe ne m'étonna point, mais me donna à réfléchir. Avec les
années, le père, Mr. Ephrayim, s'avéra orfèvre, les fils grandirent et
continuèrent le métier de leur père, mais jamais ils ne se mêlèrent à nous.
Distants, polis, ils avaient leur propre vie et après presque dix ans ils
quittèrent Helwan.
Presqu'en même temps qu'eux, arrivèrent les
Gorban, les Blums. Des fugitifs ayant pu sauver leurs biens et purent aisément
refaire leur situation. Ils s'occupèrent d'hôtellerie et leurs affaires
prospérèrent. Ma petite soeur Marie, étant de l'age de Rose Gorban, fut son
amie et son soutien a l'école… et fut son intime de longues années, tandis que
Sophie Blum jalousait ces deux fillettes et perdait son savon à mettre la
discorde entre elles. Les Gorban et les Blum étaient des Polonais de la même
ville, ils parlaient le Idish, ils savaient profiter de chaque mot, de chaque
geste. Ils n'eurent jamais besoin de l'aide de
Mais Marie avait bien ou porter ses
épanchements, car Marie Biberman attendait patiemment que son heure fût venue
pour coller ses pas à ceux de ma sœurette. Je les revois encore toutes les
deux, âgées à peine de cinq ans, chacune pour la première fois, se regardant
longuement comme pour se scruter, comme pour lire ce qui était écrit sur leur
front…
Je jouais à la marelle ce jour la après la
classe, avec mes soeurettes dans l'immense cour dallée de l'Hôtel Valavanis
depuis longtemps silencieux. Le beau marbre des parapets, les colonnes du plus
beau style, les cinquante chambres donnant sur quatre grandes rues, les beaux
salons, tout, tout était muet. Ce silence me pesait et m'étonnait à
Chère Hélène … drôle d'Hélène. Tes beaux yeux
verts-bleus, ta peau laiteuse, tes cheveux blonds, drus, courts, tes gestes
secs, tes paroles tranchantes, fouettant de vérité… ta petite personne, ton
ombre suivant la mienne sur le chemin du retour de l'école ou du temple, ta
petite personne, je n'ai jamais pu l'analyser suffisamment, car seuls ces
instants brefs nous étaient accordés. La vie avare pour toi et pour moi, ne
nous laissait pas de répit. Tu as poussé trop vite Hélene, et un beau jour tu
ne vins plus à l'école… ni ta soeur Mary d'ailleurs. Ma maitresse m'envoya voir
pourquoi. Pourquoi? Oh, j'en pleurai Hélène, et j'eu honte de le répéter a
celle qui m'avait envoyée. Tu as été travailler comme vendeuse, oui vendeuse,
dans un magasin de nouveautés, et Mary aussi. Ne pouvais-tu attendre de finir
tes études secondaires ? Non, car Sophie
se mariait et il fallait vivre, aider le père. Tu rentrais tard, fatigue. Point
de congé… point de répit… la fièvre de la capitale s'empara de vous, deux
petites jeunes filles, les frêles émigrés d'hier. Vous vous leviez tot, tres
tôt, et le train sifflant, crachant ses nuages noirs de fumée, vous emportait
vers le Caire, vers les lumières de la ville, vers les salles de danse, les
rendez-vous… Mr. Biberman ne pouvait plus lutter. Il l'avait fait durant de longues
années. Ses pauvres jambes qui avaient tant parcouru de chemins, ses jambes
traînaient déjà, et ses tempes ou les cheveux grisonnants s'affirmaient déjà,
ses tempes gonflées par la tension artérielle battaient le chari-vari. Mais son
coeur fidele et reconnaissant gardait a jamais grave en lui l'image de Maurice
Mosseri, mon père. Et ton petit frère David, devenu un beau jeune adolescent,
courrait derrière son copain portant le même nom en criant: Doudou, Doudou !...
Ils se revirent souvent, très souvent,
malgré les temps. Car on ne peut oublier les belles années de l'enfance, ces
années ou l'on partage tout: les joies, les pleurs, les gâteaux, les bonbons,
la miche de pain arabe, chaude arrosée de miel noir ou tapissée d'une belle
tranche de fromage blanc et doux, doux comme la vie… la vie sans cesse
renouvelée, avec ses espoirs, ses instabilités, avec ses éternels
recommencements. La vie qui noue et dénoue les liens les plus beaux, les plus
chers, les plus solides, les rendant frêles, si frêles que notre mémoire
tremble de les perdre un jour. Mais non, non… Les roses blanches, les petites
roses thé, grimpant sur le grillage de l'hôtel Gorban, s'entêtaient à fleurir,
bien bien longtemps après que les Gorban fussent parties…
Dans ma promenade matinale, je passais
devant le portail en fer forgé, cadenassé… mais les roses thé étaient
Et des fois… des fois, je me surprends
riant aux éclats, comme ça, seule, en revoyant un certain tableau. Un tableau
émergeant des nuages des temps, des distances des ages, un tableau mouvant ou
six petites filles debout, en file indienne sur le parapet de marbre de la cour
dallée de l'hôtel Valavanis, se jetaient l'une après l'autre, en poussant des
cris de joies, sur les immenses édredons de plumes, les édredons russes, qui
enfouissaient dans leur duvet les petits corps qui se relevaient et
recommençaient leur jeu… Mais Madame Biberman arrivait avec son grand balai à
la main, pour secouer ses édredons. Et nous, nous six petites filles heureuses
d'être ensemble, l'écho de leur joie se répercutant, s'agrippant aux murs, aux
colonnes…
Allez vous-en souvenirs, allez-vous en, éparpillez-vous
aux quatre coins du monde, comme nous nous sommes éparpillées nous toutes…
Les flots de soleil et de lumière entrant
dans les chambres de l'hôtel réouvert par d'autres gens, rénové par d'autres
mains, les flots de chaud soleil sont les mêmes, mais nous, nous ne sommes plus
là…
N.B. Le Livre
L’ETREINTE DU PASSE d’
Reçu le 15 mars 2008
précurseurs
de la « Nahda » arabe aux XIXe et XXe
La
grande émigration libanaise vers l’Égypte, commencée au XVIIe siècle, a pris
son essor entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe siècle,
particulièrement après les massacres commis en 1860 dans la montagne libanaise
ainsi qu’à Damas, ce qui entraîna également une émigration syrienne.
Au
XIXe siècle, l’Égypte devenait plus attirante économiquement, vu les réformes
sociales et culturelles effectuées par Mohammad Ali puis Ismaïl Pacha, ainsi
que d’autres khédives ou vice-rois, qui voulaient faire de l’Égypte un
« coin » d’Europe en Afrique. Alexandrie est devenue à la seconde
moitié du XIXe siècle une ville méditerranéenne, européenne, arabe et
islamo-judéo-chrétienne, concurrente de Marseille et Istanbul, et son port
recevait des navires de toutes les parties du monde, garantissant 60 % de
l’activité économique égyptienne.
Des centaines de paysans montagnards et
de propriétaires terriens libanais, venus à pied, à dos d’âne ou à bord de
petites embarcations, suivis de grandes familles bourgeoises, à majorité
chrétienne melkite, puis orthodoxe et maronite, de Saïda, Tyr et Zahlé,
s’installèrent à Alexandrie, à Damiette, à Mansourah, à Tanta et au Caire,
travaillant dans l’agriculture et le commerce. Les Libanais connaissant
d’autres langues que l’arabe furent embauchés dans les grandes sociétés et
banques étrangères et développèrent, avec les Égyptiens, les secteurs
économiques privés. Ils réussirent dans les professions libérales, comme
comptables, magistrats, avocats, médecins, ingénieurs, entrepreneurs, etc, et
certains occupèrent d’importants postes au gouvernement, allant même jusqu’à
influencer la politique locale. Le nombre de Libanais d’Égypte, à la fin du
XIXe siècle, dépassait les cent mille personnes.
Les Libanais émigrant en Égypte avec des
capitaux se sont bien établis et ont investi dans les petites industries de
l’huile, de la savonnerie, du tabac, des pâtisseries… D’autres ont fondé de
grandes sociétés et industries de sel, de sodium, de textile, de parfum, de
bois, de la soie… En 1905, les Libanais furent les pionniers des industries
chimiques et du coton en Égypte. Ils travaillèrent aussi dans le secteur du
transport (train et autobus) dans le delta du Nil, établissant des liaisons
régulières pour les gens et les marchandises à partir des ports jusqu’aux
villages les plus éloignés du désert. Dans les villes, ils ouvrirent de grands
magasins de nouveautés (prêt-à-porter, produits de beauté…). Certains firent
rapidement fortune et construisirent des palais qu’ils habitèrent.
Ce
succès rapide entraîna, à son apogée, l’ouverture d’églises, d’écoles, de clubs
et d’associations de bienfaisance, appuyant les nouveaux émigrants libanais et
envoyant des aides au Liban, tout en contribuant au développement de l’Égypte.
Citons parmi ces familles les Assouad, Athié, Bakhos, Boulad, Boulos, Cassir,
Chalhoub, Chaoul, Chahine, Chedid, Corm, Daher, Debbané, Eddé, Farah, Farès,
Gemayel, Habachi, Hachem, Haïmari, Hakim, Khlat, Khoury, Nasser, Nouh, Rohayem,
Saab, Sarrouf, Sayegh, Chéhadé, Tadros, Younès, Zeidan, Zein…
LA «NAHDA »
À la
même époque, le Liban connaissait une activité intellectuelle intense qui fut à
l’origine de la Renaissance arabe, la « Nahda », basée sur la
liberté, la patrie et la langue arabe, dans une perspective de conception de
l’arabité suivant des objectifs nationalistes, laïcs et non religieux. Les
écrits des Libanais dans les domaines littéraire, culturel, scientifique,
pédagogique et philosophique ont été à l’origine de la « Nahda » et
un des « maîtres » libanais de toutes ces disciplines a été
sans doute Boutros al-Boustani, né à Debbiyeh dans le Chouf (1819-1883), qui ne
quitta jamais le Liban. La censure ottomane tentant d’étouffer ce nouvel essor,
de nombreux intellectuels libanais prirent le chemin de l’Égypte, où la
Renaissance arabe a effectivement vu le jour, avec de grands esprits comme les
Égyptiens Taha Hussein (1889-1973), Saad Zaghloul (1859-1927) et son frère
Fathi Zaghloul, qui, à travers ses traductions en langue arabe, a introduit la
pensée politique et la sociologie occidentales en Orient.
Les
Libanais d’Égypte ont contribué au développement des courants de la pensée
libérale et scientifique avec, notamment : Farah Antoun (1874-1922),
intellectuel originaire de Tripoli, fondateur de la revue al-Jamiah
(L’université) et auteur de plusieurs livres ; Yacoub Sarrouf (1852-1927),
directeur de la revue scientifique al-Muqtataf (Sélection), fondée à Beyrouth
en 1876 et transférée au Caire en 1883 ; Gergi Zeidane (1861-1914), écrivain
réformiste de nouvelles et de romans historiques sous forme de feuilletons,
fondateur de la revue al-Hilal (Le croissant) en 1892, qui a contribué à
l’éducation de plusieurs générations, non seulement en Égypte,
maisdanstoutl’Orientarabe.
LA PRESSE ET L’ART
Le XIXe siècle fut celui du développement
de la presse en Orient, qui avait eu sa première imprimerie en 1697 au Liban,
suivi par l’Égypte en 1820. Avec l’imprimerie, la presse révolutionna la
société arabe dont l’éveil culturel permit aux élites de débattre de nouvelles
idées en approfondissant leur connaissance de l’Europe. Le premier journal
officiel en arabe et turc fut el-Waqa’i el-Masria (Les événements égyptiens),
apparu en 1828 en Égypte. Au Liban, Khalil el-Khoury fonda le premier périodique
indépendant arabe, Hadiqat el-Akhbar (Le jardin des nouvelles) en 1858, et
Abdel Kader Kabbani Samarat al-Founoun (La production artistique) en 1875, qui
seront suivis de
Dans
le domaine de l’art, les Libanais ont également été prolixes, notamment au
théâtre. La première pièce écrite et jouée en Orient fut al-Bakhil (l’Avare),
adaptée de Molière et présentée en 1848, près de la place des Canons à
Beyrouth, par le Libanais Maroun al-Naccache, qui devint ainsi le père du
théâtre arabe. Vu les difficultés rencontrées au Liban en raison de
l’occupation ottomane, les Libanais développèrent le théâtre en Égypte, où
Georges Abyad, fondateur du théâtre égyptien moderne, créa en 1912 la première
troupe arabe professionnelle.
La révolution de 1952 en
Égypte fit tomber la monarchie, ce qui entraîna un choc au sein de la colonie
libanaise, très affectée par ce changement brusque, principalement après 1956.
En effet, à cette date-là, la nationalisation nassérienne toucha la classe
bourgeoise dans son ensemble, musulmans comme chrétiens. Des centaines de
familles perdirent du jour au lendemain leurs biens personnels, industries,
magasins et autres propriétés, saisis par le nouveau gouvernement. Cela
provoqua une nouvelle grande vague d’émigration vers le Nouveau Monde et
l’Australie. Beaucoup sont cependant restés en Égypte, préservant jusqu’à ce
jour les relations égypto-libanaises, plusieurs fois millénaires. Ces personnes
sont très engagées dans la société égyptienne, comme il existe un grand nombre
d’Égyptiens et de Libano-Égyptiens au Liban, qui font le pont entre les deux
pays dans les domaines culturels, économiques et politiques.
AUTEUR INCONNU
28/02/2009
Reçu de Madame
Suzy VIDAL le 12 janvier 2009 :
The day: Shabbat
The month:January
The year: 1952
The street: Malika Farida
The City: Cairo, Egypt
It was just an ordinary Shabbat.
The food had been prepared beforehand and the dodo
(domestique) would come at around 1 o'clock to re-heat it.
We were getting ready for our usual Petit Groppi
reunion.
Then all of a sudden a huge outcry from the street and
hundreds of Arabs coming out from the intestines of the ground.
We knew it was one of their wild riots and we decided
to wait and see.
Then my uncle Leon came to us and said:
"Il y'a le
feu partout , ne bougez pas de la maison!"
We did not understand. Esh el hekaya di?
Peeping out of the balcony, taking care not to be seen
for fear of maddening the crowd, we saw smoke arising from different quarters.
Ya Allah what was happening to Cairo?
As time went by, there were more and more fires and
screaming of rioters.
In front of our house there was a bar serving alcohol.
The mass barged into it and building a bonfire on the
road, they threw one bottle of alcohol after another. The bottles exploded with
frightening noise and our skin shrunk into our bodies.
They were so near. A little more and they would come
and get us!
In fact some time later, the rioters barged into our
building looking for YEHUD, Jews.
My father and nonno were home because it was Shabbat
and they said:
yalla fel setouh, come on up to the roof.
Thankfully there were the service stairs which led to
the flat roof and we quickly directed ourselves up.
There was my mother, my father, my younger sister,my
nonno and myelf.
Looking back to see if everyone was there, my nonno
was missing.
My father
redirected his steps to the apartment and there he saw my grandfther
with a huge kitchen knife in his hands!
What was his intention? Battle the mad crowd?
No! in his head,he feared that the women would be
raped and like the leader of the zealots Ben Yair, in Massada, said he would
slaughter us rather than leave us to the mercy of the crowds.
My father gently took him by the shoulders (because my nonno was now an elderly man) and
persuaded him to go up to the roof.
Once we were on that roof, just us and no one else,
the other neighbours were not Jews, we watched pandemonium break out!
The view was much better here on the 7th floor than
from our 5th.
We could see all of Cairo and the flames rising high
up in the sky.
We were shaking and had one of those
"shoushourellas" about to explode as well.
Then the furous sound receded from our building and we
watched very carefully the riotors leave our building.
Was it safe to go back?
Later we learned that our faithful bawab, had told the
crowd: maffish Yehud hena (there are no Jews here)
We waited a little more and then with great precaution
my father went down.
He came back to tell us it was safe to go back.
We regained our apartment and remained stuck to the
various "mezzuzah" at the entrance of each room.
We thanked Rabenna for saving us and preventing these
madmen to come and tear us to peices.
Some were not as lucky.
A few houses further on there was the English
Officer's Club.
The scene in that street was horrendous.
The crowd had attacked the English in their club,
thrown out all the half burnt furniture and then put fire to the men.
They threw them out of the windows!
The bodies were all blackened and smouldering.
How many men had been killed? I do not know.
It was already dangerous enough to be Jewish but this
time it was worse to be English.
I shall forever remember that scene. I only have to
close my eyes and everything that happened then unrolls itself like a film.
In general we Jews are considered intelligent, and yet
we went on living there!
It was an ordinary Shabbat!
par Marie Mosseri
Septième et
dernière Partie
Ce n’est que vers une
heure du matin que le minibus s’arrêta devant une maison éclairée par la
lanterne du porche. Le chauffeur m’aida à descendre, m’accompagna jusqu’au
seuil de la maison et frappa à la porte. Je fus accueillie chaleureusement par
Ruth et son mari, ainsi que par la maman qui m’avait devancée. Je ne me sentais
pas éveillée, j’avais l’impression d’évoluer dans un rêve. Ils me conduisirent
à la chambre qui m’était destinée. C’était une chambre très spacieuse
comprenant toutes les commodités, et une salle de bains indépendante. Epuisée
par ce long voyage, et encore frissonnante de cette humidité glaciale, j’avais
hâte de m’emmitoufler sous la couette et dormir. Pour la première fois depuis
la mort de mon mari je m’endormis sans prendre de calmant, et continuai ainsi
durant toute l’année passée aux Etats- Unis.
Le lendemain
matin, je m’éveillai avec une forte toux accompagnée de fièvre. Heureusement,
Ruth et sa maman, médecins toutes les deux, étaient là pour me soigner. Je leur
dis que j’étais allergique aux antibiotiques et refusai de les prendre. Mais
elle me rassura : « N’ayez crainte, cet
antibiotique ne vous fera pas de mal, et vous êtes obligée de le prendre si
vous voulez guérir ».
Après quelques
jours de repos, je me sentis beaucoup mieux, et accompagnée de la maman,
j’allai voir les enfants que je n’osai pas approcher tant que j’étais
souffrante. Tandis que mon regard s’attardait sur le bébé, elle me demanda : «
Pourquoi la regardez-vous ainsi ? ». Je lui répondis : « Avez-vous fait
examiner ses yeux par un spécialiste ? Je pense que cette enfant ne voit pas
bien». Elle acquiesça : « C’est exact ! Mais comment l’avez-vous su ? » Je
rétorquai : « Ce n’est pas sorcier, j’ai eu quatre enfants, mes sœurs ont eu
également des enfants, j’ai toujours eu
plusieurs bébés à la maison et je n’ai jamais vu de bébé âgé d’un mois avec un
regard comme celui-ci. A cet âge l’enfant a plus de vivacité dans ses yeux et
il est attiré par tout ce qui l’entoure ». Effectivement, la petite avait un
retard dans le développement. Par la suite, elle rattrapa son retard et devint
une adorable petite fille.
Cela me fit du bien d’être loin de chez
moi, loin de tout ce qui me faisait penser à mon mari. Malgré le fait que je ne
pouvais pas me permettre de prendre les mêmes libertés qu’à la maison : allumer
la radio ou la télévision quand je le voulais, m’asseoir sur mon fauteuil et
lire un livre ; toutes ces petites habitudes qu’il me fallut oublier…Cependant,
j’étais très bien traitée. Je n’étais pas mise à l’écart comme les employés de
maison dans certaines familles. Je mangeais à table avec eux, prenais part aux
conversations variées et intéressantes de ce jeune couple charmant et instruit.
Ils étaient très attentionnés envers moi.
De mon côté, en plus de mon travail je faisais également certaines tâches que
je n’étais pas censée faire. Par exemple, lorsque nous sortions de table, je
faisais la vaisselle et rangeais la cuisine, bien que cela ne fasse pas partie
des fonctions d’une nurse. Mais je le faisais de bon cœur. Au début, ils
avaient des scrupules, ne voulaient pas me laisser faire, mais je leur dis que
cela m’était nécessaire pour me sentir à
l’aise, comme à la maison…
L’été, nous sommes allés au bord de la mer
à Atlantic City, où nous avons passé d’excellentes vacances. En hiver, des amis
leur avaient prêté un chalet aux abords des pistes de ski, et là aussi nous
avons passé un agréable séjour. Avec le temps, je ne me sentais plus étrangère
et m’attachai à cette famille.
Ma sœur Louna demeurait à New York. J’allais
de temps en temps lui rendre visite lors des week-ends prolongés par des jours
fériés et des ponts. Ruth habitait une banlieue de Philadelphie, qui se
trouvait à quarante-cinq minutes de la gare centrale de Philadelphie. Et donc,
à chacun de mes voyages pour New York, elle ou son mari, m’accompagnait à la
gare centrale, attendait que j’achète mon billet, et que je monte dans le bus
en direction de New York avant de repartir. De même pour le retour, je les
appelais pour leur donner l’heure du départ de mon bus, et l’un des deux était
là à mon arrivée. J’avoue qu’ils prenaient bien soin de moi.
Par contre, ils m’interdisaient d’allumer
la télévision, sous prétexte qu’ils ne voulaient pas que leurs enfants s’y
habituent. Que pouvais-je donc bien faire durant toute la journée ? Je
m’occupais des enfants, mais après les avoir lavés, habillés, nourris, il
restait tout de même des heures creuses. Des heures où je n’avais rien d’autre
à faire qu’à tourner en rond. Je n’avais même pas la possibilité de parler avec
les voisins qui, dans cette banlieue étaient très éloignés les uns des autres.
Dans ces moments-là, j’avais l’impression
d’avoir vendu mon âme. Je pleurais… Ruth me surpris un jour en train de pleurer
et s’écria : « Pourquoi pleures-tu Marie ? Je ne veux pas que tu pleures !
Qu’as-tu ? ». Je répondis que je n’avais rien. Mais comme elle insistait, je
finis par lui en donner la raison. Elle me permit alors d’allumer la
télévision.
Mon neveu, qui habitait à Long Island,
m’invita à passer un chabbat chez lui. Je lui parlai de mon emploi, mes
fonctions et mes revenus. Il fut très surpris d’apprendre que mon salaire
mensuel n’était que de trois cents dollars, et me dit : « Tu te fais exploiter
! Mon voisin, qui est veuf, a une nurse qui s’occupe de ses deux enfants et de
l’entretien de la maison. Il la paie neuf cents dollars. De plus, à ses heures
libres, lorsque le papa est à la maison, elle fait des heures de baby sitting
pour cinq dollars de l’heure dans le voisinage et garde aussi mes enfants quand
je vais au cinéma avec ma femme ». Toutes ces heures de baby sitting ajoutées
aux neuf cents dollars lui assuraient un revenu confortable.
J’encaissai sans broncher ces révélations
qui me firent beaucoup de peine. Je repris la route le samedi soir, me
demandant tout au long du trajet si je devais leur en parler ou non. J’étais là
depuis trois mois, il en restait neuf pour finir mon contrat.
C’est son mari qui vint me chercher.
J’arrivai à la maison où Ruth m’accueillit, comme à son habitude, de façon
chaleureuse. Mais bien sûr, elle perçut immédiatement la contrariété qui se
lisait sur mon visage. Je peux contrôler mes effusions, mais je ne sais pas
cacher mes sentiments. Elle me demanda : « Comment vas-tu ? Quelque chose ne va
pas ? ». Je lui répondis : « A Long Island, mon neveu habite dans une jolie
zone pavillonnaire. Son voisin, un homme veuf avec deux enfants, emploie une
jeune femme dont les fonctions sont les mêmes que les miennes, mais avec un
salaire de neuf cents dollars. J’avoue que j’ai été très offensée ».
Le visage blême, elle dit : « Marie,
n’oublie pas que nous t’avons payé le billet d’avion ». Mais je rétorquai : «
Cette jeune femme vient de Turquie, et son billet lui a également été offert.
D’autre part, lorsque le papa rentre vers
dix sept heures, elle fait des heures de baby sitting dans le voisinage,
pour arrondir ses fins de mois… Ce que je ne peux pas faire ». Elle ajouta : «
Mais chez nous, qui te considérons comme faisant partie de la famille, et non
pas comme une employée, tu es aussi à l’aise que chez toi ». Je répondis : «
C’est exact, et j’en apprécie les avantages. Je suis contente que vous n’ayez
pas de chien, car je ne serais pas restée ; j’apprécie également que vous ne
fumiez pas, car je ne supporte pas la fumée, et D… merci, vous n’avez pas de
dépendance à la drogue. Vous êtes une famille propre et bien, et c’est la
raison pour laquelle, depuis la première nuit passée sous votre toit, j’ai
réussi à dormir paisiblement, sans le calmant auquel j’étais habituée depuis la
mort de mon mari. Mais, tout de même, la marge doit être acceptable et convenir
à la situation ; la différence est énorme entre les trois cents dollars que je
touche et les neuf cents dollars qu’elle gagne, sans compter les extra ». Comme
à chacun de mes retours, Ruth avait préparé mon repas et me servit un thé. Puis
nous sommes montées nous coucher.
J’étais soulagée de lui avoir dit ce qui me
pesait, et m’endormis rapidement. J’avais l’habitude de me lever tôt le matin,
et prenais sur moi de préparer la table pour le petit déjeuner. Le lendemain
matin, je posai les assiettes et les tasses sur la table, quand son mari entra
dans la cuisine.
Il ne parlait pas l’hébreu. Lorsqu’il
s’adressait à moi, c’était en français. Il adorait cette langue. Il était
roumain et avait appris le français lors de séjours en France. Je lui dis «
Bonjour ! ». Il répondit : « Bonjour Marie !
Ma femme m’a raconté votre conversation d’hier soir. Tu sais que nous
t’aimons comme une mère, ne te sens-tu pas chez nous comme chez tes enfants ?
». Je répondis : « Oui, et je ne me suis jamais plainte. Mais je travaille chez
vous depuis trois mois, vous avez pu constater que je suis très perspicace et
que je comprends facilement tout ce que vous dites lors de vos discussions.
Ruth et vous, êtes médecins, et lorsque nous sommes à table, vos conversations
tournent toujours autour de vos revenus : les vôtres, ceux de vos confrères …
Donc je sais que vos rémunérations vous encouragent, ou au contraire vous
fâchent si elles ne sont pas à la hauteur de votre travail ». Il acquiesça.
J’ajoutai « Pourquoi devrais-je venir d’un pays étranger pour effectuer ce
travail, louer mon appartement à des inconnus, et me faire exploiter ? ».
Il demanda : « Marie, que comptes-tu faire
à présent ? ». Je lui dis : « Je ne compte rien faire, je ne suis pas venue en
Amérique dans le but de faire une carrière de nurse. J’ai accepté ce poste pour
deux raisons. La première est que je voulais m’éloigner de tout ce qui me
faisait penser à la mort de mon mari, et à ce deuil qui m’avait plongée dans un
état de solitude et d’affliction que je n’arrivais pas à surmonter. La seconde
raison est que ma situation financière s’est avérée désastreuse. Après le décès
de mon mari, j’ai été convoquée par le directeur de la banque qui me demanda
comment je comptais faire face aux dépenses sans les revenus de mon mari. Je ne
savais pas ! Je ne m’étais pas encore posé la question. Je lui répondis qu’en
plus de ma pension, je puiserais dans le compte sur lequel mon mari avait versé les indemnités reçues à la fin de
sa carrière à la Discount Bank. Il m’informa qu’il ne restait que six mille
sheqels sur ce compte, et qu’avec ma pension je ne pourrais venir à bout de
toutes les dépenses. Ce coup de massue m’a réveillée et fait prendre conscience
de ma situation. C’est ce qui m’a décidée à prendre ce job, car d’une part, je
n’aurais pas de dépenses pendant une année, et d’autre part, la location de mon
appartement me rapporterait une année de loyer. De plus je trouvais là une
occupation rêvée pour moi qui étais incapable d’entreprendre quoi que ce soit
depuis la mort de Vita. Le fait que j’avais connu Ruth lorsqu’elle était
étudiante me conforta dans ma décision. Si je n’avais pas eu ce problème
financier, je n’aurais jamais quitté ma maison. Mais ne croyez pas que je sois
mécontente d’être chez vous. Je suis ravie d’être là, car comme je l’ai dit à
Ruth, il n’y a pas de chien, pas de cigarette, pas de drogue. C’est pour moi
l’endroit idéal que D… m’a choisi. Je n’ai aucune plainte à formuler à
l’encontre de votre famille. Mais quand j’entends qu’au lieu des neuf cents
dollars que ce travail mérite, je n’en reçois que trois cents, je pense que
vous pouvez comprendre que je sois fâchée ».
Il me dit : « Oui, je comprends ! Mais tu
es comme notre mère, et nous t’aimons ». Je répondis : « Je le sais, et c’est
réciproque, je vous aime aussi. Ne craignez rien, je n’ai pas l’intention de
partir, je voulais juste vous informer de mes états d’âme ». Il ajouta : « Ruth
et moi avons décidé de passer ton salaire à quatre cents dollars et te
demandons de tenir compte du fait que tu es nourrie et logée ». Ma flamme
baissa un peu, mais tout de même, j’ai continué à faire consciencieusement mon
travail. Les enfants ont reçu tout ce que je leur devais ; pour la maison je
préparais la table, et presque tous les jours, je nettoyais le sol de la
cuisine. C’était aussi pour moi puisque j’y vivais, et que je cherchais
également à remplir mes journées.
A l’approche de la date fatidique du décès
de mon mari, je leur demandai de m’accorder une ou deux semaines de vacances,
afin d’assister à la célébration du premier anniversaire de sa mort. Je voulais
également voir mes enfants, et ma maison. Mais ils refusèrent de me laisser
partir, craignant que je ne revienne pas finir mon contrat. Je fus très vexée
par ce manque de confiance. En revanche, pendant leurs congés, ils s’étaient
rendus en Israël avec leurs enfants. J’étais restée chez ma sœur Louna à New
York en attendant leur retour. J’étais très contrariée, mais que pouvais-je
faire ? Je m’étais engagée pour un an. Dès lors, je décidai que je repartirais
à la date convenue (début février), et que je ne resterai pas un jour de plus.
Dès le mois de décembre, je commençai à
ranger dans mes valises, les vêtements d’été dont je n’aurai plus besoin.
Lorsqu’elle rentrait de son travail, Ruth aimait venir passer quelques instants
dans ma chambre avec les enfants. Elle fut surprise de voir mes valises et
questionna : « Pourquoi as-tu sorti tes valises ». Je répondis que je commençai
à les préparer, mon retour étant prévu pour début février. Elle demanda :
« Marie, tu parles sérieusement ? ». Ma
réponse fut : « Le plus sérieusement possible. Je dois rentrer, et retrouver
mon appartement que j’ai loué pour un an ».
Pour le retour, je leur demandai de me
réserver une place sur un vol EL AL pour la date convenue. Je ne voulais pas
voyager sur un vol charter, comme pour l’aller où le voyage s’était très mal
passé, et je proposai de payer la
différence.
Chaque fois que Ruth venait dans ma chambre
avec ses enfants, elle me demandait : « Marie, es-tu sûre de ne pas vouloir
changer d’avis ? Ne peux-tu pas rester ? ». Je lui disais toujours que c’était
impossible. Elle ajoutait : « Marie, comment vais-je faire pour te remplacer ?
» Je répondais : « Tu engageras une autre personne de la même façon que tu m’a
engagée ». Rien n’aurait pu me faire changer d’avis. Lorsque je prends une
décision, je la maintiens fermement.
Ce n’est que lorsque mes bagages furent
bouclés, et que j’appelai mes enfants pour les prévenir de mon retour imminent,
que Ruth me remit mon billet d’avion. Elle le gardait dans l’espoir de me faire
changer d’avis.
Je retournai chez moi après un an
d’absence, après avoir honoré mon contrat jusqu’à terme. Les locataires de mon
appartement qui ne voulaient plus quitter le quartier auquel ils s’étaient
habitués, louèrent à la hâte au rez-de-chaussée du même immeuble, un
appartement plus petit que le mien ; mais ils s’en contentèrent. Ils
l’occupèrent jusqu’à la fin de leur vie. Ils y sont décédés tous les deux à
quelques mois d’intervalle l’année dernière.
Lorsque je retrouvai mon appartement, il
n’avait plus du tout le même aspect qu’au moment de mon départ. Il avait été
occupé durant une année par une famille de fumeurs. Le père, la mère, les deux
fils et même la grand-mère fumaient comme des pompiers. Tout ce qui, à
l’origine, était blanc, avait jauni : les murs, les armoires de cuisine, et
même le plan de travail en marbre étaient à présent jaunes. Mon balcon,
semblable à un jardin l’année précédente avait l’air d’une jungle. Les plantes
grimpantes étaient emmêlées les unes aux autres, et retombaient en lianes
inextricables. Tout était imprégné de l’odeur de fumée de cigarettes. Il
m’était impossible de vivre dans cette atmosphère.
Je fis appel à un entrepreneur qualifié
pour restaurer l’appartement. Il me dit : « Je ne travaille que dans des villas
». Je lui répondis : « Vous allez penser que c’est une villa et me remettre cet
appartement en bon état ». Quand mon frère vint me voir pendant les travaux, il
me dit : « Marie, je crois que tu es folle ». Je rétorquai : « Si je suis
folle, ça me plait de l’être, car je ne peux pas vivre dans un appartement dans
lequel j’étouffe ».
A l’issue des travaux, l’appartement était
métamorphosé. Les murs aux superbes couleurs, étaient lisses comme du satin.
Les plantes du balcon furent arrachées et jetées. Mais pour régler la facture
de cinq mille dollars que me présenta l’entrepreneur, je dépensai l’argent
qu’il me restait de mes salaires : trois mille dollars. J’y ajoutais également
les mille dollars que j’avais retirés de mon compte avant le départ pour les
Etats-Unis et auxquels je n’avais pas touché. J’avais également ramené les mille
dollars que Racheline, qui avait procuration sur mon compte, avait retirés et
m’avait fait parvenir par l’intermédiaire d’une amie, et que je n’avais pas
dépensés.
J’en profitai pour procéder à une
désinsectisation, et dormis deux nuits chez ma fille Caroline. Ensuite,
j’ouvris la pièce que j’avais condamnée, en sortis les meubles du salon et les
tapis, vidai les caisses et entrepris de tout remettre en place. Quand tout fut
terminé, j’étais heureuse de me sentir chez moi, dans l’ambiance qui me convenait.
Qu’il était bon de retrouver la douceur du foyer, de reprendre mes habitudes !
Longtemps après mon retour, j’ai gardé des
contacts avec Ruth. Ils avaient eu une troisième fille. Je leur rendis visite lors d’un séjour passé chez ma
sœur Louna à New York. J’avais acheté un parfum pour Ruth, et apporté pour les
enfants des confiseries orientales qu’ils adoraient. Ruth était venue me
prendre à la gare centrale de Philadelphie. Elle m’accueillit avec une joie
débordante, m’installa dans une belle et confortable chambre, et me présenta sa
troisième fille que je ne connaissais pas encore. Elle pensait que j’allais
rester. Elle gardait l’espoir de me voir reprendre mes fonctions.
Nous nous installâmes sur le canapé, où du
linge sec était amassé attendant d’être plié. Et tout en parlant, je me mis à
plier le linge machinalement, comme je l’avais fait des dizaines de fois
lorsque je travaillais là. La nouvelle nurse lui dit en anglais : « Regarde
comment le linge est plié ! On dirait qu’elle le repasse ! ». Ruth lui répondit
: « C’est Marie ! ».
Ruth me disait souvent : « Quand je parle à
mes amies de tes qualités, de la façon dont tu t’occupes des enfants et de la
maison, toutes sont jalouses et me demandent si je peux leur faire des copies
de « Marie ».
Pour conclure, je dois dire que ce travail
aux Etats-Unis, m’a guérie de la dépression dans laquelle je sombrais. C’est
ainsi que je pus me remettre du deuil de mon mari, réintégrer mon appartement,
tourner la page, et poursuivre le chemin de ma vie. Par la suite, j’ai fait
plusieurs voyages d’agrément, en Europe, et aux Etats-Unis, et à chacun de mes
retours, c’était avec un plaisir intense que je rentrais chez moi, où je me
sentais bien, où je retrouvais tout ce qui m’appartenait, tout ce qui me
ressemblait. Chaque meuble, chaque bibelot avait son histoire, faisait partie
de ma vie : « La vie de Marie Mosseri ».
E P I L O G U E
Aujourd’hui, à
l’âge de quatre vingt quatre ans, plutôt que d’intégrer les groupes anonymes
des maisons pour personnes âgées, auxquels elle n’arrive pas à s’identifier,
Marie a choisi de rester chez elle, dans ce même appartement situé au troisième
étage d’un immeuble du quartier de Kiriat Moshé. Même s’il ne lui est pas
facile de monter toutes ces marches, elle préfère demeurer dans son appartement
où la présence d’une aide ménagère, qui tient également lieu de « dame de
compagnie », et avec laquelle elle converse en anglais, l’aide à supporter sa
solitude.
Marie, qui grâce à
D… a conservé toutes ses facultés intellectuelles, reste très attachée à son
poste de télévision et à ses chaînes câblées qui lui permettent de suivre les émissions des différents pays
dont elle connaît la langue (l’anglais, l’arabe, le français, l’hébreu et
l’italien), et n’aspire plus qu’à une chose : rester chez elle jusqu’à la fin
de ses jours…. ( après cent vingt ans )!
F I N
Reçu le 26 février de Madame
Levana ZAMIR :
Ils remplissent la petite ville de Helwan.
Ils viennent de loin, de partout… de tous les pays… de toutes les nationalités…
de toutes les religions. Il y en a qui sont venus de Malte, et ils sont Chrétiens,
les Cassingena. Une grande famille: trois veuves vêtues de noir et cinq
marmots… ils habitent l'Hôtel Panorama. De notre fenêtre je les vois: tous
assis sur les marbres de l'escalier à longueur de journée, essuyant furtivement
des larmes du revers de la manche, parlant une drôle de langue – un meli-mélo
de français, d'arabe et d'italien.
Ils sont nourris par les religieuses de
notre école ou les trois petites filles ont été admises. Et longtemps je suivis
leur assimilation à la vie, leur nouvelle vie, leur vie à Helwan. Longtemps je
fréquentais les petites filles, devenues grandes, vertueuses, rangées,
acceptant leur lot sans gémir… acceptant le travail qui ennoblit les âmes…
acceptant de se mêler a la société qui les a aidé a refaire leur avenir, un
avenir qui sourit, oui sourit, malgré tout, à ceux que la volonté de vivre est
toujours la plus forte.
Les Cassingena étaient les premiers émigrés
que je côtoyais. Puis vinrent les Ephrayim: c'était une famille nombreuse venue
d'Ukraine, quatre garçons potelés, roses, d'une forte carrure, la tête grosse
et ronde et chauve… le visage ouvert, les yeux vifs et intelligents, courant
l'un après l'autre comme de petites souris, ne parlant jamais. Seul le père
connait quelques mots de français et peut s'expliquer avec Papa. "Mr.
Ephrayim est surement comme nous Israelite" dis-je a maman. Car ce matin
la il ouvrit la porte au laitier et je vis sur son front le tephilin et sur son
bras droit aussi. On dit qu'il est riche, c'est pour cela qu'il a pris une
maison spacieuse. On ne voit jamais sa femme, toujours occupée aux soins des
bambins. Mais à kippour elle vint au Temple. Quand aux garçons, ils
fréquentèrent l'école arabe, sous prétexte d'apprendre la langue du pays… Mais
la vérité sortit de la bouche des enfants: "Ce sont des Chrétiens"
dirent-ils, montrant du doigt l'école des Frères, "nous avons une Mezouza
à notre porte, nous ne devons pas mettre nos pieds, là ou il y a la
croix"… Cette remarque faite en arabe ne m'étonna point, mais me donna à
réfléchir. Avec les années, le père, Mr. Ephrayim, s'avéra orfèvre, les fils
grandirent et continuèrent le métier de leur père, mais jamais ils ne se
mêlèrent à nous. Distants, polis, ils avaient leur propre vie et après presque
dix ans ils quittèrent Helwan.
Presqu'en même temps qu'eux, arrivèrent les
Gorban, les Blums. Des fugitifs ayant pu sauver leurs biens et purent aisément
refaire leur situation. Ils s'occupèrent d'hôtellerie et leurs affaires
prospérèrent. Ma petite soeur Marie, étant de l'age de Rose Gorban, fut son
amie et son soutien a l'école… et fut son intime de longues années, tandis que
Sophie Blum jalousait ces deux fillettes et perdait son savon à mettre la
discorde entre elles. Les Gorban et les Blum étaient des Polonais de la même
ville, ils parlaient le Idish, ils savaient profiter de chaque mot, de chaque
geste. Ils n'eurent jamais besoin de l'aide de
Mais Marie avait bien ou porter ses
épanchements, car Marie Biberman attendait patiemment que son heure fût venue
pour coller ses pas à ceux de ma sœurette. Je les revois encore toutes les deux,
âgées à peine de cinq ans, chacune pour la première fois, se regardant
longuement comme pour se scruter, comme pour lire ce qui était écrit sur leur
front…
Je jouais à la marelle ce jour la après la
classe, avec mes soeurettes dans l'immense cour dallée de l'Hôtel Valavanis
depuis longtemps silencieux. Le beau marbre des parapets, les colonnes du plus
beau style, les cinquante chambres donnant sur quatre grandes rues, les beaux
salons, tout, tout était muet. Ce silence me pesait et m'étonnait à
Chère Hélène … drôle d'Hélène. Tes beaux
yeux verts-bleus, ta peau laiteuse, tes cheveux blonds, drus, courts, tes
gestes secs, tes paroles tranchantes, fouettant de vérité… ta petite personne,
ton ombre suivant la mienne sur le chemin du retour de l'école ou du temple, ta
petite personne, je n'ai jamais pu l'analyser suffisamment, car seuls ces
instants brefs nous étaient accordés. La vie avare pour toi et pour moi, ne
nous laissait pas de répit. Tu as poussé trop vite Hélene, et un beau jour tu
ne vins plus à l'école… ni ta soeur Mary d'ailleurs. Ma maitresse m'envoya voir
pourquoi. Pourquoi? Oh, j'en pleurai Hélène, et j'eu honte de le répéter a
celle qui m'avait envoyée. Tu as été travailler comme vendeuse, oui vendeuse,
dans un magasin de nouveautés, et Mary aussi. Ne pouvais-tu attendre de finir
tes études secondaires ? Non, car Sophie se mariait et il fallait vivre,
aider le père. Tu rentrais tard, fatigue. Point de congé… point de répit… la
fièvre de la capitale s'empara de vous, deux petites jeunes filles, les frêles
émigrés d'hier. Vous vous leviez tot, tres tôt, et le train sifflant, crachant
ses nuages noirs de fumée, vous emportait vers le Caire, vers les lumières de
la ville, vers les salles de danse, les rendez-vous… Mr. Biberman ne pouvait
plus lutter. Il l'avait fait durant de longues années. Ses pauvres jambes qui
avaient tant parcouru de chemins, ses jambes traînaient déjà, et ses tempes ou
les cheveux grisonnants s'affirmaient déjà, ses tempes gonflées par la tension
artérielle battaient le chari-vari. Mais son coeur fidele et reconnaissant
gardait a jamais grave en lui l'image de Maurice Mosseri, mon père. Et ton
petit frère David, devenu un beau jeune adolescent, courrait derrière son
copain portant le même nom en criant: Doudou, Doudou !...
Ils se revirent souvent, très souvent,
malgré les temps. Car on ne peut oublier les belles années de l'enfance, ces
années ou l'on partage tout: les joies, les pleurs, les gâteaux, les bonbons,
la miche de pain arabe, chaude arrosée de miel noir ou tapissée d'une belle
tranche de fromage blanc et doux, doux comme la vie… la vie sans cesse
renouvelée, avec ses espoirs, ses instabilités, avec ses éternels
recommencements. La vie qui noue et dénoue les liens les plus beaux, les plus
chers, les plus solides, les rendant frêles, si frêles que notre mémoire
tremble de les perdre un jour. Mais non, non… Les roses blanches, les petites
roses thé, grimpant sur le grillage de l'hôtel Gorban, s'entêtaient à fleurir,
bien bien longtemps après que les Gorban fussent parties…
Dans ma promenade matinale, je passais
devant le portail en fer forgé, cadenassé… mais les roses thé étaient
Et des fois… des fois, je me surprends
riant aux éclats, comme ça, seule, en revoyant un certain tableau. Un tableau
émergeant des nuages des temps, des distances des ages, un tableau mouvant ou
six petites filles debout, en file indienne sur le parapet de marbre de la cour
dallée de l'hôtel Valavanis, se jetaient l'une après l'autre, en poussant des
cris de joies, sur les immenses édredons de plumes, les édredons russes, qui
enfouissaient dans leur duvet les petits corps qui se relevaient et
recommençaient leur jeu… Mais Madame Biberman arrivait avec son grand balai à
la main, pour secouer ses édredons. Et nous, nous six petites filles heureuses
d'être ensemble, l'écho de leur joie se répercutant, s'agrippant aux murs, aux
colonnes…
Allez vous-en souvenirs, allez-vous en,
éparpillez-vous aux quatre coins du monde, comme nous nous sommes éparpillées
nous toutes…
Les flots de soleil et de lumière entrant
dans les chambres de l'hôtel réouvert par d'autres gens, rénové par d'autres
mains, les flots de chaud soleil sont les mêmes, mais nous, nous ne sommes plus
là…
31/12/2008
par
Marie Mosseri
Sixième Partie
Arrivée chez ma sœur, je trouvai ma Caroline dans un état
de nerfs et d’hystérie indescriptibles, et dès qu’elle m’aperçut, elle appela
dans un cri : « Maman ». Elle bondit sur moi comme si je venais
la délivrer des mains de persécuteurs, et s’effondra en larmes dans mes bras.
Je la consolai comme je pouvais, tentant de la calmer par des mots apaisants.
Ma sœur me raconta en détails
tout ce que ma fille Caroline avait enduré depuis son arrivée en France,
soulignant que ce fut un miracle qu’elle-même ne soit pas devenue folle. Je
commençai par téléphoner au frère de Richard, Lucien, qui se trouvait à Milan,
et lui exposai la situation dans les moindres détails, le pressant de venir
voir son frère hospitalisé.
Ensuite, accompagnée de
Caroline, je me rendis chez le médecin responsable du service dans lequel se trouvait
Richard, et lui demandai des précisions sur son état. Celui-ci me dit :
« Il s’agit d’un cas de schizophrénie et de paranoïa, c’est-à-dire qu’il ne pourra plus
jamais travailler avec d’autres personnes, car il soupçonnera toujours ceux qui
l’entourent. Dans le meilleur des cas, il pourra travailler seul ».
Je lui demandai également ce
que nous pourrions faire pour éviter une nouvelle crise. Il m’énuméra les
différentes causes susceptibles de provoquer une crise : « Un
cauchemar peut en provoquer une ; un mauvais livre, un mauvais film
peuvent également provoquer une crise »…
Je lui répondis :
« Pour les livres, nous pouvons toujours surveiller ses lectures, jeter
les livres qui ne sont pas recommandés, les brûler même ; pour les films,
on peut très bien vivre sans aller au cinéma ; mais Docteur, comment
peut-on intervenir dans ses rêves et éviter les cauchemars ? ». Le
médecin renchérit : « Vous avez raison, et tout le problème est là,
c’est une personne très atteinte, et la solution la plus radicale, reste
l’internat dans un hôpital psychiatrique ».
Les documents furent préparés
à l’intention de Caroline, car la loi stipulait que seul le conjoint (ou la
conjointe) peut accepter qu’un malade soit interné, ou au contraire libéré s’il
s’engage à le prendre en charge.
Le frère de Richard arriva de
Milan, et put constater l’étendue du problème. Il n’était pas possible que
Caroline reste seule dans l’appartement de Neuilly et continue de porter les
repas à son mari. Par ailleurs, il ne voulait pas non plus abandonner son frère
dans cet hôpital. J’avoue qu’il fut compréhensif, et se comporta très
gentiment. Il savait que nos moyens étaient très modestes et me dit : « Marie, nous ne sommes
pas étrangers, tu es notre cousine ; je vais te rembourser ton billet, te
payer également celui de Caroline que tu dois ramener avec toi en Israël, et
vous laisser un peu d’argent. Mais il faut que Caroline signe les papiers qui
me permettront de faire sortir Richard de cet hôpital afin que je puisse l’emmener
à Milan où il sera entouré de toute sa famille ».
Après avoir réglé les
démarches nécessaires au renoncement de ses responsabilités sur son époux, et
délégué ses pouvoirs à son beau-frère, Caroline put quitter
De retour chez nous, nous
reprîmes notre train de vie habituel et Caroline se rétablit progressivement.
Nous l’avions installée dans la chambre de sa sœur Viviane afin qu’elle ne fût
pas seule. Puis elle fut engagée comme employée au ministère des affaires étrangères.
Avec le temps, elle reprit
goût à la vie, s’acheta des vêtements, prit soin d’elle. Elle était si élégante
et si belle avec ses cheveux blond vénitien. En Europe, tout le monde la
prenait pour une Allemande. Elle ne tarda pas à se faire courtiser. Les frères
de Richard ont beaucoup œuvré pour lui faire signer un certificat de divorce
auprès d’une autorité rabbinique afin qu’elle puisse refaire sa vie.
Racheline passa une petite
annonce dans la rubrique matrimoniale d’un journal, précisant que la personne
décrite était sa sœur, mais que les réponses devaient être adressées à
elle-même : Madame Adaya. Elle reçut un appel téléphonique d’un homme
divorcé avec deux enfants, qui connaissait le mari de Racheline pour avoir
travaillé avec lui au tribunal. Un rendez-vous fut fixé.
Le plus dur fut de convaincre
Caroline qui ne voulait pas en entendre parler. Racheline finit par la
persuader que ce rendez-vous, qui aurait lieu chez elle, ne l’engageait pas, et
qu’elle restait libre de ne pas donner suite à cette rencontre. Caroline
accepta avec beaucoup de réticence.
D’emblée, il l’informa qu’il
était divorcé et avait deux garçons -l’un de onze ans, l’autre de six -
considérant que cette mise au point était nécessaire pour démarrer sur de
bonnes bases, et désirant qu’il n’y ait pas de malentendu. La femme qui
l’accepterait devait aussi accepter ses enfants. Il ajouta qu’en ce qui le
concernait, il serait ravi de la revoir pour trouver d’éventuelles affinités.
De retour à la maison,
Caroline me dit qu’elle n’avait ressenti aucun attrait, et ne désirait pas le
revoir. Mais lorsque Racheline en fit part au prétendant, celui-ci insista pour
qu’une seconde rencontre ait lieu, toujours sans aucun engagement, mais cette
fois en présence des enfants qu’ils amèneraient à Haifa en train pour une belle
promenade. Caroline accepta.
Elle revint enchantée de
cette journée. Elle s’amouracha, pour ainsi dire, des enfants et me dit :
« Maman ! Quels amours d’enfants ! Ils sont beaux, adorables,
sympathiques, nous nous sommes très bien entendu, et j’avoue que j’envisage de
poursuivre nos rencontres –ne serait-ce que pour les enfants- et d’apprendre à mieux le connaître.
Caroline n’aspirait qu’à une
chose : refaire sa vie et fonder un foyer. Cela lui était nécessaire pour
l’accomplissement et l’épanouissement de sa vie de femme. Ils continuèrent à se
fréquenter, se marièrent trois mois plus tard et s’installèrent dans un
Kibbutz.
Cependant, Caroline
n’apprécia pas la vie du Kibbutz. Son mari était affecté aux travaux dans les
poulaillers. Après la naissance de leur fille, ils décidèrent de revenir sur
Jérusalem, où naquit leur fils, et où ils furent plus heureux. Caroline éleva
donc ses enfants et ceux de son mari auxquels elle était très attachée. Ils
eurent ainsi une vie équilibrée et ne souffrirent pas du divorce de leurs
parents.
En 1973, quand fut déclenchée
la guerre de Kippour, mon fils Yossi avait déjà été libéré de l’armée. Il était
réserviste, mais ne fut pas appelé. Lorsque la nouvelle se propagea , les
unités de soldats furent appelées les unes après les autres par leur codes
secrets sur les ondes radio. Apprenant ainsi qu’un grand nombre de ses amis
avaient été appelés, Yossi ne pouvait rester là à attendre. Il décida de se
rendre à Djoulis, sa base, où il prit un tank et suivit une
unité commandée par Sharon en direction du Canal de Suez franchi par les
Egyptiens qui progressaient en territoire Israélien.
C’était
Je n’eus aucune nouvelle de
mon fils pendant la guerre, ni même après. Les accords furent signés, et
toujours pas de nouvelles de Yossi. Nous savions qu’il y avait eu beaucoup de
disparus, de morts, dont les noms furent communiqués, mais nous n’avions aucune
information sur le sort de notre fils. Il fut question d’échanger les
prisonniers. Nous avions l’espoir qu’il en faisait peut-être partie, et qu’il
reviendrait avec les autres. Nos voisins venaient tous les jours aux nouvelles,
mais nous ne savions toujours rien, et son nom ne figurait pas sur la liste des
prisonniers. Certes, il restait encore des soldats en mission, mais tous les
bureaux de l’armée auxquels nous nous étions adressés nous assuraient qu’il n’y
avait pas de Yossef Mosseri sur les listes des soldats en mission. Nous étions
abattus, mortifiés…
Je reçus un jour une carte
postale d’Egypte, mais postée en Israël par les soins de Tsahal, comprenant
juste deux ou trois mots : « Je vais bien, Yossi ».
Il se trouvait bien en Egypte
avec l’unité commandée par Sharon, mais son nom ne paraissait dans aucune
liste, car il s’était présenté de son propre gré, sans avoir été appelé.
On frappa un jour à
Tsahal venait seulement de les ramener par avion, longtemps après
l’échange des prisonniers. Mon fils, qui était grand et beau avec des cheveux
d’un noir de jais ondulés et des yeux d’un bleu lagon, était méconnaissable.
Après quelques jours de repos
à la maison, il reprit un aspect convenable, et nous raconta ce qu’ils avaient
enduré. Ils se trouvaient à Faïd, un village arabe aux abords du Canal de Suez.
Ils ne pouvaient pas dormir, étaient sans cesse sur leurs gardes. Il fallait
être vigilant aux moindres bruits occasionnés par l’eau par exemple; quand ils
pensaient qu’un canard se déplaçait dans l’eau, un Arabe apparaissait et leur
tirait dessus. Inversement, quand ils s’apprêtaient à cueillir un Arabe, il
s’avérait que c’était un canard. Il fallait s’assurer que les cris d’animaux
provenaient bien du bétail des fermes alentours. Il y avait également le
bruissement des feuilles et il arrivait qu’un Arabe apparaisse du milieu de cette végétation, soit pour
tirer, soit pour se rendre, mais comment le savoir ? C’était une situation
très angoissante. Trois tanks avaient été abattus devant lui, mais il devait
continuer. Cette guerre offrait plusieurs similitudes avec la guerre du
Vietnam, en raison de l’abondante végétation et des marais.
Il avait passé des moments
effroyables, était traumatisé, et je pense qu’il ne nous a pas tout raconté,
car il n’aimait pas détailler ses récits. Il se remit petit à petit de ces
évènements.
Par la suite, il trouva un
emploi chez Sonol, une compagnie d’essence, où certains clients avaient pour
habitude de s’approvisionner en essence, et ne payaient qu’en fin de mois. Il
arrivait malheureusement que quelques-uns, ayant atteint des sommes
faramineuses, ne pouvaient rembourser leurs dettes.
Yossi avait une liste de ces
personnes qu’il ne devait approvisionner sous aucun prétexte. Un de ces clients
se présenta un jour, et Yossi refusa de le servir, précisant qu’il avait reçu
des ordres auxquels il se devait d’obéir s’il voulait conserver sa place. Le
client s’emporta, et après une vive discussion, finit par sortir un revolver,
le menaçant de le tuer s’il n’obtenait pas gain de cause. Paniqué, Yossi
n’attendit pas que celui-ci mette ses menaces à exécution et sauta par la
fenêtre, qui était plus haute qu’il ne le pensait. Il réussit à se relever et
prendre la fuite pendant que l’autre continuait de proférer ses menaces.
Yossi était très sérieux. Il
se levait tous les matins à sept heures, se douchait, s’habillait (il était
toujours impeccable) ; ensuite il prenait son petit déjeuner et partait au
travail. Un matin, vers 10 heures, je fus surprise de le voir revenir et lui
demandai : « Que se passe-t-il Yossi ? ». Il répondit :
« Maman ! Il m’est arrivé une chose terrible, j’étais en train de
parler quand subitement, mon pied et ma main se sont bloqués. Je ne pouvais
plus les bouger, ils ne répondaient plus ». Il avait l’air paniqué. Je lui
proposai donc de le conduire chez le médecin. Celui-ci ne put rien
diagnostiquer, et nous dit que si cela se reproduisait, il faudrait retourner
le voir pour faire des examens.
Quelques jours plus tard, le
même phénomène se produisit. Racheline demanda conseil au mari de sa belle
sœur, le professeur Romanoff, qui nous dit de l’emmener sans tarder à l’Hôpital
Hadassa pour commencer une série d’examens. Il eut d’autres crises, parfois
plusieurs dans la même journée. Il fut hospitalisé et dut subir tous les tests,
de la radio du crâne jusqu’à la ponction
lombaire. Yossi avait une petite amie, et celle-ci le soutenait, et
l’encourageait passant de longues heures avec lui. Il sortit après trois
semaines d’hospitalisation, mais les médecins ne disaient pas exactement ce
qu’il avait. Ils lui demandèrent de prendre les médicaments qu’ils lui avaient
prescrit et de revenir en cas de nouvelle crise.
Avec le traitement, les
crises cessèrent durant un long moment. Yossi finit par céder aux désirs de sa
fiancée qui, comme toute jeune fille, voulait se marier, et le mariage fut
célébré. Mais quelques temps après, il eut d’autres crises. Je constatai que
mon fils recevait régulièrement à son domicile une personne déléguée par
l’hôpital pour noter comment s’était passée la semaine, et s’assurer qu’il n’y
avait pas eu d’autre crise. Ce qui m’inquiéta au plus haut point.
Yossi et moi avons toujours
parlé ouvertement et clairement sur tous les sujets, tous les propos. Je finis
par lui demander ce qui se passait, et ce que les professeurs avaient
diagnostiqué.
Il m’avoua que les examens
avaient révélé une sclérose en plaques. Une affection du système nerveux
entraînant divers troubles, et qui se manifestait par la présence de plaques au
sein de la substance blanche du système nerveux central. L’endroit où elles se
forment contrôle une partie du corps, qui
ne peut plus être dirigé de ce fait. Le seul espoir était que son état
demeure statique, car cette maladie ne peut pas régresser.
Nous ne savions rien de la
sclérose en plaques. On nous dit qu’elle
peut sommeiller chez une personne sans se déclarer. Il arrivait, au
cours d’examens post-mortem, lorsqu’une autopsie était demandée, que les
médecins légistes en découvrent des cas non déclarés. La sclérose en plaques
peut se manifester à la suite d’un choc, chez un sujet génétiquement
prédisposé, et c’est probablement ce qui s’est produit chez Yossi qui était
revenu très perturbé et traumatisé par la guerre de Yom Kippour. C’est pourquoi
il put bénéficier d’une aide de l’armée.
Yossi était membre d’une
organisation regroupant des personnes atteintes de cette maladie, qui se
réunissaient tous les mois. Chacun parlait de ce qu’il avait eu durant le mois,
les crises, les traitements et le reste…
Ces réunions leur étaient très bénéfiques. Cette organisation avait été
fondée par un certain Fridman, atteint lui-même de sclérose en plaques, et qui
était Secrétaire d’Etat du temps où
Menahem Beghin était Premier Ministre. Sa première crise se manifesta alors
qu’il était âgé de 18 ans. Puis, plus rien ne se produisit durant les années où
il finit ses études ; il se maria et eut des enfants. Ses enfants avaient
grandi et il était Secrétaire de Menahem Beghin quand une nouvelle crise se
déclara. Peut-être à cause du stress de la vie politique… C’est une question de
chance, les crises peuvent être espacées parfois de plusieurs années, et dans
ce cas, la personne mène une vie tout à fait normale entre chacune d’elles, la
maladie n’évoluant pas.
Yossi reçut un traitement à
la cortisone, qui fut efficace au début et espaça les crises durant quelque
temps. Par la suite, elles furent plus fréquentes, et l’état de mon fils se
dégrada à chacune d’elles. Je compris que mon fils était très malade, et que
chaque évolution de sa maladie serait sans retour. A présent, Yossi, est sur
une chaise roulante, mais son optimisme demeure, il est toujours souriant, et
lorsque je lui téléphone pour avoir de ses nouvelles sa réponse est
invariablement : « Je vais très bien, Maman ! ».
En 1984, mon mari, qui était à la retraite depuis quatre ans, allait
tous les samedis matin à
Le samedi matin, j’avais
préparé la table pour le déjeuner et attendais qu’il revienne de
En hâte je m’habillai et me
rendis à
Au service des urgences,
l’infirmière voulu lui prendre la tension quand soudain, sorti de sa torpeur,
il se mit à crier : « Marie ! Je vais mourir ! Je vais
mourir ! ». Nous essayions de le calmer pour pouvoir prendre sa
tension, mais il continuait de crier : « Marie ! Je vais
mourir ! ». Puis tout à coup, il devint bleu et perdit connaissance.
Sans perdre de temps, il fut transporté dans le service de cardiologie, où les
médecins le ranimaient à coups de chocs électriques. Je ne fus pas autorisée à
entrer dans la pièce, et en profitai pour téléphoner à mes enfants qui
n’étaient pas encore au courant.
Lorsque les médecins
sortirent de la salle, ils me dirent que c’était bien une attaque cardiaque et qu’ils
faisaient tout ce qui était en leur pouvoir pour le sortir du coma dans lequel
il avait sombré. Nous étions samedi et il était environ midi. Je rentrai dans
la pièce où je trouvai mon mari sans connaissance mais relié à différents
appareils d’assistance respiratoire, d’électrocardiogramme et d’autres encore…
Les infirmiers me demandèrent de lui parler pour vérifier s’il avait une
réaction, s’il entendait… Je m’approchai de lui et l’appelai :
« Vita ! Vita ! ». Il bougea un œil. Comme ils s’étonnèrent
qu’il n’en bouge qu’un, je leur expliquai qu’il n’avait jamais vu de l’autre
œil. Ils m’informèrent ensuite qu’il y avait un problème dans le fonctionnement
des reins. Je leur répondis qu’il avait subi une ablation d’un rein en Egypte
en 1947. Ils notèrent toutes les indications que je leur donnai et qui répondaient
à leurs questions. Je restai à son chevet jusqu’au dimanche. Son état demeurait
inchangé.
Vers minuit, les médecins me
conseillèrent de rentrer chez moi, et de leur laisser mon numéro de téléphone
afin qu’il puissent me prévenir en cas de changement. Ils m’expliquèrent que
son état était grave, qu’ils tenteraient peut-être une intervention pour
enlever le caillot de sang qui s’était
déplacé et se trouvait à présent dans le cerveau. Je rentrai donc chez moi ainsi
que mes enfants. C’est à quatre heures du matin que je reçu l’appel de
l’hôpital m’informant que son état s’était aggravé et qu’il était souhaitable
que je me rende à son chevet. J’accourus avec mes enfants. Il n’y avait plus
rien à faire. Mon mari est décédé le lundi cinq novembre 1984 à six heures du
matin. Ce fut très dur pour moi, très pénible, vraiment effrayant.
Mon mari ne s’est jamais
occupé de gérer les achats et les dépenses à
Nous avions passé ensemble
la plus grande partie de
Je respectais ses principes, et ne lui ai jamais imposé de dépense
qu’il ne voulait pas faire. Mais ces mots-là : « Je ne peux pas et je
n’ai pas » me forcèrent à prendre en charge toute la gestion de
Je faisais à mon domicile des
travaux de couture, ainsi que de la cosmétique en pratiquant des épilations sur
des jeunes filles. Après le mariage de mes enfants, j’ai travaillé pendant
dix-sept ans chez ATA, une chaîne de magasins qui avait une usine de textile à
Kfar Ata. J’achetais ainsi tout ce dont j’avais envie. Et j’avoue que mes goûts
n’ont jamais été « bon marché ». J’ai toujours aimé les belles
choses. Mais du jour où il m’a quittée, j’avais peur de dépenser ne serait-ce
qu’une piastre. Inconsciemment, je puisais toute mon énergie et mon audace dans
sa seule présence.
On ne peut imaginer ce qu’est
la perte de cette moitié de soi-même. Cette sensation de vide, d’absence redoutés
dans le proverbe arabe : « L’ombre d’un homme, mais jamais l’ombre
d’un mur ! ». Que le mari soit le meilleur ou le pire, important ou
insignifiant, il y a un homme qui rentre à la maison, un homme avec qui rire,
parler ou même se disputer...
Une fois passée la semaine de
deuil, où la maison se transforma en véritable carnaval, après toute cette
mascarade que je me devais de subir vis-à-vis de ma belle-famille, je me
retrouvai seule. Chacun de mes enfants avait regagné ses pénates, rejoint conjoint
et enfants, et j’eus l’impression de sombrer dans le néant… J’étais seule et ne
savais que faire, j’avais peur ; peur de rester seule, peur au point de
prendre une chaise et m’installer dehors sur le palier plutôt que rester
dans cet appartement désert ; peur de mourir sans que personne ne s’en
aperçoive. Psychose….
Durant la semaine de deuil,
Racheline me téléphona et me
parla de cet emploi. Auparavant, elle m’avait proposé un poste de
réceptionniste chez un chirurgien, mais j’avais refusé. Lorsque je lui demandai
le lieu de travail, elle me répondit : « Les Etats-Unis ».
Immédiatement, j’acceptai : « Si c’est aux Etats- Unis, c’est
d’accord ! ». Je voulais partir, tout quitter, je ne pouvais plus
rester dans cet appartement depuis que Vita n’y était plus ; je ne voulais
plus voir les gens que je voyais quand il était là. Tout ici me faisait penser
à lui. Seul un changement radical pouvait m’aider à surmonter la détresse et le
chagrin que j’éprouvais.
Racheline me transmit les
coordonnées de la maman qui, elle aussi, était médecin et habitait en Israël.
Je m’empressai de
Elle m’expliqua que Ruth
était partie aux Etats-Unis, où elle se maria et eut ses deux enfants coup sur
coup. Elle m’engagea de suite, m’assura qu’elle me paierait le billet d’avion
aller et retour, à condition que je reste un an. J’acceptai. J’ai toujours tenu
mes engagements, même s’il m’arrivait parfois de le regretter par la
suite ; j’accomplissais jusqu’au bout mes promesses. Le départ était prévu
pour début février. Aussitôt, je passai une annonce pour louer mon appartement
pendant la durée de mon absence.
Mes locataires étaient un
couple qui revenait d’Afrique après huit ans d’absence. Le mari était ingénieur de construction en Côte d’Ivoire.
Lorsqu’ils vinrent visiter l’appartement, son épouse dit : « Je ne
bougerai pas d’ici, c’est là que je veux habiter ». Mon appartement était
vraiment scintillant de propreté. Le balcon ressemblait à un jardin avec ses
fleurs et ses plantes grimpantes.
La veille de mon départ, je
m’aperçus que mes locataires fumaient tous les deux. Je les priai donc de fumer
où bon leur semblait, mais surtout pas dans ma chambre à coucher. Je craignais
pour mon matelas dont je prenais grand soin et qui paraissait neuf. Je prenais
soin de tout mon mobilier et tout était en parfait état. Le salon et les tapis
étaient neufs.
J’avais tout emballé, tout
ficelé (vaisselle, bibelots, etc.) dans des cartons bien étiquetés, et
entreposé le tout dans une pièce fermée à clé. J’avais travaillé durant des
années dans un magasin et l’emballage n’avait pas de secret pour moi. Toute ma
maison était dans des caisses, et tout ce travail fut fait en dix jours, avant
mon voyage pour les Etats-Unis.
Je quittai le pays, laissant
derrière moi ma maison, mes enfants, mes amis et tout ce qui me faisait penser
à Vita, à sa mort, au vide qui m’habitait depuis son départ.
L’avion tournait depuis plus
d’une heure au-dessus des nuages qui couvraient le ciel de New York,
balayé par le violent orage qui nous empêchait d’atterrir, quand enfin il
réussit à se poser. Comme convenu, je me dirigeai vers la sortie où attendaient
les chauffeurs de minibus munis de pancartes à l’attention des voyageurs, et
trouvai celui qui tenait le panneau me concernant : « Marie –
Philadelphie ». Je montai dans le minibus, qui fit le tour des autres
aéroports et ramassa d’autres passagers, avant de prendre la direction de
Philadelphie.
Il faisait nuit noire, et par
ce climat orageux on ne percevait absolument rien alentour ; nous avions
l’impression que le minibus se déplaçait dans le vide, le néant. Les autres
passagers descendirent tous avant moi. Je me retrouvai seule avec le chauffeur
et son compagnon dans ce minibus qui n’en finissait pas de rouler dans cette
nuit noire et glacée ; une nuit cauchemardesque. Ce qui était étrange,
c’est que, hormis des arbres peints en blanc tout au long de la route, il n’y
avait aucun paysage, ce qui offrait un spectacle incroyable, inattendu. Je me
demandai si cette région était habitée…Le chauffeur et son compagnon avaient
l’air bien mal en point. Les deux ne cessaient de tousser à s’arracher les
bronches, et je commençai à me sentir mal.
à suivre--- à suivre--- à suivre--- à
suivre--- à suivre--- à suivre--- à suivre--- à --
31/10/2008
MA
SORTIE D’EGYPTE
par
Marie Mosseri
Je reçus un jour une lettre de mon mari m’informant qu’un prétendant
avait demandé la main de Racheline, et que celle-ci devant bientôt se fiancer,
il était souhaitable que j’achète ce qui était nécessaire à une future mariée.
Mon beau-frère me remit de l’argent et me dit :
« Achète ce qu’il faut pour Racheline ». Avec cette somme j’achetai
un manteau, des combinaisons, des chemises de nuits et plusieurs autres choses.
Il me remit également des valises pleines de costumes et autres habits neufs
qu’il avait rapporté du Caire où il tenait une boutique de vêtements pour
hommes, et qu’il destinait à mon mari. Ce fut une aubaine pour Vita qui porta
ces costumes durant de nombreuses années.
Ayant appris ma présence en Italie, un autre de mes beaux-frères m’invita
à Livourne. Et comme la nouvelle de mon voyage en Europe se propagea jusqu’au
Caire, ma sœur Alice, qui se rendait en Suisse pour soigner son fils malade, me
contacta pour me donner rendez-vous à l’aéroport de Rome.
Je quittai donc la famille de Milan, laissant mes valises à mon
beau-frère qui devait se charger de leur acheminement jusqu’au port de Naples,
où je reprenais le bateau quelques jours plus tard. Et munie d’un bagage à main
contenant le strict nécessaire pour les dix jours restants, je me rendis à
l’aéroport de Rome où je retrouvai ma sœur Alice qui vint passer quelques jours
avec moi à Livourne.
J’ai beaucoup aimé Livourne,
qui me faisait penser à Helouane, le village habité l’hiver par ma grand-mère,
sauf que Livourne se trouvait au bord de
Ma sœur Alice me remit un
grand mouchoir noué contenant des bijoux
appartenant à ma tante qui n’avait pas d’enfant, et me dit : « Ces
bijoux appartiennent à notre tante, qui m’a demandé de te les remettre afin que
tu les emmènes en Israël, et que tu les gardes jusqu’à son Alyah ».
J’ouvris le mouchoir qui contenait un grand nombre de chaînes, de médaillons et
autres pendentifs et bracelets en or, ainsi qu’une magnifique paire de boucles
d’oreilles en diamants, chacune composée d’un gros diamant central entouré
de sept petits diamants. Je rangeai les
bijoux dans mon sac, et craignant d’égarer les boucles d’oreilles d’une valeur
inestimable, préférai les porter à mes oreilles.
Mon séjour terminé, après les
au revoir et embrassades à la famille, je me mis en route pour Naples où
j’arrivai en avance, sous un soleil de plomb. J’en profitai pour tourner un peu
dans cette ville, habitée principalement par des personnes pauvres et âgées,
qui me dévisageaient, probablement à cause des boucles d’oreilles en diamants,
auxquelles je ne pensais plus.
Je me présentai ensuite au
stand pour récupérer les valises envoyées par mon beau-frère de Milan. Le
préposé me réclama une somme phénoménale pour le retrait des valises. Je
commençai à paniquer car je n’avais pas cette somme. Je répondis que mon
beau-frère avait déjà payé à Milan. Il
ne voulut rien entendre et rétorqua qu’il ne me donnerait mes valises
qu’en échange de
J’achetai des marrons glacés
et d’autres friandises pour les enfants et nous prîmes
Arrivés au port, il contesta
le prix de la course, mais là, à proximité du bateau et de tous les voyageurs,
je repris mon assurance et lui dis : « C’est le prix dont nous étions
convenus, je n’ai rien de plus ». Une fois à bord, je remerciai le ciel
d’y être arrivée et je remerciai D… de n’avoir pas exaucé mes souhaits de ne
plus retourner chez moi…
C’est ainsi que je pus rentrer
en Israël, avec toutes mes valises et les bijoux de ma tante.
En arrivant là-bas, je
constatai que le jeune homme désireux d’épouser Racheline était un « bon
parti ». Il s’agissait du frère d’Ezra Adaya, le Procureur Général de
Jérusalem. Lui-même était Directeur au Tribunal des Huissiers de Justice, et sa
sœur était mariée au Professeur Romanoff de l’Hôpital Hadassa.
J’avais acheté cette dentelle avec l’argent des premières indemnités
reçues à la suite de mon accident, et je m’en étais fait une robe. Racheline et
moi avions à peu près les mêmes mensurations. Elle était seulement plus grande,
mais la longueur de la robe convenait à son jeune âge. Je lui avais offert
cette robe qui lui allait comme un gant avant mon départ pour l’Europe.
Dès mon arrivée, j’organisai
un dîner à notre domicile afin de rencontrer le fiancé et sa famille. Aidée de
ma sœur Rachel, spécialiste de la bonne cuisine, nous préparâmes un bon repas
et une très belle table. Il se présenta avec
sa maman, son frère et sa sœur
accompagnés de leurs conjoints. Ils furent tous époustouflés et s’exclamèrent :
« Quelle belle maison, et bien tenue ! Nous ne pensions pas que vous
étiez si bien installés ! ». La maison était, il est vrai, très belle
et très spacieuse mais construite dans un quartier très sale ; telle une
fleur qui aurait poussé au milieu d’une décharge publique.
A cette époque, Racheline
travaillait dans une entreprise où, comme beaucoup de jeunes filles de son âge,
elle était exploitée. Nous étions en partie responsables, car notre mentalité
égyptienne nous dictait qu’une jeune fille devait travailler, même avec un
salaire minimum, afin d’obtenir la formation et l’expérience nécessaires à
toute employée. La nouvelle de son mariage avec un membre de
Ma fille aînée s’est mariée
après mon retour d’Europe fin 1957, et je m’aperçus que j’étais enceinte. La
prédiction de l’oncle de Milan, m’affirmant que mon mari me ferait un autre
enfant se réalisa. J’avais trente-quatre ans, mais j’étais mince, et personne
ne me donnait mon âge. Lorsque j’allais voir ma fille Racheline, les voisines
me disaient : « Bonjour Madame Adaya, comment
allez-vous ? ». Je répondais : « Je suis Madame Mosseri, la
maman de Madame Adaya ». Elle étaient toutes étonnées :
« Vraiment, c’est incroyable, vous vous ressemblez comme deux gouttes
d’eau ». Ce phénomène se produisait déjà lorsque Racheline venait me
chercher à ma sortie du travail. Mes collègues me demandaient si c’était
ma sœur, et quand je répondais qu’elle était ma fille, tous étaient stupéfaits.
Personnellement, je trouvais
qu’elle était plus belle parce qu’elle était plus grande, plus élancée. Mais
elle avait adopté ma façon de m’habiller et de me coiffer, ce qui nous rendait
si semblables.
Et donc, au lendemain du mariage, il me fallut subir une interruption
de grossesse. Je ne pouvais pas garder cet enfant pour plusieurs raisons. D’une
part j’avais souffert durant mes précédentes grossesses d’hémorragies
localisées entre l’enfant et le placenta ; je perdais souvent
connaissance, ne voyais rien, n’entendais rien mises à part les cloches qui
tintaient dans ma tête. En
particulier pour la grossesse de mon fils Yossi pendant laquelle je me sentais
complètement partir, et où je croyais
que ma dernière heure avait sonné. D’autre part, je venais de marier ma fille,
j’avais d’autres enfants à la maison, c’est dire que notre situation financière
n’était pas des meilleures…
Ce n’était pas le premier
curetage que je subissais ; j’ai même failli ne pas avoir mon fils Yossi.
A l’époque, je m’étais rendue chez une gynécologue qui pratiquait des
avortements, et que l’on m’avait recommandée. Après m’avoir examinée, celle-ci
me donna un rendez-vous pour le lendemain, précisant qu’il fallait payer cash.
Je n’étais pas très rassurée, car j’avais entendu dire que certaines femmes
étaient décédées à la suite d’hémorragies survenues pendant un curetage. Par
ailleurs, elle ne m’avait pas non plus demandé de venir accompagnée de mon
mari, ne s’inquiétant pas de la façon dont je rentrerais seule chez moi après
le curetage.
J’avais apporté, comme
convenu, le montant en espèces, que mon mari s’était procuré je ne sais où ni
comment, à l’époque où il travaillait au King David. Mais, en la voyant
préparer les différents instruments dont elle devait se servir, cette femme ne
me parut soudain plus humaine. Je la percevais comme une charcutière,
l’imaginais me jetant dans un hôpital si par malheur je faisais une hémorragie
pendant le curetage. Prise de panique, je me suis enfuie, pleurant à gros
sanglots le long du chemin qui me ramenait chez moi. Je poursuivis donc ma
grossesse jusqu’à terme et mis au monde mon petit Yossi.
Ainsi, après le mariage de ma fille, mon mari et moi, prîmes la
décision d’interrompre
Je les suppliai : « Je vous en prie, faites-moi des
tests ». Ils acquiesçaient, mais me prenaient pour une hystérique et
chuchotaient entre eux. Mais ils pouvaient toujours chuchoter dans la langue
qu’ils voulaient, je comprenais…
La veille de l’opération, je
dis à l’infirmière que je refusais toute intervention sans examen préalable.
Elle me rassura : « Calmez-vous, je vais vous donner un comprimé
contre les allergies ». Elle revint quelques minutes plus tard et me
tendit une pilule. Confiante, je l’avalai et me mis au lit. Bien entendu, une
réaction allergique ne tarda pas à se manifester… C’était
effroyable ; ma peau était
déchiquetée et du sang apparaissait aux endroits où je passais
Il convoquèrent un grand
spécialiste allergologue de Haifa,
m’informèrent que celui-ci arriverait tard dans la nuit et que je
devrais répondre à ses questions.
Il se présenta vers deux
heures du matin, mais je fus soulagée d’être enfin en présence d’une personne
susceptible de comprendre mes problèmes. Il me posa des questions sur mes
allergies aux différents produits. Je l’informai que la première allergie
s’était manifestée suite à la prise de pénicilline pour soigner une gangrène.
La seconde avait eu lieu un peu plus tard ; j’étais soignée pour une infection
rénale, et connaissant mon allergie à la pénicilline, on me prescrit des
injections de streptomycine. Lorsque l’infirmier se présenta à mon domicile, je
lui demandai néanmoins s’il y avait déjà eu des cas d’allergie à
Il se dirigeait vers la
sortie et, me levant pour le raccompagner, je tombai en arrière les yeux
exorbités, la peau rouge. Affolé, il revint en vitesse à mon chevet craignant
de m’avoir assassinée, et s’écria : « Je n’ai jamais vu ça ! Je
n’ai jamais vu ça ! ». J’eus tout juste le temps de lui demander
d’appeler mon médecin, le Dr Hirsch avant de perdre connaissance.
A mon réveil, je trouvais
l’infirmier qui n’avait pu se résoudre à partir, et le médecin qui, m’ayant
fait une injection de calcium pour me ranimer, me disait : « Marie,
Marie, où étais-tu ? Sais-tu que tu n’étais plus avec nous ? Tu
reviens de très loin… ».
Lorsque je finis mon récit, le
spécialiste se leva, et s’adressant en anglais aux autres médecins, dit :
« Elle est très allergique, vous ne pouvez lui faire absorber aucun
antibiotique. La seule possibilité est de verser des solutions antibiotiques et
antiseptiques sur les parois au moment de l’intervention ».
Rétrospectivement, je
considérais que c’était une chance qu’ils m’aient donné cette pilule qui
déclencha l’allergie, et qu’effrayés par les effets, ils firent appel à un
spécialiste.
Le lendemain, quand ils vinrent me faire la première injection, avant
l’anesthésie, je pleurai et je priai. Les malades qui se trouvaient dans la
même salle que moi, avec lesquels j’avais sympathisé, me rassuraient et
priaient également.
L’obstétricien qui devait
m’opérer était un spécialiste réputé. Les malades venaient de tout le Moyen
Orient pour être opérés par lui. Je l’entendais parler aux autres médecins en
anglais, pensant que je ne comprenais pas ce qu’il disait. Sans doute
s’imaginaient-ils que tous ceux venant d’Egypte étaient des paysans et ne
comprenaient pas l’anglais. Ils ignoraient que nous avions là-bas une vie
meilleure que
J’étais très mince, et
paraissais très jeune. Le chirurgien, croyant que je n’avais que dix-sept ans,
fut surpris en examinant mon ventre, de constater des signes d’une grossesse
passée, et me dit : « Je vois que vous avez déjà
accouché ! ». Je répondis : « Oui, j’ai accouché quatre
fois ». Il s’étonna : « Quatre fois ? Quel âge
avez-vous ? Quand avez-vous fait vos enfants? ». Je lui répondis que
j’étais née en 1923, et que j’avais seize ans lors de ma première grossesse.
Tout ceci sur le ton de la plaisanterie, ponctué de rires.
Il m’informa qu’il n’avait pas d’autre alternative que d’opérer les
deux ovaires. L’intervention se déroula sans problème, mais je gardai pour moi
la question qui me turlupinait. Je savais que cela pouvait être un cancer, je
savais que cela pouvait être la fin, mais je n’osais poser la question à des
sommités.
Le lendemain, je commençais à
avoir beaucoup de fièvre. L’infirmière s’avançait dans la salle, poussant le
chariot contenant les différents antibiotiques qu’elle injectait aux malades
qui avaient été opérés. Lorsque mon tour arriva, elle me dit :
« N’ayez pas peur, ce n’est pas un antibiotique, c’est du Pétidil, un
puissant analgésique, parce que vous souffrez beaucoup ». Je répondis
qu’effectivement je souffrais, mais que j’avais également beaucoup de fièvre.
Elle m’apprit que c’était normal car après une intervention, l’endroit opéré
s’infecte, puis guérit progressivement. C’est le processus avant rétablissement.
Bien entendu, en ce qui me concernait, ce fut beaucoup plus long puisque je ne
prenais pas d’antibiotique. Les malades partaient les uns après les autres, et
je devais attendre la guérison complète de
Une dizaine de jours après
l’intervention, le médecin vint me voir et me dit : « Madame Mosseri,
je sais la question que vous brûliez de poser ». Je m’étonnai :
« Quelle question voulais-je poser ? ». Il répondit :
« Vous vouliez connaître les résultats des analyses faites sur les
kystes ». J’ai toujours eu un visage très expressif, on y lisait comme
dans un livre ; je ne pouvais pas cacher mes sentiments. Il dit :
« Vos kystes ovariens sont des kystes qui ne peuvent pas dégénérer en cancer ; ils
contiennent des poils, des ongles et des dents ». Je pensai qu’il se
moquait de moi. S’il était venu dans l’intention de me rassurer et m’ôter tout
soupçon, il n’y réussit pas, au contraire, j’étais encore plus inquiète.
Je ne dis rien, mais il lui
suffit de voir mon expression pour savoir ce que je pensais. Il me dit :
« Je ne me moque pas de vous, c’est vrai, il existe une sorte de kyste qui
contient ce que je vous ai énuméré ». Cela ne me rassura pas pour autant,
et j’attendis avec impatience le jour où je pourrais quitter l’hôpital.
La première chose que je fis,
fut de me rendre au Centre Culturel Français, pour demander le Dictionnaire
Médical. J’étais curieuse, je ne me contentais pas de n’importe quelle
description ou explication. Malgré le peu d’études dont j’avais bénéficié, je
voulais savoir, j’aimais savoir ; j’étais très réceptive. La
bibliothécaire m’apporta un livre aussi grand que la moitié d’une table, et
m’aida à trouver la définition recherchée, qui rejoignait mot pour mot celle
faite par le médecin, à savoir : kyste ovarien qui contient des cheveux,
des ongles et des dents. En fait, ce devait être un embryon jumeau qui aurait
du naître en même temps que moi. Cet embryon ne s’était pas développé, et
s’était fixé sur mes organes génitaux.
Ce fut un soulagement.
J’étais débarrassée de cette angoisse qui me rongeait depuis mon entrée à
l’hôpital et que je gardais pour moi. A qui aurais-je pu en parler ? A mon mari ? Non ! C’était
impossible, cela faisait partie des sujets tabous, on ne parlait pas de ces
choses-là. A ma famille ?
A Tel Arza j’étais éloignée de tous, je n’avais ni amis ni famille,
personne à qui me confier, mis à part les quelques ignorants qui m’entouraient.
Une fois rassurée, j’acceptai d’aller quelques jours dans une maison de
convalescence afin de me remettre complètement de l’intervention.
Je vécus très mal la période où nous habitions à Tel Arza. Nous avions
un bel appartement, neuf et spacieux, mais construit dans un endroit très sale.
Pour nous rendre dans le centre de Jérusalem, nous prenions un bus qui devait
passer par Méa Chéarim, et les quartiers religieux. Ce bus était toujours
envahi par des Nétouré Karta aux chapeaux et vêtements tachés de graisse,
empestant le bus de leur odeur nauséabonde. Je me posais souvent cette
question, à laquelle je n’ai jamais trouvé de réponse : Comment ces
personnes, qui devaient sans aucun doute se laver pour le jour de Yom Kippour,
pouvaient-ils être aussi sales dès le lendemain ? Je pleurais de devoir
faire le trajet avec eux. Même en Egypte, où l’on trouvait des Arabes très
bien, et d’autres beaucoup moins bien,
je n’avais jamais vu ça. Nous sommes restés onze ans à Tel Azra. J’étais
dans un état dépressif et pleurais souvent de devoir y vivre. Peu m’importait
qu’ils soient juifs, cela m’horripilait de les approcher. Ce n’était pas par
snobisme, mais c’était un milieu auquel je ne pouvais m’intégrer.
Je décidai qu’il était temps
de quitter cet endroit. Tous ceux que nous connaissions avaient progressé et
nous étions toujours au même point. Ma sœur Irène, par exemple, qui avait
immigré bien après nous, avait aussi habité Tel Arza, puis était passée à
Kiriat Moché avant d’aller à Tel Aviv. Mais nous étions encore à Tel Arza.
Mon mari n’osait pas demander
d’emprunt à son directeur. Pour l’achat de la première maison à Kfar Ata,
j’avais vendu ma part d’un terrain à Haifa qui appartenait à mon père, ainsi
que mes bijoux. Nous n’étions pas habitués aux emprunts, mais tout le monde
avait fini par s’y résoudre. Sans crédit, nous n’avions rien. Et sans audace,
impossible d’obtenir le crédit. Il m’arrivait de me mettre en colère. Dans ces
cas, mon mari obtempérait immédiatement : « Oui ! Oui ! Je
vais aller voir mon directeur ». Aussitôt, son visage se rembrunissait, et
se renfermait. Contrairement à moi qui étais très ouverte, il n’était pas très
communicatif. Lorsque plus tard je lui demandai si l’entretien s’était bien
passé, il avait déjà préparé une excuse : « Aujourd’hui, je voulais
me rendre dans son bureau, mais il était sorti… ».
Ces excuses se renouvelant
sans cesse, je décidai de me rendre moi-même chez le directeur. Je savais que
cela n’était pas la meilleure solution, mais je n’avais pas d’autre choix. Je
me rendis chez le directeur, qui n’avait pas l’air d’apprécier le procédé, et
s’étonna que je fasse la demande d’emprunt à la place de mon mari. Je lui
exposai notre situation, et lui dis que je me permettais de me présenter à la
place de mon mari qui n’osait pas faire la demande, mais que ceci étant fait,
il viendrait probablement confirmer mes dires.
C’est ainsi que nous avons pu quitter Tel Arza pour Kiriat Yovel où
nous avions trouvé un appartement beaucoup plus petit, mais très agréable.
La vie reprit son cours. Mes
enfants grandirent. Mon cousin Richard, qui avait fait son Alyah avec nous,
était un jeune homme très instruit et très cultivé. Il avait étudié l’arabe à
l’université, parlait également le français, l’anglais et l’espagnol en plus de
l’hébreu. Il travaillait au ministère des affaires étrangères, et fut délégué à
Washington et au Mexique. A son retour, il nous fit part de son intention
d’épouser Caroline. Mon mari, qui avait eu le temps d’apprécier les qualités de
Richard au moment de notre alyah (il plaisantait souvent avec lui et s’en était
fait un copain), le considérait comme le gendre idéal.
En ce qui me concernait, ma
réaction, fut toute autre, car j’étais contre les mariages co-sanguin. Il était
mon cousin germain, son père et ma mère étaient frères. Mais Caroline étant
également très éprise, je ne pus m’y opposer longtemps, et le mariage fut
célébré. Par la suite, un poste à l’U.N.E.S.C.O. les contraignit à partir pour
l’Europe où Caroline souffrit le martyre. Ils s’installèrent à Milan, où se
trouvaient déjà les parents de Richard, ainsi que la famille de mon mari, les
oncles de Caroline. Malheureusement, Richard eut un dysfonctionnement de la
glande thyroïde, qui affecta son état psychique, et leur vie conjugale se
dégrada rapidement. Richard décida d’éloigner Caroline de la famille, craignant
que leurs relations cahoteuses ne s’ébruitent.
Il demanda à être muté en
France, où la vie de Caroline se transforma vite en calvaire. La schizophrénie
et la paranoïa de Richard allèrent de mal en pis. Ils habitaient à Neuilly, et
Richard, se sentait espionné, était persuadé que l’appartement était truffé de
micros. Il promenait Caroline dans les métros jusqu’à des heures tardives,
l’emmenant dans des endroits déserts où il espérait n’être entendu de
personne ; il la mettait en garde contre des espions imaginaires, lui
interdisant de parler à
Durant cette période, le même
cauchemar me revenait sans cesse. Je rêvais que Caroline était malheureuse, et
que Richard la traînait dans les rues par ses cheveux. Je me réveillais en sursaut,
mais n’en parlais pas à mon mari, qui, d’une part adorait Richard, et d’autre
part ne parlait pas de ces choses-là ; il avait un esprit plutôt terre à
terre, prosaïque. Contrairement au mien qui est plus perspicace, plus raffiné.
Une nuit, ma sœur reçut un
appel de Caroline, lui disant : « J’ai peur, je veux venir chez toi,
j’ai peur ». Sans hésiter ma sœur répondit : « Viens
vite ! ». Il était minuit. Richard était réticent, et ne voulait pas
qu’elle se rende chez sa tante, mais ne put se résoudre à la laisser prendre le
métro seule à minuit. Ils arrivèrent chez ma sœur qui, inquiète de les savoir
dans les rues à une heure si tardive, les guettait par la fenêtre.
Dès son arrivée, Caroline lui
dit : « Ma tante, j’ai très peur, je ne sais ce qu’il a, mais il me
fait peur ». Ma sœur l’invita à rester chez elle. Richard suggéra qu’ils
pourraient ensemble passer la nuit chez
ma sœur, et repartir le lendemain. Ma sœur décida qu’ils prendraient une décision
après une bonne nuit de sommeil.
Le lendemain, Caroline refusa
de rentrer avec son mari, et s’opposa à quitter la maison de sa tante. Ma sœur
proposa alors à Richard de le conduire chez un médecin. Ce qu’il accepta. Le
médecin n’eut pas de mal à diagnostiquer un cas de psychose prononcé, et décida
de l’hospitaliser immédiatement.
Les tourments de Caroline ne
cessèrent pas pour autant. Richard, qui n’était pas du tout religieux, se prit
à ne vouloir manger que cacher, allant jusqu’à refuser le pain distribué à
l’hôpital, attendant que Caroline lui rapporte du pain acheté dans une
boulangerie juive, et comportant la signature d’une autorité rabbinique.
Tous les jours, Caroline
devait, dans le froid de Paris, prendre le métro et se rendre dans le quartier
juif de Saint Paul, dans le Marais, pour y acheter de la viande cacher que l’on
ne trouvait nulle part ailleurs. Elle rapportait la viande chez ma sœur qui la
cuisinait et reprenait ensuite le métro en direction de l’hôpital qui se
trouvait au diable vauvert pour porter les repas à son mari ; de plus, il
fallait également lui présenter les preuves de cacherout.
Caroline a continué à vivre,
sans se plaindre, gardant en elle sa peine et ses tourments, jusqu’au jour où
elle-même se mit à trembler de peur de façon incontrôlable, à pleurer de façon
inexplicable. La nuit, elle ne pouvait dormir que blottie contre ma sœur.
Je reçus un jour une lettre
de celle-ci, m’informant des faits et me pressant : « Marie, tu dois
tout laisser tomber, et venir t’occuper de ta fille le plus rapidement possible
». Je n’avais, bien sûr, pas les moyens de me payer un billet aussi vite que la
situation le nécessitait. Nous avons emprunté de l’argent et acheté un billet à
crédit.
à suivre…à suivre… à suivre…à
suivre… à suivre…à suivre… à suivre…à suivre…à suiv
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Reçu le 15.09.2008 de
Bulgaria's Jews
A great many
Jews know the story of how the Danes rescued 8,000 Jews from the Nazis by
smuggling them to Sweden in fishing boats.Very few Jews, know the story of how
all 50,000 Bulgarian Jews were saved.
Not a single Bulgarian Jew was deported to the death camps, due to the heroism
of many Bulgarians of every walk of life, up to and including the King and the Patriarch of the Bulgarian
Orthodox Church.
In 1999, Abraham Foxman, the National Director of the Anti
Defamation League flew with a
delegation to Sophia to meet the Bulgarian Prime Minister. He gave the Prime
Minister the first Bulgarian language copy of a remarkable book, 'Beyond Hitler's
Grasp,' written in 1998, by Michael Bar Oar, aprofessor at Emory University. (A
Bulgarian Jew who had migrated to Israel and then to the USA).
This book documents the rescue
effort in detail. The ADL paid for and shipped 30,000 copies to Bulgaria, so
that the population could partake in the joy of learning about this heroic
facet of their history. This story is clearly the last great secret of the
Holocaust era. The story was buried by the Bulgarian Communists, until their
downfall in 1991. All records were sealed, since they didn't wish to glorify th
e King, or the Church, or the non Communist parliamentarians, who at great
personal risk, stood up to the Germans. And the Bulgarian Jewish Community,
45,000 of whom went toIsrael after the War, were busy building new lives, and
somehow the story remained untold.
Bulgaria is a small country and
at the outset of the War they had 8 million people.They aligned themselves with
the Nazi's in hopes of recapturing Macedonia from Yugoslavia and Thrace from
Greece. Both provinces were stripped
from them, after W.W.I. In late 1942 the Jews of Selonica were shipped north
through Bulgaria, on the way to the death
camps, in sealed box cars. The news of this inhumanity was a hot topic
of conversation. Then, at the beginning
of 1943, the pro Nazi Bulgarian government was informed that all 50,000
Bulgarian Jews would be deported in March. The Jews had been made to wear
yellow stars and were highly visible.
As the date for the deportation
got closer, the agitation got greater.
Forty-three ruling party members of Parliament walked out in protest.
Newspapers denounced what was about to happen. In addition, the Patriarch of
the Bulgarian Orthodox Church, Archbishop Krill, threatened to lie downon the
railroad tracks. Finally, King Boris III forbade the deportation. Since
Bulgaria was an ally of Germany, and the Germans were stretched militarily,
they had to wrestle with the problem of how much pressure they could afford to
apply. They decided to pass.
Several points are noteworthy.
The Bulgarian Jews were relatively un-religious and did not stand apart from
the local populace by virtue of garb, or rites. They were relatively poor
b y comparison to Jews in other countries, and they lived in integrated
neighborhoods.
Additionally, the Bulgarians had many minorities, Armenians, Turks,
Greeks, and Gypsies, in addition to Jews. There was no concept of racism in
that culture. The bottom line here is that Bulgarians saw Bulgarian-Jews as
Bulgarians, and not as Jews. And, being a small country, like Denmark, where
there was a closeness of community that is often missing in larger countries.
So, here was a bright spot that we can point to as example of what should have
been. The most famous of those
saved was a young graduate of20the Bulgarian Military Academy. When he arrived
in
Israel, he changed his name to Moshe Dayan.
What a great story to pass on to your e-mail list.
Cet article est tiré du Bulletin BNEI HAYEOR, édité par Madame
Les Grands Magasins OROSDI BACK
EST-CE QUE LES SAOUDIENS
PRENDRONT
D'ANTAN ?
Effectivement, une certaine nostalgie pour les grands
magasins d'antan, se fait déjà sentir parmi l’élite résidentielle étrangère au
Caire. Avant l'exode des années soixante, la plupart de ces grands magasins
appartenaient à des familles Juives: Cicurel (d’Izmir), Chemla (de Tunis),
Gategno, Hannaux, Adès, Benzion etc., exception faite pour les Magasins
Sednaoui et Davies Bryan, qui appartenaient à des Chrétiens Syriens et des
Gallois.
L'histoire de Omar
Effendi, autrefois mieux connu sous le nom Ets. Orosdi-Back, commence en 1855, avec la fondation
d'une maison de vêtements prêts-à-porter
à Istanbul, par Adolf Orosdi (antérieurement Adolf Schnabel, la traduction en
hongrois du mot 'bec'). Avant cela, il était officier au service de Kossuth, le
champion de liberté Hongrois déchu, et avait trouvé refuge dans l'Empire
Ottoman.
En Egypte, c'était non seulement le Caire et Alexandrie,
mais aussi Port-Saïd, et des succursales furent établies pendant un certain
temps à Tanta et Zaqaziq. Le directeur local Philippe Back, contribua à la construction de
Les aspirations du Khédive Ismail de construire un
“Paris sur le Nil” se reflétaient dans la visibilité resplendissante des grand
magasins, construits dans le style architectural Parisien. La coupole du
bâtiment Tiring (un des premiers magasins austro-hongrois) sur la Place
d’Ataba, et la 'cathédrale de
consommation' Sednaoui à
Orosdi-Back étaient aussi forts en bonneterie (les
bas, les chaussettes, les sous-vêtements), manufactures de technique tricot
avancé. Plus tard, vinrent s'ajouter les bottes, les chaussures, les cannes et
les parasols (assemblés en partie dans une usine à Istanbul). De même la
quincaillerie, articles de ménage, articles de voyage et ameublement, de faux
bijoux modernes qui vinrent briser les conventions traditionnelles des bijoux
en or, des instruments de musique européens et des gramophones. En 1908,
Orodi-Back produisit les disques du fameux chanteur égyptien Yusuf
al-Minyalawi. Pendant la première décennie du 20e siècle,
Orosdi-Back possédait également une usine de montres à
La Chaud de
Fond en Suisse.
Le
personnel dans les grands magasins était en général plus élevé en nombre que
celui dans l'industrie naissante (quelques centaines par entreprise). Plusieurs
chefs de rayon et employés supérieurs étaient des hommes, tandis que les
clients étaient servis par des vendeuses (cet aspect ne gagna jamais le statut
littéraire de Au Bonheur des Dames de Zola, mais il surgit
occasionnellement au cinéma égyptien). Une bonne partie des employés étaient
des juifs et “de bonne famille”. Les vendeuses se devaient de parler quatre à
cinq langues: l’arabe, l’anglais, l’italien, parfois le grec et toujours le
français.”
Un certain déclin se fait déjà sentir pendant les
années trente. Les succursales à Tanta et à Zaqaziq sont forcées de fermer.
Avec le nationalisme économique croissant, surgissent de temps en temps des
boycottages de marchandises européennes, et les grands magasins authentiquement
égyptiens font leur apparence.
La Révolution nassérienne enfin évinça l’élite
étrangère résidentielle, neutralisa sa propre bourgeoisie indigène, séquestra
et nationalisa les grands magasins. En réduisant sévèrement l’importation de
marchandises, le régime des Officiers Libres croyait jouer ainsi un rôle
économique, pour le profit des grands magasins nationalisés.
Les Egyptiens - dans une démonstration de force juste
avant l'accord final d’août 1958 - acquirent Orosdi-Back. Dorénavant, les
magasins adoptèrent exclusivement le nom d’Omar Effendi.
Ironiquement, c’était un retour à un ancien titre ottoman effendi, qui
avait été aboli par
La nationalisation conduisit les grands magasins vers
une médiocrité grise, vendant des marchandises de basse qualité. Des plaintes
s'élevèrent contre les prix exagérés et les grands stocks restés invendus. Mais
en dépit de la nationalisation, les affaires se développèrent; Omar Effendi
détient aujourd'hui 82 magasins. Les années soixante-dix, années de l’Infitah
et d'une certaine libéralisation des importations, mêlaient une fois de plus les cartes. Avec la
mondialisation, des shopping malls
furent construits au Caire (récemment, un mall Carrefour à Ma`adi, copie
du Carrefour français).
A partir de 1996, le gouvernement égyptien s'est
embarqué dans un programme de privatisation de certaines sociétés, qui furent
nationalisées dans le passé. La vente d'Omar Effendi fut la première
transaction d'un long processus. Un grand débat eut lieu, non seulement sur le
principe même de la privatisation, mais aussi sur le prix de 'l'ancienne
diva' qu'était Orosdi-Back. Ironiquement, des critiques
nationalistes trouvaient le prix trop bas (pour un bien que le gouvernement
avait lui-même obtenu pour un prix également trop bas). L'acheteur saoudien,
Anwal United Trading Co., acquit en 2006
Du même
auteur: "Who Needed Department
Stores in
Reçu le 16 octobre 2008 de Madame Clemy PINTO –
Brésil.
Il y a un détail pittoresque à ajouter : en 1960,
récemment arrivée au Brésil, et désireuse d´améliorer ma situation financière,
je me présentai à
Son père était um homme très âgé, Président
(honoraire) de la société compte tenu son rôle ne consistait pas à grand chose.
Mais il était brillant et donnait de judicieux conseils à son fils.
Quelques jours avant Noel, une petite réception a été
organisée pour les employés de la direction, dans le vaste bureau de
grand´papa. Je lui ai été formellememt présentée et le dialogue suivant
a eu lieu en français : Je reconnais votre accent, vous êtes née en
Egypte ? – Oui, à Alexandrie. – Vous connaissiez donc les grands magasins
Orosdi -Back ? – Bien sûr ...– Eh bien,
Back, c´est moi.
Comme vous voyez, il
s´agissait de Herman Back.
Amitiés
Clemy
C’est
ainsi que deux personnes originaires du même Pays, l’Egypte, et de
Courageusement,
dignement, sans se plaindre ni ameuter personne, ils refirent leur vie là où
ils furent accueillis.
Leur
départ a-t-il été bénéfique pour l’Egypte ? THAT IS THE QUESTION……..
Pardo
31/08/2008
par
Marie Mosseri
(Quatrième
Partie)
Il me fallait trouver une
solution pour éviter ces invités indésirables. Je finis par dire à mon
mari : « Vita ! Si tu m’envoies encore une de tes cousines, je
te jure que je me ferai un plaisir de leur dire : "Venez ! On va
manger au King David ! ".
Il n’était pas conscient de
l’embarras dans lequel je me trouvais
lorsque je voyais arriver ces personnes à l’improviste. Comme dit le
proverbe : « Celui qui a la main dans l’eau ne sent pas ce que sent
celui qui a la main dans le feu ». Je me chargeai de le lui faire
comprendre. Il ne m’envoya plus jamais d’invité surprise. En revanche, nous
eûmes la visite de son patron qui fut étonné de trouver des chambres si bien
tenues et si joliment décorées. Il
félicita mon mari d’avoir une épouse qui s’occupe si bien de son domicile. Nous
aimions beaucoup cet appartement, les murs étaient si épais que nous n’avions
pas besoin de chauffage. Nous savions qu’il avait neigé la nuit parce que le
matin, la chambre était inondée, mais nous n’avions pas froid.
Il y avait, cependant, plusieurs inconvénients. Les toilettes se
trouvaient à l’extérieur et il fallait traverser toute la cour pour y accéder.
Pour laver les enfants, j’utilisais une grande cuvette que j’installais dans
leur chambre. Je faisais chauffer l’eau à l’aide d’un primus. Je savonnais les
enfants puis les rinçais. Il fallait ensuite remonter cette eau pour la jeter à
l’extérieur. De même pour la vaisselle : les repas terminés, il fallait
tout transporter dans la cuisine qui se trouvait dans le jardin. C’était un
travail considérable pour une jeune femme qui n’avait pas l’habitude de
travailler, comme je vous l’ai déjà dit : la lady que j’étais s’était
métamorphosée en Cendrillon…
Ma sœur avait quatre grandes
chambres, un grand corridor, une grande cuisine, une grande véranda avec des
plantes, mais que pouvait-elle faire de plus pour moi ? Lorsqu’elle me
voyait fatiguée, elle m’emmenait chez
elle, me préparait un café au lait avec des gâteaux, ou me laissait prendre parfois un bain chez
elle. Mais elle n’osait pas le faire souvent car il y avait son mari, sa fille
et sa belle-mère. Ils penseraient que je profitais de ce qui leur appartenait…
Je reconnais qu’ils m’ont bien
aidée. J’ai eu la chance de pouvoir leur emprunter chaque semaine cinq £ pour
nourrir mes enfants, sans être obligée de quémander alentour. Chaque fois que
j’empruntais de l’argent à ma sœur, c’était avec la ferme intention de
rembourser ma dette à la fin du mois, pour ne pas atteindre de sommes
faramineuses qu’il eut été difficile de débourser. J’étais consciente, malgré
toutes les difficultés que nous avions endurées, de l’avantage que j’avais sur
les autres immigrants qui, eux, étaient
restés dans les tentes à Betlid, jusqu’à l’attribution du chicoune.
Quand enfin, vint le moment
d’intégrer notre appartement à Kfar Ata, mon mari trouva un emploi à l’Hôtel
Dan de Haifa. Mais les patrons du King David, sachant qu’ils auraient beaucoup
de mal pour le remplacer ne voulurent en aucun cas le laisser partir, lui proposant
de l’aider financièrement pour trouver un logement à Jérusalem, car il lui
était impossible de faire le trajet tous les jours de Kfar Ata. Après huit
mois, nous fûmes dans l’obligation de nous rapprocher de la capitale, et avons
trouvé un appartement à Tel Arza, dans le nord de Jérusalem.
Mon mari travaillait donc au
King David, avec son ami Albert Goldman. La clientèle, en grande partie des
Américains, remerciait les employés pour la qualité du service en leur laissant
des travellers chèques car il était interdit au personnel de recevoir de
l’argent. Ces travellers chèques étaient libellés à leurs noms respectifs
: Mosseri et Goldman.
A Mamilah, il y avait un
magasin où les Israéliens pouvaient acheter des articles en duty free, à
condition de payer uniquement en travellers chèques et non pas en espèces.
Plusieurs immigrants en recevaient de leurs familles vivant à l’étranger.
J’avais prévu de me rendre dans ce magasin et de rencontrer l’épouse d’Albert
Goldman, Lucie ; elle devait m’attendre à l’entrée, et nous devions
partager les montants des travellers chèques entre nous. Quelle ne fut pas ma
surprise de reconnaître une voisine d’Egypte ! Lorsque nous étions jeunes
filles, nous habitions en face l’une de l’autre mais nous n’étions pas très proches. Mes sœurs et
moi étions très vives et tapageuses ; elle était plutôt sérieuse et nous
regardait de haut. Puis je m’étais mariée, et j’avais quitté le quartier. Nous
ne nous étions donc pas revues depuis longtemps…
Je m’approchai d’elle ;
elle s’enquit : « Etes-vous Madame Mosseri ? ». Je
répondis : « Oui, et vous êtes sans doute Lucie
Blumental ? ».
Surprise, elle questionna :
« Comment connaissez-vous mon nom de jeune fille ? ». Je lui
dis : « Parce que nous étions voisines rue Farouk » ! Elle me
reconnut : « Vous êtes Marie ! »
C’était une femme très
instruite, elle travaillait également au King David comme house keeper. Dès
lors, nous devînmes très bonnes amies, et
nous le sommes restées jusqu’à ce jour. A présent elle habite Herzliya,
mais nous nous voyons de temps en temps, et nous nous téléphonons souvent.
Ainsi donc, dans ce magasin,
nous achetions, avec les travellers chèques dont les clients gratifiaient nos
maris, de bons chocolats, du bon café, et tous les bons produits qui n’étaient
pas sur le marché. C’était une satisfaction de rentrer chez nous avec des
paniers remplis de chocolats, de pots de confitures merveilleuses, et d’un tas
d’autres délices. Cela compensait le mince salaire perçu par mon mari au King
David, où les appointements étaient très bas car il n’y avait pas de syndicat.
Mon mari rencontra un jour,
le patron d’une fabrique de crayons et d’ustensiles en plastique, située à
Jérusalem, dans le quartier de Roméma. Il lui dit que nous avions immigré en
1949, et que j’étais à la recherche d’un emploi. A l’époque, on ne pouvait pas
se présenter sur un lieu de travail pour une demande d’emploi sans passer par
le bureau du travail qui monopolisait toutes les offres d’emplois, et adressait
aux entreprises la personne qui correspondait le plus au profil du poste. Mais
celui-ci lui dit : « Que votre femme se présente dans nos
locaux, et nous nous chargerons de demander officiellement au bureau du
travail, que ce soit elle qui occupe le poste vacant ».
Ce qui fit à la fois mon bonheur et mon malheur.
Je travaillais sur une très
grande machine, de la taille d’une chambre, qui était munie d’une sorte
d’entonnoir par lequel était introduite la matière plastique à l’état solide.
La matière fondait à la température élevée de l’appareil et se déversait dans
des moules à l’intérieur de la machine. Les moules s’ouvraient plus loin, après
refroidissement du contenu qui en avait pris la forme.
Mon travail consistait à
récupérer les pièces très rapidement, avant que le moule ne se referme, et
couper au bas de l’ustensile le surplus de plastique qui dépassait ; et
ce, très vite également, afin d’éviter l’accumulation des pièces.
J’ai travaillé sur cette machine
pendant quatre mois, durant lesquels le patron passait de temps en temps
admirer la dextérité et la rapidité avec lesquelles je faisais mon travail. Un
jour, la machine s’emballa sans raison apparente, et je n’eus pas le temps de
retirer ma main avant que le moule ne se referme.
Je tremble encore
aujourd’hui, au souvenir de la douleur fulgurante que je ressentis avant de
perdre connaissance. Une collègue hurla, donnant ainsi l’alerte pour l’arrêt
des machines. Cette jeune fille
s’évanouit également lorsqu’ils sortirent ma main de la machine, au vu
du bout de mes doigts broyés, dont les lambeaux de chair pendaient tels des
macaronis, si je m’en tiens à la description qu’elle m’en fit par la suite. Par
chance, l’hôpital Chaare Tsedek se trouvait en face de l’usine, dans une rue
parallèle. Je ne repris connaissance qu’à l’hôpital, où des ouvriers m’avaient
portée, à pied, empruntant un raccourci pour aller au plus vite car je perdais
beaucoup de sang.
Le professeur, chef du
service de chirurgie de l’hôpital, n’avait encore jamais pratiqué de chirurgie
plastique, mais voulait en faire sa spécialité. Il tenait donc à m’opérer
lui-même. A mon réveil quand je vis ma main, je pleurai, je criai ;
pourquoi D… a-t-Il voulu que cela m’arrive ? J’avais besoin de mes mains,
je cousais les vêtements de mes enfants, je faisais la lessive, le ménage, la
cuisine… Je n’avais pas de domestique. Comment allais-je faire ?
Mon mari rassembla des
donneurs de sang parmi ses collègues, car il fallait me transfuser pour me
maintenir en vie. Mais dès lors, mon état de santé se dégrada. Les pièces de la
machine étaient recouvertes d’une graisse qui fut à l’origine d’une grande
infection, et cette infection dégénéra en gangrène. Je reçus pour la première
fois des injections de pénicilline, et j’étais sous morphine car les douleurs
étaient insupportables. Une nuit, je me levai, sentant de très fortes
démangeaisons sur la peau du crâne et dans la gorge. J’avais l’impression que
ma tête grouillait de poux, et qu’une tripotée de fourmis m’arrachait la gorge.
J’essayai de gratter, allant jusqu’à déchirer ma peau pour faire disparaître
cette sensation, mais rien n’y faisait, je criai. C’était une allergie à la
pénicilline. Je ne pouvais pas recevoir l’antibiotique qui était le plus
indiqué dans mon cas.
Je sortis après un mois
d’hospitalisation, très amaigrie, car les douleurs m’ôtaient jusqu’à l’envie de
manger. J’étais mortifiée par ce que je venais d’endurer. Ma sœur s’était
occupée de mes enfants durant l’hospitalisation, mais à présent je devais
reprendre mes fonctions de mère de famille, mon fils n’avait que quatre ans. Je
cuisinais les repas, et à tour de rôle, mes filles se chargeaient de faire la
vaisselle en rentrant de l’école. L’aînée Racheline était calme et posée, elle
prenait soin d’elle. Elle commençait par manger avant d’attaquer sa besogne.
Caroline était plutôt du genre Yékit. En arrivant, elle déposait son sac et se
dirigeait directement vers la cuisine. Je lui disais : « Chérie, tu
devrais manger d’abord, je vais te chauffer ton repas ». Mais sa réponse
était toujours : « Non, je fais la vaisselle avant ». Viviane,
la plus jeune, était plus nonchalante et ne travaillait pas avec ardeur. Mais
il fallait s’en contenter, je n’avais pas d’aide ménagère.
Ma main était emboîtée dans
une sorte de coffre en plâtre que je devais garder pendant dix mois. Il m’était
impossible d’utiliser cette main. Je devais tout faire d’une seule main. Pour
laver le linge par exemple, j’utilisais la lessive la plus performante de
l’époque, et je le laissais tremper toute la nuit dans la baignoire. Au matin
je frottais les vêtements comme je pouvais, de ma main valide. Le plus dur
était d’étendre ce linge d’une seule main, dehors, en plein hiver, car le froid
accentuait la douleur. Durant une vingtaine d’années, au moment des grands
froids, le moindre effleurement provoquait une douleur intense, m’arrachant un
cri.
L’indemnité mensuelle versée
pour la perte d’une main était de 60 % du salaire. Mais je ne perçus que 30 %
parce que mon pouce fut épargné. Je dus subir plusieurs interventions pour
donner à ma main un aspect un peu plus convenable.
Durant cette période, je fis
la connaissance d’une voisine belge, Paula Pill. Sa famille avait été exterminée, et son mari
emprisonné pendant
Je devais me rendre à
l’hôpital toutes les trois semaines pour changer le plâtre. Le médecin
m’installait, et après avoir scié le plâtre sur les côtés, avant d’ôter le
dessus, me demandait de tourner la tête, et se positionnait de façon à ce que
je ne puisse voir la plaie. J’eus tout de même le temps d’apercevoir, au bout
de mes doigts, une sorte de gélatine jaune au niveau des deuxièmes phalanges
(les premières phalanges avaient disparu lors de l’accident). Je fus soignée
pendant plusieurs mois, jusqu’à disparition complète de la gangrène. Pendant
ces longs mois, je passais mes nuits à pleurer de douleur, ma main dégageant
une odeur de putréfaction. Gêné par l’odeur et mes gémissements, mon mari ne
pouvait dormir dans ma chambre. De plus, ma température élevée depuis plusieurs
semaines ne baissait pas.
A bout de forces, nous
finîmes par nous rendre chez un médecin. C’était une femme immigrée
d’Allemagne, et mon mari lui exposa le problème, insistant sur le fait que nous
ne dormions pas les nuits, moi à cause des douleurs, lui à cause des
gémissements. Cette femme qui tenait plus d’une hitlérienne que d’une Juive
s’en prit à moi et gronda : « Comment osez-vous déranger votre mari
la nuit ! Comment osez-vous importuner ce bel
homme ! N’êtes-vous pas consciente de la chance que vous avez de
l’avoir pour époux ? ». Mon mari, il est vrai, était un bel homme,
mais ce n’était, ni le moment, ni l’endroit idéal pour le déclarer… J’étais
abasourdie par cette remarque.
Elle entreprit de m’examiner,
et me racla la gorge avec la palette. Ce fut la goutte d’eau qui fit déborder
le vase. Je me levai précipitamment désirant mettre fin à cette situation
grotesque, et déclarai à mon mari : « Vita, nous
partons ! ». Elle m’arrêta : « Attendez ! Je vais vous
prescrire un médicament ! ». Je rétorquai : « Ce n’est pas
nécessaire puisque vous pensez que je ne suis pas malade, et que je pleure la
nuit uniquement pour importuner mon mari ». Elle me reprocha d’être trop
nerveuse et je répliquai : « Oui je suis nerveuse parce que je passe
mes nuits à souffrir sans dormir, et je voulais voir un médecin qui puisse me
soulager, mais vous n’êtes pas médecin, et tous les diplômes que vous pourrez
me montrer ne me feront pas changer d’avis ».
Mon mari qui gardait sa distinction dans toutes les situations tenta de
me raisonner : « Attends chérie, nous allons prendre
l’ordonnance ». Et, jetant un œil sur la longue liste de médicaments, je
lui répondis : « Si tu as l’intention d’avaler ces médicaments, tu
peux les prendre, mais en ce qui me concerne, je ne prendrais aucune
prescription de la main de cette personne ».
Lorsque après dix mois, je me
rendis à l’hôpital pour le retrait du plâtre, j’eus la désagréable surprise de
voir ma main aussi poilue que celle d’un singe. Les infirmiers m’assurèrent que
ce phénomène était dû à la chaleur, ma main étant renfermée dans le plâtre,
mais que les poils disparaîtraient progressivement.
Ensuite, on me dirigea vers
le service de physiothérapie pour des séances de rééducation. Je me présentai
donc dans le service, exposant mon problème et montrant ma main à la personne
concernée. Elle examina ma main avec attention, et s’étonna : « Cette
main a été plâtrée pendant dix mois ? ». Je confirmai :
« Oui, on vient juste de me retirer le plâtre ». Je ne comprenais pas
son étonnement. Elle demanda : « Mais qu’avez-vous fait avec cette main ? ».
Je rétorquai : « Il me serait plus facile de vous énumérer ce que je
n’ai pas fait, car cette main n’est pas restée inactive. J’ai été obligée de
m’aider de ma main plâtrée pour faire la cuisine, la lessive, la couture, et
toutes les tâches qui incombent une mère de famille. Je n’avais pas d’autre
alternative ». Elle répondit : « Vous n’avez pas besoin de
rééducation. Vous vous êtes rétablie sans notre aide ».
Et c’est ainsi que je
réussis à me servir de ma main sans aucune séance de physiothérapie. Je repris
une vie normale sans autres séquelles que les allergies, et le stress
occasionné principalement par les difficultés de la vie que nous menions. Il
fallait sans cesse calculer et se priver pour arriver à joindre les deux bouts.
Un matin, ma voisine Paula me montra les haricots (les premiers de la
saison) qu’elle venait d’acheter au Souk du Mahané Yéouda. Le prix étant
accessible, je décidai d’en acheter également pour le repas du soir que, bien
entendu, je devais préparer sans viande.
J’avais rendez-vous avec mon
mari pour aller au marché. Sur le chemin mon mari me dit : « Marie,
je ne sais comment faire, je voudrais mourir, en finir de cette vie, ces
privations ».
Nous nous rendîmes au Souk
Haboukharim, chez notre marchand habituel, où mon mari fut accueilli avec les
salamalecs dignes d’une importante personnalité. Rares étaient les personnes
qui portaient un costume, une cravate et un chapeau ; de plus mon mari
avait beaucoup de chic et de prestance. Même les docteurs n’étaient pas aussi
élégants. Les marchands n’accordèrent aucune importance à ma présence, mais peu
m’importait… c’était le dernier de mes soucis. Je m’enquis du prix des
haricots. Le montant était trois fois plus élevé que celui payé par ma voisine.
Comme, je m’en étonnais auprès du marchand, lui disant que ma voisine les avait
payé beaucoup moins cher ce matin même,
celui-ci me répondit : « Mais vous devriez avoir honte, votre
mari est assis sur le siège de Rothschild, et vous marchandez le prix des
haricots » …
Vita venait de me dire
qu’il en avait marre de cette misérable vie, et cet espèce d’imbécile illettré
m’humiliait, me reprochant de discuter, à juste raison il me semble, le prix
des haricots, alors que mon mari était assis sur le siège de Rothschild, le
prenant pour Rothschild lui-même. J’eus l’impression de recevoir un coup de
poignard dans la poitrine. Je réussis à me contenir, et ne pas laisser éclater
ma colère, mais je ressentis des palpitations. Craignant un malaise cardiaque,
je rentrai à la maison où je perdis connaissance. Le médecin qu’on fit venir,
étonné de l’accélération de mon rythme cardiaque demanda :
« Qu’avez-vous fait à cette femme ? A-t-elle été battue ?
L’avez-vous contrariée ? Elle est dans un très mauvais état ».
C’était une situation très pénible, un problème qui s’ajoutait aux autres. Nous
n’avions pas assez d’argent pour payer ces haricots, et en avions besoin pour
le repas du soir.
En 1956, lors de la guerre du
Sinaï qui opposait les Israéliens, les Français et les Anglais aux Egyptiens,
et dont l’enjeu était le fameux canal, je vis rentrer mon mari en pleurs, une
fin d’après-midi. Inquiète, je
demandais : « Que se passe-t-il ? ». Il répondit :
« Un grand malheur est arrivé ». Ma famille, et celle de mon mari
étant en Egypte, je questionnai : « Est-il arrivé quelque chose à
l’un de tes frères, ou l’une de mes sœurs ? ». La seule réponse
fut : « Non ! Un grand malheur ! ». Que pouvait-il arriver
de pire ? Il finit par me donner la raison de son désespoir :
« Ils ont fermé le King David ! Nous avons été
renvoyés ! ». Soulagée, je rétorquai : « Je m’en
fous ! Et c’est tant mieux ! ». Surpris, il me dit :
« Mais tu es folle » !!! Je répondis : « Je suis
peut-être folle, mais j’ai le sentiment que c’est une chance pour nous que tu
sois renvoyé de cet hôtel, parce que tu ne serais jamais parti de ton propre
gré pour chercher un meilleur emploi ».
Mon mari manquait d’ambition,
il se contentait de ce qu’il avait, et en était satisfait. Je rajoutai :
« Bien sûr tu étais très bien au King David avec ton smoking et tes repas
assurés, mais as-tu pensé à ce que les enfants et moi mangions à la
maison ? Je suis très contente qu’ils t’aient renvoyé ! ». Il
continuait de dire que j’étais folle quand je me mis au lit.
J’étais couchée, mais je
sentais quelqu’un errer dans la pièce. Je me levai et lui demandai ce qu’il faisait debout. Il répondit :
« Tu es folle, comment peux-tu dormir, sachant que je suis sans
emploi ? ». Je lui dis : « Puisque tu n’as pas l’intention
de dormir, au lieu de te morfondre, écris donc une lettre de candidature pour
un emploi dans une banque ». Il demanda : « Quelle
banque ? ».
Comment l’aurais-je su, je n’avais pratiquement jamais travaillé ?
Je lui demandai de m’en citer quelques-unes. Il m’indiqua les meilleures qui
lui vinrent en tête :
Il fut à la fois surpris et
heureux de recevoir une réponse positive des quatre banques. Au King David, mon
mari était responsable des comptes clients en dollars. Cette devise était très
contrôlée. Lorsqu’un touriste arrivait à l’hôtel avec des dollars, il devait
déclarer le montant qu’il possédait. Ce montant était inscrit sur un registre,
sur lequel était noté également le montant dépensé, et le montant de l’argent avec lequel le client
repartait. Le ministère des finances savait exactement où allait chaque dollar.
C’était un contrôle très rigoureux et nécessaire pour ce pays qui démarrait
avec des caisses vides. Mon mari était chargé de porter aux banques les dollars
qui étaient transmis au Ministère des finances contre des livres
israéliennes ; il était connu de toutes ces banques où il se rendait
régulièrement avec ses registres et ses dollars. Durant les années où il a
travaillé, il n’y eut jamais d’erreur. Il était très honnête, très
consciencieux, et faisait son travail à la perfection. Il ne lui serait jamais
venu à l’idée de subtiliser quelques dollars. Il considérait cet argent comme
un outil de travail et rien de plus. Il voulait dormir l’esprit tranquille, et
ignorait les conseils des personnes malintentionnées pour subtiliser quelques
billets. Il n’était pas comme eux. Il était très honnête. C’est pourquoi les
banques auxquelles il avait envoyé une demande d’emploi étaient intéressées par
sa candidature.
Il choisit
Petit à petit, nous avons pu
rembourser le crédit que nous avions chez l’épicier, et qui avait atteint 1 000
£. Meïr, le patron de l’épicerie, un
Hongrois que je n’oublierai jamais, nous prit en sympathie, et me disait
toujours : « Madame Mosseri, ne vous inquiétez pas, prenez tout ce
dont vous avez besoin ». Tout comme nous, il avait immigré en 1949. Il
nous fallait également rembourser le crédit de la maison, et avec quatre
enfants à charge, ce n’était pas simple. Mais du jour où mon mari fut engagé à
la banque, nous avons commencé à voir le bout du tunnel.
Ma sœur Hélène, qui se
trouvait encore en Egypte quand la guerre du Sinaï commença, fut renvoyée en
France, ainsi que son mari et toute la famille de celui-ci car ils étaient de
nationalité française.
Une autre de mes sœurs,
Rachel, avait immigré en Israël avec son mari et ses quatre enfants, et se
trouvait au camp de Tibérias. J’étais allée lui rendre visite et l’avais
invitée à Jérusalem.
Cependant, l’accumulation des
problèmes financiers ainsi que mes ennuis de santé m’éprouvèrent
psychologiquement. J’étais très malheureuse, au bord de la dépression.
L’enthousiasme et la passion qui m’avaient incitée à quitter l’Egypte pour la terre de mes ancêtres avaient
disparus. Cette terre où je n’avais connu que la misère. Je n’avais qu’une idée en tête, partir et ne
plus revenir. Je décidai de faire un voyage en Europe. Bien entendu, je cachai
à mon mari mon espoir de ne plus revenir. Conscient de l’état dépressif dans
lequel je me trouvais, mon mari se procura la somme nécessaire pour l’achat du
billet et l’argent de poche. A l’époque nous ne pouvions emporter plus de 10 $.
Mais peu m’importait. Je n’avais pas besoin d’argent puisque je serais nourrie
et logée chez la famille.
La veille de mon départ,
nous eûmes la surprise de voir arriver de Tibérias, ma sœur Rachel accompagnée
de son mari et de ses enfants. L’appartement était très spacieux, nous pouvions
les loger sans être à l’étroit. Néanmoins, je l’informai de mon départ
imminent. Lorsque je l’avais invitée à nous rendre visite, mon voyage n’était
pas encore prévu. Elle fut très offensée, se sentit frustrée, mais elle n’avait
pas d’autre alternative que de s’installer chez nous avec son mari et ses
enfants qui déjà étaient grands.
Rien de tout cela n’était
prémédité, ni mon départ, décidé par désespoir, ni l’arrivée de ma sœur, qui
tombait à pic, comme envoyée par D… pour s’occuper de mes enfants dont je ne
m’étais même pas inquiétée. L’aînée de mes filles, Racheline, avait dix-sept ans, et mon fils quatre ans ; il était
encore au jardin d’enfants. Aujourd’hui encore je m’étonne de mon audace :
« Comment ai-je pu abandonner mes enfants ? Mon mari ? Ma
maison ? ».
J’étais poussée par le
désespoir. Sur le bateau, emporté par les flots, ma seule prière fut :
« Mon D…, faites que je ne retourne jamais dans ce pays ».
J’arrivai à Paris, un matin
de Septembre 1957, à la gare de Lyon, sans avoir averti ma sœur Hélène. Une
sensation de liberté et de joie m’envahit. C’était enivrant, exaltant de me
retrouver dans cette ville que je ne connaissais pas, entourée de gens que je
ne connaissais pas, mais que je ne considérai pas comme étrangers. Rien ni
personne ne m’a jamais été étranger. Je n’étais plus Moi, et cette euphorie
agit favorablement sur ma santé mentale.
Je donnai au chauffeur de taxi
l’adresse de ma soeur : 272, rue de Charenton à Paris (à présent, elle
habite rue de Paris à Charenton !). Le taxi me déposa au bas d’un vieil
immeuble qui datait du temps de Napoléon, et n’avait visiblement pas été ravalé
depuis de nombreuses années. La cage d’escalier était noire de suie. Des
cabinets turcs se trouvaient sur des paliers séparant deux étages. Une
catastrophe d’immeuble.
Toute la famille était
attablée pour le petit déjeuner quand je frappai à la porte. Ma sœur ouvrit et
s’écria : « Marie ! Marie ! Marie ! ». Elle ne
m’avait pas vue depuis huit ans, et n’en croyait pas ses yeux :
« Comment es-tu arrivée ? Pourquoi n’as-tu pas prévenu ? ».
Toute la famille se leva pour m’accueillir joyeusement.
Je restai un mois chez ma sœur à Paris où je fus bien reçue et passai
les fêtes de Rosh Hachana et de Yom Kippour. Par chance, ma sœur Rachel qui,
contrairement à moi était un fin cordon bleu, avait choyé mon mari et mes
enfants leur préparant de bons petits plats. Je les avais délaissés pendant les
fêtes (encore une preuve de déséquilibre de ma part), mais heureusement ils
n’en ont pas souffert grâce à la présence de ma sœur et de ses enfants. Je leur
écrivais régulièrement, leur contant mes différentes visites de la capitale.
Leurs lettres m’assuraient que tout allait bien. J’appris bien plus tard que
Racheline, contracta une forte angine qui, à la suite de complications, mit ses
jours en danger. Elle s’en remit grâce à D… et aux bons soins de ma sœur.
Puis je voulus rendre visite
à mon beau-frère en Italie, où j’arrivai également à l’improviste. Après avoir
roulé toute la nuit, le train me déposa au petit matin à la gare de Milan. Je
n’oublierai jamais l’euphorie qui m’emporta quand, insouciante, je descendis
les marches du grand escalier de la gare de Milan, seule, entourée d’inconnus,
dans un pays où je n’étais attendue de personne. C’était une sorte de folie
grisante et indéfinissable. Epanouie et heureuse, je renaissais dans cette
Europe clémente et apaisante, loin des soucis et de la misère. A tel point que
mon oncle me dit : « Marie ! Tu es si belle qu’à ton retour, ton
mari te fera un bébé ! ».
Munie de l’adresse, je me
présentai, également à l’heure du petit déjeuner, chez mon beau-frère où le même scénario que chez ma sœur se
produisit.
Je restai moins d’un mois à
Milan qui était surtout une ville de commerce, où les vitrines des grands
magasins exposaient les dernières collections d’une mode onéreuse. Pour moi qui
avait déjà dépensé une partie des malheureux 10 $ autorisés pour quitter
Israël, je ne pouvais que me contenter d’admirer les luxueux vêtements. Je
visitai la ville et ses monuments historiques, en particulier la cathédrale
Duomo à l’architecture impressionnante, finement sculptée, telle de la
dentelle. C’était une merveille. A côté du Duomo, se trouvait le grand magasin
Rinacente, une sorte de Galeries Lafayette, dont tous les étages, et les
différents rayons n’avaient plus de secrets pour moi. Je les avais parcourus
dans tous les sens, sans rien acheter.
Reçu le 14 juillet 2008 de Madame Viviane ISKANDER :
Ahlan wésahlan ya habaybi mein Masr Om el Donia
Aujourd’hui je me
sens « in the mood » pour plonger dans mes souvenirs du temps passé,
de cette époque bénie, durant laquelle se sont écoulées doucement, lentement
délicieusement mon enfance, mon adolescence et ma prime jeunesse. Ce n’est que
plus tard, quand j’ai dû quitter cette terre également bénie que j’ai compris
sa valeur. C’est une nostalgie qui ne me quittera jamais et qui fait réaliser
ce que l’on a eu, peut-être pour vivre plus facilement notre exil, car
nous avons « ein mâliâna », qui veut dire que si on a eu une
belle enfance sans privation, sans soucis,on peut vivre ailleurs avec plus de
force et mieux endurer les difficultés.
Mon enfance,
pensionnat de
A l’université américaine, une liberté de mouvement
qui me surprends, habituée aux hauts murs du pensionnat.. une autre tranche de
vie, encore plus belle et florissante qu’auparavant, premiers émois, première
indépendance.. souvenirs indéfectibles.
A cette époque
toutes communautés et toutes religions confondues, nous les chrétiens, les
juifs et les musulmans, socialisaient sans arrière pensée sans discussions
insidieuses, sans compromis d’aucune sorte. Liberté totale.
Les souvenirs du
Mena House, avec ses thés dansants à « l’ombre des pyramides »..
Ah ! les pyramides, le désert, ne sont-ils pas les caractéristiques de
l’Egypte millénaire, qui ont été témoins de nos premiers amours ?
Les night-clubs
avec leurs orchestres, les cinémas ultra modernes (de l’époque..) pouvaient
rivaliser avec ceux de l’Europe, que ce soit ceux du Caire ou d’Alexandrie.
Alexandrie, parlons-en ! la mer bleue aux reflets verts, Iskandérya
maréya wé torabha zaafaran. Ville de mes vacances, particulièrement aimée, avec
sa brise salée qui nous fouettait le visage le long de la corniche, ma
« cabine » qui était celle du « Bon Dieu », lieu de réunion
de tous les ami(e)s. Les bains de mer, les vagues, les périssoires avec les
filles qui posaient avec un air nonchalant, pendant que les garçons ramaient à
en perdre le souffle, faisant jaillir leurs muscles pour épater celles qui les
épataient !!! Il y a eu tant de chansons qui vantaient la mer, je crois
que nos plages au sable doré ont été les endroits les plus recherchés pour la
détente, la joie de vivre, les rencontres, les parties de raquettes, les
plongeons à la « Esther Williams » du haut des rochers. Et les
méduses de couleur turquoise, semblables aux bonnets de bain, belles mais
dangereuses, on les rencontrait quelques fois au bord de la mer, ou durant nos
promenades en « cutter », ces grandes barques à voile, qui faisait
notre bonheur.. on organisait des « pique-nique » avec nos provisions
pour des journées entières passées dans les eaux du port, quelques fois on
transgressait les ordres de prudence et on avançait en haute mer.. oh pas bien
loin, juste un peu après le port !! d’autres fois on organisait ces
promenades au clair de lune, et on prenait des bains de minuit sans crainte des
petits poissons phosphorescents qui dansaient autour de nous.
En me remémorant
ces merveilleux moments, je les vois défiler devant moi, je les revis au rythme
de mes écritures, et je souris avec tendresse.
Mon premier contact
avec Louxor et Assouan, s’est fait après 27 ans d’exil. Chaque détail expliqué
lors de mes visites aux temples a une valeur extrême, les pharaons ont voulu
survivre pour l’éternité, l’état de certains tombeaux garde encore les couleurs premières si vives
si extraordinaires. L’histoire relatée lors des visites, et diffusée par la
télévision, fait que le monde y est sensible et s’intéresse de plus en plus
jusqu’à devenir de « l’égyptomania » et pourquoi pas ? j’en suis
fort aise.
Jamais je ne
pourrais décrire l’émotion, la fierté, l’amour que j’ai ressenti lors de mes
visites aux temples, merveilles de la plus grande, la plus ancienne des
civilisations. J’y ai certainement laissé un grand bout de mon cœur, accroché
spécialement au temple de Hatchepsout, je me sens presque descendante de cette
extraordinaire pharaonne, car par son pouvoir elle a préconisé bien en avance
ce que
Yalla maa el salama -
au revoir, à la prochaine, ya Ahl Masr, mes frères et sœurs
Reçu le 23 juillet
2008 du Docteur Lorys-Bitty-BERESSI :
Témoignage vécu
C “etait en 1948, et cela se passait au Caire
.Nous habitions au 6 rue Kasr-el-Nil ,immeuble Benzion , cote gauche apres
l’’entrée, au 1er etage de face.
J’’avais10 ans.Je me souviens d’’avoir assiste
a un entretien chez nous ,de mon pere avec 2 ou 3 collegues de bureau ,inquiets
pour lui et ou il etait question de preparer sa valise..Notre voisin de
palier Mr Isaac Alvayor avait ete arrete
la veille , le patron de mon pere Mr Ovadia Salem et d’autres egalement ,nous
etions sous loi martiale , quelques jours apres la declaration de l’’Etat
d”Israel.
Je
revois ma mere dechirant les documents de propriete de terrains achetes au
yichouv par l’’intermediaire du Keren Kayemet le Israel.
Je suppose que le lien de la ’’ Societe
d’’avances commerciales’’ de Mr Salem
bien connu dans la communaute juive du Caire ,avecles juifs de Palestine comme
on disait a l’epoque ,sont a l’’origine de cet achat ,bien cache sous le marbre
de la cuisine.
Mon pere
ne se situait pas comme sioniste dans ses relations et ne m’avait pas permis de
frequenter
Vers le 23 mai donc, une nuit, on frappe tres
fort a la porte.Je me reveille au bruit des voix et des pas dans l’’autre
partie de l’’appartement au-dela du couloir..quand soudain des militaires
egyptiens font l’’irruption de la lumiere dans la grande chambre ou je dormais avec mon petit
frere et la ‘’nona’’ venue d’’Alexandrie
..il faisait chaud ,je dormais avec juste mon maillot de corps ,je m’assieds
sur mon lit et croise le regard de l’’un de ces
2 ou 3 hommes qui se detourne et commence la
perquisition de la piece.
Mon
pere a ete emmene sans etre venu
m’’embrasser ,dire au revoir. Plus tard j’ai compris que c’etait son choix et
qu’il m’avait prepare a cela en me laissant assister a la reunion
annonciatrice.Il m’’a epargne de voir l’humiliation subie pour
rien…parce qu’’il etait juif.
Mais cette nuit-la je ne pensais pas. J’etais
sous le choc et je suis allee rejoindre ma mere effondree, et ma grand-mere qui
soupirait , sans que ni l’’une ni l’’autre ne puisse me dire grand-chose .De ce
manque de paroles signifiantes j’ai developpe une avidite devorante pour les
mots ,pour le langage , pour toutes les langues que j’ai entendu dans mon
enfance.
Papa est reste a Hackstep jusqu’en juillet
1949., et n’’a heureusement pas ete deporte plus loin a El Tor ou les
conditions etaient parait-il tres dures .
Nous
avions un permis de visite au camp une semaine sur deux , pour 2 adultes et un
enfant . j’’y allais avec ma mere .
Une
fois j ‘’ ai ete emmenee par une
parente Bella Beressi qui visitait son fils Armand interne comme communiste.Je
ne sais pas comment ce fut fait mais
voila que mon pere est appele et sans passer par le parloir m’’emmene dans le baraquement
des ‘’sionistes’’! La il me montre l’etat des lieux cad le dortoir .Mon pere me
presente a quelqu’un du nom de Weizman, cousin de Haim Weizman,et encore a 2ou
3 autres internes dont j’ai oublie les noms. Nous nous asseyons un moment et
papa me raconte comment il passe ses journees. J ‘etais donc avec lui ,au camp
,derriere les barbeles.Des minutes qui faconnent un destin.
Nos biens etaient sous sequestre , la radio
confisquee, la plupart des proches de la
famille gardaient leurs distances , personne
ne voulait se compromettre avec’’les sionistes’’ par crainte de la police
secrete. Nous n’’avions pas d’’autre vie sociale que celles de l’’ecole , et
des communications autour de ce qu’’il fallait pour papa , et pour notre
allocation mensuelle..Un courrier avec un bakchiche dans la botte d’un des
officiers{?] de Huckstep qui allait et venait , donnait a mes parents au moins
le bonheur de s’ecrire .
Solitude et exclusion , liberte et contraintes , ont ete les racines je crois
de ma vocation de psychiatre .
L’empathie pour les ‘’haverim’’,mon sionisme a
moi, date aussi de ce temps-la , augmentee a la liberation de Papa par ses commentaires sur l’experience
de HuckstepHuckstep-perros comme on l ‘’appelait a cause sans doute des chiens
qui hurlaient la nuit…
Que se soit cela ou sa
''sortie''definitive d''Egypte , Edouard Beressi mon pere souffrait de ce que
l''on appelle aujourd''hui ''le syndrome de stress post-traumatique''. Il
n''est plus la pour en temoigner lui-meme car il repose en paix ...a Jerusalem
Dr
Lorys-Bitty-Beressi
Reçu le 27
juillet 2008 de Monsieur Joe NINIO :
Il y a près de 50 ans je vécus mon premier
départ d’Alexandrie. Je n’étais alors qu’un jeune adolescent de 18 ans, accoudé
au bastingage du vieux paquebot « Samsun », vers fin septembre 1956,
avec pour tout bagage un certificat de Bac dans la poche et quelques pulls
tricotés à la hâte par ma mère.
Mes parents m’avaient donné la somme
maximum autorisée de
Les mêmes questions tourbillonnaient
dans ma tête : « Pourquoi ? » et « Qu’adviendra-t-il
maintenant de mes parents qui sont restés de force, et quel sera mon sort, moi
qui part tout seul sans autre moyen qu’un billet sans retour pour
Marseille? ». A bord, impuissant
devant ces évènements qui me dépassaient largement, accroché à la rampe
d’acier, j’essayais avec toute la force de mes pensées de retenir ces bras qui,
sur les quais, larguaient trop rapidement les amarres. Mais bien vite, la ville d’Alexandrie
s’évanouissait dans la brume du crépuscule.
Comme
beaucoup d’autres alexandrins qui ont du partir très vite, j’allais vivre
pendant longtemps la douleur de ce déchirement. Il me faudra des années pour
l’évaluer dans toute son ampleur. En fait, Alexandrie était le berceau où
depuis des générations, mes aïeux, mes parents, mes amis et mon école avaient
toujours constitué mes repères fondamentaux. Qu’allait-il nous arriver
maintenant ? Des sentiments étranges m’assaillaient pour la première fois.
Il y avait bien sûr l’inconscience de mon âge qui me faisait assimiler ce
départ à un jeu, à une grande aventure qui allait commencer. Mais je me
souviens encore de l’angoisse de ce que pouvait me réserver le futur, celle de
ne rien savoir sur ce qui pouvait m’attendre à l’autre bout de
Ces heures furent le vertige de l’inconnu
alors que toute notre vie dépend de quelques réponses, n’avoir rien pour s’accrocher
à ce présent qui s’écoulerait dorénavant dans le sablier de mon existence.
C’est cette prise de conscience qui m’a soudain fait passer à l’age
adulte : en regardant les autres, je sentais que, comme eux, mon regard de
gosse avait perdu quelque chose de son éclat, il avait changé en quelques
heures en s’assombrissant d’angoisses.
J’étais envahi de doutes. Je ne pourrais plus jamais avoir l’approbation
des autres, de mes parents, de mes amis ou de mes chers profs. Dorénavant je
devrais prendre des risques dont j’aurais l’entière responsabilité. Est-ce cela
devenir adulte ?
Mon
camarade de classe, le brillant Freddy, était sur le bateau avec moi. Nous nous
sommes revus plusieurs fois depuis, au fil des années. Nous communiquons
maintenant souvent par Internet en vieux copains. Mais je ne lui ai encore
jamais dit qu’à ce tournant de ma vie il a représenté soudain ma seule
continuité, mon seul espoir, car je n’avais jamais encore affronté la solitude.
En effet Freddy, qui avait un passeport anglais, allait après notre arrivée à
Marseille, rejoindre à Londres mon ami Bob pour poursuivre ensemble leurs
études à l’Université. On devait inch’allah, se revoir là-bas !
C’est ce qu’en théorie je devais faire
aussi, ayant eu la promesse de l’aide matérielle de mon oncle Victor qui se
serait occupé de moi si je réussissais à arriver en Angleterre. C’est cet
espoir, matérialisé par Freddy qui allait le vivre avec tout le succès qu’il
s’est mérité dans sa vie, qui m’a soutenu pendant les quelques jours de traversée,
et jusqu’à notre arrivée à Marseille. Là j’ai connu la solitude car la réalité
m’a vite rattrapé.
Comme la plupart des passagers du
« Samsun », j’étais parti en tant qu’apatride. Je n’avais jamais eu
besoin d’avoir un passeport avant d’être expulsé. Mais, né en Egypte, donc
« égyptien » aux yeux de l’Angleterre, et vu l’état de guerre entre
les deux pays, je ne pouvais certainement pas obtenir le permis d’aller à
Londres.
Cette solitude allait déboucher sur une
nouvelle naissance, sur une longue histoire de vie, qui je l’espère va
continuer encore pendant longtemps. Je savais tout le temps que je pouvais être
réveillé et stimulé par cet évènement, ou au contraire, et tout aussi
facilement, être plongé dans une paralysie totale.
J’ai souvent vécu les deux situations, avec
la prise de conscience et l’instinct de rebondir après l’anesthésie
passagère. En fait et comme tous ceux
qui sont passés par là, dorénavant, je n’avais de compte à rendre qu’à
moi-même, dans le respect des enseignements et de l’éducation que j’avais reçus
jusqu’ici, même si ceux-ci, avec mes 18 ans, n’avaient pas encore été
complètement assimilés et auraient du porter un écriteau « Attention,
Peinture fraîche »
Mais j’ai eu comme d’habitude énormément de
chance, et cette chance m’a accompagnée
tout le long de mon parcours. J’ai pu découvrir des aspects de la vie et de
moi-même qui m’ont permis de rebondir, de recommencer à chaque fois que je
m’étais trompé de chemin, de sélectionner et de consolider toujours mon vécu
pour essayer à chaque fois de structurer une meilleure relation avec moi-même
et surtout avec ceux que j’aime. Je n’y
ai pas toujours réussi par le passé. Maintenant, dans ma situation actuelle mes
choix sont plus clairement définis et j’ai eu encore une fois beaucoup de
chance, il y a quelques années, de rencontrer ma compagne qui m’a accompagnée
pour ce dernier voyage à Alexandrie.
Le parcours de cette vie a été un
engagement continuel. Il a eu plusieurs fils conducteurs. Ceci pourrait faire
l’objet d’un témoignage différent, car il ne concerne vraiment que le cercle
restreint de ceux qui m’entourent encore aujourd’hui. Ceux qui ont tellement
compté dans ma vie et qui ne sont plus là parce qu’ils sont partis trop tôt le
savaient de toute manière, j’en suis sûr. Les autres le devineront à l’avenir
dans ce qu’ils voudront trouver au plus profond de ce que je leur aurai
témoigné avec mon affection et mon respect de tous les jours.
Pour en revenir à Alexandrie, comme tous
les anciens Alexandrins, j’en ai
toujours gardé une grande tendresse, une nostalgie des saveurs, des parfums,
des bruits, comme l’a si bien décrit Bob dans son livre « Mais d’où
venez-vous Monsieur ? ». J’y
suis retourné quelques fois pour mes affaires, mais sans avoir jamais eu le
temps de refaire un parcours et un état des lieux dans mes souvenirs. Ou plus
probablement parce que bien que réceptif à tout ce qui concerne les échanges
avec d’autres personnes durant le cours de la vie, je n’avais certainement pas
le temps de me réveiller et m’émerveiller à la rencontre de personnes vraies
qui auraient pu jalonner ce parcours à l’envers. Maintenant j’y suis retourné en tant
qu’homme, oh combien adulte !
Je savais que mon départ d’Alexandrie en
1956 avait été vécu par un adolescent inachevé. J’étais tombé alors, depuis le
ventre créateur de tout ce que cette ville représentait, dans un univers
totalement inconnu dont la réalité ne m’est apparue que par petits morceaux,
par les bribes d’un vécu qui se poursuit encore aujourd’hui. Mais j’ai toujours eu la chance de pouvoir
poursuivre mon désir de bien faire plutôt que de me faire paralyser par la peur
de l’inconnu. A l’heure de mon départ en 1956 j’avais été envahi par l’angoisse
et la peur du lendemain. Heureusement, c’est le désir qui a pris le dessus et
toute sa place dans ma vie.
Je suis retourné cette fois à Alexandrie,
bien entouré par l’affection de ma compagne de vie, pour y retrouver des
symboles, ceux qui m’ont accompagné, cachés au fond du cœur, durant toutes ces
années. Pourquoi ? Je n’en connais vraiment pas la logique. C’est soit
pour accéder à un équilibre de maturité relatif à mes parents, à mon père qui
nous a quitté trop tôt, détruit par ces évènements de 1956 dont il n’a jamais
pu se remettre, à mes amis et à mes compagnons d’enfance. Soit aussi peut-être,
maintenant que je suis comblé dans ma vie d’homme, pour me réconcilier avec
moi-même sur ce plan après le déchirement de la séparation d’il y a 50 ans.
J’étais très ému et optimiste ce matin là
en arrivant à nouveau par bateau à Alexandrie. Le même port, les mêmes vieux
bateaux rouillés en train de pourrir à l’ancre, les mêmes épaves le long des
brises lames, laissées à fleur d’eau par les batailles de 1945. Et surtout le
même abandon dans ces bâtiments qui jadis avaient abrité les grands commerces
de coton et d’oignons de notre époque. Le temps se serait-il arrêté à
Alexandrie ou aurait-il fait marche arrière ?
Je voulais proposer à cet évènement une
relation plus respectueuse, plus intense, plus humainement responsable, en
dépassant les clivages, le radicalisme et les incompréhensions qui depuis ont
envahi la région, tout le Proche Orient et maintenant le monde entier. Je
voulais pouvoir dire et entendre des choses qu’autrefois on retenait, on
censurait. Où aurais-je pu trouver meilleure audience qu’à Alexandrie ?
Surtout parce que mon ami Sandro m’avait préparé un accueil de grande qualité
en la personne de Madame C. qui nous a consacré tout son temps pour que je
puisse faire mes retrouvailles au Lycée et en ville.
Depuis, je ne voulais pas écrire quoi que
ce soit à ce sujet car mon expérience a été très dure et elle pourrait être mal
interprétée par ceux qui m’ont accueillis si généreusement. Mais tant pis, par
honnêteté intellectuelle, et par respect pour ces mêmes personnes, je ne peux
garder sous silence ce ressenti des mêmes angoisses : que se passera-t-il
maintenant pour Alexandrie, quel sera le futur pour tous ces jeunes et moins
jeunes ? Combien de temps vont-ils poursuivre dans cette voie destructrice
avant de s’éveiller comme nous l’avons fait depuis que nous avons été
expulsés ?
Car en réalité, au terme de ce retour en
arrière, j’ai trouvé une ville complètement inconnue, maladroitement maquillée
en surface, où la plupart de mes repères humanistes avaient disparus.
Heureusement qu’ils sont inscrits à jamais dans le cœur de tous ceux qui l’ont
connue à son époque de gloire. Les seuls
témoignages de sa splendeur d’autrefois, comme le Lycée Français, ne résistent
vraiment plus à la dégradation et au pillage irresponsable que j’y ai constaté.
J’avais toujours pu faire la différence
entre les personnes et leur comportement, mais là la conduite des dirigeants
qui laissent faire est trop lourde à supporter. Les conditions d’espoir dans
l’avenir commun de notre humanité qui justifie de faire de sérieux efforts sur
soi-même pour s’intégrer au développement de notre société, plutôt qu’à se
laisser submerger par celui religieux, si présent partout, et qui règle
dorénavant les comportements de toute cette génération, et bien, tous ces
espoirs ne sont pas là, malgré la réalisation extraordinaire qu’est cette
magnifique Bibliothèque Alessandrina. On ne lit pas cet espoir dans les yeux
des jeunes. On y devine par contre une espèce de résignation contre ce qui est
trop puissant pour qu’on puisse y changer quelque chose tout seul. Je ne veux
pas faire d’autres considérations sur la société d’Alexandrie d’aujourd’hui qui
ne seraient certainement pas à leur place ici. Mais il y a des enseignements
par ailleurs dans le monde où il est évident, que poursuivre sur ce chemin ne
peut que mener à toujours plus d’enlisement dans une société de plus en plus
gourmande et contraignante pour les esprits.
J’ai toujours eu la chance de rencontres
exceptionnelles avec des personnes dont il émane une sensibilité particulière,
une chaleur envoûtante et qui ont toute la simplicité et la tolérance des
grands, et desquelles se dégagent les valeurs humaines de dignité essentielles
qui définissent clairement leur positionnement. Ceci a été encore une fois le
cas à Alexandrie avec Madame C. et son hospitalité, sa gentillesse et sa
sensibilité hors du commun. Mais le contexte ambiant d’Alexandrie a été tel que
cette fois-ci, je crois que j’ai définitivement quitté la ville, au bout de
près de 50 ans de séparation. C’est ce départ final qui est le titre de cette
lettre.
Aussi, une nouvelle fois, je me dis que
nous les Alexandrins, nous avons eu bien de la chance de connaître le lait et
le miel, avant de partir exilés, pour semer et récolter ailleurs, dans un monde
que nous voudrions libre et tolérant comme celui de notre Alexandrie d’alors,
où l’on peut aimer, engendrer et avoir chacun notre culture avec l’assurance
pour nos enfants d’une vie riche et bien remplie.
Adieu Alexandrie ! Tu as été le témoin
de mon premier éveil à l’amour, dans ce port que je quitte maintenant sans
regrets. Tu es toujours dans mon cœur telle je t’ai connue alors, même si tu
n’existes plus réellement que dans mon esprit avec tous les parfums et la
multitude de sensations de mon vécu d’homme dont tu as été le premier témoin
affectueux et attentif.
Adieu Alexandrie !
Joe
Ninio
Monte
Carlo le 12 janvier 2003
30/06/2008
HOMMAGE A
DEUX TRES CHERS AMIS
QUI VIENNENT
DE DISPARAITRE
Lorsque,
en novembre 1956, nous avons été expulsés d’Egypte et que nous sommes venus
nous installer en France, nous avons été subitement séparés de tous nos amis
sans savoir ce qu’étaient devenus les uns et les autres. Mais, très rapidement,
nous avons pu localiser la plupart d’entre eux. Certains se trouvaient
également en France et d’autres, en
Israël, Grande Bretagne, Brésil, Argentine, USA, Suisse, Italie, Belgique, etc.
Mais nous avons recherché pendant une cinquantaine d’années nos très chers amis
Odette et Isaac Simon, sans résultat. Puis,
le 5 janvier 2006, j’ai reçu ce mail :
Bonjour monsieur Pardo,
Mireille Galanti m'a passé votre site et je dois vous avouer que je suis bien impressionnée. Que d'information, d'histoires qui font chaud au coeur, quelle belle poésie, que de souvenirs....c'est toute mon enfance qui défile devant mes yeux lorsque je lis certains des textes.
Je
m'appelle Rosy Simon Schwartz, de
Grâce à des sites comme le vôtre, on se retrouve tous petit à petit, quoique dispersés à travers le monde. Et c'est pour cela que je vous remercie d'avoir monté votre site internet! Vous nous permettez de partager quelques souvenirs, quelques pensées, de la poésie et quelques bonnes recettes.
Félicitations, encore, pour ce merveilleux site!
Bien sincèrement.
Rosy
Auquel j’ai répondu ceci :
Chère Rosy,
Je vous remercie de votre mail qui m'a bien fait plaisir. Il est toujours agréable de constater que ce que l'on fait est utile et apprécié.
Mais avant de poursuivre mon écriture, je vais vous poser une question très importante pour moi :
Ma
femme et moi, nous avions au Caire des amis très chers, Isaac et Odette SIMON
qui habitaient
Et je reçois par retour ce mail :
Et
oui, je suis 1 des 2 enfants d'Isaac et Odette Simon de
Chacun peut
s’imaginer notre joie et notre bonheur de retrouver un couple de
très chers amis,
recherchés pendant un demi-siècle !!! Et,voici le mail qui suit:
Comme
je vous l'ai dit hier, j'ai rencontré mes parents et je leur ai lu votre
mail. Vous auriez dû entendre les cris et "non, ce n'est pas
possible!". Ma mère a eu les larmes aux yeux et papa était très ému,
il ne savait pas quoi dire au début. C'était la plus belle scène que j'ai
vu depuis longtemps!! Maman a dit: "oh, la, la, ce sont les
belles années du Caire qui sont en train de
défiler devant moi, que de souvenirs!". Ils regrettent tous
les 2 d'avoir perdu contact avec vous et votre femme. Mon frère, Albert,
qui était avec nous aussi hier, s'est bien rappelé de vous….(etc.etc.)
Vous vous doutez évidemment de la suite….
Mais, hélas, voici un mail que j’ai reçu ce 9 mai 2008 : après 50
années de séparation : nos
retrouvailles n’ont duré que 28 mois….
Bonjour Albert,
Je vous écrit pour vous annoncer malheureusement 2 mauvaises nouvelles. Maman est décédée le 6 février dernier et papa lui aussi le 24 avril. Ceci a été un terrible choc pour nous parce qu’ils n’étaient pas malades et leur mort est arrivée très subitement. Maman est rentrée à l’hôpital le 25 décembre parce qu’elle ne pouvait pas rester debout et elle était prise d’une grande faiblesse. Le diagnostic était une tumeur extrèmement aggressive au cerveau, qui l’a emportée en 1 mois et demi. Papa, qui n’avait jamais été séparé de sa femme depuis 62 ans, s’est retrouvé du jour au lendemain dans une maison de retraite parce qu’il ne pouvait pas habiter ni chez mon frère ni chez moi à cause de sa paralysie et à cause des soins dont il avait besoin. Le pauvre homme n’a pas duré plus de 2 mois sans maman et le 24 avril, au milieu de la fête de Pessach, j’étais avec lui, tout était normal et puis soudain il a eu une infarctus qui l’a emporté en 4 minutes, comme ça...soudainement et sans aucun signe. Pour maman, mon frère et moi étions à ses côtés et pour papa, j’étais aussi là pour lui. Nous remercions le bon Dieu qu’ils n’étaient pas seuls.Je vous envoie ci-attaché, le petit discours que mon frère a prononcé pour chacun de nos parents. J’ai pensé vous le envoyer puisque vous étiez amis de si longue date
Rosy
Simon Schwartz ;
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Nous nous joignons de tout cœur
à l’Hommage qu’Albert SIMON a écrit à chacun de ses parents, nos très
chers et regrettés Odette et Isaac SIMON dont nous n’oublierons jamais la gentillesse, la bonté et l’affection.
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
Le 8 février 2008.
Odette Simon, décédée le 6 février 2008
Nous avons eu la chance, ma sœur et moi,
d’avoir eu notre mère longtemps avec nous. Ma mère, elle, n’a pas eu cette
chance. Elle et ses deux sœurs ont perdu leur mère lorsqu’elles étaient encore
enfants à Alexandrie, en Égypte .De son enfance à Alexandrie, au bord de
Elle a épousé mon père au Caire en 1945, un
mois et demi après la fin de la guerre, un 24 juin. Elle n’avait pas tout à
fait 22 ans. Il en avait trente.
Il m’est arrivé de penser, il y a un an ou
deux, que, contrairement à l’image de maturité des parents que je me faisais
lorsque j’étais enfant, j’avais été élevé par une très jeune femme de 23 ans.
Nous avons grandi, ma sœur et moi, avec
elle, mon père et mes grands parents, dans un petit appartement de quatre
pièces avec 3 grands balcons et 5 fenêtres donnant sur une rue à la circulation
intense, pleine de monde, d’odeurs, de bruit, de poussière et de soleil. Ma
mère veillait à tout, s’occupait de tout et adorait sortir, le samedi soir,
pour aller danser avec mon père et leurs amis, le plus souvent en plein air, au
bord du Nil.
C’est l’image qui reste de cette période de
grande simplicité et d’innocence qu’ont été les années 50. Elle est arrivée à
Montréal à l’âge de 40 ans, en 1963 et a continué à s’occuper de tout à
Il y a eu de nouveaux amis, il y a eu de
nouvelles sorties et, toujours, pour tous ceux qui étaient autour d’elle, il y
avait sa générosité et son grand cœur. On dit que les gens honnêtes ne parlent
jamais d’honnêteté et je peux dire que, dans son cas, je ne l’ai jamais
entendue parler de générosité. Il lui était inconcevable, je crois, d’être
autrement, inconcevable pour elle qu’avoir du cœur et donner librement pouvait
être autre chose que naturel.Un peu comme les poissons qui vivent dans la mer et vivent de la mer mais qui, en réalité, ne
voient jamais
Et, plus tard, beaucoup plus tard, il y a
eu Michelle, sa petite fille qu’elle a tant aimée comme elle seule savait le
faire, sans retenue.
Et un jour, lorsque mon père, à l’âge de 81
ans, a eu un ACV et s’est retrouvé handicapé et totalement dépendant, elle a
fait la seule chose qui lui était naturelle. C’est ainsi qu’à l’âge de 73 ans,
là où la plupart des gens pensent à se reposer, elle a décidé, tout
naturellement, de prendre soin de lui et a persévéré pendant plus de onze ans,
à travers des obstacles qui semblaient souvent insurmontables, pour leur
permettre de continuer à vivre ensemble.
Voici
un tout petit poème en anglais de Ernest Dowson.
They are not long, the weeping and the laughter,
Love and desire and hate;
I think they have no portion in us after
We pass the gate.
They are not long, the days of wine and roses:
Out of a misty dream
Our path emerges for a while, then closes
Within a dream
Et
le sage, voyant que la vie est faite de choses qui naissent, de choses qui
mûrissent et d’autres qui ne sont plus, se répétait : « La sagesse, c’est
simple dans le fond, c’est laisser croître et nourrir ce qui naît, c’est savoir
savourer ce qui est mûr et savoir aussi, malgré toute la peine, laisser aller
ce qui n’est plus. »
Le 28 avril 2008
Isaac Simon,
décédé le 24 avril 2008.
On demandait souvent à mon père où il avait
appris à parler tant de langues. Né en 1915, pendant la première guerre, il a
grandi en Égypte, colonie anglaise à cette époque et a fait toutes ses études
en français à l’école des Frères.
Ses parents, qui étaient nés en Grèce,
avaient quitté l’Europe pour fuir la guerre et s’établir au Caire. Ils
parlaient naturellement le grec, que mon père a appris grâce à eux, mais
surtout l’espagnol à la maison, la langue de leurs ancêtres qui avaient fui
l’cœur à la fin du 15ème siècle, comme tant d’autres juifs, à cause
de l’inquisition, pour s’établir dans tout le bassin de
Il jouait avec ses copains de classe en
français, s’amusait avec ses nombreux cousins et cousines en grec ou en français,
achetait ses choses en arabe et racontait le tout à ses parents en espagnol.
Et, adulte, il a travaillé en anglais et en arabe pour une banque anglaise au
Caire.
À la fin de la seconde guerre, à 30 ans, il
a épousé Odette qui en avait 22, un 24 juin. Mon père disait souvent que tout
le Québec célébrait, chaque année, leur anniversaire de mariage ce jour-là et,
cette année, ils auraient célébré leur 63ème anniversaire de
mariage. Il a quitté l’Égypte en 1963, à l’âge de 48 ans, pour s’établir à Montréal
avec son épouse, ses deux enfants et ses parents.
Ceux qui ont connu mon père durant les
dernières années de sa vie ont vu un homme physiquement diminué et sévèrement
handicapé depuis un AVC subi en 1996 mais ils ont tous remarqué son sourire
accueillant et ses grands yeux expressifs. Il se dégageait de lui une
impression de grande douceur, de profonde sensibilité et de bonté.
Mais sous cette apparence existait un
immense courage face à l’adversité et une détermination que peu de gens ont
connus. Emprisonné et immobilisé dans un corps qui, depuis 12 ans, était devenu
son plus grand fardeau, il n’a jamais imposé aux autres ses souffrances ni sa
détresse de se voir si dépendant.
Jour après jour, il surmontait des
difficultés incroyables pour accomplir de simples gestes quotidiens et il
réussissait quand même à conserver son moral en nous faisant rire avec ses
histoires. Personne n’a vraiment su d’où elles provenaient ni comment il
faisait pour s’en rappeler.
Sa vie, cependant, était indissociable de
celle de ma mère et son décès, il y a un peu plus de deux mois a eu un effet
irréversible sur lui, beaucoup plus important qu’il n’en laissait paraître.
Lorsqu’il a été la voir à l’hôpital, une
semaine avant qu’elle ne décède, il était au courant de la gravité de son cas
et il nous a donné à tous une autre preuve de son courage, à un niveau que nous
ne soupçonnions pas.
Lorsque j’ai roulé son fauteuil près du lit de ma mère, ma
cœur et moi avons vu leurs visages s’illuminer d’un grand sourire de surprise
et de joie. Mon père lui a dit, comme il en avait l’habitude «’Zzayyék ya
bétt ?» (Comment vas-tu, la p’tite ?) Son lit était relevé et elle
pouvait s’approcher du bord, la tête appuyée sur des coussins. Ayant de la
difficulté à parler, elle a murmuré des mots, et, main dans la main, il a
continué à lui parler de petites choses, lui montrant qu’il avait lui aussi les
mêmes taches aux mains qu’elle ou lui demandant si elle aimait la chemise qu’il
portait. La plupart du temps elle répondait par des murmures, puis elle a tendu
la main pour boutonner le chandail qu’il portait, comme elle avait
l’habitude de le faire pour lui. Je sais
qu’il avait dû avoir tout un choc en la voyant dans l’état où elle était mais
il n’était animé que par son courage et par la joie de la revoir.
Il lui a raconté l’histoire de Goha qui, un soir,
voulant voler des dattes, a grimpé jusqu’au sommet d’un dattier. En arrivant en
haut, il se trouve nez à nez avec le propriétaire de la plantation qui
l’attendait dans l’arbre et qui lui demande «Qu’est-ce que tu fais
ici ?» Et Goha lui tend de la monnaie et lui répond «Eddina neckla
balah’» (Je veux acheter des dattes pour 2 millièmes). «Tu te rappelles des
neckla ?» lui a demandé mon père. Incapable de réagir, ma mère a continué
de le regarder attentivement.
Mon père s’est tourné vers moi et m’a demandé alors si je me
souvenais de l’hôpital israélite du
Caire et il nous a dit qu’au dessus de la porte principale, il y avait une
inscription où l’on pouvait lire ceci : « Ne me dis ni ta race, ni ta couleur,
mais seulement ta douleur ».
En terminant, je voudrais lire, pour lui,
un poème qu’il aimait beaucoup, Le Vase brisé de Sully Prud’homme. Il le
connaissait par cœur depuis l’école et il m’en avait parlé récemment, il y a
deux ou trois semaines. Peut-être voulait-il nous dire avec ce texte toute la
peine qu’il éprouvait.
Le vase brisé
Le vase où
meurt cette verveine
D’un coup
d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut
l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne
l’a révélé.
Mais la légère
meurtrissure,
Mordant le cristal
chaque jour,
D’une marche
invisible et sûre
En a fait
lentement le tour.
Son eau fraîche
a fui goutte à goutte,
Le suc des
fleurs s’est épuisé ;
Personne encore
ne s’en doute ;
N’y touchez
pas, il est brisé.
Souvent aussi
la main qu’on aime,
Effleurant le
cœur, le meurtrit ;
Puis le cœur se
fend de lui-même,
La fleur de son
amour périt ;
Toujours intact
aux yeux du monde,
Il sent croître
et pleurer tout bas
Sa blessure
fine et profonde ;
Il est brisé,
n’y touchez pas.
SOUVENIR
D’UNE JEUNE ADOLESCENTE D’EGYPTE
C’ETAIT PAR UNE
BELLE JOURNEE DE PRINTEMPS, J’AVAIS RENDEZ VOUS AVEC MON PETIT AMI QUI VENAIT
D’ACHETER UNE « HARLEY DAVIDSON ». (J’AVAIS 17 ANS IL EN AVAIT 24).
NOUS AVONS FAIT
AVEC LE TOUR DE
J’ETAIT TOUTE
HEUREUSE ET FIERE D’AVOIR CETTE PUISSANCE DANS MA MAIN, MAIS SON SOUFFLE
DANS MON DOS ME DONNE UNE DROLE DE SENSATION QUE JE N’AVAIS JAMAIS SENTI, JE
SENTAIT MON CORPS FREMIR ET JE N’ARRIVAIS PAS A CONDUIRE DIRECTEMENT, CE QUI A
EU POUR CONSEQUENCE DE NOUS JETER SUR
NOUS NOUS TORDIONS
DE RIRE NOUS LES DEUX ET D’UN GESTE IMPULSIF IL M’ENLACE ET ME DONNE LE PLUS
BEAU ET PREMIER BAISER QUE J’AI RECU, J’EN ETAIS TOUTE CHAVIREE,
THRILLER :
SOUDAIN SORT D’UN BUISSON UN CHAWICH AUX LONGUES MOUSTACHES, NOUS DEVISAGE, ET
DIS A MON COPAIN, JE T’ARRETE CAR TU AS EMBRASSE CETTE JEUNE DEMOISELLE,
MAMNOUU.(INTERDIT)
NOUS ETIONS
ALORS LE CHAWICH
LUI DIT « DONNE MOI DIX PIASTRES ET JE N’AI RIEN VU ».
NOUS AVONS TOUS
LES 3 ECLATES D’UN BON RIRE ET LUI AVONS REMIS LES 1O PIASTRES .
BOOGUY
par Marie Mosseri
(Troisième Partie)
Mon mari n’était pas téméraire, ni même courageux. C’est moi qui
prenais les décisions, les initiatives. Je quittai donc le dortoir, suivie des
miens et d’une autre famille égyptienne. Dans l’entrée, se trouvaient de
grandes caisses contenant les biens que tous les immigrants emportaient avec
eux. Je m’installai sur l’une d’elles avec mes deux grandes filles. Mon mari,
épuisé, s’allongea sur les magnifiques dalles de marbre près de la grande
porte-fenêtre qui était ouverte. Ma plus jeune fille s’endormit sur son bras.
On ne distinguait rien, il faisait nuit noire.
J’ouvris les yeux au lever du
jour. Je commençai à apercevoir les contours de
Le « kapo » descendit pour connaître la raison de
mes cris, et voyant le chat mort me dit : « Pourquoi n’êtes-vous pas
restés dans le dortoir ? ». Je me disputai avec lui :
« Comment osez-vous nous mettre avec des personnes atteintes de teigne, de
trachome et autres maladies ? »
Nous étions en pleine
altercation quand nous entendîmes un gros « boum ». Mon mari partit
s’informer sur l’origine de ce bruit, et revint nous rassurer ; ce n’était
qu’une grosse caisse appartenant à un voyageur qui était tombée de
Nous nous rendîmes dans cette
pension, accompagnés de l’autre famille égyptienne, qui comme nous, n’avait pas
utilisé le dortoir. Mon mari, très douillet, ne voulant rien soulever, je me
chargeai de mettre les valises dans l’ascenseur et de les monter au cinquième étage. On nous
installa, ainsi que l’autre famille, dans une chambre spacieuse avec douche.
Nous pûmes y rester jusqu’au départ pour Israël organisé par l’Agence Juive.
Ils nous indiquèrent un restaurant où nous pourrions prendre un repas chaud le
midi. Il était possible de monter dans la chambre des aliments qui ne
nécessitaient pas de cuisson, pour le matin et pour le soir.
Arrivés au restaurant, je retrouvai
la jeune maman polonaise, toujours vêtue de son manteau de fourrure et
accompagnée de son bébé. Je lui demandai où ils étaient logés. Elle m’indiqua
qu’ils étaient au-dessus du restaurant. Je m’informai alors du prix qui leur
était demandé et elle me répondit
qu’elle l’ignorait, les frais étant réglés par l’Agence Juive. En fait,
Quelques temps après, on
nous fit faire nos bagages et prendre le train à la gare de Rome à destination
de Bari, un port du sud de l’Italie, sur l’Adriatique. Ce train n’était pas
étudié pour le transport de passagers et ne comptait que quelques bancs. La
majorité des voyageurs était debout. Le train roula toute
Le matin, le train s’arrêta
enfin en pleine campagne, non loin d’un champ brûlé par le soleil. Deux jeunes
Egyptiens d’origine italienne descendirent dans l’espoir de trouver de l’eau
pour les enfants. Ils marchèrent
longtemps avant de trouver une cabane. Ils demandèrent de l’eau pour de jeunes
enfants juifs se rendant en Israël. Les paysans furent surpris de voir que ces
gens n’avaient pas de queue. On leur avait toujours dit que les Juifs avaient
une queue !
Quelques heures après, ils
ramenèrent l’eau. Nous sommes restés toute la journée dans ce train, sans
manger, sous un soleil de plomb.
Ce n’est qu’au crépuscule que nous avons pu embarquer. Nous fûmes installés près des cales, dans des
dortoirs où nous dormions tous ensemble, hommes, femmes, enfants. Mais cette
fois, épuisés, nous nous contentâmes de ce que l’on nous proposait.
Le voyage a duré cinq jours,
durant lesquels nous ne sortions que quelques minutes sur le pont pour respirer
un peu d’air, puis nous retournions à
nos couchettes. Les Polonais n’étaient pas avec nous dans le bateau. Il n’y
avait que des sépharades – Egyptiens, Tripolitains…
A proximité de Yaffo, le
bateau s’arrêta en pleine mer, et nous
regagnâmes la terre ferme à bord de chaloupes. Nous arrivâmes sur des ruines,
où nous fûmes fouillés comme des voleurs. Notre argent et nos bijoux furent
répertoriés.
On nous transporta en camion
jusqu’à Betlid, près de Natanya. Les Arabes appelaient cet endroit Bet El
Aarav, en français, « la maison des scorpions ». A l’époque,
c’était un désert. Le camp était rempli de tentes de couleur vert foncé. On
nous attribua une grande tente, dans laquelle étaient disposés six lits, car un
cousin s’était joint à nous. Dès notre entrée, mon mari s’assit sur le premier
lit, et se mit à pleurer toutes les larmes de son corps. Il était effondré,
persuadé qu’il mourrait ici même.
Cette première nuit fut
effroyable, non seulement parce que mon mari pleurait, mais aussi à cause des
bruits occasionnés par les déplacements des scorpions, des serpents et des
lézards sur
Ma sœur, que je n’avais pas
revue depuis seize ans, habitait Haifa. J’avais dix ans lors de son départ. Je
laissai donc mes deux grandes filles
avec mon cousin, et pris la route en direction de l’arrêt de bus, accompagnée
de ma fille de cinq ans et de mon mari défaillant. Lorsque nous arrivâmes chez
ma sœur, tous nous regardèrent
abasourdis, nous reprochant : « Pourquoi avez-vous quitté la
tente ? Vous risquez de perdre tous vos droits ! ». Nous savions
effectivement que le fait de quitter la tente signifiait que nous refusions
l’aide de l’Agence Juive, et que par conséquent, il ne nous serait pas attribué
de logement, ni d’autres avantages. Je répondis que je n’avais pas eu le choix,
mon mari ne cessant de pleurer depuis notre arrivée…
Nous avions de l’argent, mais
à quoi nous servirait-il dans ce désert qu’était Betlid ? Nous n’avions
que ce qui était distribué dans le camp. Le matin nous faisions la queue pour
recevoir le petit déjeuner qui nous était servi dans un gobelet à la propreté
douteuse et dans un plat en aluminium. Mais avant d’arriver au guichet, nous
assistions aux affrontements entre Polonais et Marocains. Et nous étions un peu
perdus dans ces accrochages car nous ne faisions partie d’aucun groupe. Les
Marocains sortaient leurs couteaux, et menaçaient de tuer les Polonais. Ceux-ci rétorquaient
« Maroco sakin ». Le problème était que les Polonais avaient des
protections et qu’ils étaient mieux servis ; ils
passaient avant les Marocains qui eux ne se laissaient pas faire.
Nous étions piétinés avec nos
enfants, dans ces affrontements jusqu’à ce que nous arrivions au guichet. Car
nous faisions tous la queue, même les enfants, parce qu’une personne ne pouvait
emporter que sa ration. On nous jetait dans l’assiette un morceau de fromage
fabriqué avec la poudre de lait, une cuillerée de confiture faite de pommes de
terre ou de carottes avec du colorant alimentaire rouge, et deux tranches de
pain. Dans le gobelet, on nous servait du thé. Les enfants, jusqu’à l’âge de
cinq ans recevaient un œuf.
Chacun s’installait dans un endroit pour avaler ce repas. Nous n’avions
pas connu les camps de concentration, et n’avions donc pas l’habitude de ce
genre de nourriture. Nous venions d’un pays où
celle-ci était abondante et de
bonne qualité. Il nous était donc difficile de nous contenter de ces repas. Je
sermonnai mes enfants : « Racheline, Caroline, Viviane, si vous ne
mangez pas, vous allez mourir ; il n’y a rien d’autre, on ne peut rien
acheter ».
Donc, lorsque nous sommes
arrivés chez ma sœur, son mari fut un peu effrayé de nous voir, car il était
riche, mais avare. Ils nous invitèrent pour le repas du midi, mais nous
encouragèrent à retourner au camp. Vita me prit à part et me dit :
« Je ne bougerai pas d’ici. Dis-leur que j’ai subi une sérieuse
intervention, que j’ai besoin de soins, qu’il m’est impossible de vivre sous
cette tente et de manger les repas qu’ils nous servent ». Je transmis donc
le message à ma sœur Allegra qui fut très gênée. Elle était de celles qui
dépendent du mari et obéissent sans discuter à leurs paroles -contrairement à
moi, dont les gens disaient : « Les femmes d’Egypte sont très fortes
et très autoritaires ». Elle dit quand même à son mari, d’un air pas
très convaincu : « Qu’il reste, s’il ne peut retourner au
camp ! ».
Mon beau-frère, honteux, ne
pouvait refuser car nous étions des immigrants et il devait se montrer accueillant. Comme ils
s’inquiétaient pour mes enfants, je leur dis que j’étais tranquille pour elles,
le cousin avec lequel je les avais laissées étant comme un frère.
Le soir, je repris la route
avec ma fille. Un premier bus m’amena à la gare centrale de Haifa où je repris
un bus Eged en direction de Betlid. J’étais vraiment très courageuse. Lorsque
j’arrivai, il faisait nuit noire. On m’indiqua la direction du camp. J’avançai
seule avec ma fille, dans le noir, sans voir où j’allais, accompagnée du cri
des grillons, jusqu’à ce que j’aperçoive au loin la lumière d’un lampion qui
indiquait l’entrée du camp. Ne sachant plus où se trouvait ma tente, les
gardiens m’y menèrent. Je trouvai mon cousin et mes filles qui demandèrent leur
père ; je leur dis qu’il ne voulait pas revenir. Je passai donc une
seconde nuit dans cette tente à entendre les griffes des gros lézards et la
marche des scorpions. Et une fois encore je ne dormis pas et surveillai
qu’aucune bête ne vint piquer mes enfants…
Le matin, il y eu de nouveau
des disputes entre Marocains et Polonais, cette fois pour la queue en direction
des douches communes. Il y avait également les Tripolitains toujours enveloppés
de noir et toujours munis de leur pot de chambre ; nous ne pouvions communiquer avec eux, leur
langage étant très différent du nôtre.
Dès que les rayons du soleil
tapaient sur les tentes, elles se
transformaient en véritables fournaises,
à l’odeur irrespirable à cause du produit dont la toile était enduite afin de
l’imperméabiliser. Nous devions nous
laver régulièrement.
Je me retrouvai seule avec les enfants dont il fallait que je
m’occupe entièrement. Je ne les laissai pas non plus se rendre aux toilettes
seules, depuis qu’un homme avait laissé tomber son portefeuille avec tout son
argent dans les cabinets turcs auxquels nous n’étions pas habitués. Je ne sais
si ce pauvre homme qui pleurait et criait réussit à récupérer son seul bien,
mais je l’espère… Je craignais toujours qu’une de mes filles ne tombe dans le
trou.
Trois fois par jour, il nous
fallait faire la queue pour recevoir nos repas ; c’était la même chose
pour les douches, et nous assistions à chaque fois aux violentes altercations
entre Marocains et Polonais. Nous étions entourés de gens différents de nous.
Et ces Tripolitains tout droit sortis des grottes !... Je n’imaginais pas
qu’il existât des Juifs de cette espèce,
et qu’un jour je vivrais en communauté dans le même camp qu’eux. Qu’étions-nous
venus faire ici ?
Le dixième jour, j’entendis
les enfants crier « Papa est venu ! Papa est venu ! »
et je vis mon mari arriver en pleurs. Il
était parti en pleurs, et revint en pleurs. Il m’expliqua que mon beau-frère et
ma sœur lui avaient fait comprendre qu’il était resté assez longtemps chez eux,
et qu’il était temps pour lui de rejoindre sa famille, lui suggérant que nous
pourrions aller chez Julia, mon autre sœur qui habitait à Jérusalem, et avait
un grand appartement dont certaines pièces étaient inoccupées. Lorsqu’il arriva
au camp, il avait déjà programmé un départ pour Jérusalem.
Le lendemain, après une
mémorable nuit, nous quittions tous le camp. Nos effets personnels étaient
consignés dans un dépôt et, munis de quelques bagages, nous prîmes le bus en
direction de Tel Aviv.
A
Nous quittâmes Betlid à huit
heures le matin, et ce n’est qu’à dix- sept heures que le bus nous déposa à
Jérusalem.
Ma sœur Julia louait un
appartement dans le quartier de Roméma. A la place de l’actuel Binyanei Ha’uma,
se trouvaient trois maisons au toit rouge dont les propriétaires étaient des
Arabes. On nous indiqua le chemin pour nous y rendre. Julia ignorait notre
présence en Israël. A proximité de la maison, des voix nous parvinrent d’une
véranda et je reconnus immédiatement sa voix
que je n’avais pas entendue depuis l’âge de sept ans. Je me précipitai
vers la véranda en criant : « Julia ! ». Surprise, elle se retourna, n’en croyant pas ses yeux.
Nous tombâmes dans les bras l’une de l’autre.
Nous fûmes très bien
accueillis chez Julia qui nous reçut à bras ouverts. Effectivement,
l’appartement, très spacieux, comprenait une vaste entrée et cinq chambres
immenses, dont deux étaient vides.
Je lui présentai le cousin
Richard, fils de l’oncle Vita qu’elle connaissait bien. Elle nous hébergea tous
de bon cœur, heureuse de nous retrouver. Au bout de quelques jours, il fallait
que je ramène toutes les caisses que nous avions laissées en dépôt au camp. La
plupart des meubles et bibelots avaient été vendus en Egypte. Les seuls objets
que nous avions gardés étaient la pendule, cadeau des patrons de mon mari à
l’occasion de notre mariage, et ma machine à coudre. Le reste était des
vêtements, les ustensiles et les différentes vaisselles en porcelaine :
celle de Pâque, celle pour le lait, la viande et autres choses encore…
Lorsque les caisses arrivèrent
chez ma sœur, mon mari, m’en désignant une, me dit : « Marie, je dois
te préparer, car dans cette caisse, tout doit être cassé. Il s’agit de la
caisse qui est tombée de la véranda dans la villa de Monte Mario. Je n’ai pas
voulu te le dire pour ne pas te contrarier ».
Nous avons donc ouvert cette caisse dans laquelle se trouvait la
pendule qui était restée en bon état car nous l’avions protégée avec des
couvertures de laine, ainsi que la machine à coudre dont chaque pièce était
enveloppée d’une couverture. Tout le reste, en majorité des porcelaines, était
fichu… ( finito la musica et pasata la festa !) Je lui étais
reconnaissante de me l’avoir caché, car j’étais suffisamment contrariée ;
cela m’aurait fait vraiment mal inutilement. Mais à présent, après être sortis
de toutes les difficultés et avoir surmonté
tant d’obstacles, cette vaisselle cassée me paraissait bien
négligeable…
Nous sommes restés quelques
temps chez ma sœur. Son mari était un cousin à nous, mais il était
insupportable. Sous prétexte que j’étais chez lui, il me considérait comme
étant sa propriété, il me suivait dans tous mes déplacements, était présent et
participait à tout ce que j’entreprenais. Mon mari le prenait très mal.
J’envisageai alors la possibilité de nous installer chez ma sœur aînée, du côté
de mon père, Fortunée, qui demeurait à Jérusalem.
Elle habitait une villa avec
sa famille, près de l’ancien Hôpital Chaare Tsedek. Le sous-sol de la villa
était agrémenté de deux vastes chambres communicantes. On y accédait par une
porte donnant dans le jardin. Nous y avons vécu pendant quatre ans, et c’est là
que mon fil Yossi est né, avant que l’on nous octroie un chicoune par
protection. Ce chicoune nous fut attribué à Kfar Ata, grâce à un ami d’Egypte
de mon mari qui y demeurait, Albert
Goldman, et qui travaillait avec lui à l’Hôtel King David.
Lorsque le King David fut
réouvert, après la guerre, ils recherchaient de bons éléments ayant une bonne
présentation et parlant plusieurs langues. Mon mari correspondait parfaitement
aux critères. Il était très élégant, et parlait le français, l’italien,
l’arabe, l’anglais et apprenait l’hébreu.
Il fut engagé pour le poste
de chef caissier à
Il travailla au King David jusqu’en 1956. Au moment de la guerre du
Sinaï, des balles furent tirées de
Par la suite, les clients
évitèrent cet hôtel, qui fut fermé un certain temps.
Mon mari était un homme très
élégant, et très courtois ; cependant, il éprouvait des difficultés à
s’adapter à un nouveau poste et n’était pas très entreprenant. Mais surtout, il
n’y avait pas beaucoup de métiers qu’il eût pu pratiquer. C’est pour cette
raison qu’il avait accepté ce poste très mal payé au King David. Il est vrai
qu’il était toujours très chic en smoking et
nœud papillon, mais son salaire n’était pas suffisant pour nous nourrir.
Lui, bien sûr prenait ses repas à l’hôtel, bien que les mets qu’on leur servait
étaient loin d’être succulents. Certains clients s’en plaignaient. Il est vrai
que depuis la création de l’Etat d’Israël,
il n’y avait plus de véritable personnel hôtelier dans cet hôtel. Les
employés n’étaient pas qualifiés. Ils étaient embauchés sur le seul critère
d’une bonne présentation.
Une cliente française se
plaignit un jour : « Qui parle le français dans cet
hôtel? ». Mon mari accourut : « Oui Madame, quel est le
problème ? ». Elle lui dit : « Dites-moi, que vous nous
donniez à manger de la m…, je comprends, mais faites au moins l’effort de bien
la présenter »…
Même si le repas de midi
n’était pas savoureux, mon mari en profitait. Mes enfants et moi ne l’avions
pas. Lorsqu’il me remettait son salaire de 40 £, je commençais par rembourser
l’argent emprunté à mon beau-frère pour payer nos rations car tout était
rationné. Le seul aliment qui ne l’était pas, qui a toujours été très beau et
très bon, et que nous pouvions acheter à volonté, était le pain. Nous avions
droit à deux œufs par personne et par semaine, sauf les enfants qui n’avaient
pas encore cinq ans et qui recevaient un
œuf chaque jour. C’est dire qu’il nous fallait jongler avec nos œufs pour
nourrir toute la famille… Il n’y avait presque pas de fruits, très peu de
légumes, des aubergines l’été et l’hiver des choux.
C’était très difficile pour
nous qui avions connu l’abondance. En Egypte, nous allions au marché avec 10
piastres et achetions un gros poulet, du poisson, des légumes et des fruits
pour le chabbat. Ici avec 10 £ sterling qui avaient la même valeur, nous
n’avions rien. Chaque semaine, nous étions informés par la presse des
changements dans les quantités des rations. Mon cousin était militaire et
vivait avec nous. Nous étions donc sept personnes ; et si la ration était,
par exemple, de cent grammes par personne, nous pouvions acheter un poulet
vivant de sept cents grammes. Il arrivait qu’en prévision des fêtes, nous
achetions le poulet quelques jours avant et le nourrissions pour l’engraisser.
Nous avions le choix entre le
poisson et le poulet, mais en aucun cas n’étions autorisés à prendre les deux.
Le poisson arrivait congelé de Turquie, mais il suffisait de le voir, et d’en
sentir l’odeur pour nous dissuader d’en manger. Cependant, un jour rassemblant
les tickets de ration de toute la famille, j’achetai un gros poisson pour le
chabbat. Ma cuisine était une petite cabane en préfabriqué qui se trouvait dans
le jardin. Je nettoyai le poisson, et le laissai dans l’eau salée sur la table
de
Pour le premier Kippour que
nous avons passé en Israël, on nous avait attribué des rations de poulet plus
importantes. Nous n’avions pas la possibilité de faire nos achats chez le
commerçant de notre choix. Chaque commerçant avait une liste de noms, et nous
devions nous rendre chez celui dont nous dépendions. J’étais enceinte de mon
fils Yossi, le quatrième de mes enfants.
Je me suis donc rendue chez
le marchand de poulets où je trouvai une queue aussi longue que celle que nous
avions faite à Tel Aviv, pour prendre le bus de Jérusalem. J’étais debout
depuis des heures, il ne restait que quelques personnes avant moi, quand
soudain le marchand ferma les portes de sa boutique. Il n’y avait plus de
poulet. Je devais revenir le lendemain. La même scène se reproduisit trois
jours de suite. Le quatrième jour après avoir attendu quelques heures, je finis
par m’évanouir. Les personnes faisant la queue s’affolèrent : « Une
jeune femme enceinte s’est évanouie ! Apportez-lui de l’eau ! ».
Je repris connaissance et voulus rentrer chez moi. Mais tout le monde autour de
moi décida de me laisser passer pour prendre mon poulet. C’est ainsi que je
réussis à ramener pour ma famille, le fameux poulet de Yom Kippour.
Ce fut une dure expérience
pour moi qui venait d’un pays d’abondance, où les années de guerre et de manque
en Europe étaient des années prospères en Egypte. Je n’avais plus de
domestique. J’étais seule pour m’occuper des enfants, de l’entretien de la
maison et des différents achats.
En ce qui concernait les
légumes, on ne trouvait chez les marchands que le légume qui était de saison. A
la période du chou, on ne trouvait que des choux. Au moment des aubergines,
seule une montagne d’aubergines trônait dans la boutique du marchand. Bien
entendu, on nous disait que les aubergines étaient très bonnes pour
En clair, nous devions nous
contenter de fromage fabriqué à base de poudre, et d’aubergines en guise de
foies de poulets… Nous avions aussi des rations de poudre d’œufs. Au début je
ne savais comment l’utiliser. Mais je finis même par faire des gâteaux avec
cette poudre d’œufs. Je n’étais pas un cordon bleu, pas même ce que l’on
appelle une « femme d’intérieur » puisqu’en Egypte, ma domestique se
chargeait de tout : les achats, l’entretien de la maison,
Le rationnement a duré
environ cinq ans depuis notre arrivée en 1949. Tout était rationné, les
tomates, le café, le sucre, la farine et même les langes de bébés. Il fallait
toujours penser, réfléchir, tout peser, calculer pour nous en sortir avec ce
rationnement.
Mon mari ignorait tout de
cela. Il était toute la journée dans ce palais « Le King David » où
descendaient les plus grandes personnalités en visite en Israël, comme Winston
Churchill par exemple. Il arrivait que des amis et des cousins éloignés de mon
mari, venus d’Egypte, en visite à Jérusalem, sachant que mon mari travaillait
au King David, aillent le voir. Ils étaient
tous très impressionnés par son élégance, son smoking, son nœud
papillon. Lui, ne voulant pas être gêné dans son travail, les envoyait à
Contrairement aux Européens,
nous avions pour coutume de recevoir à notre table tous les invités de passage.
Tous me complimentaient sur les fonctions de mon mari dans cet hôtel de haut
standing, au luxe tapageur, et me disaient : « Ma chère ! Ton
mari est assis sur le siège de Rothschild » !
Peu m’importait ! Je ne
voyais rien de tout ça.
Moi, j’étais dans mon deux-
pièces au sous-sol de la villa de ma
sœur. On y accédait par une porte donnant dans le jardin, puis en descendant
quelques marches on arrivait dans ma chambre, dans laquelle donnait celle des
enfants. J’avais décoré avec amour ces deux pièces, recouvrant les dalles du
sol de tapis ramenés d’Egypte, les fleurissant régulièrement avec les fleurs
cueillies au jardin. Un des murs était percé d’un gros trou qui donnait dans la
pièce réservée aux bains rituels, car ma sœur et son mari étaient très
pratiquants. J’avais caché ce trou par un rideau assorti au tissu recouvrant
les canapés. J’avais fait de cet endroit un intérieur coquet, et joli où il
m’arriva toutefois quelques désagréments…
Dès le premier hiver, il y
eut beaucoup de neige, et un matin, au réveil, j’eus la surprise de trouver la
pièce inondée. La neige avait fondu, s’était infiltrée par le bas de la porte,
avait dévalé les marches et finit sa course sous mes beaux tapis qui s’en
imprégnaient. Je devais poser mes pieds dans cette eau glacée pour me lever
préparer mes enfants qui devaient se rendre à l’école.
Nous avions le luxe d’avoir un
puits dans le jardin, à l’arrière de
Un jour, alors que j’étais
enceinte -ma grossesse était déjà bien avancée- après avoir fait tout ce
parcours avec mon seau, je m’étalai dans l’escalier, inondant
C’est à elle que
j’empruntais chaque semaine cinq£ pour nourrir mes enfants. Tous les mois,
lorsque je recevais les quarante £ représentant le salaire de mon mari, je
devais d’abord rembourser les sommes que j’avais empruntées, payer le loyer de
huit £, et comme le reste ne suffisait pas pour un mois, je devais emprunter à
nouveau. Alors, recevoir les cousines de mon mari, qui m’ignoraient totalement
lorsque nous étions en Egypte, me contrariait au plus haut point.
Fin de la troisième partie.
30/04/2008
ROGER BOSHI
Ce poème a été écrit pour témoigner de
l'amitié qui nous a uni depuis notre première rencontre au Lycée Franco
Egyptien d'Héliopolis en 1945 et nos retrouvailles vingt ans après le
départ de Roger d'Egypte en
Le sourire de l'ami
(Poème écrit le 25
Janvier 2008)
La sonnerie, le soir le
dérangea
L'impitoyable nouvelle
l'attrista.
Son fidèle ami s'était éteint
Par une froide nuit d'hiver,
serein.
Il s'attendait à cette cruelle
réalité
Glaciale comme le temps. Il
pensait
A nouveau au passé. Tous deux
nés
En septembre de la même année
Dans cette ville ensoleillée,
située
Pas loin du Nil, leur bien
aimée
Héliopolis. Elle les avait vu
grandir
Et les larmes aux yeux partir
Pour des terres étrangères. Ils
allaient
Refaire leurs vies ailleurs,
séparés
Ils étaient restés amis. Il ne
verrait
Plus son ami, ses yeux
pétillants
De vie, son sourire doux,
avenant
Fait à chaux et ciment,
révélant
Une enfance insouciante,
heureuse
Nourrie par cette eau du Nil.
Curieuse
Destinée d'enfants qui
s'étaient
Retrouvés pour être à jamais
séparés.
Gardien vigilant de notre
amitié
Ton sourire radieux va nous
manquer.
Tous les ans réunis, terrassé
sans pitié
Par la cruelle, tu es pour
toujours parti
Après une lutte farouche. Mon
ami
Tu as résisté avec dignité,
courage
Au destin et essayé de vaincre
les ravages
Du temps, en vain. L'inévitable
vérité
A eu raison de ta
détermination, volonté.
Fidèle ami, nous te disons tous
adieux
En se souvenant de ton sourire
précieux.
Dr Elie K Mangoubi@
A MON CHER
COUSIN ROGER
"Ce petit conte que je dédie a la mémoire de Roger Boshi- dont la mère était la cousine germaine de mon père- raconte un incident réellement arrive dans sa jeunesse. Roger que j'ai toujours considéré non seulement comme un cousin mais aussi comme un grand ami, me manque déjà beaucoup. Son sens d'humour, son amitié sincère et ses conseils ont depuis longtemps fait partie de ma vie. Ou que tu sois Roger, ta mémoire nous accompagne."
Un conte d’enfance
Mimi
de Castro
Quand
nous étions enfants, on nous disait toujours que Dieu était partout et qu’il voyait
tout. L’expression « Dieu est Grand » ou « Si Dieu
veut »que nos aînés incluaient dans toutes leurs phrases et à la racine de
tout ce qu’ils entreprenaient nous accompagnait en tous moments. Nous avions
tous cette image de Dieu qui marchait à nos côtés constamment et qui
participait avec nous à chaque action.
Le petit
Roger, enfant délicat et sensible aux belles boucles châtain et aux grands yeux
rêveurs qui s’ouvraient toujours sur le monde avec surprise, digérait ces
maximes avec une foi simple et solide. Ce qui fait qu’au bout d’un certain
temps, il était convaincu que puisque le bon Dieu voyait tout et se trouvait
partout, il se devait d’être très conscient de toutes ses actions. Souvent, il
se retournait soudain afin de surprendre Dieu, pour voir s’il le suivait ou
pas.
Roger se
faisait un devoir d’agir comme Dieu s’attendait de lui mais aussi, il se
rongeait aussitôt qu’il prenait une décision qui aurait pu Lui déplaire. Le
fait est qu’au bout d’un certain temps, il s’était fait cette image de Dieu tel
un homme grand, respectable aux cheveux blancs vêtu d’un costume immaculé blanc
aussi et qui prenait des formes différentes afin de le suivre partout! Quelquefois il conduisait dans sa tête des
dialogues avec le Créateur pour s’assurer d’être dans Ses bonnes grâces.
Doué musicalement, Roger jouait du piano par
oreille et dans ces moments-là quand il réussissait à compléter un morceau de
musique, il lui envoyait une petite pensée comme pour lui
dire « Alors Tu vois, je suis bon n’est-ce pas? C’est Toi qui m’as
crée mais c’est moi qui joue cette musique! » Parfois il regardait sa
Nonna Allégra pour voir si elle se doutait de ce qui se passait dans sa tête.
Il se rassurait bien vite car dans les yeux de sa chère grand-mère, il
identifiait tout de suite l’immense amour qu’elle lui vouait. Nonna, femme de
petite taille, délicate et fragile, toujours douce et tendre avec son Roger
méritait cette place spéciale très proche du trône de Dieu.
Les
jours de sa jeune enfance s’écoulaient partagés entre l’école et la maison avec
les menus incidents qui marquaient la vie de chacun de nous. Roger craignant de déplaire à Dieu qu’il
savait partout se comportait en enfant modèle et de temps à autre risquait Sa
colère juste pour voir si la foudre ne lui serait pas tombé dessus. En dépit du
fait qu’il avait imaginé Dieu ressemblant a un vieil homme, Roger savait bien
que le pouvoir de Dieu, Sa bonté et Sa vraie forme étaient indescriptibles.
Un jour,
toutes les croyances et les craintes de Roger ont été mises à l’épreuve grâce
à un simple incident qui a commencé
lorsqu’on a frappé à la porte de l’appartement où Roger vivait, à Héliopolis
avec sa Nonna. Il est allé vers la porte pour ouvrir, mais comme on lui avait
enseigné à dire, il a d’abord demandé qui était là « Min? ». Le
silence qui a suivit ne l’a point rassuré.
Alors il a répété
plus fort « Min? » en attendant la réponse, le cœur de Roger battait
si fort que cela lui faisait presque mal à la poitrine.
Il a entendu un
vague murmure mais il s’est enhardit et mettant l’oreille sur le battant de la
porte, il a crié « Min? » encore une fois.
Plusieurs
idées lui passaient par la tête, et si c’était Dieu qui voulait le tester? Que
devait-il donc faire? Il ferma les yeux un instant et la grosse voix derrière
la porte lui ordonna « Eftah ! (Ouvre) ». Cette voix pourtant
familière ne lui faisait pas peur. Il lui semblait la reconnaître.
Roger,
paralysé par la crainte d’avoir fait une action qui aurait déplu au Seigneur,
choqué par la voix qui exigeait qu’il ouvre la porte, a d’un coup décidé que si
c’était le jour de la rétribution, eh
bien il fallait ouvrir tout de suite pour en finir! « Quand même »,
il se répétait que « si c’était Dieu, Il aurait bien pu ouvrir
Par la
suite, Roger n’a pas entendu les reproches et les commentaires faits à ce point
par l’oncle et
Reçu de Monsieur Marcel FAKHOURY,
écrivain et poète :
HOMMAGE A MICHEL BONNICI ET CLAUDIO LAFERLA
Deux anciens camarades du Collège St Marc
C’est avec émotion que, dans « Alexandrie Info No 29»,
bulletin semestriel de l’AAHA, j’ai appris la mort de mes deux camarades de classe
de l’école St-Gabriel, puis du Collège St-Marc, Michel Bonnici et Claudio
Laferla.
Sauf erreur de ma part, Michel Bonnici habitait à Cléopâtra, dans une
grande maison très coquette, avec un beau jardin fleuri. Son père avait un
poste très important dans une grande société : Lebon, je crois, ou
peut-être ailleurs.
J’habitais Sidi-Gaber el Mohatta, et j’allais à pied à l’école
St-Gabriel en compagnie de mes voisins, Edgard et Armen Adam. Le père de Michel
avait une voiture grise, et si j’ai bonne mémoire c’était une
« Renault ». C’était un homme tellement simple et courtois que tous
les matins, dès qu’ils nous voyaient partir à pied, il arrêtait sa voiture pour
nous emmener jusqu’à l’école. C’était une vraie joie pour nous, à tel point,
que nous le guettions tous les matins rien que pour le plaisir de monter dans
cette voiture.
Michel était si généreux, qu’il nous invitait de temps à autre avec
Edgard Adam, pour jouer avec lui et partager le goûter de l’après-midi ;
un goûter tellement succulent, que je sens encore l’arôme du bon chocolat et
des brioches fondre dans ma bouche. Personnellement, j’étais très admiratif
devant le faste de cette maison et du jardin.
Michel suivait des cours particuliers d’anglais et de français,
dispensés par M. Karilaous, notre ancien professeur d’anglais à St-Gabriel,
puis professeur principal à St-Marc, en classe de 1ère année
secondaire égyptienne. Nous avons perdu le contact à ce moment là, car Michel a
suivi la section française et moi, la section égyptienne.
Je me souviens
de l’un de ses frères, peut-être s’appelait-il André ? En 1949, pendant un
cours de récréation, il nous avait montré un transistor et fait écouter de
frères, souhaitait devenir frère des écoles chrétiennes ! L’est-il
devenu ? Je ne le sais pas !
Quant à mon ami Claudio Laferla, il avait beaucoup de difficultés à
prononcer en arabe le kh de Kharouf et le h de homar. Quand le professeur
d’arabe lui demandait de dire kharouf, il disait harouf, et quand il lui disait
de dire homar, il disait khomar. Astucieux, le professeur lui demanda alors de
dire harouf, et Claudio a dit kharouf.
- Tu vois, que tu sais prononcer ces mots lui rétorqua le
professeur !
Ce fut un rire général dans la classe.
Par la suite, nous avions treize ans, je me souviens d’un soir où nous
étions allé ensemble, Claudio Laferla, Yvan Lechner et moi-même, chez un autre
camarade de classe qui s’appelait Georges Aghar et qui habitait à
« Moustafa Bacha ». Georges était le fils d’un pharmacien ou médecin
très connu. Il avait dans sa maison, une table de ping-pong. Nous nous sommes
mis à jouer tous les quatre, et nous sommes restés tardivement bien que les
parents avaient des invités. À vrai dire, nous n’avions aucune envie de
partir ; ce n’était pas pour le plaisir de jouer au ping-pong, mais
Georges avait une sœur d’une beauté exceptionnelle avec des yeux sublimes qui
s’appelait Nadia. Et nous étions là rien que pour le plaisir de regarder cette
fille ravissante de qui nous étions tombés amoureux tous les trois, car nous ne
cessions d’en parler sur le chemin du retour.
Je suis sûr que Claudio y pensait encore car, dans le journal de l’AAHA,
Alexandrie Info No 7, de Décembre 1996, page 9, il recherchait les adresses de
Georges Aghar et de sa sœur Nadia, ancienne élève de Notre Dame de Sion. Il
écrivait ceci à l’adresse de Sandro « … mille fois merci pour cette
bouffée d’oxygène que tu nous fais respirer une fois, chaque six mois (hélas)
et qui nous porte à revivre cette période, pour la plupart de nous
exceptionnelle, vécue à Alexandrie, mais absolument incompréhensible pour toute
personne qui n’a pas pu boire l’eau du Nil « QUI ACQUA NILI BIBIT SURSUM
BIBAT »
C’est parce que c’est la veille de Noël, que j’ai tenu à rendre hommage
à mes deux anciens camarades, Michel et Claude, pour leur dire que nous ne les
oublions pas et que nous pensons à eux, aujourd’hui et toujours. Ils ont pris
un peu d’avance sur nous, mais nous nous reverrons sûrement un jour, quelque
part, sans doute du côté où vivent les anges !
Marcel Fakhoury
par Marie Mosseri
(Deuxième Partie)
Après mon mariage, ma mère avait fini par apprécier mon
mari et ne jurait que par lui, à tel point qu’il devait tous les matins passer
lui dire bonjour avant de se rendre au travail et ce, jusqu’à son décès. Vers
la fin de ses jours, elle nous convoqua et lui dit : « Vita !
J’ai un fils, mais c’est à toi que je veux confier les trois jeunes sœurs de Marie. Je veux que les quatre
filles restent ensemble »
Nous la rassurions,
lui disant qu’elle allait guérir, mais elle dit à Vita : « Je sais
que je vais mourir, et je veux que tu me promettes que tu te chargeras de mes
filles, je ne te laisserai pas partir avant que tu ne le jures ». Elle
avait des frères, des sœurs, des parents, mais elle voulait que ce soit lui qui
s’occupe de ses enfants. Et il le lui promit.
Elle souffrait d’un
tas de maux qui de nos jours peuvent être soignés : elle avait des
problèmes cardiaques et rénaux, ainsi que du cholestérol. Elle est décédée à
l’âge de cinquante ans le dix mai 1941. Je n’avais pas encore dix- huit ans,
j’avais déjà ma première fille et j’étais enceinte de la seconde qui est née le
premier août 1941. De surcroît, j’ai accueilli mes sœurs.
Mon père ne lui a survécu qu’un an. Il avait du
diabète et il est décédé à l’âge de
soixante ans, en juillet 1942 des suites d’une gangrène. Il avait passé
quelques mois à l’hôpital, et avait été amputé. A sa sortie, nous l’avons
également hébergé.
Ces années ont été
profondément marquées par tous ces
bouleversements. De plus, mon mari, qui était italien, a été poursuivi pour
être emprisonné, puisque Mussolini était un allié de Hitler. Mais grâce à D…,
il fut décidé que les Juifs, qui étaient la cible de Hitler et de Mussolini, ne
seraient pas considérés comme étant des ennemis, et seuls les Italiens
chrétiens furent arrêtés.
La vie devenait très chère, mais mon mari avait un bon salaire et
notre situation financière s’améliorait de jour en jour. Nous avions une
domestique à demeure qui avait mon âge. C’était une très jolie Noire dont le
père était du Soudan. La seconde aide était la fille des portiers de l’immeuble
et elle s’occupait plutôt des enfants.
Je n’avais que dix- huit
ans et une charge considérable, puisque j’avais deux enfants, mes trois
sœurs et mon père qui était invalide. J’étais aidée par deux domestiques mais
la plus grande tâche était assumée par mon mari et moi. Mon père ne s’est pas
très bien entendu avec mon mari, pour les
raisons mêmes qui avaient conduit
ma mère à se séparer de ses enfants. Mon mari était dépensier, alors que mon
père était plutôt économe et cela occasionnait des divergences. Mais du fait de
son état, nous faisions l’effort de supporter ses remontrances.
Je me chargeais
également du bain de mon père qui, par pudeur hésitait à me laisser le
laver. Je le rassurais, lui disant que
laver les malades ferait partie de mes fonctions si j’étais infirmière. Il
finit donc par accepter. Je le laissais
seul, il se déshabillait et couvrait son intimité, puis j’entrais et lui
savonnais la tête, le dos, les épaules, les bras, les jambes ; je le
rinçais, puis le laissais se sécher seul attendant qu’il m’appelle lorsqu’il
avait terminé. Mon père avait une grande admiration pour moi.
L’appartement que nous avions était composé de cinq grandes pièces, comme l’étaient les pièces
des maisons en Egypte. L’une d’entre elles était occupée par mon père et mes
sœurs, qui n’étaient pas à l’étroit puisque la salle pouvait contenir tout ce
dont ils avaient besoin pour leurs commodités. Une autre pour mon mari et moi,
une chambre pour nos enfants, une quatrième contenant les meubles ayant
appartenus à ma mère, car nous avions vendu son appartement. La cinquième était
une salle de séjour.
Toutes ces choses ne
sont pas arrivées à la jeune personne que j’étais sans l’atteindre
psychologiquement. J’étais dans une sorte de dépression constante après le
décès de mes parents ; je voyais tout en noir, sans compter la guerre et
les bombardements qui eurent lieu lors
de la bataille d’Alamein qui opposa l’armée anglaise aux Italiens et aux
Allemands. Les Italiens ont également bombardé Le Caire.
D’ailleurs,
ma fille Caroline est née en plein bombardement. C’était le 1er août
1941 et je me trouvais à l’hôpital depuis une semaine car j’avais déjà perdu
les eaux. Toutes les fenêtres étaient recouvertes de rideaux noirs à cause du
black out. Je n’avais pas le droit de
sortir du lit. Mais, interpellée par les
cris d’une femme, je me levai et fus surprise par le médecin qui gronda :
« Que faites-vous là ? Vous n’êtes pas autorisée à vous
lever ! ». Je prétextai le besoin de me rendre aux toilettes.
Il me dirigea immédiatement vers la table d’accouchement.
Les bombes tombaient. Et soudain, sans pression, ni contractions, ni douleur,
ma fille est apparue. Le médecin n’en revenait pas. Il me tendit le petit être
qui, avec ses quelques cheveux roux et ses grands yeux verts, avait plus l’air
d’une poupée que d’un bébé et il me dit : « Regardez Madame,
vous avez mis au monde, non pas un bébé, mais une poupée ! ».
Nous avons donc vécu
jusqu’en 1948 en Egypte où sont nées mes trois filles, et durant cette période,
j’ai toujours été secondée par Fatma, notre domestique noire. Elle faisait
plutôt office de gouvernante puisqu’elle s’occupait à la fois de la maison et
des enfants. Nous l’avions installée dans la chambre des enfants. Elle était si
bien intégrée à notre foyer qu’elle ne
rendait jamais visite à ses parents. A la période des fêtes, je lui proposais
toujours d’aller voir sa maman qui était aveugle et vivait dans un village.
Mais elle me répondait : « Laisse-moi tranquille, pourquoi veux-tu
que j’aille chez elle ? ».
Avant que nous ne
l’embauchions, elle travaillait chez un Pacha qui employait plusieurs
domestiques. Chacune avait un travail bien spécifique. L’une avait la
responsabilité des poussières, l’autre devait laver les pieds de ses employeurs
et d’autres encore autre chose… Tout cela
pour un salaire misérable dont elle n’a jamais vu
La vieille
domestique de mes parents la connaissait ; et sachant que j’avais besoin
d’aide puisqu’à de dix- huit ans j’avais déjà mes deux enfants et la
charge de ma famille, elle me dit : « Je vais t’envoyer Fatma qui
sera comme une sœur pour toi ». Dès son arrivée, Fatma me prévint que son
père allait venir pour prendre sa paie,
mais que je devrais lui dire qu’elle ne travaillait plus chez nous. C’était la
condition qu’elle imposait à son embauche et
j’acceptai. Elle menait une vie
de misère en travaillant péniblement sans voir son salaire car
son père le lui prenait. Alors,
quand il se présenta, elle se cacha, et
je dis ce qui était convenu.
C’est ainsi que
Fatma entra à notre service et elle le fut
durant neuf ans avec un salaire honorable ; elle me déchargeait des tâches difficiles de
Avec le temps, nous devînmes très proches. De mes trois
sœurs que j’avais recueillies, deux s’étaient mariées ; il ne restait
qu’Irène, la plus jeune. Fatma avait chez nous une vie tranquille ; elle
était libre d’acheter ce qu’elle voulait pour composer les menus qu’elle
désirait. Bien sûr je l’avais initiée à
Pour ce qui est du
reste, la situation financière des Juifs en Egypte était très correcte, et
allait en s’améliorant. La vie avait augmenté, mais les salaires avaient suivi.
Seule demeurait notre inquiétude pour les Juifs d’Europe. Nous ignorions
l’existence des camps de concentration, mais savions que Hitler faisait du mal
aux Juifs et que ceux-ci voulaient
fuir sans en avoir
J’étais très courageuse, je dirais même audacieuse. J’avais
besoin de tout voir, tout savoir. Ma curiosité me menait jusque dans des
quartiers arabes tels que Sayedla Zenab et Houssein, où ma présence était très
remarquée puisque j’étais la seule étrangère. Les Arabes me dévisageaient comme
si j’étais une extra terrestre. Je demandais à boire de l’eau. Chez les Arabes,
où que vous alliez, de l’eau fraîche et propre vous était offerte dans leur
plus beau verre. Ils accordaient une grande importance et prenaient plaisir à
cette bonne action. Dans tous les quartiers arabes se trouve un grand pot en
terre contenant de l’eau fraîche, fermé d’un couvercle en bois avec un gobelet
par dessus, afin que les passants assoiffés puissent se désaltérer. Ils mettent un point d’honneur à l’observance de
la parole qui dit : « L’eau ne doit pas couler devant un être
assoiffé ». De ce fait, les locataires des appartements payaient le loyer,
l’électricité, mais l’eau était
gratuite. C’est d’ailleurs ce qui nous a le plus manqué lorsque nous sommes
arrivés en Israël.
Je n’avais donc pas
peur de me rendre dans les quartiers arabes sans en parler à ma famille ou
à mes amis, qui m’en auraient, bien sûr, dissuadée. J’y
étais très bien reçue. Je parle l’arabe et regrette infiniment de ne pas savoir
écrire cette langue que je trouve très riche et très belle ; il ne m’a pas
été donné de l’apprendre. A l’école, où l’on nous enseignait le français, nous
pouvions étudier deux fois par semaine soit l’anglais, soit l’arabe. La plupart
choisissaient l’anglais. Nous étions, à tort, et injustement, anti-arabe. En ce
temps-là, nous avions une vie facile et agréable. Tout était bon marché. Même
le pauvre, pour une demi- piastre, pouvait manger à sa faim.
Je ne suis jamais retournée en Egypte pour la raison
suivante : en 1948, mon mari, après plusieurs crises de calculs rénaux,
fut hospitalisé pour l’ablation d’un rein. Le professeur me demanda si nous
pouvions payer l’intervention. Je l’informai que nous n’en avions pas les
moyens. Il s’étonna : « Mais vous êtes de
Vita travaillait
pour une compagnie juive : « Albert Haïm & Compagnie ».
C’étaient des Juifs espagnols, propriétaires d’un grand commerce. Ils réglèrent les frais élevés d’intervention et
d’hospitalisation. Nous fûmes donc placés dans une chambre luxueuse, comme seul
l’Hôpital Israélite du Caire en comptait. C’était une classe tout à fait autre.
Mon
mari avait eu plusieurs crises, mais à l’époque, nous ne faisions pas beaucoup
d’analyses. Finalement, nous nous
adressâmes à un spécialiste. Il
était Copte, et le principal urologue de
l’Hôpital Israélite. C’était un homme impressionnant, tout vêtu de blanc avec
des bottes blanches également. En Egypte, les Coptes, tout comme les Juifs,
attachaient une grande importance aux études de leurs enfants, même s’ils
n’avaient pas de grands moyens ; ils les faisaient passer avant
Après
l’opération, il me dit : « Vous ne pouvez imaginer l’état dans lequel
était ce rein ! Il était impossible de le garder au risque de perdre le
second. A présent, avec un rein, de bons soins et beaucoup d’attention, il
vivra comme avec les deux ». J’étais jeune, et me voyant sceptique, il
ajouta : « Nous pouvons très bien vivre avec un seul rein et un seul
poumon ».
Je me trouvais au chevet de mon mari lorsque eut lieu le
premier bombardement israélien sur l’Egypte qui provoqua la rage des Egyptiens
envers les Juifs. Je voyais les blessés arriver à l’hôpital, emballés dans des draps. Parmi les blessés se
trouvait un parent à nous, touché au ventre et dont on apercevait les
intestins. C’était insoutenable. Heureusement, mon mari dans sa chambre était
inconscient et ne percevait rien. S’il avait été conscient, il serait mort, non
pas de l’opération, ni de sa maladie, mais de cette vision, car c’était un
homme très peureux et très sensible.
Dès son réveil, je le pressai : « Vita, jure-moi
que si D… te sauve, et que tu te remettes de cette opération, nous quitterons
l’Egypte ». Il me regardait sans comprendre ce que je lui disais, encore
très affaibli par l’intervention. Et je lui répétais sans cesse ma demande. Je
sentais que ce bombardement était entré dans notre vie pour
Mon père, né à
Haifa, nous disait toujours : « L’Egypte n’est pas notre pays, un
jour nous devrons retourner en Palestine ». Ma mère pensait tout
autrement : « En Palestine, ce sont tous des ignorants, tous des
va-nu-pieds ». Ce qui, en ce temps-là, n’était pas faux… Contrairement aux
Egyptiens, les habitants de
En ce qui me
concernait, j’étais décidée à partir ; ce bombardement qui avait tout
changé était le signe qu’il fallait quitter l’Egypte. Mais dans l’immédiat, je
devais rentrer à la maison où se trouvaient mes enfants, ma plus jeune sœur, et
J’attendais donc, en larmes, au portail de l’hôpital. Un
autre taxi se présenta ; le chauffeur était un noir soudanais. Les noirs
étaient bienveillants, plus honnêtes et
plus compréhensifs que les paysans égyptiens. En pleurs je lui dis :
« Je suis ici depuis trois jours
avec mon mari qui a été opéré. Je dois rentrer à la maison rejoindre mes
enfants… ». Il répondit : « J’accepte à la seule
condition que tu t’allonges sur le
tapis à l’arrière de
Durant les mois qui suivirent, je continuais de le seriner
afin qu’il fléchisse. Mon mari était de ceux qui n’imaginaient pas pouvoir
vivre hors d’Egypte. De ceux qui disaient : « Les Juifs qui quittent
l’Egypte sont comme les poissons qui sortent de l’eau : ils
meurent ». Ils incarnaient l’Egypte, étaient plus égyptiens que les
Egyptiens. Il me fallut beaucoup de temps pour le convaincre.
Je me chargeai de
vendre tout ce qui pouvait être vendu. Lorsque mon mari disait à son entourage
que nous allions en Israël, on lui répondait : « Mais tu es fou.
Peut-être ta femme ne se plait-elle pas dans le quartier populaire que vous
habitez. Louez un appartement à
Par la suite, ma
belle famille me reprocha de leur avoir « enlevé leur fils ».
Certains ont même osé dire que ma belle-mère était morte de chagrin de ne plus
voir son fils…Mais il n’était plus question de rester après avoir vu tous ces
morts et ces blessés à l’hôpital.
Quelques jours avant notre départ, nous sommes allés faire une dernière promenade au barrage
avec Fatma. Cet endroit paradisiaque se trouvait dans un village en dehors du
Caire, et l’on s’y rendait en bateau. Il
était composé d’immenses jardins arabes magnifiques où nous faisions des promenades
à dos d’âne. Sur place, nous avons trouvé un hôtel où nous pouvions nous
restaurer et nous reposer. Nous y avons pris des photos avec Fatma afin
d’immortaliser ces derniers souvenirs d’Egypte ; ils nous suivraient jusqu’à destination de notre
voyage sans retour.
Nous ne savions rien de ce
qui nous attendait. Tout notre entourage nous dissuadait :
« Qu’allez-vous faire là-bas ? Les gens meurent de faim ». Mais
rien n’y faisait, j’étais décidée à partir. Etait-ce par sionisme ?
Etait-ce par peur ? Car en effet j’avais peur.
J’avais le type juif, c’était indéniable, et j’ai souvent été agressée
dans le tramway, et protégée, je le reconnais, par d’autres musulmans. Nous
avons même failli être noyés mon beau-frère et moi : pendant la
convalescence de mon mari, nous nous étions rendus à la plage d’Alexandrie, et
nous avons été tirés dans l’eau, par des frères musulmans jusqu’à n’avoir plus
pied.
Des bombes ont été placées dans des cinémas appartenant à des Juifs.
Une parente de mon mari y est décédée, et sa sœur, gravement blessée. Nous
avions tous peur. Et cette peur a effacé à jamais mon amour pour l’Egypte.
Dès la fin de l’année 1948,
l’Agence Juive organisait déjà en secret l’Alyah des Juifs. C’est ainsi que
nous avons quitté l’Egypte, le quatorze juin 1949, avec des passeports
italiens, mon mari étant italien, et bien sûr via l’Italie.
Nous sommes restés un mois en
Italie, où nous avons été pris en charge par l’Agence Juive pour les différents
examens de santé, et nous avons été placés
dans des camps. Là, nous étions entourés
de Tripolitains à la physionomie effroyable. Les femmes étaient toutes vêtues
de noir à la façon des bédouins qui vivent dans des grottes. Elles étaient
munies d’un ustensile, qui ressemblait à un pot de chambre et dont elles ne se
séparaient jamais. Elles l’utilisaient pour recevoir la nourriture distribuée
dans le camp. Mais je les soupçonnais de l’utiliser également pour d’autres
choses…
Nous retrouver avec des
« primitifs » était très dur pour nous, qui avions quitté un endroit
où nous étions choyés et dorlotés dans de confortables maisons. Nous étions
loin de la belle vie, des sorties, des séjours de deux mois en bord de mer l’été, à Ras El Bar ou
Alexandrie.
Ras El Bar est une presqu’île
de sable qui est submergée l’hiver, et apparaît l’été au croisement de
l’affluent du Nil,
Le Nil était splendide jusqu’à fin août, et nous faisions de belles
promenades sur des barques. Nous logions dans de confortables huttes de paille
avec toutes les commodités. Dans un endroit nommé
Au moment des crues, le Nil
changeait d’aspect et devenait dangereux. Il prenait la couleur de la rouille
et se chargeait de morceaux de bois et de déchets qu’il entraînait sur son
passage et qui forment le limon des terres d’Egypte bordant le fleuve. Sans le
Nil qui la fait vivre, l’Egypte ne serait qu’un désert.
J’ai longtemps regretté et pleuré ces merveilleux moments passés à Ras
El Bar.
Nous étions donc arrivés
d’Alexandrie par bateau à Naples, où l’on nous fit prendre un train sans nous
donner d’explications. Nous étions traités comme du bétail. Après plusieurs
heures de voyage, nous arrivâmes à la gare de Rome, où des trains en provenance
de Pologne et d’autres pays d’Europe Centrale amenaient les immigrants qui passaient par l’Italie.
J’étais heureuse de voir ces
Juifs venus d’ailleurs, et les entendre parler le yiddish. Je reconnaissais
cette langue pour l’avoir entendue à l’école. Certaines de mes camarades
le parlaient mais je ne le comprenais
pas. Mon attention fut attirée par une jeune femme blonde en manteau de
fourrure, à la tête ronde telle une poupée russe, portant un bébé, copie
miniature de
Nous attendions les camions
qui devaient nous mener aux camps. Notre train étant entré en gare bien avant
celui de Pologne, le camion était censé nous prendre en premier. Mais déjà à
l’époque, le mot « protection » avait son sens. Le camion arriva,
mais on nous dit qu’il devait d’abord prendre les personnes arrivant de
Pologne. Nous acceptâmes de bon cœur. Le camion fut de retour après trois quarts d’heure. Nous pensions que notre
voyage serait aussi rapide que pour les Polonais. Mais nous avons roulé durant
des heures, sans savoir où nous allions, par monts et par vaux. Nous étions
inquiets, il faisait nuit noire, nous sentions les odeurs d’herbe de
Les familles furent appelées et placées dans des salles qui servaient
de dortoirs. Nous avions l’impression d’être des prisonniers, dirigés par un
kapo. On nous fit entrer dans une salle comprenant je ne sais combien de lits,
et tous ces lits étaient superposés sur trois
niveaux. C’étaient des lits de trois étages.
On nous attribua cinq
lits ; pour nos trois enfants, mon mari et moi. Les matelas bleu marine,
étaient recouverts de taches indéfinissables.
Je m’écriai : « Vita ! Ni moi, ni mes enfants ne
dormirons sur ces matelas ! ». Il me dit : « Et que
comptes-tu faire ? » Ma fille tombait de sommeil, je devais la
traîner, mais il n’était pas question de dormir sur ces matelas. Mon mari non
plus n’y dormirait pas. Lui qui était tant dorloté à la maison depuis son
intervention un an auparavant ! Fatma
lui préparait des repas spéciaux sans sel - lorsque nous mangions du
poulet, lui avait des coquelets -. Elle faisait tout son possible pour que rien
ne lui manque, elle était aux petits soins afin de lui faire plaisir. Devait-il
à présent dormir sur ces matelas crasseux ?
Je ne savais que faire. Ces matelas répugnants, cette odeur de
putréfaction, ces grosses mouches, et la tête des gens qui dormaient…Ils
avaient rassemblé là les gens atteints de toutes les misères du monde : la
teigne, le trachome ; des borgnes et bien d’autres… Nous n’étions vraiment
pas à notre place avec nos beaux vêtements - car nous nous étions tous
pomponnés pour l’occasion. N’avions-nous pas fait un voyage en bateau ? A
destination de l’Italie? De l’Europe?
Fin de la deuxième partie.
29/02/2008
de
Sam MEZRAHI
-o-o-o-o-o-o-
Ce texte a déjà été
publié dans ce Site le 14 octobre 2005. Je le copie ici, pour inaugurer ces TEMOIGNAGES
& SOUVENIRS, pour le plaisir de
mes Lecteurs car c’est un article plein d’émotion et de nostalgie qui ravive
les beaux souvenirs de chacun de nous dans cette Egypte que nous avons tant
aimé.
Merci Monsieur
Sam MEZRAHI
-o-o-o-o-o-o-
C’était il y a
plus de 50 ans et je me souviens… Pourtant,
longtemps je me suis constamment efforcé de ne pas me souvenir.. Ne pas
regarder en arrière, aller de l’avant, me
reconstruire après l’exode…Oublier un passé qui m’avait tourné le dos. S’inventer un avenir, tenter de trouver de nouvelles
racines, en effaçant les anciennes pour ne pas flancher. Surtout ne pas
trébucher et rouvrir des blessures sentimentales dont on ne sait jamais le
degré de cicatrisation.
Me voici au seuil de mes soixante ans
et je me sens le courage de m’abandonner à la
douce nostalgie du temps de mon enfance. Je pensais mes souvenirs estompés mais
ils me reviennent en sarabande, par bribes, avec leurs senteurs avec leurs
sons, les bruits et les odeurs dans le désordre comme un flash-back dont la
mise au point floue se fait par degrés plus précise
C’est d’abord les quelques années qui ont immédiatement
précédé notre expulsion d’Egypte en
décembre 1956, à la suite de la guerre du canal de Suez, qui me reviennent. J’avais 7 ou 8 ans, et je revois l’Egypte pays de ma naissance et de ma prime
enfance. Avec le ciel au Caire, le ciel
d’avant la
construction du grand barrage d’Assouan, d’une incroyable pureté qui prenait toutes les
nuances de bleus depuis l’aurore jusqu’au crépuscule. Les nuages très rares, la pluie
presque inconnue et les nuits étoilées.
Je regardais parfois avec ma sœur et les copains de mon âge, depuis le parking à
voitures du Héliopolis Sporting Club, au loin,
l’écran muet
du Palace, le cinéma de plein air qui projetait des films américains en
technicolor où nous allions parfois en famille manger du Sémit et gaibna avec
un Pepsi pendant l’entracte. (petit
pain rond au sésame accompagné d’un morceau de fromage dans un papier huileux) Et je
me rappelle du Héliopolis Sporting club qui me paraissait immense avec ses
jardins pleins de fleurs de toutes sortes, bien entretenus comme les Anglais
savaient les faire dans leurs colonies quand ils disposaient d’une armée de jardiniers rémunérés en monnaie locale
.Car la livre égyptienne ne partageait avec la livre anglaise que le nom.
C’est là que j’ai appris à nager dans sa piscine de plus de
J’ai souvenance
des brises légères qui emportaient des parfums de jasmin, de
bougainvilliers et de roses dans l’air attiédi des soirées estivales de Ras el Bar,
village de maisons en torchis, de huttes et de cabanes situé dans le delta du
Nil ou nous passions les vacances d’été entre
Et les Locomadis délicieuses friandises grecques que les
vendeurs à la sauvette distribuaient le long des plages aux cris de ‘’Kiiiriac Konkanti Pistachi !!
Avec des glaces italiennes élastiques et les limonades (gazouzas) ou Spathis.
Il me revient aussi les litanies chantantes des
vendeurs ambulants à Héliopolis que nous hélions depuis notre balcon de
la rue des Pyramides. Souvenirs gustatifs surtout, mais c’est dans ces ages là que se forme le goût et les
dégoûts.
Le vendeur de jus de réglisse, sa
bonbonne en verre munie de son petit robinet accrochée sur sa poitrine avec une
lanière de cuir, se servait de deux timbales comme de castagnettes pour se
faire entendre au loin avec son cri (
héérr è sousss). La canne à sucre ( assab) fraîche liée en fagots dans une
petite charrette, le vendeur qui avec son couteau enlevait l’écorce dure pour nous donner le cœur tendre de la tige que nous mâchonnions ravis sur
le balcon, le jus de canne dégoulinant sur le menton.
Et les portions d’Amar el Din (pâte d’abricot séchée) dont nous faisions des cornets dans
lesquels nous glissions un glaçon pour ensuite en sucer la pointe.
Souvent nous
dégustions le Caca chinois (bâtons de réglisse jaune) acheté dans un étalage de
fortune au bas de la maison, assis au balcon en regardant le soleil couchant qui se fixait un instant
sur la pointe des Pyramides au loin, du coté de Guizèh dans le poudroiement des
sables du désert…ou était-ce le
soleil levant je ne sais plus.
Je me souviens des vendeurs de figues de
barbarie ( tin choki) et leurs charrettes à bras qui mettaient à rafraîchir
leur marchandise hérissée de piquants sur des pains de glace et nous les
épluchaient à mains nues pour quelques millièmes de piastre. Je revois les
fruits de mon enfance, cultivés, je devrais dire élevés, sans autres engrais que le limon fertile du
Nil, irrigués de façon ancestrale par son eau qui prenaient tout leur temps
pour mûrir réchauffés par le soleil brillant d’Egypte. Leur goût incomparable que je n’ai jamais retrouvé bien que j’aie depuis, sillonné toutes les latitudes
Les melons d’Ismaïlia jaunes, gros et oblongs à la pulpe blanche
et douce, qu’on servait
préparés en tranches dans leur peau si fine qu’ils étaient difficilement exportés même dans les régions
limitrophes. J’ai encore en bouche après plus de 50 ans la saveur
des dates noires fraîches, les Balahs Ame’hate dont la
peau fine se retirait sur un simple pincement des doigts, Je me souviens des Palmiers dattiers altiers qui ponctuaient
le passage du tram sous nos fenêtres et que nous apercevions depuis notre
balcon avec encore des dattes rouges, les Zargloul, plus sèches que les noires
ou marrons mais pas moins délicieuses.
Les fameuses mangues Alphonse douces
sans âpreté, à la pulpe orangée sans filaments qu’on mangeait coupées en deux à la petite cuillère,
dont je n’ai plus
rencontré l’équivalent ni en
Afrique ni en Asie ni aux Indes. Les grenades qu’on écossait rouges avec leur pédoncule blanc et
nous préparait dans un bol d’eau de fleur d’oranger, les figues de toutes espèces, oblongues ou
rondes, vertes, marrons ou brunes, les Batikh, pastèques énormes rouges et
juteuses dont on faisait frire et salait les pépins pour les offrir en apéritif…
Les goyaves, fruit négligé de ce coté
ci de
Je repense à la saveur des légumes,
des tomates odorantes et fermes, les courgettes qu’on cuisinait souvent farcies de riz et de viande
hachée, relevés d’oignions et de
tomates, le fameux Mahchi Kossa, les
aubergines, les cornes grecques (Bamia) que je cite pour mémoire mais que je n’ai jamais apprécié,
les laitues aux longues feuilles craquantes et blanches avec leurs cœurs si délicieux, de la taille d’une grosse carotte, et les petits concombres
acidulés.
Pour tuer le
temps à l’heure des
bavardages de fin d’après-midi, dans
les cafés bruyants, on grignotait les pépins de pastèque noirs, ou blancs de
tournesol et de courge , le lébb, qu’on recrachait
élégamment par terre, les pistaches grillées (fostok) , les olives noires et
vertes ( zétoun) accompagnées de fromage blanc salé, les cacahouètes à la fine
pellicule, (foul soudani) , les termès jaune et fades qu’on servait dans de l’eau pour en attendrir la peau et enfin toutes
sortes de légumes marinés de la tradition, les mekhaléls, que les adultes
picoraient avec leur Zebib (Arak) ou leur bière Stella, le tarbouche de
guingois et la chicha au bord des lèvres, jouant au tric-trac (backgammon) ou
aux dominos.
Les rues étaient encombrées et sales,
mais pleines de vie et d’activité,
rythmées par les klaxons incessants des voitures américaines ou anglaises qui
répondaient aux vociférations et insultes des âniers et charretiers d’un autre age, Aimchi Ya Ibn el Charmouta ! Et
les dîners avec le pain Chami blanc et léger qu’on prenait pour saucer sans façons, dans le plat
central,
Il y avait aussi le Foul médamès plat
national égyptien, les grosses fèves marrons baignant dans leur jus avec de l’huile d’olive, du jus de
citron, du cumin et des œufs durs,
agrémenté d’oignon blanc et,
le secret pour lui donner sa consistance et sa couleur, une poignée de
lentilles jetées pendant
Les Falafels (Ta’méya) larges et plates qu’on trouve aujourd’hui partout, pâles succédanées, de New York à
Londres en passant par Amsterdam ou Paris, les Kobébas arrosées de Tahina, avec
des tomates coupées en petits dés qu’on fourrait dans
le pain Chami ou le pain Baladi et les Koftas à l’oignions et au persil ou les Béléhates souvent en
sauce accompagnées de pommes de terres poilées (batata séfrito)….
Pour les desserts nous avions le
choix, les Sambousecks , les Ménénas fourrées aux dates, les Konafas aux
pistaches ou à la crème de lait fraîche, (eichta) les baklawas farcies de
fruits secs ou les Atayefs arrosées de sucre liquide, surtout pas de miel, les
Asabigh bé Loz , pâte feuilletée fourrée aux amandes, enfin plus simple mais
notre régal,
Les jours de fête nous allions chez
Groppi au Caire, puis à Héliopolis où il
venait d’installer une
succursale, manger des glaces ou des gâteaux occidentaux, éclairs au chocolat
ou millefeuilles, quand ce n’était carrément
la virée, chez Mansoura installé lui aussi à Héliopolis. On me dit que Mansoura
est à présent installé à Brooklyn ou il fait le bonheur de la diaspora
égyptienne et les délices des américains
A Ras El Bar c’était les Fétiras du Fatayeri, sorte de pizzas
sucrées qu’on se délectait
de manger avec les mains. Les ballades sur le Nil à bord de la felouque de mon
oncle Léon, avec son marin, le‘’barquier’’ comme on disait, traduction libre
de l’arabe
Marakbi, qui me prêtait la barre franche
de bois rugueuse de temps en temps ou me demandait de faire contre poids, assis
en rappel à l’extérieur du
pont sur une large planche arrimée solidement au bastingage. Ya Bakhtaik !
quelle chance tu as !
Et ma fierté lors de ma première
traversée du Nil aller-retour à la nage en largeur à 7 ans… et les ballades à cheval ou en dromadaire, parfois
à dos de chameau ou simplement en croupe sur les ânes toujours présents et bons
à tout faire.
En ce temps là, en Egypte les
réfrigérateurs étaient plus que rares, d’ailleurs leurs
moteurs importés étaient souvent en panne avec les à-coups imprévisibles de la
distribution électrique locale, mais il y avait les glacières que les marchands
ambulants alimentaient en pains de glaces, qu’ils montaient dans les étages sur leurs larges
épaules pour quelques piastres. Evidement on ne connaissait pas les
congélateurs, toutes les marchandises alimentaires étaient du jour, achetées
sur les marchés permanents de plein air ou chez les vendeurs ambulants.
Il y avait aussi des mouches qu’on balayait nonchalamment avec les chasse- mouches
de crins de cheval ou les tue-mouche en forme de tapettes qui écrasaient
mouches, moustiques ou fourmis sur les tables servies sans que personne n’y trouve à redire. L’air chaud des appartements ne connaissait pas l’air conditionné, les ventilateurs fixés au plafond
le brassaient dans un doux murmure mais les persiennes restaient closes pendant
la belle saison jusqu'à la tombée du jour pour tenter de combattre la chaleur
soporifique des étés Egyptiens. Pourtant les constructions d’alors savaient encore prendre en compte le climat
et ménager des courants d’air.
L’eau que nous buvions venait des Gargoulettes (
Olla, cruche en grès) disposées dans les coins et qui en suintant lui
maintenaient une fraîcheur étonnante
Les spectacles de marionnettes
(Aragoze) se donnaient sous nos fenêtres pour quelques piécettes lancées depuis
les étages, ou bien délivrées dans de petits paniers accrochés avec des ficelles
qu’on déroulaient
depuis les balcons, Il y avait aussi des
programmes alternés comme le montreur de singe, ou les chanteurs et danseurs de
rues, avec leurs pipeaux et leurs tambourins (Tarabokkas), leurs turbans et leurs
cannes agités autour de la danse du ventre de danseuses dénudées et gracieuses.
A cette époque outre le français ou l’anglais selon le choix parental du modèle éducatif,
nous parlions tous l’arabe car nous
étions élevés par nos nourrices égyptiennes ( nos Daadas) qui ne s’exprimaient que dans cette langue. Le bus de l’école venait nous chercher le matin à 6h45 pour
nous emmener au Lycée Franco-égyptien près de l’aérodrome d’Al Maza car on
travaille tôt en Egypte pour éviter la chaleur de l’après midi ; mais c’est une chaleur sèche qui, bien que supérieure à celles que j’ai pu rencontrer en Afrique de l’Ouest ou en Asie, n’est pas aussi éprouvante car dénuée de cette
humidité qui vous colle à la peau.
Et nous revenions vers 13h30 déjeuner
légèrement pour nous préparer à la sacro-sainte sieste d’une heure ou une heure et demie, suivie par les devoirs à faire et ensuite,
yalla bina, les jeux, les rires avec ma sœur, toujours
maternelle à mon égard bien qu’âgée de
seulement deux ans de plus que moi, les parents, les cousins Marcos, les
voisins, les amis…
Pas de télévision bien sûr, ni même de
radios intempestives, le téléphone était un luxe, simplement de temps en temps,
le chant apaisant des muezzins appelant à la prière et rythmant nos journées
cinq fois par jour.
Et je revois Alexandrie, l’élégance majestueuse de sa Corniche, sillonnée de
calèches découvertes, ( arabiya Khantour)
les plages populaires de Sidi Bichr et de Mandara ou celle plus élitiste
de Agami beaucoup moins fréquentée car
plus éloignée, plus dangereuse avec ses courants qui picotaient les pieds des
baigneurs et son sable éclatant de blancheur d’une texture si légère. On pénétrait sans
appréhender le froid pour se baigner
dans les eaux de
J’ai de vagues souvenirs de
Et je me souviens quand arrivait le
Kamsin (Cinquante) le vent chaud du désert qui tous les ans soufflait quelques
cinquante jours entre mai et juin et recouvrait la ville comme un brouillard d’une fine pellicule de sable, il fallait calfeutrer
fenêtres et portes pour tenter, généralement sans succès, d’endiguer le sable qu’il transportait et qui s’infiltrait partout.
Les Egyptiens vivaient alors en bonne
intelligence avec les autres communautés, les coptes, descendants de l’époque pharaonique qui étaient chrétiens, les Grecs
orthodoxes, les Arméniens, les Turcs descendants de l’empire ottoman qui avait longtemps été la puissance
tutélaire du pays, les Syriens, musulmans ou catholiques, comme du reste les
Libanais, les Soudanais (Barbari) souvent employés aux taches subalternes et
quelques français et anglais fixés là pour maintenir une présence après s’être disputés le protectorat de l’Egypte du temps de Mohamed Ali et s’être activés pour soutenir Montgomery contre Rommel
pendant la seconde guerre mondiale. Les juifs avaient leur quartier spécifique,
Les différences étaient acceptées, et
loin de provoquer des affrontements, permettaient un enrichissement, chacun se
servant chez l’autre de ce qu’il y avait de remarquable dans sa pratique
religieuse, sa culture ou ses traditions.
Je me souviens de mes parents, me disant pour marquer une fatalité,
Rabaina Kébir
En ce temps là l’Egypte était le phare culturel du monde
arabo-musulman , ses films , comédies musicales, romances ou drames étaient
diffusés partout dans le monde ou l’on parle arabe ,
et les acteurs jouissaient d’une popularité
qui dépassait et de loin les frontières. Faten Hamama, Naguib el Rihani sorte
de Raimu et Ismayil Yassin sosie de Fernandel ,Choukoukou, et
Ses chanteurs et chanteuses, Om
Kalsoum , Farid el Atrach Habdelwohab, ou le jeune Abdel Halim Haffez
étaient écoutés dans le monde entier et je suis resté, encore aujourd’hui, très sensible au charme de ces films
populaires et de ces mélodies sentimentales.
Les fêtes religieuses des uns et des
autres étaient respectées par tous, Ramadan, Kippour, Noël et notre préférée
Cham el Nissim, la fête du printemps pleine, de fleurs et de bruits puisque les
enfants étaient exceptionnellement autorisés à se répandre dans les rues en
faisant claquer des pétards.
Il y avait peu de femmes voilées dans
les villes, la religion pourtant omniprésente était bonne enfant, et la verve
des Egyptiens, qui sont véritablement les méridionaux du monde arabe, pouvait
se donner libre cours avec humour et légèreté.
Je garde aussi vivace le souvenir de
Et nous aussi nous fûmes pris par
surprise. La piteuse campagne du canal de Suez en
Dans la foulée, Alatoul, Nasser a
expulsé la plupart des non musulmans qui vivaient là depuis des générations, en
spoliant leurs biens, sans préavis, sans compensation et sans états d’âme.
Le temps a passé sur ces évènements,
avec le recul on peut considérer que les changements étaient inscrits,
inéluctables, et même s’ils ont été trop
brutaux, nous eûmes, pour la plupart, de la chance dans notre malheur, la
chance d’en réchapper
sans avoir subi les atrocités qui sont devenues communes aujourd’hui.
Je garde ma tendresse au peuple
égyptien , qui s’est montré en la
circonstance fidèle à lui même, jamais sanguinaire et généralement ennemi de la
violence quand il n’y est pas poussé
par de faux prophètes.
Cela ne m’empêche pas de me souvenir de mes premières larmes
dans l’avion des
réfugiés de
Bientôt j’aurai soixante ans, finalement dans le voyage de la
vie, je fus un passager émerveillé, navigant involontaire, ni maître du vent ni
maître des voiles, sans connaître le but, la destination ni le port, en route
pour la route, le voyage pour le voyage.
La guerre du canal de Suez en
Sam MEZRAHI
Lucy
& Avraham Calamaro
Je suis née au Caire le
21 avril 1944. J’habitais à Bab El Louk, un quartier au Centre de
Mon nom de famille étant
jeune fille était Lucie BELBEL et mon père était un des plus grands commerçants
en Egypte.
J’ai eu
une enfance heureuse jusque l’âge de 7-8 ans mais, malheureusement, dès le départ
d’Egypte du Roi Farouk les choses ont complètement changé. Je me rappelle le
jour du départ du Roi car j’étais à Alexandrie en ce temps. Nous nous sommes
rendus au port où toute une foule de curieux attendait pour voir comment le Roi
d’Egypte a été expulsé de son pays.
Ce fut très royal et
très distingué. Il est arrivé avec sa femme Nariman et son seul fils. Ils ont
fait entendre
Je n’aurais jamais pensé
que les choses allaient tourner comme cela. Mohamed Naguib a pris
Nous nous sommes
enfermés à la maison durant une semaine sans mettre le nez dehors. Je me
rappelle ce jour car le magasin de BONDI, un Juif qui vendait des armes pour la
chasse n’était pas loin de chez nous et les bombardements qui sortaient de son
magasin arrivaient à nos oreilles malgré les fenêtres fermées.
Et puis voilà Gamal
Abdel Nasser au pouvoir. Dictateur infini qui hait les Juifs, les Coptes, les
Chrétiens et tous ceux qui sont riches et éduqués. On a bien senti cette haine
jusqu’au jour de notre départ. Elle me rappelle que chaque fois qu’Israël
faisait quelque chose contre les Arabes eh ! bien on a senti cela. Les
Mokhabarates venaient tard le soir taper à notre porte avec leurs pieds et
leurs mains et rentraient dans notre maison en nous demandant de ne pas bouger.
Ils renversaient tout ce qu’ils voyaient. Ils déchiraient les édredons disant
que nous cachons des armes et, en général, ils prenaient avec eux mon oncle âgé
en ce temps de 20 ans, pour quelques jours. Des jours horribles où on ne savait
pas où
il se trouvait. Mais grâce à Dieu on pouvait tout acheter avec l’argent
et aussi l’endroit où se trouvait mon oncle. Mon père donnait alors beaucoup
d’argent pour qu’on le libère et ce pauvre jeune homme revenait à la maison
après qu’il ait reçu des coups, des gifles été humilié.
Cela ne finissait
jamais. Les visites des Mokhabarates chez nous étaient permanentes car mon
oncle était membre du Groupe Maccabi Basket Ball.
Voilà arrivé la guerre
d’Israël/France/Angleterre en 1956. Les Mokhabarates reviennent chez nous pour prendre mon oncle
mais cette fois-ci c’était différent. Après deux ou trois jours les
Mokhabarates nous envoient un pyjama à mon oncle tout plein de sang. On a pensé
qu’ils l’ont tué. Ma grand-mère, sa maman, est entré en deuil et a porté une
robe noire pendant trois semaines, jusqu’à l n’est pas mort.
Mon oncle et ma
grand-mère avaient la nationalité française, mon père et ma mère avaient la
nationalité italienne. Après à peu près un mois de la guerre de 1956, Gamal
Abdel Nasser a décidé de renvoyer tous les Juifs Français et Anglais hors
d’Egypte. Il leur a donné 24 heures, pas plus. Ils ont été obligés de laisser
leur maison, leurs biens et tout ce qu’ils avaient au gouvernement Egyptien.
Ils ont même signé qu’ils n’ont rien à récupérer en Egypte.
Donc, dans ce cas, mon
oncle aussi devait partir et sa maman aussi , une femme de 70 ans qui n’a
jamais quitté son pays l’Egypte, pour se rendre n’importe où. Ni nos prières au
gouvernement, ni l’argent de mon père
n’ont pu changer cet ordre. Et voilà, en 24 heures, ma grand’mère a quitté
toute seule en avion pour retrouver son fils à Paris qui était parti avant
elle. Sans un sou, sans rien, seulement une valuise d’habits.
Ma famille continue à
vivre au Caire car mon père gagnait bien malgré tout cela jusqu’au jour où on a
tapé à notre porte pour nous aviser que nous avons été séquestré comme tous les
riches en Egypte. Quand je dis tous, c’est aussi les Musulmans, les Chrétiens
et les Coptes. Ils ont demandé à mon père de leur remettre les clefs des trois
voitures qui se trouvaient au garage. Ils ont mis également la main sur
l’ argent qui se trouvait à la banque et sur les deux grands magasins
qu’il avait et sur toute la marchandise qui se trouvait à l’intérieur.
Malgré tout cela, papa
n’a jamais pensé à quitter. Il gagnait bien sa vie et il pouvait faire des
affaires « sous la table ». Mon grand frère et moi étions déjà grands
et pour nous, ce pays était la cage d’or où nos parents nous ont enfermés.
Mon grand frère terminait, en ce temps là l’Université du Caire (
ingénieur) et moi j’étais à l’Université Americaine. Les choses devenaient de
plus en plus compliqués et les professeurs ainsi que les étudiants ne m’ont pas
laisser place pour respirer.
Les insultes contre les
Juifs, la propagande intolérable ne m’ont laissé qu’un choix : quiotter
l’Université. J’avais déjà 19 ans et, en ce temps, rester à la maison n’était
pas dans mon agenda.Donc, il fallait que je fasse quelque chose, chercher du
travail…Aucune Société ne pouvait se permettre de le faire car j’étais Juive.
Alors que faire ?
J’ai essayé avec mon passeport italien de trouver quelque chose ( dans mon
passeport il n’y a pas écrit de religion) et voilà, je trouve du travail dans
une société Allemande qui produisait des ponts pour l’Armée Egyptienne. Aucune
jeune fille et aucun jeune homme Juifs ne travaillait en ce temps en Egypte.
J’étais la seule à pouvoir travailler dans une Société connue par le
Gouvernement Egyptien.
Eh bien ! vous vous
demandez quoi j’ai travaillé pour les Allemands et encore qui construisaient
des ponts pour l’Armée ? Eh bien ! jusque que je suis arrivé à Paris
en 1966, rien à propos de
Le jour de notre départ,
quatre soldats sont arrivés chez nous à
F I N
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
par Marie
Mosseri
(première
partie)
Marie
Mosseri, 85 ans aujourd'hui, me fait parvenir par sa petite cousine, Mimi
Maseda, le récit émouvant de sa vie, de sa famille, parents et grands parents,
ainsi que sa sortie d'Egypte. Vous pourrez prendre connaissance de son récit
ici même, où il sera porté en plusieurs parties.
PREMIERE PARTIE :
Mon nom est Marie Mosseri. Je suis née en
Egypte. Mon père est né à Haifa en Palestine où il vécut jusqu’à l’âge de seize
ans environ. Ses parents, originaires d’Oran dans le Maghreb, avaient une
certaine tradition concernant leurs fils : dès qu’un garçon atteignait
l’âge de la bar mitsvah, ils le laissaient travailler pour subvenir à ses
besoins. Ainsi, tout en vivant sous leur
toit, il n’était plus entièrement à leur charge.
A
cette époque, tout était très difficile et
il dut pratiquer toutes sortes de métiers, comme celui de peintre par exemple.
Mais les revenus étant insuffisants, il lui a fallu partir plusieurs fois à
l’étranger, en France et en Belgique, où il demeura quelques années, apprit le
français et s’employa, là aussi, à divers travaux manuels dans des foires et
des expositions.
A
chacun de ses séjours en Palestine, ses parents lui reprochaient d’être loin
d’eux et le sommaient de revenir. Jusqu’au jour où il fut en âge de se marier.
Or, à Haifa, ils étaient voisins de
En
cette fin du 19ème siècle, la situation était très difficile et il était vraiment impossible de trouver du
travail en Palestine. Trois fois durant son mariage il se rendit à l’étranger
pour travailler, laissant sa femme enceinte ; et, à chacun de ses retours,
il trouvait une fille de plus à
C’est ainsi que, vers 1910, il partit pour
l’Egypte. Là, il s’associa au cousin de son épouse et ils louèrent un immeuble
de trois étages pour en faire un hôtel qu’ils appelèrent « Hôtel
Palestine ». Les clients étaient en partie des Arabes d’Arabie Saoudite.
L’hôtel comportait un restaurant cacher et recevait également des envoyés Juifs
de Palestine.
Tout alla pour le mieux
pendant quelques années. Durant cette période, son épouse mit au monde deux
autres filles; ils avaient donc cinq filles. Pour la sixième naissance elle
désirait vivement un garçon. Fût-ce la grande déception, ou le fait que les
accouchées n’étaient pas aussi bien suivies à ce temps-là que de nos jours, le
fait est que, malheureusement, ni elle ni le bébé ne survécurent à
l’accouchement.
Mon père s’est donc
retrouvé avec ses filles et cet hôtel
dont il fallait qu’il s’occupe seul, puisque son épouse, qui était aussi son
bras droit et le secondait dans toutes ses tâches, n’était plus. Il lui fallut
donc trouver une autre femme. C’est ainsi que des personnes de son entourage
lui présentèrent une jeune femme, veuve également, qui allait devenir ma mère.
Née
d’une famille originaire d’Espagne installée en Egypte depuis plusieurs
générations, elle avait été mariée à
Vita Hefets, né lui aussi en Egypte. Il lui avait donné trois enfants
et était mort emporté par la grippe espagnole quatre mois avant la naissance du
dernier. Ma mère était veuve avec ses trois petits : Rachel, Isaac et le
bébé Louna.
A la
suite du décès de son époux, les parents de ma mère ne la laissèrent pas
isolée un seul instant. Son mari lui avait laissé un très
bel appartement et financièrement, elle vivait dans de bonnes conditions. Le
quartier où elle demeurait, était un quartier huppé nommé « Habdin »,
habité par de riches Egyptiens, à proximité du palais du roi. Ses frères ne
voulaient pas laisser seule une jeune femme juive dans un endroit habité
principalement par des Egyptiens. Donc, chaque nuit, un des frères dormait chez
elle, à tour de rôle.
Lorsque les parents de ma mère lui proposèrent
de rencontrer mon père, elle accepta et
les présentations eurent lieu. Mon père est arrivé avec un membre de la famille
de sa première femme, lequel était à l’origine de
Mon
père avait un mode de vie rudimentaire mais correct c’est-à-dire que la
nourriture était suffisante mais simple, les vêtements, ordinaires et le
mobilier, courant. Il ne tolérait pas le superflu. Puis, ma mère est
arrivée avec tous ses meubles et a emménagé dans un des appartements de
l’hôtel, et la vie en commun a commencé. Habituée à une vie plus aisée,
notamment pour la nourriture et l’habillement, elle ne désirait porter aucun changement à son train de vie
puisqu’elle en avait les moyens : elle voulait que ses enfants aient le
meilleur.
Mais cela était difficile car mon père ne
pouvait se le permettre pour ses propres
enfants. La situation à la maison n’était
pas simple car on ne pouvait pas élever des enfants de manières
différentes dans un même appartement. Ma mère a donc décidé de placer les
enfants de son premier mari chez les frères de celui-ci, et ce fut une dure
séparation pour elle. Cela l'a rendue très triste, et peut-être parce qu’elle
sentait que sa vie était pour ainsi dire brisée par le départ de ses enfants,
elle fut une marâtre très sévère pour
les filles de mon père.
C’est à ce moment-là que je
suis née. Marie Dahan, fille de Caroline
Menahem et de Makhlouf Dahan, l’aînée
des quatre enfants que mes parents ont eus
en commun. A ma naissance, mon
père fut très déçu et en colère car il avait déjà quatre filles et désirait un
garçon par-dessus tout. Il fonda tous ses espoirs sur la croyance de l’époque qui voulait que ce soit la femme
qui détermine le sexe de l’enfant : en épousant ma mère qui avait déjà eu
un garçon de son premier mariage, il était persuadé qu’il réussirait à avoir un
fils. Le sort voulut que dans la semaine de ma naissance, il gagna 200£
égyptiennes à
Après ma naissance, mes parents ont eu
trois autres filles : Alice, Hélène et Irène toutes aussi belles ; et
à chaque naissance la déception de mon père allait grandissant. Mais voyant
leur beauté, il disait : « Avoir une jolie fille n’est qu’un demi
scandale ». Car à l’époque, c’était un scandale d’avoir des filles.
Mes parents étaient très différents : ma
mère, plutôt conventionnelle était très à cheval sur les principes…Mon père,
très original, était un pionnier, un peu bohême, mais c’était un homme
remarquable à l’esprit d’avant-garde. Autodidacte, il n’avait pas fréquenté
l’école mais avait étudié dans une classe nommée « Keteb » dirigée
par un rabbin jusqu’à l’âge de treize ans. Très intelligent et très ouvert, il
acheta des livres et apprit seul à lire et à écrire l’arabe, et lut aussi le
Coran.
A l’hôtel qu’il dirigeait,
outre les Juifs de Palestine de passage en Egypte, il arrivait que des
Musulmans de là-bas viennent louer des chambres, heureux de trouver une
personne parlant l’arabe palestinien qui diffère quelque peu de l’arabe
égyptien. Et mon père discutait des
pages de Coran avec des Cheikhs ébahis de voir un Juif connaître leur
Livre aussi bien qu’eux, si ce n’est
mieux. Il n’allait jamais voir un médecin.
Je
me souviens d’un jour où, pour soigner un panaris qu’il avait à l’orteil, il
écrasa un oignon, le chauffa sur un fer à griller, et lorsque celui-ci fut bien
chaud, l’appliqua sur la plaie purulente. Nous imaginions la douleur qu’il
ressentit, puisqu’il s’est presque évanoui. Ma mère criait : « Tu es
fou, tu es en train de te faire du mal ! ». Lui, il rétorquait :
« Mais, Caroline, c’est un médicament formidable ! ». Nous ne savions
pas que l’ail ou l’oignon pouvaient remplacer un antibiotique mais c’était vrai ! Le lendemain, la
plaie s’était ouverte, tout le pus en était sorti, et ce fut pour nous une
révélation.
Nous avons donc grandi dans cette maison avec
nos sœurs paternelles qui ont été très affectueuses à notre égard : elles
s’occupaient de nous, nous racontaient des histoires, nous aidaient à faire nos
devoirs. Nous avons étudié dans une
école catholique française tenue par des religieuses, l’Ecole Du Bon Pasteur.
Les filles de mon père étaient allées à l’Alliance, qui était éloignée de notre
domicile. C’était une très bonne école, et mes sœurs ont réussi
professionnellement grâce à l’enseignement qu’elles y ont reçu. Mais l’Alliance
était fréquentée par des personnes d’un niveau social inférieur au nôtre et ma
mère préféra nous inscrire à l’école catholique dont la cour de récréation
pouvait être vue des fenêtres de notre maison. De plus, le niveau y était excellent.
Je
suis satisfaite et heureuse d’avoir pu étudier dans cette école qui, dès mon
jeune âge, m’a ouvert l’esprit sur le monde. Je n’ai pas fait de grandes études
et le seul diplôme que j’aie obtenu est
le Certificat d’Etudes Primaires. Je n’ai pas cherché à poursuivre mes études
et on ne m’a pas non plus encouragée à le faire car de mon temps, et dans le
milieu dans lequel je vivais, il était normal qu’une jeune fille s’arrête là…
Les religieuses m’ont proposé d’enseigner dans les petites classes. Elles
m’aimaient beaucoup et me préféraient à d’autres élèves, elles cherchaient donc
à me retenir auprès d’elles. Mais mon père s’y est opposé.
J’avais
14 ans à la fin de ma scolarité. J’aidais
ma mère à l’entretien de la maison et je
surveillais les domestiques … Je pouvais recevoir des amies, mais en aucun cas
je n’étais autorisée à me rendre chez elles… L’éducation que j’ai reçue peut
paraître trop stricte, mais en fait, j’étais beaucoup plus émancipée moralement
que je ne le paraissais.
A cette période, à proximité de la maison, il y avait une
grande surface, une sorte de Monoprix, dans lequel travaillait le jeune homme
qui devait par la suite devenir mon mari. A quatorze ans, les filles étaient déjà très
développées, et nos rendez-vous qui se limitaient à des rencontres «
au travers de la fenêtre » se poursuivirent jusqu’à mon seizième
anniversaire.
Nous
nous sommes rencontrés un jour, non loin de la maison, et nous avons été
surpris par un de mes oncles… ce qui déclencha un véritable cataclysme. En
rentrant chez lui, mon oncle trouva ma mère et ses soeurs en train de jouer aux
cartes, ce qu’elles faisaient régulièrement l’après-midi. Il lui dit : « Tu joues aux cartes,
alors que ta fille se trouve en ce moment au rond-point d’ Ataba avec un homme
plus âgé qu’elle ! ».
Ma mère, qui nous a élevées de façon
très stricte et très sévère surtout en ce qui concerne les sorties et les
garçons, se dépêcha de rentrer à la maison, et empoignant le rouleau à
pâtisserie, entreprit de me corriger. Heureusement, tous les après-midi, notre
domestique, un jeune Noir, attendait l’arrivée de ma mère au bas de l’escalier,
car il ne se permettait pas d’entrer en son absence. Ce jour-là il est donc
entré à sa suite, et l’a vue se diriger vers moi armée du rouleau à pâtisserie.
Ce
fut terrible ; les coups pleuvaient et je ne pouvais pas résister ;
je n’avais pas la force de me relever pour les esquiver car j’étais presque
évanouie. Alors le domestique s’interposa. Mon père travaillait à l’hôtel et y
passait
Après son départ il me dit : « Enfin, Marie, comment as-tu pu
faire cela ? Ne connais-tu donc pas ta mère ? Et qui est cet
homme que tu vois ? ». Je répondis : « C’est un jeune
homme très bien, très gentil, très poli, et nous nous aimons ». Mon
père demanda : « Si vous vous
aimez, pourquoi ne vient-il pas demander ta main ?... »
La première fille de ma mère, venue nous
rendre visite, et me voyant dans cet état fit également des remarques à Maman, lui demandant ce qui justifiait une
telle punition. Ma mère lui dit : « Elle est sortie en mon absence,
sans mon autorisation, et s’est affichée avec un jeune homme au rond-point d’
Ataba. » Puis elle lui décrivit le portrait fait par mon oncle. Ma sœur,
qui était au courant de nos rencontres, lui répondit : « Je connais
ce jeune homme, c’est un gentil garçon, il n’a pu lui faire aucun mal. Mais si
tu dois la tuer pour l’avoir rencontré, je vais aller voir ce jeune homme et
lui dire de ne plus l’approcher ».
Ma
sœur est donc allée lui parler ; elle a pu ainsi constater qu’il avait de
bonnes intentions ; qu’il était conscient de la différence d’âge, et que j’étais encore trop jeune pour le
mariage. Elle décida d’organiser, avec
l’aide de ma tante, une rencontre afin que ma mère puisse le voir et juger par elle-même. C’est ainsi qu’il se
présenta à notre domicile encadré de ses deux frères aînés, qui eux aussi
avaient une excellente présentation. En les voyant, ma mère, qui m’avait
assurée qu’elle ne voulait pas les recevoir et les mettrait dehors, resta
muette d’admiration. Ma tante lui demanda : « Caroline, que penses-tu
de ce jeune homme ? » Gênée, Maman
répondit : « C’est ton mari qui m’en avait fait un portrait
déplaisant… »
C’est de cette façon que ma mère a connu mon
futur mari ; elle a accepté,
non que nous continuions à nous
rencontrer, mais d’attendre et de se renseigner, car je n’avais pas encore
l’âge légal de me marier ; car en Egypte, la loi stipulait qu’un mariage
ne pouvait être célébré que si la jeune fille avait plus de seize ans. Mon
oncle proposa également de se renseigner davantage sur le jeune homme avant
tout engagement.
Bien
entendu, il n’y eut que de bons renseignements, et mes parents acceptèrent de
célébrer des fiançailles, et d’attendre six
mois, l’âge requis pour le mariage. Nous nous sommes mariés en juin
1939, j’avais seize ans et Vita mon mari, vingt- six ans. Puis la guerre
éclata. Nous étions conscients de la tension qui régnait en Europe. Nous
n’étions pas concernés, mais nous craignions pour les Juifs de là-bas. Nous
entendions parler de l’antisémitisme et des pogroms en Allemagne, et que Hitler
voulait « débarrasser » l’Europe des Juifs. Nous savions qu’une
menace planait sur le peuple et cette menace
pesa sur nous durant toute la guerre.
Fin de la première partie.
Pourquoi ce
site ? Le Courrier des
lecteurs Les envois des lecteurs Le coin de la
poésie Les cahiers de
Mimi Le coin de l’humour
Le Chemin de la
Sagesse et du Bonheur L’Univers du Rêve Les Nourritures Temporelles L’Egypte que j’ai
connue
Faisons
connaissance De Fil en
Aiguille, A Bâtons Rompus
Kan ya ma kan L’étreinte du passé témoignages & Souvenirs
Si-Berto m’était
conté timbres poste
d’Egypte Le mot du rédacteur
Sites Internet Me contacter