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DEUXIEME OPUSCULE : 

L’ U N I V E R S   DU   R E V E

 

 

 

CONTES  & HISTOIRES FOLKLORIQUES D’EGYPTE

ET DU MOYEN ORIENT

 

 

 

A notre époque où les enfants manipulent des jeux électroniques compliqués et où la télé a enlevé son charme au cirque par la projection répétée de numéros de plus en plus sensationnels, il semblerait que ces contes , ces histoires soient simplistes. Mais, au temps de notre enfance où la télé n’existait pas, ils nous enchantaient comme les histoires  et contes de fées que l’on racontait aux enfants, ici en France, pendant les veillées autour de la cheminée. Or, ne sommes-nous pas tous des enfants ? Des grands enfants ? Ces contes ont un parfum de rose, de jasmin et de musc.  Essayez de vous les imaginer dans le contexte où ils ont pris corps et vous en retrouverez la poésie des mots et des situations. Alors, vous ferez abstraction du temps présent et vous vous plongerez dans cette atmosphère orientale hors du temps et du lieu et, peut-être, cela créera en vous un moment d’enchantement et de rêve….. C’est ce que je vous  souhaite. Grimpez sur le Tapis Volant de l’imagination et laissez-vous diriger vers les pays des souks, des bazars, des minarets et des palais  dans les jardins desquels  domine le parfum des orangers en fleurs, le gazouillement des oiseaux et de l’eau coulant des vasques ainsi que le gargouillement des narguilés..

 

Septembre 2014       LES  TROIS DEVINS

Mai 2014                HISTOIRE VRAIE - Solange et Marcello VAÏS :

Mai 2012                FENÊTRES OUVERTES SUR LE BOSPHORE - Mimi de CASTRO

Janvier 2012          LES AMANTS DU BOSPHORE – Mimi Castro

Octobre 2011         CHEZ LA MARCHANDE DE REVES – Albert PARDO

Juin 2011             LE RATE – Esther BENGHIAT

Janvier 2011          L’ANE AU FOND DU PUIT - Léon et Ety GABRIEL 

Aout 2010            LE CHOIX DU PRINCE SHARIF – Mimi Castro

15 Avril 2010         L’ORIGINE DE LA FEMME - Lily KHODARA

Décembre 2009       SEIF  EL DINE ET AMAR EL A’LAM – Mimi Castro

Octobre 2009         LE JUGEMENT DU ROI HAROUN – Mimi Castro

Avril 2009            HUIT  MINUTES…… - Clément DASSA :

LE 28/02/2009       POUR QUE LE BONHEUR EXISTE - NELL LEV  :

LE 30/06/2008       JE N’OUBLIE RIENMimi Castro

LE 30/04/2008       ENTRE CIEL ET TERRE - Mimi Castro

LE 31/12/2007       NOTRE RUEMimi Castro

LE 31/10/2007       LE ROSSIGNOL ET LA PRINCESSEMimi Castro

LE 31/08/2007       LE vœu UNIQUE

Le 30/06/2007       UN JOUR MON PRINCE VIENDRA (suite et fin)Mimi Castro

Le 30/04/2007       UN JOUR MON PRINCE VIENDRAMimi Castro

Le 31/03/2007       LA VOIX DU SPHINXMimi Castro

Le 28/02/2007       CONTE HINDOU : LA CREATION DE LA FEMME

Le 31/01/2007       CE QUE LE PERE GOHA A FAIT

Le 31/12/2006       le café du coin

Le 25/11/2006       LA MAISON ROUGE

Le 28/10/2006        LA DOUBLE VIE DU SULTAN MAHMOUD

Le 28/09/2006       LES DEUX MARCHANDS DE SOIE

Le 25/08/2006       un saint homme

LE 30/06/2006       LA CHEMISE  ET  LE   BONHEUR

LE 25/05/2006       L’ENVIEUX

Le 26/04/2006       LE  PERROQUET CHAUVE

Le 25/03/2006       MEDECIN  ET  DEVIN

Le 28/02/2006       GOHA  ET  ABOUL  NAOUASS

Le 21/01/2006       LE BROYEUR D’EPICES ET LE VOLEUR

Le 23/12/2005       LE  BOUCHER  ET  LE  SAVETIER

Le 26/11/2005       LES  CHEIKHS  AVEUGLES

Le 14/10/2005       LES  TROIS  DEVINS

Le 22/09/2005       LE  TESTAMENT

Le 19/08/2005       L’HOMME DE CŒUR ET L’HOMME D’HONNEUR

Le 12/07/2005       LE  DOUAR  DU  SINGE

 

 

 

Septembre 2014

L E S  T R O I S  D E V I N S

(Talatt Ménaguémine)

 

 

En souvenir de mon très cher et regretté ami Mansour COHEN qui

a toujours incarné, ainsi que sa Famille ,la Bonté, la Générosité et la Joie de Vivre

 

 

Dans le folklore égyptien, plusieurs histoires humoristiques ont pour personnages un musulman, un chrétien et un juif, sans aucune intention de racisme ou de méchanceté. A tel point, qu’un film comique célèbre a été tourné en leur honneur dont le titre est « HASSAN, MORCOS & COHEN ». Dans ces histoires, le beau rôle est habituellement attribué à celui des protagonistes qui a la même religion que le conteur.

                                                                            ====================================

 

 

Du temps du Calife Haroun Al-Rachid, vivaient ensemble à Bagdad trois amis célibataires : un musulman, un chrétien et un juif. Ils mettaient  leurs gains en commun et vivaient heureux.

 

 Par suite d’une crise économique, il advint qu’ils perdirent  leur emploi l’un après l’autre et se trouvèrent bientôt sans le sou. Alors, ils tinrent conseil pour débattre de leur avenir et convinrent de se faire « devins », métier ne nécessitant ni capital ni boutique. Ils devaient aller par les rues, chacun à son tour, pour prédire l’avenir. Les charlatans pullulaient à cette époque et par suite des nombreuses plaintes des habitants bernés, le Calife décida d’y mettre bon ordre. Il ordonna qu’on lui présente tout prétendu devin et celui qui ne l’était pas réellement recevrait la bastonnade.

 

Les gardes arrêtèrent le chrétien que le sort avait désigné à commencer le premier, ce jour-là, et le traînèrent devant Haroun Al-Rachid. Celui-ci lui désigna une table sur laquelle il y avait trois assiettes recouvertes d’une serviette et il lui dit :

-      Si tu ne devines pas ce que contiennent ces assiettes, tu recevras la bastonnade !

Il ne put évidemment pas deviner leur contenu et fut roué de coups. Il regagna péniblement ses pénates, se jeta sur son lit sans souffler mot de son aventure et s’endormit en gémissant de douleurs. Le lendemain, ce fut le tour du musulman. Même scénario. Le surlendemain, le tour du juif arriva. Il fut aussitôt arrêté par les gardes et présenté au Calife. Excédé, celui-ci lui dit :

-      Maintenant, ce ne sera plus la bastonnade. Si tu ne devines pas le contenu de ces assiettes, tu auras la tête tranchée. Constatant que sa dernière heure était venue, le juif pensa aux ingrédients avec lesquels on s’aspergeait, à cette époque, lors d’un deuil et il s’exclama : naphte, goudron et noir de fumée…

 

Par un heureux hasard (ou peut-être pour la bonne continuation de l’histoire) c’était exactement ce que contenaient les assiettes. Le Sultan applaudit et ordonna qu’on remette dix pièces d’or à cet honnête devin.

 

Le juif remercia le Calife et, en descendant les marches du palais, il y vit un troupeau de dindons superbes ; il ne put s’empêcher de s’exclamer à mi-voix : Ah ! si le Calife me faisait cadeau de l’un de ces volatiles !

 

L’entendant marmonner, le Calife crut qu’il rouspétait pour la modestie de son cadeau et il le rappela :

 

-      Viens ici, que dis-tu ?

-      Oh ! rien votre Majesté, rien du tout !

-      Tu vas me répéter tout de suite ce que tu as marmonné ou je vais finir par me fâcher !

 

Le pauvre diable répéta ce qu’il avait souhaité et le Calife, riant aux éclats, ordonna qu’on lui remette le plus gros dindon.

 

Tout joyeux, il courut à la maison raconter son aventure à ses deux amis. Il partageât équitablement l’or avec ses associés mais prétendit garder le dindon pour lui tout seul car, d’après lui, il s’agissait non pas d’un gain mais d’un cadeau personnel.

 

Une dispute éclata entre eux ; les voisins s’en mêlèrent et les gardes emmenèrent les trois hommes auprès du Calife pour qu’il rende la justice dans cette affaire, comme c’était la coutume. Celui-ci écouta leur histoire et, voulant s’amuser un peu, il leur dit :

 

-      Ecoutez-moi bien ! Vous allez laisser ici le dindon qui sera apprêté par mon cuisinier. Vous reviendrez ce soir coucher au Palais et, au matin, chacun racontera ses rêves de la nuit. Celui qui aura fait le plus beau rêve, emportera le dindon. Ils s’en allèrent puis revinrent à l’heure dite, le juif cachant dans son vêtement une bouteille de bon vin. Ils trouvèrent le dindon cuit à point et garni de plusieurs choses délicieuses. Ils s’allongèrent et bientôt leurs ronflements emplirent la pièce.

 

Vers minuit, le juif se leva sans faire de bruit, s’attabla et, débouchant le flacon de vin, il vint à bout du dindon et de la bouteille ; après quoi, il plaça celle-ci, vide, dans le plat avec les os, recouvrit le tout avec la serviette et se rendormit.

 

Le Calife arriva de bon matin, curieux de les entendre et les trouva prêts. Le chrétien s’avança le premier et dit :

 

-     Commandeur des Croyants, voici mon rêve : j’étais profondément endormi quand notre Seigneur Jésus-Christ se révéla à moi. Il me prit par la main et m’entraîna vers les Hautes Sphères. J’ai vu le Paradis, les Anges sur les nuages. J’ai entendu les musiques célestes et, d’un Ciel à l’Autre, il me conduisit jusqu’au Septième Ciel, après quoi  je me réveillais.

- Par ma foi, dit le Calife, voilà un bien beau rêve ! A toi, dit-il, s’adressant au musulman.

 

-      Moi, c’est le Prophète Mahomet qui se présenta à moi. Il me prit par la main et m’entraîna dans les profondeurs de la Terre. J’ai traversé le Feu Eternel sans me brûler, les Abysses sans me mouiller. J’ai vu le Taureau portant notre Univers  sur ses cornes  et, d’une Terre à l’Autre, il m’entraîna jusqu’à la Septième Terre et mes yeux et mon cerveau sont encore éblouis par toutes les merveilles qui m’ont été révélées.

 

-      Voilà encore un bien beau rêve, dit le Sultan ; mais nous allons entendre celui du juif. A toi !

 

-      Hélas, Sire, dit ce dernier, vous allez être bien déçu ! Je dormais profondément lorsque Ezraïn, l’Ange de la Mort,  me tira par les pieds et, me tendant un flacon de vin, il me dit : Mange le dindon et bois le contenu de cette bouteille ou, sinon, je prendrais ton âme et la mettrais en Enfer ! Que devais-je faire, o ! Prince des Croyants ?

 

Le Calife, riant aux éclats, répondit :

-   Il fallait le manger !

-   C’est ce que j’ai fait, Sire !

 

Alors ses compagnons se jetèrent sur lui et lui dirent :

 

-      Tu ne pouvais pas nous appeler, maudit, pour partager ton festin ?

 

-      Comment aurais-je pu le faire, répondit-il, toi, tu étais au Septième Ciel et toi, à la Septième Terre !

 

Le Calife n’en pouvait plus de rire de la malice du juif et il garda tout le monde à déjeuner avec lui.

 

 

 

 

Mai 2014

 

Reçu le 26 Janvier 2014 de Solange et Marcello VAÏS :

 

HISTOIRE VRAIE

 

Quelques années avant ma naissance, mon père connut un étranger récemment arrivé dans notre village. Depuis le début, mon père fut subjugué par ce personnage, si bien que nous en arrivâmes à l'inviter à demeurer chez nous. L'étranger accepta et depuis lors il fit partie de la famille. Moi je grandissais, je n'ai jamais demandé d'où il venait, tout me paraissait évident. Mes parents étaient enseignants : ma maman m'apprit ce qu'était le bien et ce qu'était le mal et mon père m'apprit l'obéissance. Mais l'étranger c'était un conteur, un enjôleur. Il nous maintenait pendant des heures, fascinés par ses histoires mystérieuses ou rigolotes. Il avait la réponse à tout ce qui concernait la politique, l'histoire ou les sciences. Il connaissait tout du passé, du présent, il aurait presque pu parler du futur !
Il fit même assister ma famille à une partie de football pour la première fois. Il me faisait rire et il me faisait pleurer. L'étranger n'arrêtait jamais de parler, ça ne dérangeait pas ma Maman. Parfois elle se levait, sans prévenir, pendant que  nous continuions à boire ses paroles, je pense qu'en réalité, elle était partie à la cuisine pour avoir un peu de tranquillité. (Maintenant je me demande si elle n'espérait pas avec impatience qu'il s'en aille.)
Mon père avait ses convictions morales, mais l'étranger ne semblait pas en être concerné. Les blasphèmes, les mauvaises paroles, par exemple, personne chez nous, ni voisins, ni amis, s'y seraient permis. Ce n'était pas le cas de l'étranger qui se permettait tout, offusquant mon père et faisant rougir ma maman. Mon père nous avait totalement interdit l'alcool.Lui, l'étranger il nous incitait à en boire souvent.Il nous affirmait que les cigarettes étaient fraîches et inoffensives, et que pipes et cigares faisaient distingué. Il parlait librement (peut-être trop) du sexe.Ses commentaires étaient évidents, suggestifs, et souvent dévergondés.
Maintenant je sais que mes relations ont été grandement influencées par cet étranger pendant mon adolescence. Nous le critiquions, il ne faisait aucun cas de la valeur de mes parents, et malgré cela, il était toujours là. Cinquante ans sont passés depuis notre départ du foyer paternel. Et depuis lors beaucoup de choses ont changé: nous n'avons plus cette fascination. Il n'empêche que, si vous pouviez pénétrer chez mes parents, vous le retrouveriez quand même dans un coin, attendant que quelqu'un vienne écouter ses parlotes ou lui consacrer son temps libre....
Voulez-vous connaître son nom?  Nous, nous l'appelons ........ Téléviseur !
 Remarque: 
Il faudrait que cette belle histoire soit lue partout.
Attention: maintenant il a une épouse qui s'appelle Ordinateur !
et un fils qui s'appelle Portable !
 et un neveu pire que tous ! Lui c'est le SMART PHONE

 

 

Mai 2012

 

Reçu de Madame Mimi de CASTRO :

 

FENÊTRES OUVERTES SUR LE BOSPHORE

 

C’est dans la ville aux minarets, à Istanbul

Que j’ai reconnu mon amour dans la foule.

Il errait seul à la recherche d’une âme soeur

Et quand il m’a vu, il m’a tendu une fleur!

 

Mon coeur chantait en le regardant devant moi.

Sans connaître son nom et sans entendre sa voix

Je lui donnais ma main qu’il prit tendrement.

Ses yeux dans les miens il s’approcha lentement.

 

C’est dans les rues de la ville d’Istanbul

Au beau milieu des grands bazars et de la foule

Que j’ai vécu dans la joie les mille et une nuits.

Les heures légères comme un souffle se sont enfuies.

 

Je pensais que je pourrai vivre pour toujours

Partageant ces rares délices avec mon amour.

Je pensais que ce grisant et suave parfum

N’avait pour nous ni commencement ni fin.

 

C’est sur le brillant Haliç un soir à Istanbul

Qu’autour de nous se pressait une grande foule.

Soudain, sans même un sourire, un regard ou un adieu

Mon bien-aimé a disparu, il s’est effacé de ces lieux.

 

Je ne peux me résigner à son départ

Et je le cherche encore de toutes parts.

Je passe mon temps dans les rues d‘Istanbul

En scrutant chaque passant que je vois dans la foule.

 

 

Janvier 2012

 

LES AMANTS DU BOSPHORE

MIMI  DE  CASTRO

 

Dans le bateau qui nous emporte loin de tout,

Pour un moment tu m’as caché ton regard fou.

Soudain, j‘ai vu tes yeux me parler

Exprimer ta grande tristesse et tes regrets.

J’ai deviné tous les mots que tu ne pouvais dire

Et j’ai pu sur ton visage clairement lire:

Notre amour défendu, puissant, régnant sur nous.

Dans tes yeux, en un instant a brillé malgré tout

Cette flamme qui m’a longtemps fait rêver.

J’ai deviné ces promesses et ces pensées

Que je voulais t’entendre me murmurer.

Dans tes yeux, lentement, je me suis sentie

Absorbée, invitée, ensorcelée, engloutie,

Noyée par ton désir et l’intensité de ton émoi.

Dans mes yeux qui te cherchent, c’est à toi

De lire maintenant, car si nos lèvres

Tremblantes ne peuvent exprimer cette fièvre,

Nos coeurs eux d’un commun accord, ont déjà décidé:

L’eau du Bosphore couvrira notre impossible félicité.

 

A l’aube, deux corps sont repêchés des eaux froides et opaques du Bosphore...

 

 

 

Octobre 2011

 

CHEZ  LA  MARCHANDE  DE REVES

Albert Pardo

 

Plongé dans mes pensées du moment tout en déambulant par les rues, je pris soudain conscience que je m’étais perdu dans ce quartier où je venais pour la première fois. Je me trouvais dans une rue étroite bordée, à droite et à gauche, de magasins fermés. Je lisais les noms de leurs anciens propriétaires sur les enseignes  et l’objet de leur commerce : Boulangerie, Charcuterie, Cordonnerie, Vins & Liqueurs, Droguerie, Boucherie, etc. Toutes ces boutiques avaient leurs  rideaux de fer tirés. Un air de tristesse régnait dans cette rue et cela me prenait à la gorge. Maintenant, rares étaient les rues qui ne ressemblaient pas à celle-ci à cause de la  désertification des petits commerces de proximité. Je me souviens que lorsque nous sommes arrivés à Marseille, un demi-siècle plus tôt, tous ces magasins étaient animés par la clientèle de passage ou des alentours, les rideaux de fer relevés et faisant apercevoir l’intérieur des boutiques et les devantures pleines de marchandises de toutes sortes, les vitrines éclairées  et exposants à la vue des passants les denrées proposées, les cris et les rires des enfants, les commères qui devisaient entre elles à haute voix à la porte de ces mêmes magasins et se donnant les nouvelles du moment. Il y avait de la joie, de la gaîté, de la VIE,  remplacées maintenant par ce silence de mort qui provoquait en moi un sentiment de tristesse indéfinissable. Hélas, les supermarchés et les grandes surfaces ont tué ce genre de petit commerce pour toujours. A un certain moment, perdu dans mes pensées, je relevais la tête et O ! miracle ! j’ai aperçu une toute petite boutique ouverte portant sur son enseigne  ces mots ‘’LA MARCHANDE DE REVES’’ et en dessous, en  caractères plus petits,  ‘’ Madame ESPERANZA ‘’. Tout heureux de voir un signe de vie dans cette rue déserte, j’y suis entré sans réfléchir. Une gentille personne d’un certain âge vint au devant de moi et me dit avec un grand et doux sourire :

-       Bonjour, monsieur, qu’y-a-t’il pour votre service ?

J’ai hésité un moment et lui ai ensuite demandé :

-     Ainsi, vous vendez des rêves ?

-     Oui, oui, me répondit-elle, tous genres de rêves  et de souhaits.  En voulez-vous ?

J’ai hésité encore un petit moment et puis je me suis jeté à l’eau :

-      Combien valent les rêves  et à quel prix sont les souhaits ?

-      Oh ! il y en a à tous les prix ! Combien voulez-vous mettre ?

-      Je ne sais pas, moi, ….disons dix euros !

-      Dix euros ? Vous n’aurez pas grand chose avec dix euros !

-      Vous ne pouvez pas me donner une idée de ce que vous proposez et du prix de chaque rêve  et de chaque souhait ?

-      Je n’impose pas les rêves, c’est au client de dire ce qu’il aimerait  rêver ou les souhaits qu’il voudrait voir exaucés et moi je fixe les prix. Mais je vais vous faciliter les choses : Voulez-vous rêver au passé ou à l’avenir ? Par exemple : voulez-vous rêver de vos amours anciennes ou futures ? de votre santé passée ou de celle que vous aurez ? de votre beauté de jeunesse ou de celle de l’âge mûr ? de votre situation financière  précédente ou celle à  venir ? D’autre part, souhaitez-vous la richesse, ou préférez-vous la jeunesse, la santé, l’amour ? Prenez votre temps, réfléchissez et faites-moi part de vos désirs profonds. A propos, si vous désirez cumuler plusieurs souhaits et plusieurs rêves en même temps et que leur prix  total s’avérait important, je vous signale que je fais des facilités de paiement qui peuvent s’échelonner jusqu’à six mois. Elle m’avança une chaise, près d’une petite table sur laquelle se trouvaient un calepin et un stylo-bille et elle s’éclipsa.

On croit que c’est facile d’émettre des souhaits ou de désirer avoir des rêves plus ou moins mirobolants mais j’ai constaté rapidement que c’est beaucoup plus difficile que je ne le pensais. Mais enfin ! que pouvais-je souhaiter ? La richesse ? pourquoi faire ? Grâce au ciel, mes enfants et leurs familles  sont à l’abri du besoin et quant à mon épouse et à moi, nous nous suffisons avec ce que nous avons. Après tout, à nos âges, nous ne mangeons pas énormément, nous sortons moins souvent qu’auparavant, nous limitons nos voyages à nos possibilités physiques et nos garde-robes sont largement pourvues. A quoi servirait-il d’avoir encore et encore des sous que nous ne pourrions pas utiliser et qui nous causeraient des soucis  pour les placer judicieusement ? La Bourse ne dégringole-t-elle pas tous les jours et depuis un certain temps déjà ? Non, non,  il vaut mieux laisser ce souhait-là  à ceux qui sont dépourvus d’argent, n’est-ce pas ?

Quant à la santé, il faut être raisonnable ! Nous ne pouvons pas nous en plaindre étant donné nos âges respectifs, mon épouse et moi. Enfin, nous ne sommes pas de la première jeunesse ! Nous ne pouvons donc pas demander l’impossible, c’est à dire des années nombreuses et une santé de fer ! Quelques petits ennuis mécaniques d’ici et de là sont, après tout, supportables, n’est-ce pas ?

Pour ce qui est de l’Amour, là nous sommes entièrement satisfaits. Vous ne trouverez pas de nombreux couples comme nous qui fêteraient  bientôt leur soixantième année de mariage dans la sérénité, le bonheur, l’affection et l’amour que nous éprouvons l’un pour l’autre  Alors, que demander de plus ? ! N’est-ce pas ?

Pour l’âge, il ne faut pas exagérer non plus ! Personnellement, je ne souhaite avoir ni un jour, ni une année, ni une décade de moins afin de regagner le temps qui est passé ou bien de paraître plus jeune. Déjà et je le dis sans fausse modestie, tout le monde me donne dix ans de moins que mon âge qui est déjà respectable !   Alors ? que désirer de plus ?  Ce n’est pas que je sois  pressé de passer l’arme à gauche, dans l’autre monde, non, car la vie est trop belle malgré les petites misères de l’existence  mais je crains surtout  de tomber dans la sénilité, la dépendance ou toutes autres maladies attachées au Grand Age. Alors, je laisse voir venir. C’est raisonnable, n’est-ce pas ?

Arrivé là de mes pensées, la Marchande de Rêves revint me voir et me demanda : 

-    Alors ? avez-vous choisi ?

Je lui ai fait part de tout ce qui précède et elle me dit :

-      Mon bon Monsieur, je n’ai jamais eu affaire à quelqu’un tel que vous. De tous ceux qui viennent ici, personne n’est content de son sort et tous ont des souhaits plus ou moins mirobolants ; vous êtes, je crois, l’exception qui confirme la règle.

Alors je lui ai dit :

-      Et pour les rêves ?

-      Je pense franchement que vous n’en avez pas besoin puisque vous êtes si content de votre sort. Vous êtes un homme heureux et je vous envie.

-      Vraiment ? Vous n’auriez quand même pas un tout petit rêve pour moi ?

-      J’ai beau chercher je n’en trouve pas et, en tous cas, c’est à vous de m’annoncer les rêves que vous désirez voir réalisés afin que je leur fasse prendre corps ! Si vous n’en avez pas, je ne peux rien pour vous.

-      Des rêves ? oh ! oui ! Puis-je vous faire une confidence ? Toutes les nuits, j’ai un ou plusieurs rêves dont la plupart sont agréables ; rares sont les mauvais rêves et ceux-là, je les oublie dès mon réveil.

-      Tout ce que je peux faire pour vous, c’est vous donner ce conseil  : Ecrivez vos rêves, vos souhaits  et vos expériences de la vie et racontez-les autour de vous. Vous ferez plaisir à vos lecteurs  et à vous-même !

 

Et voilà comment j’ai commencé la rédaction de ce recueil.

 

 

Juin 2011

 

Reçu de Madame Esther BENGHIAT ( Booguy )

 

LE RATE

 

 

POEME DE MON RECUEIL D'EGYPTE (1952-54)

ECRIT UN JOUR  DE GRANDE DEPRIME A L'AGE DE 16 ANS

 

 

L'HOMME ETAIT DEBOUT LA, DEVANT SON MIROIR

DEVANT CE JUSTICIER QUI NE MONTRAIT POINT SA GLOIRE.

HAGARD, PALE, LIVIDE ET IL N'OSAIT CROIRE

QUE CE POUVAIT ETRE LUI, CET HOMME SANS ESPOIR

UNE VOIX S'ELEVAIT DU MIROIR PLEINE D'ANXIETE

ET LUI DISAIT, TU ES UN RATE, TU ES UN RATE.

 

IL PRIT SA TETE ENTRE SES MAINS FREMISSANTES,

ET SE MIT A PENSER AVEC UNE RAGE GRANDISSANTE

QU'IL ETAIT BIEN LUI LE DERNIER DES HUMAINS.

ET DE SES ENTRAILLES LA MEME VOIX SEMBLAIT MONTER,

ET LUI DISAIT, TU ES UN RATE, TU ES UN RATE.

 

IL SE VIT PAR UNE DOUCE NUIT D'ETE,

DANS UN JARDIN SOMBRE OU LA LUNE EN BEAUTE,

SEMBLAIT FAIRE EXPRES DE BEAUX COINS NOIRS,

OU IL EMBRASSAIT SA BELLE ET OUBLIAIT SES DEBOIRES,

MAIS ENTRES SES LEVRES MEME ET CELLE DE SON AIMEE,

LA MEME VOIX DISAIT TU ES UN RATE, TU ES UN RATE..

 

PRIS DE DESESPOIR ET LES YEUX PLEINS DE LARMES

IL VIT DEVANT LUI SA VIE SANS AUCUN CHARME,

ALORS COMME UN FOU IL COURUT VERS UN PONT

MAIS LE FLEUVE LUI MEME SEMBLAIT LE RENIER

ET LUI MURMURAIT, TU ES UN RATE, TU ES UN RATE.

 

IL PENSA S'Y JETER DU PONT MAIS N'EUT PAS LE COURAGE

EN VOYANT CETTE EAU LA, QUI SANS AMBAGE,

NARQUOISE, IRONIQUE FORMAIT AVEC SES LARMES,

CES MOTS INNOCENTS ET QUI ETAIENT SON ARME,

ET QUI RETOURNAIENT LE FER CHAUD DANS SES PLAIES

EN LUI ECRIVANT, TU EST UN RATE, TU ES UN RATE.

 

 

 

Janvier 2011

 

Reçu le 23 novembre 2010 de Monsieur Léon et Ety GABRIEL :

 

L'ANE AU FOND DU PUITS

 

Un jour, l'âne d'un fermier est tombé dans un puits. L'animal gémissait pitoyablement pendant des heures, et le fermier se demandait quoi faire. Finalement, il a décidé que l'animal était vieux et le puits devait disparaître de toute façon, ce n'était pas rentable pour lui de récupérer l'âne. Il a invité tous ses voisins à venir et à l'aider. 

Ils ont tous saisi une pelle et ont commencé à  enterrer l'âne dans le puits.
Au début, l'âne a réalisé ce qui se produisait et se mit à crier terriblement. 
Puis à la stupéfaction de chacun, il s'est tu.
Quelques pelletées plus tard, le fermier a finalement regardé dans le fond du puits et a été étonné de ce qu'il a vu. Avec chaque pelletée de terre qui tombait sur lui, l'âne faisait quelque chose de stupéfiant. Il se secouait pour enlever la terre de son dos et montait dessus.
Pendant que les voisins du fermier continuaient à pelleter sur l'animal, il se secouait et montait dessus. Bientôt, chacun a été stupéfié que l'âne soit hors du puits et se mit à trotter ! 
LA MORALE DE CETTE HISTOIRE
La vie va essayer de t'engloutir de toutes sortes d'ordures. Le truc pour se sortir du trou est de se secouer pour avancer.
  
Chacun de tes ennuis est une pierre qui permet de progresser. Nous pouvons sortir des puits les plus profonds en n'arrêtant jamais. Il ne faut jamais abandonner!
Secoue-toi et fonce!
Rappelle-toi, les cinq règles simples! À ne jamais oublier, surtout dans les moments les plus sombres.
                                       Pour être heureux / heureuse :
  
1. Libère ton coeur de la haine. 
2. Libère ton esprit des inquiétudes. 
3. Vis simplement. 
4. Donne plus. 
5. Attends moins.
 
Merci d'être là... 
Ce texte m'a été envoyé, je l'ai trouvé beau, 
je n'ai pas pu le garder pour moi et 
j'ai voulu le partager à mon tour avec toi. 
J'espère que tu feras pareillement

 

 

  Aout 2010

 

LE CHOIX DU PRINCE SHARIF

(Un conte de Mimi de Castro)

 

Désespéré Sharif constate tristement ce qu'est devenu son royaume: désertique, desséché et abrupte au possible après la dernière vague de khamsin qui a sévi pendant si longtemps. Il ne reste plus rien de la belle oasis verte remplie de palmiers et d'oliviers, de lacs et de rivières abreuvant le pays. Avec un coup de pinceau cruel et inexplicable la nature a balayé tous les dons dont elle avait béni le royaume.

         Au bord du ruisseau qui dans le temps était une belle et orgueilleuse rivière, Sharif reste penseur. C'est un endroit où il aimait autrefois venir s'asseoir, regarder les poissons sauter et se poursuivre gaiement dans le courant et sentir la brise odorante lui caresser le front. Le vent dans les palmes et le bruit des flots se mêlaient et calmaient le jeune homme en lui apportant une félicité qu'il appréciait plus que tout.

         Tout cela semble si loin ! Aujourd'hui, la situation ne peut que se dégrader et causer malheurs et désastres. Il se sent responsable auprès de son peuple bien aimé. Il lui faut impérativement trouver une solution même s'il doit céder le trône à un autre roi qui pourrait restituer la santé à son pays.

         Le roi Hatem, père de Sharif alité depuis plusieurs mois est mourant sur sa couche qu'il ne veut plus quitter. Le grand vizir jure que les malheurs affligeant le royaume sont dus au fait que Sharif n'est pas encore marié et qu'aucun héritier mâle n'était né depuis longtemps. Chacun des conseillers du roi supplie Sharif à son tour de prendre femme afin de mettre un terme cette terrible situation.

         Ce que tout le monde ignore, c'est que le cœur de Sharif appartient à une créature de la nature qui l'avait totalement séduit et qui emplissait jour et nuit ses pensées. Un jour, juste avant que les malheurs ne frappent le royaume, Sharif l'avait aperçue sous l'étrange forme d'une femme qui était apparue dans un fourré au bord de la rivière. Son corps recouvert de l'écorce d'un arbre, ses cheveux semblables aux branches d'un saule pleureur et ses pieds tels des pattes de canard n'avaient nullement étonné le jeune prince. Sortie de l'eau, Donia, puisque tel était son nom, l'avait interpellé d'une voix douce et musicale.

         A peine Sharif avait-il entendu cette voix fascinante qu'il avait succombé à son charme. Il venait souvent s'entretenir avec elle de tout et de rien jusqu'à ce que finalement il lui confie ses problèmes et les affaires du royaume. Elle le conseillait bien mais entre-temps la situation s'aggravait de jour en jour, la sécheresse s'installait définitivement dans le pays et son impact se ressentait partout.

         Tout semblait perdu et sans espoir, quand Donia disparut tout d’un coup. Sharif, désespéré, retournait sans cesse à l'endroit où il aimait la rencontrer mais en vain!  Sharif ne pouvait plus l’attendre et il fallait absolument résoudre le problème afin de sauver le royaume d'une perte certaine.

         Les contacts diplomatiques s'étaient poursuivis et bientôt plusieurs des royaumes avoisinants envoyèrent à la cour du roi Hatem des délégations avec des propositions de mariage. Une union entre le prince Sharif et une princesse de l'un de ces pays pourrait sauver le royaume.

Dans la salle d'audience en présence de toute la cour, du roi Hatem assis sur son trône pour cette occasion, et du prince Sharif à ses côtés, s'ouvre la cérémonie de présentation des princesses.

         La première Samiha, princesse du Gamil, se présente avec une longue parade de dons merveilleux envoyés par son père au roi Hatem. Son chambellan la présente en la décrivant comme "Celle qui chante si divinement que tous les oiseaux de la nature s'arrêtent pour l'écouter". En effet, elle a une si belle voix qu'elle fascine l'audience quand elle chante, mais à la première question que le prince lui pose, elle répond d'une voix nasillarde et braillarde. Le prince refuse de la considérer.

         La deuxième princesse Nabiha, fille du roi de Sabil, arrive avec une traînée d'esclaves et de cadeaux pour le roi Hatem. Elle est encore plus belle que la princesse Samiha et son chambellan l'annonce comme "Celle qui danse plus légèrement que la feuille au vent". La danse qu'elle exécute devant toute la cour est si envoûtante qu'à la fin cela prend quelques secondes à l'audience avant que chacun ne puisse reprendre ses sens. Prince Sharif s'adresse à la princesse mais à sa consternation, il se rend compte qu'elle est muette. Encore une fois déçu, il se demande laquelle pourrait être une femme digne de régner à ses côtés.

Dahab, la troisième princesse, venue du royaume de Moftah, s'avance précédée des dons envoyés par son père. Fière, hautaine et belle, couverte de somptueux vêtements, elle éblouit le public car tissée de fils d'or, la cape sur ses épaules brille de mille lueurs. Son chambellan l'annonce comme "Celle qui vaut son pesant d'or".        En fait la princesse Dahab est capable de marcher sur les fleurs dans son jardin et de les transformer en or solide. Dans le silence complet de toute la cour, on apporte des plantes que l'on place sous ses pieds et rien qu'en pressant ses orteils dessus elle les transforme  en or brillant et massif.

 On s'exclame et on admire le résultat mais lorsque Sharif s'adresse à la princesse, il constate qu'elle manque totalement d'intelligence et n'a aucune réponse aux questions que lui pose le prince.

         Découragé, le prince Sharif se tourne vers son père qui, les larmes aux yeux, le supplie de faire son choix.

- Allons mon fils, il faut décider, nous ne pouvons plus attendre.

- Mais père, répond Sharif, il y a encore une personne que nous n'avons pas vue. J'espérais qu'elle serait arrivée. Il nous faut l'attendre. C'est elle que je désire...

- Qui est-elle mon fils, où est-elle? De quel royaume vient-elle? S'impatiente le vieux roi.

- Elle pourra répondre à toutes ces questions aussitôt qu'elle apparaîtra mon père.

         A ce moment, un brouhaha se fait entendre et les courtiers s'écartent consternés pour laisser passer une créature étrange qui se dirige pesamment vers le trône. Les yeux écarquillés et silencieux la foule lui fait place. Sharif se tourne en direction du bruit et lance un cri victorieux en voyant Donia, car c'est bien elle qui s'approche.

- C'est elle père c'est celle que je désire. Elle s'appelle Donia et je l'aime... soupire-t-il.

- Quoi? Ça? Comment....balbutie le roi en se tenant la poitrine comme pour contenir son cœur effaré. Il est tout rouge et proche de s'effondrer. Le grand vizir fait signe à son médecin de l'assister et dans la salle d'audience c'est le chaos total.

         Sharif s'agenouille devant son père et lui prend la main avec amour et respect. Il s'adresse à lui d'une voix forte pour que toute la cour entende.

- Mon cher père, noble et fort. Je ne veux point te manquer de respect mais laisse-moi te dire qu'aujourd'hui nous avons vu des princesses nobles et belles mais qui n'apporteront rien à notre royaume. Tandis que Donia , oh mon père, elle nous redonnera la vie qui vient à nous manquer. La princesse Samiha en chantant arrête le cours de la nature, nous ne devons point empêcher les oiseaux de chanter. La princesse Nabiha aussi douée qu'elle soit, fascine mais ne parlera pas à notre peuple. Finalement la princesse Dahab dont le seul souci est de transformer les plantes en or, ne pourra jamais aider à faire refleurir notre pauvre pays. Sharif reprend le souffle avant de continuer sous le regard éberlué de son père, ses conseillers et ministres ainsi que des courtiers. Donia, elle silencieuse, s'était arrêtée au pied des marches qui mènent vers le trône.

- Regardez tous s'il vous plaît...regardez bien Donia et fixez-la dans les yeux et je vous décrirai ce que vous allez voir. Après cela si vous pensez qu'elle n'est pas la femme qu'il me faut, je me rendrai à votre jugement.

Le prince descend les marches et gentiment prend la main de Donia, rugueuse et couverte de plaques qui s'écorchent et la conduit vers le trône. Une fois arrivée en face du roi, Sharif la positionne de façon à ce que son père puisse la regarder dans les yeux. Sans mot dire, Donia regarde le roi et Sharif traduit à l'assemblée ce que le roi voit.

- Dans les yeux de Donia se reflètent des rivières gorgées de poissons, des couchers de soleil illuminent la terre, des champs de blé dansent sous la caresse du vent, la nature en fête s'épanouit et la joie se répand partout...il n'y a que des chants de remerciement au Dieu Unique qui envoie Ses dons vers nous...tout cela est possible avec Donia à mes côtés...

         Le roi Hatem, ému, les larmes pleins les yeux regarde son fils et toute l'assemblée en déclarant  "Que la volonté du Seigneur soit, car c'est sûrement de Lui que nous vient Donia."

Le silence est lourd dans la salle parce que tout le monde se demande comment le prince Sharif épouserait-il une créature si difforme et étrange telle que cette Donia. Quelle sorte d'enfants auront-ils?

         Le prince Sharif déclare à son père que c'est seulement lui, le roi qui doit lui donner la main de Donia. Le roi se lève en titubant et son vizir l'aide. Il saisit la main difforme de Donia et la met dans celle de Sharif. Voilà que tout d'un coup cette dernière se transforme en une femme resplendissante de beauté et rayonnante devant les yeux ébahis de Sharif, son père et toute la foule. 

         La joie règne depuis lors sur le pays renaissant grâce à Donia qui sous l'effet d'un sortilège malin avait été réduite à cet état jusqu'à ce que l'amour d'un homme lui redonne sa vraie forme humaine.

 

 

 

15 Avril 2010

 

Reçu le 9 avril 2010 de Madame Lily KHODARA :

 

L'Origine de la Femme


Une légende raconte qu'au commencement du monde, quand  Dieu décida de créer la femme, il trouva qu'il avait épuisé tous les matériaux solides dans l'homme et qu'il ne disposait plus de rien. Devant le dilemme et après une profonde méditation, voilà ce qu'il fit:
 

1     Il  prit la rondeur de la lune,

2     les suaves courbes des  vagues,

3     la tendre adhérence du liseron,

4     le tremblant mouvement des feuilles,

5     la sveltesse du palmier,

6     la teinte délicate des fleurs,

7     l'amoureux regard du cerf,

8     la joie du rayon de soleil et les gouttes des pleurs des nuages,

9     l'inconstance du  vent et la fidélité du chien,

10 la timidité de la tourterelle et la vanité du paon,

11 la suavité de la plume du cygne et la dureté du diamant,

12 la douceur de la colombe et la cruauté du tigre,

13 l'ardeur du feu et la froideur de la neige.

 

Il mélange ces ingrédients si divers, forme la femme et la donna à l'homme.

 

Une semaine après l'homme vint et lui dit :

F- Seigneur, la créature que tu m'as donnée me rend malheureux,

1        elle requiert toute  mon attention,

2         ne me laisse jamais seul,

3        bavarde intensément,

4        pleure sans motif,

5        s'amuse à me faire souffrir

 

et je viens te la rendre car JE NE PEUX PLUS VIVRE AVEC ELLE.

 

F-Bien, répondit Dieu et il prit la femme.


  Une semaine après, l'homme revint  et lui dit :

    1- Seigneur, je me sens très seul depuis que je t'ai rendu la   créature que tu as faite pour moi,

2     elle chantait et jouait à mon côté, elle me regardait
avec tendresse et son regard était une caresse,

3     elle riait et son rire était musique,

4     elle était belle à voir et douce au toucher.


Rends-la-moi


FCar JE NE PEUX PAS VIVRE SANS ELLE car dans ses défauts elle est  EXTRAORDINAIRE."

Envoyez cela à toutes les  femmes extraordinaires que vous
connaissez et à tous les hommes pour qu'ils ne doutent jamais des femmes qui les entourent.
Ne changez jamais, restez toujours vous même.

 

 

Décembre 2009

 

 

Reçu de Madame Mimi de CASTRO /

 

SEIF  EL DINE et AMAR EL A’LAM

 

Après une guerre de laquelle il était retourné victorieux, Seif el Din demande à son père le sultan Jehan de l’envoyer à nouveau faire de nouvelles conquêtes en son nom.

_ Noble fils de ton père, repose-toi un peu. Il est grand temps que tu épouses une belle princesse et que tu nous produises des héritiers. Tu as grandement fais ton devoir et notre royaume est sain et sauf grâce à ta bravoure.

 Le sultan supplie son fils mais le jeune homme impatient et assoiffé d’aventures refuse d’écouter la voix de la sagesse.

_ Mon père, je te respecte et je t’aime plus que tout au monde mais je ne pourrai jamais m’habituer à une vie calme et oisive. J’ai besoin d’être libre et de me sentir utile.

Ne sachant plus que faire afin de retenir son fils au palais, le sultan consent à ce que  Seif el Din se remette en route à une condition.

_ Mon fils choisis-toi une femme et ensuite je consentirai à ce que tu partes. Il y a une mission que je ne peux confier qu’à toi. Il faut qu’au bout de l’année tu aies trouvé une épouse digne de porter les enfants qui seront nos héritiers.

Ne pouvant refuser à son père une telle requête, Seif el Din entouré de ses conseillers, décide de passer en revue les familles qui auraient des filles dignes de son royaume. Des semaines durant le voilà en pourparlers et conférences mais il ne trouve aucune fille à son goût. Chaque jour, Seif el Din  sort du palais sur son magnifique cheval blanc et passe à côté d’une mendiante aveugle à qui il laisse quelques sous dans son écuelle.

         La femme le bénit toujours et lui souhaite de vivre longtemps heureux et d’avoir beaucoup d’enfants. Un jour Seif el Din lui adresse la parole et lui demande « Vieille mère pourquoi me souhaites-tu beaucoup d’enfants et je ne suis même pas marié. » La mendiante soupire longuement et lui répond avec un sourire.

_ Noble prince Seif el Din, cesse de chercher une femme parmi celle que tu connais. Celle qui sera ton épouse et qui te rendra heureux n’est point dans ce royaume.

Le jeune prince, curieux malgré lui met pied à terre et questionne la vieille femme.

_ Vieille mère depuis quand es-tu aveugle et comment sais-tu, ce que j’ignore moi-même?

_ Je suis aveugle depuis 18 ans mon prince, punie d’un grave délit commis à mon insu.

La vieille soupire encore tandis que de chaudes larmes coulent de ses yeux sans vue. Pris d’une grande pitié pour la vieille mendiante, le prince ordonne qu’on lui trouve un logis et que l’on nourrisse cette pauvre femme. Ensuite il lui demande de raconter son histoire.

 

« Mon noble bienfaiteur, le destin m’a mis sur ta route car quand tu auras entendu mon histoire tu sauras où se trouve ta future fiancée et comment la retrouver.  Je m’appelle Fahima et le plus beau jour de ma vie a été lorsque l’on m’a choisie pour être la nourrice de la plus belle des petites filles. Elle n’avait que quelques heures et ses parents l’avaient nommée Amar el A’lam (la beauté du monde). Oui, mon prince, il s’agit du roi Tal’aat régnant sur le royaume voisin que ton père le sultan a conquis lorsqu’il était jeune. La seule raison de cette facile victoire sur le roi Tal’aat a été que la famille royale avait perdu le goût de vivre après le grand malheur qui les avait affligés.

Je te disais donc que lorsque la petite Amar a été mise dans mes bras, le monde s’était éclairci et je me suis occupée d’elle pendant un an. Chaque minute m’apportait le bonheur le plus grand et ses parents ne vivaient que pour elle. Un jour, oh comme je le maudis ce jour! J’avais laissé l’enfant dans son berceau pendant qu’avec les autres membres du harem nous admirions les étoffes que nous montrait un marchand venant de l’Inde. Je me suis absentée tout juste quelques minutes mais quand je suis retournée vers le berceau, oh malheur des malheurs! Amar avait disparue.

Les parents au désespoir et tous les membres de la famille et de la cour en émoi n’ont pas réussi à retrouver la petite princesse. La colère et le deuil des parents n’avait pas de pareil et furieux le roi avait ordonné de m’aveugler parce que mes yeux avaient erré loin de sa fille bien-aimée.

Je ne lui en veux pas parce que c’est en effet ma faute si on a réussi à enlever notre trésor. Je me morfonds depuis dix-huit ans mon prince et je ne puis me pardonner. »

 

La vieille mendiante se tait pendant que de terribles sanglots secouent son pauvre corps squelettique. Le prince est pris de pitié pour elle et pour ce pauvre roi qui non seulement avait perdu son enfant mais son royaume aussi. Quand elle se calme un peu, Fahima se relève et prend la main du prince Seif el Din et la serre de toutes ses forces.

_ Noble prince et grand héros de ton pays, écoute-moi car seul toi tu pourras résoudre ce problème, il n’y a que toi qui puisse sauver le pauvre roi Tal’aat et retrouver Amar el A’lam. Quand tu la trouveras tu l’épouseras, c’est elle qui t’est destinée.

_ Comment sais-tu tout cela vieille mère? Pourquoi penses-tu que je vais faire ce que tu me demandes?

_ Le jour où le glaive chaud a été enfoncé dans mes pauvres yeux, j’ai perdu la vue de ce monde. Mais j’ai eu d’autres yeux qui se sont ouverts vers un monde ou les valeurs sont différentes. J’ai eu une vision prophétique qui me mit au courant de ce que je viens de te dire. De plus je sais exactement qui a kidnappé notre Amar. Elle aura dix-neuf ans et elle est si belle que dans ses yeux se baignent le jour et la nuit. Elle est si douce que sur sa peau tous les parfums des fleurs perdent leur charme. Amar el A’lam t’attend mon prince.  Je sais qu’elle rêve de toi car c’est moi-même qui achemine les songes vers elle. Cela lui permet de supporter sa triste vie.

La mendiante épuisée se tait et pendant un long moment Seif el Din reste silencieux à ses côtés. Après réflexion le jeune homme lui demande de continuer son récit et la vieille le fait.

_ Celui qui a enlevé Amar n’est autre que le terrible sorcier et magicien ‘Afrite. Oui, cher prince celui même que tu avais poursuivi une nuit après les dégâts qu’il avait causés aux paysans de ton père. C’est lui qui, il y a dix-huit ans s’est introduit au palais de Tal’aat et a enlevé la petite Amar. Ma vision est claire, je la vois dans une prison, enfermée comme un oiseau dans une cage d’or. Elle a une compagne mais elle n’est jamais sortie de sa cage. Elle ne connait pas le monde et elle est malheureuse. De plus, le magicien se prépare à faire d’elle sa femme.

_ Mais comment déjouer ce magicien s’il est tellement puissant et fort, comment pourrais-je vaincre et libérer la princesse?

_ Noble prince, ce magicien a une faiblesse. Il adore jouer aux échecs, ce jeu en provenance de la Perse je crois. Il ne trouve pas de bons joueurs et il lui arrive même de kidnapper des hommes afin de les obliger à jouer avec lui. Il a enseigné le jeu à Amar pour qu’elle lui tienne compagnie mais elle ne joue pas encore assez bien. Ce magicien aussi aime les fêtes foraines avec des chanteurs, danseurs et acrobates qu’il fait tuer par ses singes après le spectacle.  Il n’y a presque plus d’artistes qui s’aventurent du côté de son village de peur d’être tués.

_ Alors tu veux dire que je dois apprendre à jouer ce jeu et lui présenter un spectacle et après quoi? S’étonne le jeune Seif el Din.

_ Je suis sûre que tu trouveras une solution afin de t’introduire dans le palais de ‘Afrite et de te faire voir par Amar. Elle comprendra que tu arrives enfin pour la libérer. Ensuite tu seras inspiré pour faire le reste. Je possède aussi un poison très puissant que tu pourras utiliser et de cette façon, nous débarrasser à tous de ce monstre. Tu es le seul à pouvoir le faire Seif el Din, continue Fahima.

Le jeune prince reste silencieux et pensif car toute cette histoire lui plait. Il est aventureux et intrépide; de plus à entendre Fahima parler de Amar el A’lam il l’aime déjà. Reste à faire des plans pour que sa mission réussisse et qu’il libère la belle princesse. Seif el Din quitte la vieille mendiante en s’assurant qu’elle lui remette le poison qu’elle avait mentionné ainsi que la direction de la région où se trouve le magicien ‘Afrite.

         Après avoir pris conseil de son père qui voulait le convaincre de ne pas entreprendre une telle mission, Seif el Din part avec la bénédiction du roi. Il demande à une troupe de musiciens, de clowns et de chanteurs de l’accompagner sans rien leur mentionner des dangers éventuels qu’ils rencontreraient au bout du voyage. Mais il les prépare à bien se défendre dans le cas d’une attaque.

         Ils se mettent en route et durant tout le voyage, Seif pratique et étudie le jeu d’échecs que l’on nomme aussi le jeu des rois. Il apprend vite et facilement tous les mouvements possibles de ce jeu.

         Arrivés proche du village où vit le magicien, Seif et sa troupe installent leurs tentes et avec fanfare appellent les villageois à venir voir leur spectacle. De cette manière Seif el Din espère attirer l’attention du sorcier pour qu’il puisse lui-même se rendre auprès de la demeure de ‘Afrite sans entraves.

Les villageois se rassemblent gaiement autour du campement des artistes et pendant qu’on les fait asseoir pour le spectacle, Seif el Din inspecte les alentours. Il découvre que la maison au haut de la colline appartient au magicien et que celui-ci est très friand de spectacles de jongleurs et d’acrobates. Les musiciens font irruption sur la scène et le spectacle commence avec brio. A ce moment le magicien arrive entouré de ses singes qui lui servent de gardiens. Il est armé jusqu’aux dents et son visage grimaçant est effroyablement laid. Seif tremble de peur pour la belle Amar el A’lam.

Seif el Din s’esquive habilement et se dirige au pas de course vers la colline. Il grimpe en se cachant habilement entre les arbres et les buissons s’arrêtant à peine pour respirer. En haut de la colline il trouve une maison entourée d’une épaisse muraille. Il cherche une faille dans la muraille et lorsque finalement il trouve une faiblesse dans la structure, Seif réussit à déloger quelques briques. Travaillant avec rapidité, Seif taille une brèche assez large pour y passer son corps.

Il se glisse avec agilité et s’arrête tout d’un coup sous une fenêtre de laquelle brillait une forte lumière. Il grimpe le long du mur en s’agrippant au lierre et atterrit sur le balcon. Sans faire de bruit, Seif écoute les voix qui retentissent derrière les portes ouvertes. Il entend une voix de femme et des sanglots à fendre le cœur.

         Mais à peine fait-il mine de pénétrer dans la pièce, qu'il entend un terrible grondement et une panthère noire apparait menaçante. Il fait un bon en arrière pendant qu’à la porte du balcon une extraordinaire vision est visible. Seif n’a pas le temps de la regarder car la menace de la panthère exige toute son attention. Il sort son glaive et se prépare à attaquer l’animal. Une voix se fait entendre « N’aie pas peur Seif! » Le jeune homme reconnait la voix de la mendiante. Il s’écrit avec force « Je n’ai pas peur! » En exprimant son courage dans son imagination il bannit l’image de la panthère et elle tombe à ses pieds.

Seif est surpris mais ne relâche pas sa vigilance car soudain c’est un lion qui rugit avant d’apparaitre devant lui. Sachant qu’il a à faire avec des sortilèges de magicien, Seif continue à utiliser son imagination afin d’effacer l’image de l’animal qui lui fait face. Ainsi à plusieurs reprises il réussit à surmonte sa peur et ces hallucinations créées par le magicien cessent d’apparaitre.

Mais le jeune prince sait qu’il n’avait pas encore atteint son but. Il replace  son glaive dans son fourreau et fait irruption dans la chambre. Il trouve deux femmes dans les bras l’une de l’autre en sanglots mais point de grande beauté ni de princesse visible. Déçu, Seif el Din  reste planté au centre de la pièce et observe intensément ces femmes en silence.

La plus âgée se détache de l’autre et lui demande s’il est le jeune héros venu de loin pour les sauver des griffes du magicien. Il acquiesce de la tête et finalement ayant retrouvé ses esprits, le jeune répond. « Je suis là pour sauver la princesse Amar qui doit devenir mon épouse. Savez-vous où elle se trouve? »

Les deux femmes échangent des regards rapides et hochent la tête. C’est de nouveau la plus âgée qui s’exprime « Jeune prince nous ne pouvons pas te mener vers la princesse mais nous sommes nous-mêmes prisonnières de ce monstre. Nous avons besoin de toi. » Seif el Din mis devant un tel problème réfléchit afin de trouver une solution. Le temps presse parce que le spectacle sera bientôt terminé et le magicien retournera chez lui. Le jeune prince a pitié de ces prisonnières mais il désire trouver Amar. Que faire?

Sa décision est prise. Il n’a pas de choix. Il se retourne vers les deux femmes et déclare « Mesdames, je suis votre chevalier servant. Même si vous n’êtes pas qui je pense, je dois vous sauver. Dépêchez-vous vite il faut que nous partions tout de suite. » Il aide les femmes à sauter du balcon dans le jardin et il les cache parmi les épais buissons qui entourent la maison. Il court au bas de la colline voir si le spectacle était terminé pour se mesurer au magicien.

Autour de la tente du spectacle une grande foule se dépêche de partir avant que la bonne humeur du magicien ne s’épuise et qu’il fasse des prisonniers. Les acteurs et acrobates prêts à la bagarre observent le magicien et ses singes qui rient encore du spectacle. Soudain le magicien rugit en levant sa main gauche armée d’un gourdin. « Qui joue aux échecs dans cette troupe? S’il n’y a personne, je me prépare à vous bastonner comme il se doit. »

Seif el Din avance vers le magicien « C’est moi que tu veux magicien, je joue aux échecs et je parie devant tout le monde que je vais te battre.”

Afrite gronde encore plus fort et la foule s’éloigne en vidant le centre de la place pour qu’une table soit dressée et deux chaises ajoutées.

Le magicien et le jeune prince s’assoient et un échiquier est mis devant eux.

Aussitôt que la partie commence, Seif el Din prétend qu’il souffre d’une grande soif et toutes sortes de boissons sont mises à leur disposition. Il encourage le magicien à boire mais soupçonneux ‘Afrite exige que Seif boive avant lui. 

Le jeune prince finalement réussit à glisser quelques gouttes du poison que lui avait donné Fahima mais il doit le mettre dans les deux verres pour que le magicien n’hésite pas à boire de son verre. Seif récite une courte prière vers le ciel mais il sait qu’ingérer le poison lui aussi est la seule  façon de se débarrasser   du  monstre et sauver les  deux pauvres femmes prisonnières.

Les deux hommes trinquent avant de boire leur coupes jusqu’au bout. ‘Afrite se prépare à faire bouger un de ses pions lorsqu’il s’affaisse la tête la première sur la table. C’est le signal pour les hommes de Seif de se ruer sur les singes et la bataille est inégale. Ils ont bientôt raison des gardes qui gisent à terre.

Les hommes de Seif sont atterrés de se rendre compte que Seif lui-même était sans connaissance aussi aux côtés du brutal magicien. Cela n’était point prévu. Attristés et endeuillés les hommes transportent le corps de leur prince en pleurant. Ils le placent sur un banc et le couvrent d’une cape de soie rouge. Ils ne savent que faire et ont même peur de retourner au royaume sans lui. Ils imaginent les pleurs et lamentations du roi et de la cour.

Tout d’un coup, descendant de la colline, les hommes regardent bouche bée une lueur resplendissante qui avance vers eux. Ils ferment les yeux ne pouvant supporter ces feux. Une femme s’avance en se détachant de ce nuage éblouissant et leur parle d’une voix douce.

« N’ayez pas peur, je suis Morgana la servante de la princesse Amar el A’lam. Votre maître nous a sauvées de la servitude du magicien et nous voilà venues rejoindre votre maître qui doit épouser la princesse. » Elle s’arrête devant le corps couvert de Seif el Din et les hommes continuent à se lamenter et pleurer.  Le nuage de lumière continue à  avancer et les hommes ne savent plus que dire. Leur chef enfin se lève et s’adresse la forme illuminée.

« Maîtresse, reine du monde, le malheur est grand et nous a frappés à tous. Notre prince a succombé tout en tuant le magicien. Nous voilà en deuil ne pouvant plus retourner à nos familles et notre pays. »

Amar el A’ Alam, s’avance encore et les hommes commencent à distinguer ses traits d’une grande beauté et bonté. Cela sera certainement la dernière fois qu’ils la verront car cette lumière et la beauté sans frontière de cette princesse seront à jamais cachés et les mortels ne la reverront jamais plus. Ils se prosternent tous et attendent qu’elle parle. Sa voix douce comme une chanson s’adresse à tous.

« Vous allez voir un miracle aujourd’hui et vous allez en parler à vos enfants et petits-enfants. Votre maître le prince Seif el Din protecteur des faibles et héros de votre pays m’a libérée du joug du magicien. Il a payé de sa vie sans questionner et sans rien demander. Le destin me l’avait destiné et il est venu me chercher. C’est pour cela que reconnaissant ses nobles sentiments, il m’a été donné de lui rendre la vie pour que nous puissions vivre pour toujours ensemble et veiller au bien de nos royaumes. »

A peine avait-elle terminé de parler, que le jeune homme repousse la cape dont il était couvert et se remet sur pied. Resplendissant de beauté et de noblesse il s’approche de la belle princesse pendant que toute l’assistance à genoux remercie Allah de ce miracle.

Dans les bras de son aimé la princesse Amar el A’ Alam trouve la joie de vivre et le bonheur dont elle avait toujours rêvé. Les deux retournent au royaume qui les attendait pour fêter leurs noces et les retrouvailles d’Amar avec ses parents.

Et c’est ainsi que se terminent les aventures du prince  Seif el Din car maintenant il a une raison de rester et régner dans son royaume. Il remplace donc son vieux père et réunit la famille de la princesse autour de lui, d’elle et de leurs enfants.

 

 

Octobre 2009

                

LE JUGEMENT DU ROI HAROUN

(Un conte de Mimi de Castro)

 

Il était une fois, dans un pays lointain, un roi qui avait une fille. La princesse était si belle que le roi la protégeait dans un grand palais entouré d’une énorme muraille. Sur les remparts des gardes se promenaient jour et nuit armés jusqu’aux dents.

A l’âge de se marier,  des chevaliers du monde entier accourent se présenter aux portes du palais. Mais la princesse ne veut rien entendre et refuse de choisir un mari dans la foule des chevaliers servants. La princesse Leila pleure jour et nuit et personne ne sait comment la guérir. Aucun des médecins appelés par le roi ne réussit à la faire sourire.

Le roi Haroun était très flatté par l’intérêt que lui portaient les nobles des royaumes adjacents et il espérait que sa fille choisirait le prince digne d’être son époux afin d’avoir un héritier au trône. Il ne comprenait pas la raison pour laquelle sa fille se comportait de cette manière.

Impatient, le roi demande à sa fille de le rejoindre dans la salle de réception où tous les prétendants de sa fille étaient réunis. Comme toujours, à peine Leila faisait son apparence, la lune et le soleil pâlissaient, les étoiles s’éteignaient petit à petit et l’on entendait un doux tintement de clochettes qui sonnaient avec chacun de ses petits pas. Elle s’installe sur le trône à côté de son père le roi Haroun. Dans le silence qui suit, le roi informe sa fille que les princes défileront bientôt et qu’elle devra choisir. Mais, Leila réplique gentiment à son père que rien ne lui fera épouser un de ces hommes. Lorsque le roi outragé par la désobéissance de sa fille exige une explication, Leila répond qu’elle lui en fera part en privé.

Après avoir exigé que toute la cour se retire, la jeune princesse commence son récit d’une voix calme et douce mais pleine d’émoi.

« Mon cher père tu comprendras pourquoi il n’y a qu’un seul homme pour moi lorsque je t’aurais conté ce qui m’est arrivé.

Depuis ma jeune enfance je n’ai connu ni frère ni sœur et aucun compagnon de ma jeunesse n’est resté assez longtemps à mes côtés, ce qui fait que j’ai grandi très solitaire. Je désirais tellement un compagnon de  jeu que j’ai commencé à en inventer un.

Tous les soirs ce jeune garçon venait me rendre visite et je jouais avec lui au jardin et à la nurserie. Nous avions inventé tous genres de jeux et nous avions appris à éviter de nous faire attraper par mes nourrices. »

Brusquement, le roi s’est levé de son trône et furieux s’est écrié « Mais c’est terrible! Je vais faire massacrer les coupables… »

La princesse lui a fait signe se taire et a continué son récit.

« Mon père tu dois comprendre que ce garçon était le résultat de mon imagination. De plus, il a rendu mon enfance supportable car la solitude me pesait vraiment. Crois-moi que vivre dans une cage d’or c’est toujours une cage. Si tu m’aimes mon père, Ô roi tout puissant tu m’écouteras jusqu’au bout! »

Le roi qui adorait sa fille se résigne à écouter le récit et retourne s’asseoir sur son trône. La princesse Leila lui sourit avec affection et reprend la parole.

« Les années ont passé et me voilà en âge de choisir un époux mais je ne pouvais imaginer perdre mon compagnon. Soudain il n’est plus retourné me voir et c’est à ce moment que la tristesse m’a accompagnée tous les jours. J’ai passé mes nuits à pleurer et à appeler mon ami mais rien à faire. J’ignore ce qui a causé l’absence de mon compagnon mais voilà, j’étais à nouveau seule. Un soir en me promenant dans mon jardin toute seule comme à l’accoutumée je parlais à mes roses et en touchant l’une d’elle ses épines m’ont blessé le doigt et le sang a perlé. En tombant sur le sol, le sang a fait pousser une tige sur laquelle un minuscule Djinn s’est trouvé. Il m’a immédiatement avisée que mon seul époux serait ce compagnon mais il me faudrait d'abord le trouver.

Cher Père, je n’ai aucune idée où chercher. Ce compagnon je l’avais inventé de toutes pièces, j’étais loin de penser que c’était un Djinn ou une créature de ce genre. » Des larmes comme des diamants roulaient sur ses belles joues nacrées.

Le roi Haroun mystifié par l’histoire que lui raconte sa fille adorée ne voit pas d’autre issue que celle de chercher à lui plaire.  Il lui promet donc de chercher l’homme qui doit devenir son mari. Il annonce aux chevaliers qu’une énorme fortune attendra celui qui pourra trouver le compagnon de sa fille. C’est ainsi qu’un grand nombre d’aventuriers défile au palais mais en vain, personne n’arrive à trouver cet homme, ni même les magiciens les plus puissants. La princesse désespérée se lamentait sans fin et dépérissait de jour en jour.

Un jour, à la grille du palais un mendiant se présente et demande une audience au roi Haroun. Les gardes de la cour voulant lui refuser l’entrée, se voient obligés de l’admettre quand il leur annonce qu’il a une solution au problème de la princesse. Ce mendiant, nu-pieds, sale puant et couverts de haillons est conduit auprès du roi qui recevait en audience.

Le pauvre mendiant se jette aux pieds du roi et d’une voix tremblante lui dit être le fiancé de sa fille. Le roi furieux pensant qu’il s’agit d’un mauvais tour demande aux gardes d’emprisonner le mendiant. Il fait venir sa fille Leila et lui demande des explications mais elle ne sait que dire ne reconnaissant pas le jeune homme en prison. Le mendiant les supplie d’écouter son histoire.

« Je conjure ta Majesté, il faut que tu m’écoutes. Ensuite si tu ne me crois pas tu peux m’exécuter. Je serai à ton entière disposition. »

Le roi Haroun, décide enfin de prêter attention au pauvre jeune homme agenouillé à ses pieds. A mesure que le mendiant raconte son histoire, une transformation prend place dans la geôle de la prison. Une lumière dorée comme un soleil petit à petit envahit les ténèbres et une douce chaleur accompagnée de l’odorant parfum de jasmin et de fleur d’orangers entoure les présents.

« Ô grand roi Haroun dont la puissance et la générosité sont connues du monde entier; écoute mon histoire et sois toi-même le juge de ce qui m’est arrivé. Je suis le dernier-né fils d’un de tes pauvres jardiniers responsable des labyrinthes de ta seigneurie. Cette partie des jardins ô roi où tu préfères passer ton temps. Je suis donc son plus jeune fils. Je passais souvent des heures à suivre mon père pour apprendre le métier. Un soir que je m’étais endormi tout près du jardin de la princesse Leila, dans un des buissons sous son balcon; j’ai été réveillé par des sanglots qui m’ont brisé le cœur. J’ai finalement découvert une petite fille solitaire qui pleurait si fort que de toute mon âme, et sur le champ j’ai juré de l’aider advienne que pourra.

         Je ne savais pas qui elle était mais j’ai surgi de derrière les buissons et j’ai fait de tout pour la faire sourire. Ses larmes séchées, la petite fille m’a demandé d’être son compagnon de jeu et de lui jurer que je le serais pour toujours. C’est ce que j’ai fait et voilà, des années durant je suis venu tous les soirs pour jouer avec elle. Elle était sûre que j’étais une simple invention créée par son imagination et je n’ai jamais rien dit pour changer ceci car je savais qu’elle avait besoin de moi.

Avec le temps qui passait notre amitié s’est transformée en amour et maintenant ô roi Haroun je suis à tes pieds et je sais que je ne pourrais jamais être son mari. Alors tu peux me tuer car la vie sans elle ne vaut rien. »

Le pauvre jeune homme reste accroupi à terre, en larmes, tremblant et ne sachant pas comment le roi réagira à sa confession. Durant cette conversation, le roi s’était rendu compte du changement dans l’atmosphère de la geôle.  Surpris et charmé il a tout de suite compris que ce pauvre jeune homme était protégé par un puissant Djinn. Il décide donc de prendre au sérieux son histoire mais avant tout, pour assurer le bonheur de sa fille, il insiste à lui faire subir une nouvelle épreuve.

Le roi demande au mendiant de se relever et sans lui dire qu’il le croyait il lui soumet le plan qu’il avait en tête. Le jeune homme devrait se présenter sale et misérable devant la princesse et si elle le reconnaissait et prononçait son nom à haute voix, il gagnerait la main de la princesse.

Le jeune homme n’avait d’autre recours qu’accepter les termes posés par le roi. Dans la salle de réception, devant toute la cour, le roi installe sa fille sur son trône et demande aux gardes de faire entrer le mendiant.

« Ma fille bien-aimée, voilà  ton époux. Tu iras vivre avec lui dans sa masure dans la campagne adjacente à nos terres. » Aux yeux atterrés de tous les nobles, les chevaliers et la famille royale ainsi que la princesse, les gardes jettent le pauvre homme aux pieds du roi.

Le jeune mendiant ne relève pas la tête et reste prostré couvert de ses haillons puants et dégoutants. Au premier abord la princesse tourne la tête et se pince le nez pendant que de grosses larmes lui coulent sur ses joues. Le roi lui demande de s’approcher de son futur mari et tout le monde s’apitoie sur le sort de la princesse. La jeune fille se lève la tête basse et désespérée elle s’approche du corps prostré à terre.

Tout d’un coup, une odeur familière lui chatouille les narines. Elle s’approche lentement du mendiant et à mesure qu’elle avance la salle se remplit d’une lueur dorée et chaleureuse. Un parfum de fleur enveloppe toute l’assistance et à deux pas du jeune homme la princesse s’écrit « Amir, mon prince! ».

Répondant à cet appel les haillons qui couvrent le corps du jeune homme tombent à terre et il se relève vêtu d’or et d’argent.  Amir et Leila resplendissent tous les deux bénis par la joie et le bonheur de l’amour qu’ils portent en leur cœur. 

Et c’est ainsi que l’histoire de Leila la belle princesse se termine avec le triomphe de l’amour.

 

 

Avril 2009

 

Reçu le 19 janvier 2009 de Monsieur Clément DASSA :

 

HUIT  MINUTES……

Conte philosophique, auteur inconnu.

 

         L’histoire raconte qu’une femme pauvre avec un garçonnet dans les bras, qui passent devant une caverne, entendit une voix mystérieuse qui venait de l’intérieur qui lui disait : Entre et prends  tout ce que tu désires, mais n’oublie pas le principal. Et souviens-toi d’une chose : après que tu sois sortie, la porte se fermera à tout jamais. Cependant, profite de l’opportunité mais n’oublie pas le principal.

         La femme entra dans la caverne et trouva beaucoup de richesses. Fascinée par l’or et les bijoux, elle déposa l’enfant à terre et commença à amasser anxieusement tout ce qu’elle pouvait dans son tablier. La voix mystérieuse lui rappela : « Tu as seulement huit minutes ». Les huit minutes épuisées, la femme chargée d’or et de pierres précieuses, courut hors de la caverne et la porte se ferma…Elle se rappela, alors, que le garçonnet était resté à l’intérieur et la porte fermée à tout jamais…

         La richesse dure peu et le désespoir, toujours…..La même chose nous arrive parfois. Nous avons quelque 80 ans pour vivre en ce monde et, toujours, une voix nous rappelle : « De ne pas oublier le principal »

         Le principal, c’est les valeurs spirituelles, la foi, la vigilance, la famille, les amis, la vie. Mais l’appât du gain, la richesse, les plaisirs matériels nous fascinent tellement que le principal reste toujours de côté.

Ainsi, nous épuisons notre temps ici-bas et nous laissons de côté  l’essentiel :    LES TRESORS DE L’AME. Nous ne devons jamais oublier que la vie en ce monde passe rapidement et que la mort arrive de façon inattendue. Et lorsque la porte de la vie se fermera pour nous, à rien serviront les lamentations.  

Nous vivons dans un monde rempli de problèmes, d’angoisses, de corruption, de vandalisme, d’injustices ou, à chaque jour, meurent des petits innocents, des parents de familles stressées, mais tout cela arrive parce que nous avons oublié le principal : L’AMOUR – LA PAIX – L’HUMILITE – LA SINCERITE – LA PURETE – LA TENDRESSE ET L’INNOCENCE DES ENFANTS.

S’IL TE PLAIT SOIS HEUREUX A CHAQUE INSTANT, A CHAQUE MOMENT DE TA VIE, POUR TRES DIFFICILE QUE SOIT L’APPARITION D’UN PROBLEME.

LA VIE, seulement UNE, PROFITES LA, SOIGNES LA, EPRENDS TOI D’ELLE POUR LORSQUE TU NE SERAS PLUS LA, NE TE REPENTES DE RIEN MEME SI TU AS MANQUE OU N’AS PAS PU FAIRE QUELQUE CHOSE….

 

 

LE 28/02/2009

 

Reçu le 13 janvier de Madame Nell LEV  :

 

POUR QUE LE BONHEUR EXISTE

 

Un jour, une femme sort de sa maison et voit trois vieillards avec de

longues barbes blanches, assis devant chez elle. Elle ne les reconnaît pas.. Elle leur dit :

' Je ne pense pas que je vous connaisse, mais vous devez avoir faim, s'il vous plaît, entrez et je vous donnerai quelque chose à manger '.

- ' Est-ce que les enfants de la maison sont là ? ' demandent-ils.

- ' Non, ils sont sortis ' leur répond-elle.

- ' Alors nous ne pouvons pas entrer '.

 

En fin d'après-midi, lorsque les enfants reviennent de l'école, la femme leur raconte son aventure avec les trois hommes.

- ' Vas leur dire que nous sommes à la maison et invite-les à entrer '! Disent-ils à leur mère. La femme sort et invite les hommes à entrer dans la maison.

- ' Nous n'entrons jamais ensemble dans une maison ', répondent-ils.

Un des vieillards explique :

-' Son nom est 'Richesse', dit-il en indiquant un de ses amis, et en indiquant l'autre, lui c'est 'Succès', et moi je suis 'Amour''. Il ajoute alors,

- ' Retourne à la maison et discute avec ta famille pour savoir lequel d'entre nous vous voulez dans votre maison '.

La femme retourne à la maison et rapporte à sa famille ce qui avait été

dit.

- ' Comme c'est étrange '! S'exclament les enfants.

- ' Puisque c'est le cas, nous allons inviter Richesse'!

> > La mère n'était pas d'accord.

- ' Pourquoi n'inviterions- nous pas Succès? Votre père en aurait bien besoin dans ses affaires...'

La plus petite, Raffie, qui suçait encore son pouce, s'exprime à son tour :

- ' Veux mamours, veux mamours.... '

Les parents fondent devant tant de câlinerie enfantine et la mère sort inviter 'Amour' à entrer...

'Amour' se lève et commence à marcher vers la maison.

Les deux autres se lèvent aussi et le suivent.

Etonnée, la femme demande à 'Richesse' et 'Succès':

- ' J'ai seulement invité 'Amour'. Pourquoi venez-vous aussi?

Les vieillards lui répondent ensemble :

- ' Si vous aviez invité 'Richesse' ou 'Succès', les deux autres d'entre nous seraient restés dehors, mais vous avez invité 'Amour' et partout où il va, nous allons avec lui, puisque partout où il y a de l'Amour,il y a aussi de la Richesse et du Succès'

 

                            MON SOUHAIT POUR TOI QUI ME LIT :

Où il y a de la douleur, je te souhaite la paix,

Où il y a le doute en toi, je te souhaite une confiance renouvelée

Où il y a la fatigue ou l'épuisement, je te souhaite la compréhension, la

      patience et la force...

Où il y a la crainte, je te souhaite l'amour et le courage.

 

                             MAINTENANT TU AS LE CHOIX :

1. Supprimer ce message,

 

OU ...

 

2. Inviter l'amour en partageant cette histoire avec tous ceux dont tu te soucies. J'espère que tu choisiras le point 2.

C 'est ce que j'ai fait pour toi, parce que pour que le bonheur existe, il faut le partager...

 

** LA VALEUR D'UNE PERSONNE SE MESURE TOUJOURS AU BONHEUR       QU'ELLE DONNE AUX AUTRES

 

 

LE 31/12/2008

 

Adressez-moi vos contes : je n’en ai plus ..

 

 

LE 30/06/2008

 

De Madame Mimi de Castro – Toronto - Canada

 

Je n’oublie rien

 

Je remercie le pays qui maintenant m’abrite,

En admirant sa majestueuse grandeur,

Son peuple qui sans fanfare m’accueille

Ses merveilleux lacs, montagnes et océans

Que j’aime aussi avec ferveur.

 

Mais il me manque encore et toujours

Le désert, le sable, la mer et le soleil

D’une autre nation où je vis le jour

Et qui nourrit de souvenirs mon âme,

Avec mille histoires dont je connais la trame.

 

Sans même le conjurer, je me souviens

Du brillant soleil dans le ciel de mon passé,

Quand soufflait la chanson dans la brise :

« Enfant du Nil, tu resteras et vite reviens! »

J’y suis en rêve, sans que mes pas m’y conduisent.

 

Les nuits chaudes, odorantes de jasmin

Quand chaque mot murmuré évoque

La douceur des roses comme du satin,

Et me ramène à la nostalgique époque

De mes premiers amours enivrants.

Aujourd’hui, derrière la vitre j’observe :

Dans le ciel immense où gronde le tonnerre,

Comme un présage de malheur et de colère.

Tant de nuages gonflés de pluie

S’abattent bien fort sur notre terre,

Et avec force s’écrasent sur le lac qui luit.

 

De cent mille vagues à crêtes d’argent

S’agitent les eaux devant moi se mouvant,

Et les gouttelettes se précipitent rapidement

Dans les flots de glace, vitreux et troublants

Qui annoncent l’arrivée de l’hiver et du froid!

 

(Mimi de Castro)

 

LE 30/04/2008

 

ENTRE CIEL ET MER

Un conte de Mimi de Castro

 

La première sensation de Farah, c’est l’eau, l’eau de cette mer qui lui baigne les pieds de sa fraîcheur. Ensuite, c’est la caresse du vent et les embruns qui lui laissent un goût salé sur les lèvres.  Depuis son plus jeune âge, la mer, au bord de laquelle elle grandit s’imprime sur elle comme une seconde peau. Le soleil qui la réchauffe, l’inonde de sa lumière constante et des fois brûle dans sa chair, au plus profond d’elle le tatouage, signe invisible qui la distingue des autres.   La chanson des flots envahit son âme et la berce en lui murmurant d’innombrables histoires qui lui tiennent compagnie à tout moment.

Poursuivant la tradition de leur clan, Salma, sa mère l’accompagne dans la grotte blanche, profonde et secrète où depuis des siècles les femmes de leur famille ont coutume d’aller consulter les augures. Salma elle-même n’a pas hérité de ce don mais la petite Farah, elle, a une vue infaillible. Tous les membres de la famille comptent sur elle pour résoudre les problèmes quotidiens et prédire l’avenir. Farah ne se souvient pas de ses visions et c’est pour cela qu’il faut qu’une autre femme l’accompagne.

Mais tout cela change lorsqu’un  jour où, par un hasard extraordinaire ou plutôt un miracle, Farah se rend compte qu’après la transe, le souvenir de ses visions ne disparaît pas de sa mémoire comme lorsqu’elle était enfant. Consciente de l’importance que ce fait lui révèle, elle garde le secret de sa connaissance bien enfoui dans son cœur. Farah comprend à quel point elle est un instrument de pouvoir. Après maintes réflexions elle décide de ne rien dire à sa mère afin d’utiliser cet avantage pour combattre la tradition qui demande qu’après l’âge de seize ans, on lui trouve mari.

Comme une drogue de laquelle elle ne plus se passer, Farah désire visiter la grotte plus souvent car sa soif de savoir grandit. Elle voudrait poser elle, ses propres questions plutôt que celles de son clan et sa famille. L’univers autour d’elle n’est plus seulement les siens, mais très vite cela devient le monde, la nature, la création et les êtres au-delà de sa communauté. Farah ne peut refouler cette envie de vivre, d’apprendre et de connaître tout ce qu’elle imagine ? Tout ce qui existe en dehors de son village. Cette possibilité n’existe même pas pour elle. Tout cela lui est défendu car en tant que femme le but de son existence c’est la procréation. Pour Farah, se marier c’est perdre sa liberté et se soumettre, sacrifier ses talents de prédiction et par conséquent étouffer, mourir.

 

La coutume du clan exige une visite à la grotte des augures, une fois par mois, à la pleine lune. Avec pompe et solennité, Salma prépare Farah pour cet évènement. Tout d’abord elle immerge le corps gracieux de sa fille dans un bain d’eau chaude parfumée aux fleurs d’oranger. Ensuite, elle coiffe et tresse ses longs cheveux noirs, brillants et épais qu’elle huile avec soin. Salma s’assure de ramasser dans une boîte minuscule les ongles des pieds et des mains qu’elle taille. Cette boîte sera plus tard minutieusement enterrée avec les cheveux qui restent sur le peigne ou qui tombent pendant la coiffure.

Un voile blanc symbole de pureté  couvre la tête de Farah et s’enroule autour de son cou en retombant sur ses épaules. Son visage d’un bel ovale, resplendit de santé. Ses grands yeux noirs aux cils épais brillent de curiosité et une lumière intérieure comme un rayon se diffuse à travers de son regard qui cherche à tout apprendre et tout saisir de ce qui l’entoure. Sa robe de velours noir lui tombe jusqu’aux pieds nus car elle refuse de porter des souliers. Elle répète à sa mère « Je vois mieux comme ça ya ommi (ma mère)!»

Aussitôt prêtes, les deux sont escortées de Farid et d’Ashraf, deux colosses,  fils de Salma et de Cheikh Osman le chef du village. Ce dernier est respecté de tous les habitants, c’est leur chef spirituel, juge et gouvernant, dont la parole est loi. Son pouvoir est immense et il domine cette petite communauté nichée au pied de la montagne au bord de la mer. Entre ciel et mer, ce clan n’est pas ouvert au reste du pays et vit replié sur lui-même depuis des siècles avec ses propres traditions et ses croyances.

A l’entrée de la grotte, seule Salma a le droit de pénétrer avec Farah, tandis que ses jeunes frères s’installent sur les rochers qui l’encadrent afin de garder l’accès. Ils sont résignés à une longue attente dans l’obscurité de la nuit. A l’intérieur, une odeur d’algues se répand et enveloppe les deux femmes. Lentement pour ne pas trébucher, elles s’avancent sur des marches inégales et glissantes creusées à même la roche qui mènent vers le tunnel. Tout au fond, on perçoit l’ouverture illuminée par les rayons de la pleine lune.

Les parois luisantes les entourent et l’humidité est intense. C’est comme si elles entraient dans les entrailles de la terre. L’espace restreint ne cause aucune peur à la jeune fille qui sans crainte se dirige vers l’ouverture de forme rondie qui laisse passer la mer. Des vagues brutales, sans arrêt, s’attaquent à la roche blanche friable qui se creuse depuis des millénaires et sous leur assaut se transforme en formes bizarres. C’est là, dans cette grotte que le temps  s’arrête pour un moment et dans l’eau froide, profonde et lumineuse  Farah perçoit les visions que nul autre être ne distingue.

Une sensation de paix et de bien-être s’empare de Farah et son cœur bat très fort. Sans hâte et avec grande anticipation elle prend position en face de l’eau qui jaillit tout autour d’elle. Sa respiration devient plus profonde, lente et bruyante, car elle expire fortement du nez. Des frissons parcourent sa peau sans qu’elle ne ressente un changement de température. Farah dresse la tête et cambre ses hanches comme pour résister à un assaut et ses pieds bien plantés sur la roche humide s’arc-boutent. Elle lève  lentement les bras vers le ciel, les mains ouvertes avec les paumes faisant face à la mer qu’elle baisse ensuite lentement tout en fixant les flots. Ses yeux grands ouverts d’où s’écoulent de grosses larmes s’élargissent encore plus. Salma s’approche de derrière et se met en position de telle façon à intervenir au cas où Farah perd l’équilibre. Les visions ne tardent pas et suivant la nécessité les images se succèdent tandis que Farah d’une voix monotone décrit ce qu’elle voit. C’est à Salma de retenir ce qu’elle entend et de répéter au Cheikh les visions. C’est lui qui pourra les expliquer aux gens du village et utiliser l’information comme bon lui semble.

Farah atteint ses seize ans et en remplissant ce devoir elle occupe une place importante dans son village bien que cela soit seulement par le truchement de son père. Elle sait qu’une fois mariée, elle ne pourra plus continuer ses prédictions et cela sera sa fille à elle qui plus tard prendra sa place. C’est la tradition, mais Farah, forte de caractère et désirant rester indépendante ne se contente pas de vouloir se conformer. Elle résiste aux leçons de sa mère qui scandalisée par les idées de sa fille ne sait plus comment y remédier. A force de prières et de bénédictions elle cherche mille moyens pour protéger sa fille de son orgueil grandissant mais rien n’y fait. Salma craint de parler au Cheikh car lui ne se gênera certainement pas de punir sa fille et de lui faire payer cher son incompréhensible révolte.

Les nouvelles visions de Farah deviennent de plus en plus claires. Elle sent son pouvoir grandir et son assurance augmenter. Elle connaît la valeur de ses prédictions qui semblent rendre son père invincible. Les visions précises qu’elle a ces derniers temps servent de plus en plus au Cheikh à prendre des décisions cruciales qui touchent à la survivance de son peuple. En même temps, Farah distingue le visage d’un homme qui semble retourner souvent dans ses visions. C’est un homme sans âge au beau visage noble et au regard doux et bienveillant. Chaque fois qu’il apparaît dans une vision, une atmosphère agréable et pacifique adoucit le reste des apparitions.

Farah se garde bien de mentionner ce personnage à ses parents. Elle continue à accomplir son devoir comme par le passé mais avec les jours qui passent, elle se retrouve à évoquer l’image de l’homme de plus en plus jusqu’au jour où elle ne peut plus penser à autre chose. C’est alors qu’elle ressent le besoin d’aller à la grotte plus souvent que les fois prescrites par la tradition. Salma refuse de l’accompagner en secret et Farah ne peut pas s’y rendre seule.

Le Cheikh Osman, pour qui Farah est plus précieuse que la prunelle de ses yeux, se voit réduit à l’évidence qu’il est grand temps de la marier. Il ne désire pas se séparer de sa fille mais sensible à la pression de ses conseillers qui pensent qu’il a déjà trop attendu, il n’a point d’autre alternative que de lui trouver un mari. En consultation avec sa femme et les vieux sages du village, un fiancé est choisi pour Farah. On lui annonce la décision et une date est fixée pour la cérémonie.

Aussitôt informée, Farah désespérée fait appel à sa mère pour intervenir auprès de son père afin de remettre ce mariage qui l’angoisse. Rien n’y fait. La tradition et les coutumes ne peuvent pas être bafouées. Les supplications de Farah et ses larmes n’ont aucun effet sur son père qui, bien qu’attristé, ne comprend pas pourquoi sa fille se comporte de telle façon. Son cœur se durcit de plus en plus en voyant sa fille lui résister sans raison logique.

Rageb, le jeune homme choisi pour être le mari de Farah est un guerrier au regard sévère et au visage dur. Sa famille, riche et noble possède de nombreux champs et plusieurs commerces d’huile d’olives. Ils vivent dans une demeure spacieuse entourée de jardins odorants et d’oliveraies aux superbes arbres chargés de fruits. Farah le voit de temps à autre lorsqu’il vient prendre conseil auprès de son père et qu’elle aide sa mère dans la cour devant leur maison. Il pose sur elle un regard froid qui éveille en elle une vague d’anxiété et une tristesse qu’elle est incapable de retenir.

L’heure s’approche, c’est la dernière visite avant le mariage, Farah se prépare à la cérémonie du mois. Sa mère lentement comme à regrets la coiffe et huile ses cheveux. Sa main se pose sur l’épaule de la jeune fille et s’attarde comme pour éloigner le moment où elles devront toutes les deux se rendre à la grotte. En proie à une forte émotion, Farah tremble en pensant à quel point sa vie va changer. Elle ne peut se résigner à ce mariage mais elle n’a pas de choix. Les deux femmes sortent dans la nuit froide. Des nuages couvrent la lune de temps à autre et le vent pénètre leurs vêtements légers.  Dans la grotte, assombrie Farah hésite. Elle frissonne et les visions tardent. Soudain, lui apparaît l’homme et cette fois, il parle. Elle l’entend clairement mais ne répète pas ses paroles car elle sait qu’il s’adresse à elle seule.

 

_ Je t’attends. Viens ma fiancée, ma femme. Je t’attends déjà depuis si longtemps….

 

Il lui tend les bras et son visage rayonne de bonté et d’amour.

Affolée, Farah sanglote et tombe presque dans l’eau mais sa mère l’enlace et la serre dans ses bras. Salma essaye de la faire parler mais en vain. Farah semble être inconsolable et incapable de prononcer un mot. Inquiète, Salma entraîne Farah en dehors de la grotte où attendent ses frères et ensemble ils la ramènent à la maison.

 

Farah dont l’esprit est préoccupé par la vision de cet homme qui l’appelle est saisie d’une fièvre que le guérisseur du village ne comprend pas. Aucun remède ne fait baisser cette fièvre et le jour du mariage approche. Farah est inconsolable et pas un mot ne lui sort de la bouche malgré toutes les prières de ses parents attristés par son état. Les préparatifs pour le mariage continuent et les plans de célébrations prennent forme. Malgré tout, la future mariée est encore au lit incapable de se lever.

Le jour de son mariage, Farah blanche comme un linge, faible et malade se laisse habiller sans réagir. Les jeunes filles qui viennent la vêtir, chantent en lui posant le voile sur la tête. Elles lui décorent les mains et les pieds de multiples dessins délicats et gracieux au « henné ». Farah ne semble pas être présente et se laisse faire comme une poupée sans force ni volonté. Quand finalement le cheval richement décoré et caparaçonné que son fiancé envoie est attaché par la bride au poteau à coté de la maison de son père, les jeunes filles dans un bruyant cortège l’accompagnent avec des chansons et des cris de joie.

Avec difficulté, ses frères l’installent sur la belle selle de cuir rouge et voilà que le Cheikh vêtu de blanc, sérieux et solennel saisit la bride du cheval pour saluer sa fille avant qu’elle n’aille rejoindre la famille de son futur mari. Tout d’un coup sans raison apparente, le cheval se cabre, renverse le Cheikh dans la poussière et part d’une flèche comme s’il est aiguillonné. Farah se redresse, réagit brusquement et rapidement elle prend les rênes en main. La brise qui s’engouffre dans son voile lui découvre le visage et la voilà les cheveux au vent qui chevauche comme une folle vers la mer.

Farah, ivre de vitesse ne voit rien et n’entend rien excepté la mer devant elle. Comme un aimant,  la falaise blanche qui se dresse dans l’eau l’attire. Elle dirige la bête couverte de sueur vers la grotte et quand elle se trouve à quelques pas, elle saute du cheval pour s’écraser sur les rochers. Farah ne sent pas la douleur qui lui traverse la cuisse lorsqu’elle se retrouve à terre. Elle se relève bien vite et sans un regard en arrière haletant, le cœur battant à lui faire mal, elle ignore les cavaliers qui s’approchent d’elle en trombe. Rassemblant le peu de forces qui lui restent, Farah court sur les gigantesques roches humides qui surplombent les flots écumants. A plus d’une reprise ses pieds glissent et s’écorchent sur la pierre blanche qui la marque.

Dans l’eau qui avec fougue vient s’écraser sur la falaise Farah voit une ombre surgir. L’homme de ses visions lui apparaît, vêtu de blanc comme un nouveau marié. Il ne dit rien mais il lui tend les bras et ses yeux bleus comme la mer lui sourient. Ses frères, le fiancé et les hommes du village crient à tue-tête à sa poursuite et leurs montures lancées à fond sont enveloppées dans un nuage de poussière. Inondée de bonheur, la gorge serrée, la bouche sèche et les poumons douloureux, elle sent des larmes salées couler sur ses joues en feu. Farah, sourde aux appels des siens se dresse sur le rocher et sans un regard en arrière se lance dans l’eau qui la recouvre immédiatement sans laisser de traces.

Aujourd’hui, cent ans plus tard, ceux qui ont le courage de s’avancer sur la falaise, par une nuit de pleine lune  peuvent entendre avec émerveillement les multiples soupirs de Farah résonner entre ciel et mer. C’est le rendez-vous des amants désespérés qui viennent tenter de trouver des solutions en consultant l’âme de Farah. Je suis venue moi-même pour écouter la voix de Farah et entre ciel et mer et c’est elle qui m’a raconté son histoire.

 

 

LE 29/02/2008

 

 

Chers Amis,

 

         Mon «stock » de Contes est épuisé ; envoyez-moi les vôtres.

 

 

 

LE 31/12/2007

 

Au lieu d’un Conte, voici la  narration d’un délicieux souvenir du Caire de  Madame Mimi de CASTRO.

 

NOTRE RUE

(Mimi de Castro)

 

         Je ne suis plus jamais retournée au Caire depuis que nous l’avons quitté en 1956, bien que j’y pense souvent. Pour une raison ou  une autre ce pèlerinage vers le passé ne fut jamais accomplit. Pourtant, je me souviens très clairement de tous ces détails qui meublent la mémoire de l’enfance et qui marquent la personnalité.

Comme pour beaucoup de personnes dans mon cas, nous avons tendance à nous remémorer les faits qui nous marquent le plus. Cela peut être des évènements positifs ou au contraire négatifs. Mais dans les deux cas, avec le recul du temps, je crois que ce que nous perdons c’est la proportion ou la mesure, car physiquement ou mentalement nous n’avons plus la même «  taille » que lorsque nous étions très jeunes. C’est à dire que dans notre mémoire les choses et les personnes sont plus grandes plus impressionnantes!

Quand je pense à notre rue, la rue Kasr el Nil, je la vois comme une grande avenue dans un quartier résidentiel et très moderne. La section que je décris est tout au début de cette rue flanquée d’un côté par la place du midan el Tahrir (la place de la libération), et de l’autre côté par le midan Soliman Pacha (la place Soliman Pacha). Donc, ce segment de Kasr el Nil n’était pas une si longue rue mais quelle vie et quelle activité y régnaient, sans pour autant que la circulation soit insensée comme dans le reste du Caire!

Les immeubles se pressaient les contre les autres, élégants, massifs et comptant de nombreux étages.  Les larges trottoirs accommodaient des boutiques et des bureaux qui la longeaient. Sur le côté de notre immeuble, on trouvait le repasseur et l’épicier, une galerie, des magasins, le « Royal Automobile Club », le grand Groppi, pâtisserie suisse au coin sur la place Soliman Pacha.  Ensuite de l’autre côté en face, entre deux immeubles, une ruelle ou passage aboutissait vers Bab el Louk. On compte plusieurs portes cochères avant d’arriver aux bureaux de la KLM, agence de voyage hollandaise avec sa façade entièrement vitrée.

Pendant le mandat anglais,  il y avait une caserne  militaire anglaise que nous apercevions de notre balcon. On y voyait les soldats en uniformes qui s’entraînaient et un grand va et vient de voitures et camions militaires qui circulaient. La langue anglaise était monnaie courante dans cette rue et quelquefois les soldats sympathisant avec les vendeurs ambulants essayaient de dire quelques mots arabes avec un accent amusant. Après la révolution, de 1952, cette caserne, symbole de l’occupation anglaise,  fut détruite. A sa place un immeuble moderne, blanc, assez haut fut érigé. Le style architectural de cette bâtisse jurait avec le reste de la rue.

Sur le même trottoir et presque collée à notre immeuble, se trouvait une villa qui faisait le coin. En pierre rouge, cette bâtisse présentait une façade décorée de « Moucharabiehs » (grillages de bois sculptés couvrant les fenêtres) et entourée de hauts murs sans ouvertures. Quelques arbres dépassaient au-dessus de ces murs, faisant penser qu’un jardin, une cour ou un patio entourait la maison principale. Il était difficile de deviner ce qui se cachait derrière ces murs et cela excitait notre curiosité d’enfants, en nous faisant toujours penser à un mystère. Plus tard, au lycée, une jeune fille du nom de Hoda qui habitait dans cette villa, devint ma camarade de classe et j’eus le bonheur de pénétrer dans cette maison mystérieuse!

Dans notre immeuble, il y avait plusieurs enfants qui se rendaient à l’école avec nous. Mes premières années d’études se passèrent au Lycée français de Bab el Louk et ensuite je me transférais à l’ « American College » de Sakakini. Je me souviens comment tous les matins, un cortège d’écoliers et d’écolières se dirigeait vers l’école en même temps. Affublés de nos uniformes que nous détestions et chargés de nos lourds cartables, nous nous interpellions et les rires fusaient. Tout le monde parlait français, ce qui je suis sûre n’existe plus au Caire aujourd’hui. Mais c’est ce qui est normal, en fait, nous avons eu une enfance très spéciale et différente!

Notre rue me semblait un monde fantastique, car nous étions à proximité de tous les lieux que nous fréquentions le plus; Groppi, pâtisserie suisse où la glace et les gâteaux étaient les meilleurs, offrait aussi un endroit de rencontre et de rendez-vous!  Je me rappelle le cinéma Métro où se jouaient les derniers films américains de la période, l’Américaine, où l’on pouvait manger de délicieux sandwichs, l’Automatique, salon de glace où l’on trouvait la « dandorma », glace d’origine turque à la tire que j’adorais. Il ne faut pas oublier le musée égyptien Mariette Pacha et le pont Kasr el Nil, sur le fleuve et tous les parcs et jardins auxquels on pouvait accéder.

Le pont Kasr el Nil, était un de ces ponts en métal qui se repliait pour laisser passer les barques ou bateaux à hauts mats. C’était un spectacle que j’adorais observer. Sur ce pont aussi il y avait les voitures « hantour »  (fiacres) tirées par des chevaux qui vous emmenaient faire une promenade le long du Nil ou vous accompagnaient à la destination de votre choix. Le « a’arbagui » (cocher) a toujours été un personnage amusant et typique de la rue du Caire avec qui on entrait en discussion pour parlementer le prix de la course. Il ne se gênait pas pour vous donner son avis sur la politique ou n’importe quel sujet qui lui tenait à cœur.

Avant la révolution, de notre balcon, nous pouvions voir les trois pyramides de Giza à l’horizon. C’était un spectacle duquel je ne me fatiguais jamais. Les couchers de soleil étaient incroyablement spectaculaires, mais la nuit tombait rapidement, alors il fallait s’y prendre à temps pour se remplir les yeux de cette inoubliable vue.  Juste à la fin du pont qui enjambait le Nil, quand on dépassait les fameuses statues représentant les lions britanniques, se trouvait une autre caserne militaire. Après la révolution, comme pour les autres reliques anglaises, celle-ci aussi fut détruite. A sa place on construisit l’hôtel Hilton qui dès lors bloqua notre vue des pyramides.

Le progrès a paraît-il son prix, dommage quand même.

 

 

 

LE 31/10/2007

 

LE ROSSIGNOL ET LA PRINCESSE

 Mimi de Castro

 

Un rossignol las de voltiger et de butiner

Dans tous les jardins de la fertile vallée,

Cherchait un endroit où le plaisir de chanter

Lui rendrait le bonheur qu’il avait égaré.

Ne sachant plus où aller et vers quoi se diriger,

Il se lançait désespéré dans toutes sortes de bosquets.

Frôlant arbres et fruits, belles fleurs avec mille épines

Il perdait des plumes, se balançant sur des lianes fines.

Comme à chaque nuit son chant vibrant et magique,

Résonnait dans le silence; émouvant et tragique.

Il chantait sa solitude et son terrible isolement,

Son désir d’amour et besoin de rapprochement.

Ce rossignol, petit, gris, à ses yeux  insignifiant

Comparait son plumage avec les autres chatoyants.

Il pensait que jamais il ne serait aussi beau

Que tous ces nobles et élégants oiseaux.

A bout de forces, un soir, il  aperçu de loin,

Dans un riche jardin, une cage dans un coin.

Epuisé, sans le vouloir, dessus il échoua.

Se croyant déjà mort, il soupira par trois fois.

Dans la cage aux barreaux d’or, se languissait

Depuis longtemps une ravissante princesse délaissée.

Solitaire et sans espoir, à chaude larmes, elle pleurait.

Son maître, cruel l’ayant par dépit enfermé.

La belle Amira sans cesse se tourmentait.

Elle rêvait d’avoir quelqu’un, une présence

Auprès d’elle; un sauveteur qui aurait

A sa triste vie finalement, donné un sens.

Voyant le pauvre et chétif rossignol à ses pieds,

Elle le prit tendrement dans ses douces mains.

A force caresse, doux attouchements et baisers,

Le triste rossignol repris connaissance enfin!

Ouvrant les yeux, l’oiseau par Amira éblouit,

Ecoute ses douces supplications et reprend vie.

Il retrouve l’espoir en une compagne, une amie

Et de tout son cœur, heureux lance un cri!

La chanson du rossignol, séduisante, glorieuse

Tendre, grisante et totalement harmonieuse,

Enchante la princesse qui ne se sent plus de joie :

« Rossignol mon ami! Chante encore pour moi! »

« Je n’ai plus de soucis, et point de chagrin,

Tu m’as redonné le bonheur et le goût de la vie!

Reste, ton long périple n’était donc pas en vain

Puisque tu m’as trouvé et ton chant m’a guérit. »

C’est ainsi, que se termina enfin la détresse,

Finie la solitude d’Amira la jeune princesse.

Elle embrassa tendrement le rossignol chantant

Qui se transforma en vaillant prince charmant.

 

 

LE 31/08/2007

 

LE VŒU UNIQUE

 

Je prie la personne qui m’a envoyé ce beau Conte de vouloir bien  m’excuser de ne pas citer son nom : ne l’ayant pas noté à sa réception, je suis confus de l’avoir oublié. Merci de me contacter afin de réparer cet oubli.

 

Une femme se promène sur une plage et bute sur une vieille lampe.

Elle se penche pour la prendre, la frotte et paf ! un génie apparaît !

La femme, étonnée, lui demande alors si elle pourra faire les trois vœux classiques ?

Non, répond le génie, accorder trois vœux, en ces temps-ci, c’est très, très difficile ; il y a l’inflation, le chômage qui n’arrête pas de croître, les salaires minables, la situation politique, les prix élevés du pétrole : donc, tout ce que je pourrai concéder, ce sera un seul et unique Vœu. Alors, dis moi : que désires tu ?

La femme répond :

La paix au Moyen-Orient.
Quoi ? dit le génie, ébahi.

Tu vois cette carte, dit la femme, bon, ben, je veux que dans ces Pays-là, les gens arrêtent de se taper dessus à tout bout de champ.

Le génie regarde la carte et dit :

Mais ça fait des lustres qu’il y a la guerre là-bas. Je fais du bon boulot, mais quand même…Pas au point de pouvoir exaucer ce genre de vœu. Demande moi quelque chose de plus simple.

La femme réfléchit et déclare :

D’accord ! Pour être honnête, je n’ai jamais réussi à trouver l’homme idéal. Alors je veux un homme qui soit beau, fort, cultivé, intelligent, attentionné et drôle, qui aime cuisiner et faire le ménage, qui soit une bête au lit, qui s’entende avec ma famille, qui ne passe pas toute la journée à regarder du sport à la télé et qui me soit fidèle à vie.

 

Le génie laisse échapper un profond soupir :

Allez, redonne-moi cette carte du Moyen Orient…

 

 

 

LE 30/06/2007

Un jour mon prince viendra (suite et fin)

(Mimi de Castro)

Voir la première partie de ce conte dans la Mise à Jour du 30/04/2007

 

 

 

….dans ma mémoire ces images de Abla Tahia à laquelle je n’avais jamais pensé durant toutes ces années, je compris une chose très importante. Comment est-ce que cela m’avait donc échappé toutes ces années, je ne peux me l’expliquer. Un événement compliqué et inoubliable prit place le jour où nous dûmes quitter le pays. C’est un mystère auquel jusqu’à ce jour je n’avais pensé. Je résolus que cette fois ça y est, je trouverai la solution. Il le fallait.

Je quittais finalement le petit café pour me retrouver dans la ruelle où je pensais avoir habitée. L’immeuble n’existait plus. On avait dû l’abattre sans doute. Je ne reconnaissais rien autour de moi et rien ne m’était familier.  Tout me semblait minuscule et sale, puant et en ruine. Je me dis que c’était une erreur, ça ne devait pas être la bonne adresse, mais je ne pouvais abandonner ma recherche. Je m’engageais encore plus loin, sans me soucier des regards des passants qui devaient se demander ce que je faisais dans leur quartier.

C’est à ce point que j’aboutis sur la ruelle. Comme dans mes rêves, je vois l’immeuble négligé maintenant, la façade souillée, mais intact comme par le passé. Au rez-de-chaussée, de la fenêtre familière un homme se penchait et houspillait un jeune garçon qui d’un air morose tirait au bout d’une ficelle une petite locomotive. Il me regarda avec une question dans les yeux. Je retrouvais ma voix et lui demandais alors si la famille Giorgidis vivait encore dans l’immeuble. Il fit un geste comme pour dire qu’ils étaient partis et j’insistais, la famille Campagnolo alors !

_Mais non, tous ces gens, ces étrangers n’habitent plus ici. Qui es-tu toi?

_J’ai vécu dans cet immeuble il y a longtemps. Est-ce que la famille El Masry se trouve encore là?

_Non, je ne sais pas où sont partis tous ces gens…mais tu sais que tout change n’est-ce pas ?

Je me résignais à partir mais dans ma tête les images flottaient et criaient pour être libérées. Je savais qu’une chose tout à fait hors du commun s’était passée lors du mon dernier jour dans l’immeuble. Ma séparation de Tahia avait été très dure mais je ne me souvenais pas des détails. Finalement, je crois que le brouillard lentement s’était levé pour me laisser entrevoir les ultimes moments et leur dénouement.

J’avais le cœur serré et j’essayais de me souvenir de ce fameux jour.

Ce jour qui fut la dernière fois que je vis ma chère Tahia Hanem. Je pleurais en ramassant mes affaires et ma mère me dit tendrement que je devais aller la saluer. En soupirant, je dévalais l’escalier et au premier, je rencontrais Fatma, la bonne de Costa et Marica qui de temps à autre allait faire un peu de ménage chez Tahia Hanem. Elle devina que j’allais la voir et elle me dit en évitant de me regarder « Va vite la voir, elle ne se sent pas bien ce matin. Nous avons fait appel au docteur, Yalla, Yalla rou hi (va vite) ».

Lorsque en trombe, je fis irruption dans sa chambre à coucher, Tahia Hanem, somnolait assise, entourée de ses coussins de soie et de satin rouges. Elle ouvrit les yeux et me tendit les mains.

         _C’est bien toi ma chère! J’ai reconnu ton pas!

         _Je m’excuse, ya Abla (ma tante).

_Viens assieds-toi près de moi. Je crois qu’aujourd’hui mon prince viendra.     

Si tu le vois, viens vite me le dire! Elle sourit malicieusement avec cette étincelle dans les yeux.

_Je sais que tu me taquines, lui dis-je en souriant parce que tu ne veux pas que je sois triste de te quitter. Mais tu te trompes, je ne t’oublierais jamais ya abla!

_Non ma belle, khalas, c’est finit. Tu vas partir et m’oublier mais c’est bien comme ça. Pour survivre on doit oublier, c’est mieux ainsi.

Je ne savais plus que dire et je l’embrassais sur le front avant de me lever. Je la regardais longtemps du seuil de la porte en me jurant de ne jamais l’oublier. Son petit visage encadré de boucles blanches, avec ses yeux noirs fermés, si vivants d’habitude me faisait l’effet d’une chambre dans laquelle on avait éteint la lampe. La vue de ce corps si frêle, perdu dans un lit trop grand pour elle me donna le frisson. A peine sortie dans la rue pour retrouver mes parents, je fus surprise de voir un homme inconnu, aux tempes grisonnantes, grand de taille, mince, et brun comme s’il retournait de la mer. En le regardant, je vis une cicatrice sur son front dont les bords blanchis contrastaient avec son hâle. D’une voix grave, il s’enquit poliment en souriant, si c’était là que demeurait Tahia Hanem.

_Oui, c’est ici au rez-de-chaussée, mais qui êtes-vous? Elle ne se sent pas bien aujourd’hui.

_Je suis un ami qui vient de loin pour la prendre en voyage avec moi. Répondit la voix chaude de l’homme.

Il me souriait et baissait la tête vers moi pour me parler. Il me paraissait énorme, comme si sa tête touchait le ciel. Ses yeux couleur de miel luisaient comme s’il avait des larmes prêtes à couler. Je me sentais si calme et tranquille, comme rassurée par sa présence et je n’avais pas envie qu’il parte. L’homme restait là, sans se presser, et en le regardant encore, je sentais mes larmes couler sans contrôle sur mes joues rouges et fiévreuses. Soudain, la cicatrice sur son front brilla fort et je cru apercevoir la forme d’une étoile. A travers mes larmes, je criais et riais de joie, je me préparais à rebrousser chemin pour dire à Tahia Hanem que son prince était finalement arrivé.

D’un geste de la main, il m’arrêta. « Elle le sait. ». Mais rien ne pouvait m’arrêter, je me retournais pour me rendre chez Abla Tahia. Je voulais à tout prix constater la joie sur son visage quand je lui aurais annoncé l’arrivée de son prince. Je m’exclamais « Abla Tahia, wessel el amir, El amir wessel (le prince est arrivé)! ». A sa porte, le médecin qui sortait me barra le chemin.

_Tahia Hanem doit se reposer, personne ne peut entrer la voir maintenant!

_Mais il s’agit de son prince, elle m’a demandé de le lui dire! Répétais-je à bout de souffle!

Gentiment, le médecin me fit reculer. Sur le palier où j’avais laissé le prince de Abla Tahia un instant auparavant, ma mère s’impatientait. Surprise, de ne pas le voir, je m’affolais et je répétais à ma mère qu’il fallait annoncer à Tahia l’arrivée de son prince. En fronçant les sourcils, ma mère me fit sortir vers le taxi qui nous attendait et m’installa auprès de papa. Elle s’attarda à parler au médecin avant de nous rejoindre dans le taxi. J’étais hors de moi et je protestais en criant que ce n’était pas juste, Tahia m’avait demandé de lui annoncer l’arrivée de son prince et je ne l’avais pas fait.

Mes parents usèrent de toute leur patience afin de me calmer. Ils m’expliquèrent que je ne reverrais jamais plus la Tante Tahia parce qu’elle s’était éteinte dans son sommeil!

_Mais c’est impossible! Je lui ai parlé et elle m’a dit qu’elle attendait son prince! Tu ne me crois pas, personne ne comprend, elle était là et me parlait…en plus j’ai vu le prince, je l’ai vu …

_Il n’y avait personne ma chérie, tu n’aurais pas pu lui parler…elle dormait déjà…Soupirait ma mère en me caressant les cheveux.

Voilà qu’après quarante ans et toute une vie passée loin des souvenirs de ma jeunesse que j’y retourne pour enfin trouver la paix. Tahia, avait raison, je l’avais oublié mais ce fut pour ne pas souffrir de notre séparation. Elle m’enseigna que l’oubli pouvait être le résultat de  l’inconscient qui ne peut pas faire face à une situation traumatique. Je crois que si sur le coup ce jour-là j’avais compris qu’elle était morte,  la douleur de la perdre aurait été si horrible que j’en aurais été profondément marquée. C’est là toute la force de Tahia, sachant que j’étais jeune et sensible, si vulnérable, elle m’avait préparée à sa mort. C’était pour cela que j’étais sûre que Abla Tahia avait des dons surnaturels!

Maintenant, je sais aussi qu’il y a un prince qui viendra me chercher et je n’ai pas peur, au contraire, rien qu’à l’idée je me sens calme et sereine. Des années durant je m’étais sentie coupé de mon enfance car je ne me souvenais de rien.  En retrouvant ces souvenirs merveilleux et le visage si doux de Abla Tahia, je reprenais courage et espérance en l’avenir.

 

 

 

LE 30/04/2007

Un jour mon prince viendra

(Mimi de Castro)

 

Après trente ans d’exil, je retourne en Egypte un matin de printemps et je décide de faire un tour à pied dans les vieux quartiers du Caire. En déambulant sans but, je vois une vieille dame aux cheveux blancs assise sur une chaise au soleil sur le seuil d’un vieil immeuble. Soudain, comme dans une vision m’apparaît une autre vieille et ma mémoire s’inonde de lumière! Comment s’appelait-elle donc, voyons, je l’adorais cette vieille dame. C’est ça, une explosion d’émotion se fait en moi et mon cœur bat si vite que je crois qu’il va éclater dans ma poitrine! Abla Tahia, ma tante Tahia!

Mes jambes vacillent de l’émotion que je ressens et du regard je cherche  un banc où je pourrais m’asseoir. Sur le trottoir en face de moi je repère un petit café et je me dirige tant bien que mal vers une des tables au soleil. Le garçon de café m’aborde avec un grand sourire et me lorgne de haut en bas, pas beaucoup de femmes attablées ici et encore moins des « étrangères » européennes « Afrangi » comme j’en ai l’air!

« Teshrabi eh ya madame? » me demande-t-il en enlevant son crayon de derrière son oreille pour prendre note. (Que prenez-vous madame?)

Je passe la commande en arabe, un café noir sans sucre. Le garçon ouvre ses yeux, ébahit de m’entendre parler cette langue presque sans accent. Il reste debout devant moi avec son crayon en l’air. Il m’observe et ça m’agace. Quand je lui fais un geste de la main pour qu’il s’en aille, il s’empresse de disparaître derrière le bar à l’intérieur de l’établissement. Restée seule, je me calme petit à petit et mes souvenirs surfacent avec force. 

Lorsque j’étais toute jeune, nous habitions chez mes grands parents pendant un court laps de temps. Dans un appartement spacieux et très bien situé au quatrième et dernier étage d’un ancien immeuble, mes grands parents y vivaient aisément depuis de nombreuses années. Ils connaissaient bien tous les habitants et entretenaient avec eux d’excellentes relations. Peu de temps après, à cause de la situation politique de l’affaire Suez, nous quittâmes l’Egypte en même temps que des milliers d’autres juifs.

J’adorais observer les gens et les côtoyer en bavardant. Je connaissais toutes leurs histoires de famille et je posais sans cesse d’interminables questions. Aram Terzian,  arménien d’Arménie comme il aimait à dire, vivait avec sa femme, ses cinq enfants et ses parents sur le même palier que nous. Ils nous invitaient toujours à Noël pour manger avec eux et aller à la messe de minuit. Quant à la famille de Hatem el Masry, au troisième,  elle se constituait du maître de céans, ses trois femmes et je ne sais plus combien d’enfants. Je me demandais toujours si lui même se souvenait du nom de toute sa progéniture. Ils occupaient deux appartements qui communiquaient.

Je me souviens bien de la famille Campagnolo, Rico et Maria avec leur 2 enfants Enzo et Mirella qui hébergeaient toujours quelqu’un nouvellement arrivé d’Italie. C’était surtout le goût délicieux des gnocchis que Maria faisait qui m’était resté en bouche! Comme eux au deuxième étage, un vieux couple Costa et Marica Giorgidis, louaient des chambres pour supplémenter la pension qu’ils recevaient de Grèce. Finalement, au premier, s’était installée la famille de Anwar Farid, veuf, professeur à l’université et ses deux fils Omar et Hamdi, mariés à des sœurs jumelles Hanny et Noura que personne n’arrivait à différencier.

Nous étions les seuls juifs dans l’immeuble mais je n’ai jamais ressentis de différence entre nous et les voisins. Pendant nos fêtes respectives, on s’échangeait des confitures ou les spécialités de la saison. Nous étions invités aux mariages et aux funérailles, aux naissances et aux anniversaires. Tout le monde s’entendait bien excepté lorsque Maria et Marica se disputaient à cause du linge mouillé qui dégoulinait sur la véranda! Ou bien quand les enfants de Terzian lançaient des mégots de cigarettes sur le balcon des El Masry.

Au rez-de-chaussée, il y avait un petit appartement avec un tout petit jardin en arrière. Là vivait une femme seule, assez vieille déjà quand j’arrivais sur la scène. Tahia Hanem, Mme Tahia comme tout le monde l’appelait, représentait pour moi le mystère personnifié. Je ne savais pas quel âge elle avait, mais à mes yeux elle avait l’air d’avoir cent ans! J’ignorais ce qui m’avait attiré vers elle, peut-être était-ce ses yeux pétillants, son sourire accueillant et ses belles mains blanches menues aux ongles roses toujours bien limés et soignés. Quoiqu’il en soit, elle me demanda tout de suite de l’appeler Tante Tahia (abla Tahia) et m’invita à prendre le thé avec elle. Elle servait des petits fours et me régalait d’histoires et d’anecdotes.

Tahia Hanem, passait des heures à sa fenêtre en se penchant sur la rue. Elle observait les passants et le petit monde de l’immeuble avec grand intérêt. On la prenait un peu pour folle mais elle avait la réputation de clairvoyante je ne sais pas pourquoi. Pourtant jamais quelqu’un ne la cherchait pour qu’elle lui prédise l’avenir ou pour lui « ouvrir » les cartes. Elle ne lisait pas dans le café aux voisines. Et comme un jour je le lui demandais, elle répliqua avec une moue que je ne devais pas écouter tout ce que les gens disaient. Tout au fond de moi même, je persistais à croire qu’elle avait des dons surnaturels.

Les histoires qui circulaient à son sujet racontaient qu’elle pouvait prédire l’avenir mais refusait de le faire. D’une voix lugubre, la bonne de Mme El Masry numéro deux, me cita une phrase que Tahia répétait souvent à Nargess la bonne des Campagnolo. Nargess faisait tout en courant, elle ne pouvait pas se tenir tranquille ou marcher d’un pas mesuré. Tahia Hanem lui demandait « Pourquoi tu cours? Ton train n’est pas encore arrivé! ».  L’année d’après la pauvre Nargess se fit écraser par le tram en descendant au pas de course avant l’arrêt.

Un autre incident dans ce genre se passa l’année de notre arrivée chez mes grands parents. Tahia Hanem reprochait maintes fois à Nabiha, la première femme de Hatem el Masry son maquillage osé et vulgaire. Elle lui disait « La peinture sur le visage tue la beauté! ». Quelques mois plus tard, on retrouva Nabiha morte dans la salle de bain. L’enquête de la police détermina qu’il y avait des traces d’arsenic dans le rouge à lèvre de Nabiha. Pourtant, nul ne fut arrêté et l’on ne trouva pas de coupable. Moi, j’étais sûre que c’était une des autres femmes de Hatem. Mais personne ne demanda mon avis!

 Cela ne faisait que confirmer dans mon esprit que Tahia était un personnage intéressant et terrifiant à la fois. Tout le monde dans le quartier la respectait. On lui demandait souvent son avis sur des problèmes journaliers. Personne ne savait d’où venait le mandat postal qui mensuellement arrivait afin de couvrir ses frais. L’appartement lui appartenait et pour l’entretenir les bonnes des voisins venaient de temps à autre lui donner un coup de main.

On disait que Tahia Hanem était la fille d’un riche pacha et de sa deuxième femme. Elle me raconta un jour que la première femme de son père, cruelle et jalouse de la deuxième qu’il adorait, hourda un vrai complot pour se débarrasser de la jeune femme et de son enfant. Tahia Hanem se souvenait du merveilleux palais dans lequel elle avait vécue jusqu’à l’âge de sept ans, avant d’être chassée de là avec sa mère! Le pacha incapable de les garder avec lui, les installa dans ce petit appartement en pensant que le problème aurait été résolu sous peu. Malheureusement, il mourut soudainement et c’est comme cela que Tahia resta avec sa mère dans ce logement indigne de leur « rang social ».

Tahia Hanem racontait beaucoup d’histoires qui me fascinaient et je passais autant de temps que possible avec elle, même au détriment des amis de mon âge. Ma mère me disait toujours qu’il fallait qu’elle s’égosille maintes fois avant que je ne monte pour les repas ou pour faire mes devoirs. La plupart des enfants se moquaient de Tahia Hanem à son insu, car en principe, ils avaient tous peur d’elle. Souvent, je la trouvais qui marmonnait sans cesse des mots et phrases incompréhensibles; où retournait toujours « Un jour, il viendra, mon prince viendra… ».

Quand je la questionnais au sujet de ce « prince », elle me répétait la même chose.

_ Ma mère me l’a dit, elle ne m’a jamais mentit. Elle m’a dit que mon prince viendrait un jour pour me prendre. 

_Mais qui est ton prince et d’où viendrait-il? Je la suppliais de me le dire.

Elle ne me répondait pas directement, mais elle me regardait avec ses yeux noirs et profonds, avec une étincelle d’humour.

_  Il viendra ma fille, tu verras…Il viendra.

_Comment vais-je le reconnaître? Demandais-je curieuse.

_Pas besoin, moi je le reconnaîtrai…

_Quels sont les signes, dis-moi, quoi?

_Il aura une étoile sur le front, ses yeux feront pleurer ceux qui le regardent, il sera si grand de taille qu’il paraîtra un géant et son sourire sera si chaud qu’il fera fondre la neige sur le mont Liban.

Les jours passaient et je savais qu’un jour ou l’autre notre départ serait venu à interrompre notre amitié. Je me tracassais souvent à cette idée car je ne pouvais imaginer ma vie sans Tante Tahia, Abla Tahia. Je craignais qu’elle m’oublie, mais elle disait que c’était moi qui l’aurais oubliée. Je pensais toujours à son prince et je voulais moi aussi le voir. Dans le quartier, mille et une choses se passaient. Le mariage du fils des Terzian fut royal, les célébrations de la naissance des jumeaux chez les fils de Anwar Farid furent encore plus prodigieuses. Nous allions de fêtes en fêtes et de célébrations en célébrations jusqu’au jour où finalement mes parents m’annoncèrent que nous partirions la semaine d’après.

Tristement j’allais chez Tahia Hanem pour lui donner la mauvaise nouvelle. Elle me caressa la main gentiment en me parlant tout doucement.

_Je suis contente pour toi car tu feras un long chemin. Tu iras loin d’ici et tu m’oublieras. Ne sois pas triste. Inshaallah, toi aussi tu verras ton prince. Il viendra pour toi. Ne t’en fais pas pour moi…Il faut que tu m’oublies ensuite plus tard tu te souviendras.

_Je ne veux pas partir…et je ne vais jamais t’oublier. Je sanglotais sans savoir pourquoi et mon cœur se serrait à mesure que le temps passait.

_ Ne pleure pas. Est-ce que tu me vois pleurer? Tout doit se dérouler comme il est écrit « maktoub » ma fille. C’est la destiné

La destiné, oui, une chose à laquelle on se réfère toujours au Moyen-Orient quand on ne comprend pas une chose ou quand un événement nous dépasse par sa tristesse ou son ampleur. La destiné donc voulu que je grandisse dans un monde très différent de celui dans lequel j’étais née. Nouvelles coutumes, nouvelles expériences, la perte pénible de mes parents advenue trop tôt et déceptions sans fin que me réserva la vie. Mon retour et ma visite en Egypte n’avaient pas étés programmés.  Ce fut un coup de tête, une décision que je ne pouvais pas rationaliser. Le désir soudain et irrésistible de venir en Egypte « me ressourcer » que je dis à mes amis qui me regardaient inquiets.

La vérité est que sans raisons apparentes, je répète apparentes, car qui sait dans le subconscient ce qui se passe! Je résolus donc de retourner sous les cieux du pays qui me vit naître. Au moment même, où je revoyais

                           (Suite et fin dans la prochaine Mise à Jour)

 

 

 

LE 31/03/2007

 

De Madame Mimi de Castro

LA VOIX DU SPHINX

 

Un groupe de touristes accompagnés d’un drogman (un guide touristique) s’attarde devant le Sphinx en bavardant et échangeant des remarques sur leur visite au Caire. Leur séjour tire à sa fin et chacun a une opinion sur le rôle du Sphinx.

_ C’est certainement un symbole seulement!

_ Ou le gardien des lieux pour faire peur aux malfaiteurs!

_ Mais non voyons, quel gardien, au cas ou vous ne vous êtes pas rendu compte, il est fait de pierre que peut-il donc garder?

Des rires fusent de toutes parts.

 

C’est à ce moment que le guide Abdel Kader demande le silence et exige avec insistance d’avoir l’attention de tout le groupe.

«  Messieurs, dames, je dois vous rappeler qu’on ne peut pas parler de cette façon devant le Sphinx. Le respect je vous en prie. »

Il s’éclaire la voix et parle plus bas, forçant les touristes à se rapprocher et tendre l’oreille.

« Il y a des choses très étranges qui se passent ici. Faites attention, j’ai eu des expériences incroyables que je pourrai vous raconter. En plus, j’ai des témoins, je n’étais pas seul devant le Sphinx. »

 

Soudain le ciel s’obscurci, un vent semble se lever du désert, une poussière fine, sèche et rougeâtre s’élève dans l’air. Les touristes se regardent surpris. Abdel Kader lève la tête, observe tout autour de lui et note le grand changement du paysage. Il signale à tous de s’accroupir dans le sable et d’une voix tremblante annonce . 

« Voilà ça commence. Je vous avais dit de faire attention à ce que vous dites ici! »

 

La nuit tombe tout d’un coup et la voûte du ciel paraît pleine d’étoiles clignotantes. Le groupe de touristes, pris de peur, se serre autour du guide et s’installe à terre dans le sable qui d’un coup est devenu froid.

 

 C’est ainsi que le grand Sphinx de Giza s’adressa à ses visiteurs d’une voix grave et caverneuse qui pénétrait leur subconscient sans que l’on puisse l’entendre au loin.

 

« Saviez-vous mes enfants que même dans le plus grand silence du désert on peut entendre les échos du passé?

Saviez-vous aussi que rien ne meurt? Les choses disparaissent visiblement mais continuent d’exister dans un monde parallèle que seulement quelques initiés peuvent rarement apercevoir. »

 

Tout autour d’eux, les sables du désert semblent se mouvoir et respirent avec un souffle régulier qui donne l’impression qu’une présence indéfinie et invisible existe. Le ciel menaçant, énorme, étoilé et lourd, s’élève au-dessus d’eux et augmente cette atmosphère de mystère grandiose et indéchiffrable.

 

Ils se regardent avec de grands yeux, palpitants, émus et le cœur battant en attendant que poursuive la voix sereine. Le visage impassible et immobile du Sphinx est à peine perceptible et le reste de son corps de pierre repose sur le sable froid de la nuit.

 

« Mes enfants, vous qui ne vivez que depuis quelques années, vous n’avez aucune idée de ce que c’est qu’être immortel, témoin des millénaires et de voir l’histoire du monde se dérouler à vos pieds. Vous ne connaissez point la douleur d’assister aux guerres et aux batailles que se livrent les hommes sans pouvoir y remédier. »

 

Un long soupir se fait entendre et tous tremblent sans savoir vers quoi ces révélations les mèneront. Le vent du désert se rafraîchit et dans un grand frisson les fait trembler. Leurs rangs se referment encore plus et ils se rassurent de la présence l’un de l’autre.

La voix reprend :

 

« Je suis la voix qui sort des entrailles profondes et anciennes de l’Egypte. Je suis le gardien des pyramides et de ses trésors. Je suis la mémoire et le souvenir, le cri et la dernière chanson des anciens dieux. »

Le silence se prolonge mais le souffle du désert continue à glacer les visiteurs qui restent ensorcelés, fascinés et incapables de bouger.

 

« J’ai vu des mondes se créer, des monuments s’ériger, des hommes naître et des héros mourir. J’ai été témoin de la beauté et de la laideur humaine, de son génie et de ses crimes. J’ai assisté impuissant aux guerres les plus sanglantes, aux batailles les plus meurtrières mais aussi aux amours inoubliables et aux amitiés les plus fidèles. »

 

Le silence plane encore pour quelques secondes et ensuite la voix aussi basse qu’un murmure dans le vent se fait à peine entendre :

« Vous êtes les derniers mes enfants à percevoir ma voix. Je n’apparaîtrai plus à personne dorénavant. La torture de mon immobilité m’a usé et je ne désire plus rien voir, car tout se répète. »

 

Encore un long silence et le Sphinx, poursuit son discours pendant que les touristes fascinés l’écoutent  sans broncher.

« Je suis las de voir le génie humain déployé seulement d’une façon négative à des fins meurtrières. Je suis las d’entendre les cris, plaintes et lamentations des hommes et des femmes qui souffrent. Je suis las de voir la cruauté envers les enfants innocents se déferler sur le monde. »

 

Un vent de Khamsin tout d’un coup frappe le groupe et une pluie de sable les fouette. Le ciel s’embrase d’un feu orange traversé d’éclairs aveuglants. Personne n’ose ouvrir les yeux ou la bouche. Un terrible cri se fait entendre et les glace au plus profond de l’âme. Comme un long hululement il se prolonge et ensuite meurt. D’un coup, le ciel s’éclairci, la lumière et la chaleur retournent. Les touristes sont conscients de leur position sur le sol et se dépêchent de se relever. Ils se regardent curieusement et restent sans paroles.

 

Abdel Kader avec de grands gestes les rassemble autour de lui.

« Ne vous avais-je pas dit qu’il fallait s’attendre à tout? »

Un des hommes, se met à rire comme un fou, suivit de quelques autres hésitants. « Mes compliments! C’est très bien fait mon cher Abdel Kader. On nous avait dit que vous étiez le meilleur des guides au Caire! Je ne savais pas que vous étiez aussi capable de préparer une scène digne d’Hollywood! »

 

Abdel Kader se dresse de toute sa haute taille et jure de ses grands dieux que ce qui venait de se passer était une manifestation du Sphinx, rien d’artificiel. C’était apparemment le dernier message du Sphinx et d’importance primordiale.  Mais la magie était déjà brisée et les touristes en se regardant commençaient à avoir un sourire cynique aux lèvres.

 

« Vous pourrez penser ce qu’il vous plaira, mais croyez-moi ce n’est pas la fin. Vous serez hanté par la voix du Sphinx. Vous l’entendrez partout même dans vos rêves. » Abdel Kader les accuse du geste et du regard.

 « Vous pensez tous être au-dessus de toutes ces manifestations. Vous croyez que nous les arabes, les « indigènes » du Moyen-Orient comme vous nous surnommez, nous sommes envoûtés par nos superstitions! »

 

« Allez ne vous fâchez pas Abdel Kader! » Interrompe l’homme.

Mais le guide d’un geste majestueux pointe son index vers le ciel et continue sa tirade : « Comme Allah m’est témoin, ceux qui ne croient pas et qui rient du Sphinx ne se libéreront pas du souvenir de sa voix! Ce n’est pas une magie que je suis capable de conjurer! »

 

Abdel Kader se dirige rapidement vers l’autobus qui attend non loin de là. En silence les touristes montent et s’installent à leur place. Durant tout le trajet jusqu’au Caire, personne ne parle. Aucune discussion ne reprend. Ils sont tous malgré leur éducation européenne et sophistiquée, impressionnés par la voix entendue. Ceux qui finalement s’endorment bercés par les soubresauts du car, revivent l’expérience. La voix du Sphinx s’empare totalement de leur esprit et occupe leur mémoire.

 

 

LE 28/02/2007

CONTE HINDOU : LA CREATION DE LA FEMME

 

       DIEU prit la rondeur de la lune et l’ondulation du serpent, l’enlacement de la plante grimpante et le tremblement du gazon, la sveltesse du roseau et la fraîcheur de la rose, la légèreté de la feuille et le velouté de la pêche, le tendre regard du chevreuil et l’inconstance de la brise, les pleurs du nuage et la gaieté du rayon du soleil, la timidité du lièvre et la vanité du paon, la douceur du duvet qui garnit la gorge des moineaux et la dureté du diamant, le goût sucré du miel et la cruauté du tigre, la froideur de la neige et la chaleur du feu, le caquet du geai et le roucoulement de la tourterelle. Il mêla toutes ces choses et en forma la FEMME. Elle était gracieuse et séduisante…La trouvant plus jolie que l’ibis ou que la gazelle, Dieu, fier de son œuvre, l’admira puis en fit présent à l’Homme.

 

         Huit jours après, l'Homme, penaud, vint trouver Dieu :

 

Seigneur, dit-il, la créature dont tu m’as fait don empoisonne mon existence. Elle bavarde sans trêve, elle se lamente pour rien, elle pleure et rit tout à la fois, elle est inquiète, exigeante, tracassière, elle est toujours après moi, elle ne me laisse pas une minute de repos…Je t’en prie,Seigneur, reprends-la car je ne puis vivre avec elle ! Et Dieu, paternel, reprit la Femme.

 

         Mais au bout de huit jours, l’Homme revint vers Dieu :

 

Seigneur, s’écria-t-il, ma vie est bien solitaire depuis que je t’ai rendu cette créature. Elle chantait en dansant devant moi. Et qu’elle suavité d’expression quand elle me regardait sans tourner la tête, du coin des yeux ! Elle jouait avec moi et il n’y a sur les arbres aucun fruit qui soit aussi bon que ses caresses. Je t’en prie, rends-la moi je ne peux vivre sans elle. Et Dieu lui rendit la Femme.

 

         Huit jours s’écoulèrent encore et Dieu fronça les sourcils en voyant l’Homme revenir avec la Femme et la pousser devant lui en disant : «  Seigneur, je ne sais comment cela se fait mais je suis bien certain que cette créature me procure plus d’ennui que de plaisir. Reprends-la, je n’en veux plus !  »

 

         A ces mots, Dieu se mit en colère. «  Homme ! dit-il, retourne dans ta hutte avec ta compagne  et apprends à la supporter. Si je la gardais, dans huit jours tu m’importunerais encore pour la ravoir !. » Et l’Homme se retira…Malheureux que je suis, gémit-il, deux fois malheureux !

 

         Ainsi a commencé le monde, le jour où Dieu a condamné l’Homme à ne pas pouvoir vivre sans la Femme et à ne pas pouvoir non plus vivre avec elle…

 

 

LE 31/01/2007

Ce que le père de Goha a fait

Un souvenir d’enfance de Mimi de Castro

 

 

Quand le réveil sonne, je saute du lit et je réveille ma soeur Lina à grands cris!  Ça ne me ressemble guère car moi, j’aime dormir le matin et c’est toute une affaire que de me faire sortir du lit. Mais aujourd’hui, c’est un  jour spécial, c’est celui que nous attendions depuis l’été dernier. 

En effet, nous avions projetées avec ma mère d’aller faire les achats avant les grandes vacances. La liste était déjà toute faite : dessous, costumes de bain, sandales et chapeaux. Pendant le petit déjeuner que avalons en vitesse, Lina et moi revoyons encore une fois la liste d’achats.

Comme d’habitude, il fallait ranger notre chambre car ma mère est inflexible à ce sujet. Mon frère Itzik, que les achats ennuient toujours, fait la moue et nous montre un visage morose. Quant à Lina et moi,  nous sommes folles de joie, pleines d’enthousiasme et de surexcitation à l’idée même de toutes les nouvelles choses que nous allions étrenner.

Les courses se déroulent merveilleusement bien, d’essayages à essayages, de magasins en magasins, discussions, indécisions, décisions finales, et nous voilà prêtes à partir en vacances avec tout un élégant et nouveau trousseau. Nous sommes chargées de sac et de paquets que maman compte chaque fois avant de quitter un magasin. Les dernières emplettes aux grands magasins Hanneau, sont les costumes de bain. Nous convoitions un modèle en particulier et il fallut attendre que la vendeuse trouve nos tailles et les couleurs que nous avions choisies.

Finalement, la facture payée, les costumes emballés et placés dans nos sacs, ma mère se déclare satisfaite. C’est le tour alors de la récompense attendue : une visite au petit Groppi. Il s’agit d’un café en plein air où l’on sert des glaces aux essences exotiques et délicieuses et d’excellents gâteaux. En fait, Groppi est une pâtisserie suisse de grand renom en Egypte. On y trouve les chocolats les plus crémeux, les petits fours les plus fins et les pâtisseries les plus délectables de tout le pays.

Nous arrivons donc au petit Groppi, à distinguer du grand; car l’un possède un jardin extérieur et l’on peut s’asseoir commander boissons et friandises; tandis que dans l’autre on consomme debout dans le magasin même, ou on emporte ce que l’on veut dans des boîtes. Notre matinée d’achats se termine donc autour d’une table pleine de bonnes choses que nous dévorons de grand appétit, comme des chats dans un bol de crème.

Non loin de notre table, maman voit une amie à elle avec ses enfants qu’elle invite à nous rejoindre et nous voici entourés de camarades bruyants et de bonne humeur. Quelque temps, plus tard, nous décidons enfin de rentrer et avec tous nos paquets rassemblés, on s’entasse dans un taxi pour le retour à la maison. Ma sœur et moi sommes impatientes d’essayer nos nouveaux vêtements et surtout les costumes de bain dernier cri! Donc, à peine arrivés, nous vidons les sacs et dans le tas, nous ne trouvons pas les costumes de bain.

Cherche que tu cherches, ils n’y sont pas! Ma mère téléphone au magasin et on lui assure que nous n’avons rien laissé. Ensuite chez Groppi, la serveuse lui demande d’attendre pour qu’elle puisse aller chercher au jardin. La réponse aussi est négative, comme celle de l’amie de maman que nous appelons juste au cas où elle aurait pris nos sacs par inadvertance.

Inutile de décrire la mine déconfite de ma sœur et la mienne. Proches des larmes, frustrées, nous ne savons plus que faire. Nous supplions ma mère de retourner chez Groppi chercher nous-même et finalement elle finit pas accepter nos prières. Rien non plus, pas de sacs, pas de costume de bain! Déçues et attristées, Lina et moi n’osons plus rien dire à maman. Mon frère que tout ce charivari agace au maximum demande : « Eh bien qu’est-ce qu’on fait? »

_Oui, qu’est-ce qu’on fait? Ajoute ma sœur.

_Ce qu’on fait? Répète ma mère avec un regard très sérieux.

On va faire ce que le père de Goha a fait en 1930 lorsqu’on lui a volé les chaussures à la porte de la mosquée.

Lina et moi regardons ma mère comme si elle était devenue folle tout d’un coup et nous échangeons des regards ahuris.

_Goha et ses chaussures? Je demande en murmurant

_ Ecoutez bien, c’est le père de Goha en 1930. Nous allons faire la même chose que son père. Le visage énigmatique de ma mère ne révèle rien d’autre.

Pourtant cela nous semble louche qu’elle nous raconte cette histoire, ma mère a la manie des proverbes et des citations. Il y a toujours anguille sous roche. Donc, je sais qu’elle attend la question.

_ Et qu’a fait le père de Goha en 1930 lorsqu’on lui a volé ses chaussures à la porte de la mosquée? je dis tout ça d’un trait.

         _Mais…vous ne savez pas? Il est allé acheter une autre paire voyons!

         Ajoute maman en souriant.

Nous partons tous d’un fou rire. Les larmes nous coulent des yeux et nous avons mal au ventre. Finalement nous avons compris ce que maman voulait dire et soulagés nous retrouvons notre bonne humeur. Mais mon frère, lui n’est pas trop content car il faut de nouveau retourner au magasin et perdre un temps précieux.

C’est ainsi que ce jour-là nous avons fait ce que le père de Goha avait fait!

 

 

 

LE 31/12/2006

 

 

De Madame Mimi de CASTRO :

LE CAFE DU COIN

 

Ce soir là, rien ne présageait les événements terrifiants, dramatiques et le dénouement qui s’en suivit. L’histoire se passe dans un petit quartier pauvre du Caire, oublié du reste du monde. Au café du coin, plusieurs hommes, amis d’enfance, terminaient leur longue journée de travail en se réunissant chaque soir pour fumer la «  chicha », la pipe à eau ou « narghileh », et pour manger un bout ensemble.

Le premier arrivé ce soir là était Fahmi qui travaillait dans un bureau non loin du café. Parce qu’il était grand de taille et très maigre, on l’appelait « douda », le ver de terre. Ensuite, ce fut Ali et Sarwat, les jumeaux qui ne se quittaient jamais (tizein fe lebass) et on les avait surnommés « deux culs dans une culotte ».  Ils se saluaient à grands cris et s’assénaient de grosses claques dans le dos en s’attablant!

Mahmoud, le garçon de café accourait en apportant du pain « baladi », du « foul médamesse » (les fèves),  des oignons verts et des verres de thé noir qu’ils avaient l’habitude de boire en quantité.  Abou shanab, aux énormes moustaches qu’il caressait avec de grands gestes majestueux, accompagné de  Fouad « el amir », le prince, finalement arrivèrent et rejoignirent leurs camarades. Les autres clients étaient bien satisfaits de les voir s’attabler dans un coin reculé du café où ils pouvaient faire autant de chahut qu’ils voulaient!

C’était donc, une soirée comme toutes les autres et tout de suite « douda » de sa voix fluette leur annonça que Om Walid qui louait des chambres dans l’immeuble au fond de la ruelle avait de gros problèmes. La bâtisse, ancienne et mal entretenue, tombait en ruine et il y avait souvent des accidents causés par des briques qui tombaient sur les passants ou les locataires. Ces derniers n’avaient pas de choix, ayant peu d’argent à leur disposition.

Les familles souvent s’entassaient dans de minuscules chambres où il n’y avait pas d’espace pour les enfants qui finissaient par sortir jouer sur le trottoir. Parmi eux, il y en avait de bien bruyants et désobéissants qui avaient cassé la vitre de l’appartement des A’Alawi. Que fallait-il faire avec ces parents qui ne pouvaient pas contrôler leurs enfants? Qui allait payer les dégâts?  Et ainsi de suite. Abu shanab, la bouche pleine, déclamait qu’il ne fallait plus faire des enfants, et Fouad de son air princier essayait d’arrêter le flot de paroles incompréhensibles qui sortaient de la bouche de son ami.

Au milieu de tout ce vacarme, Ali et Sarwat en s’éclaircissant la voix, demandèrent le silence aux autres. C’est alors, qu’ils annoncèrent d’un même souffle la mort soudaine de Mohamed Mokhtar, l’ingénieur que tout le monde connaissait. Mokhtar passait pour être un homme de grand bien puisqu’il habitait la grande maison du coin qui faisait face à l’immeuble de Om Walid. Il travaillait dans un des ministères, mais personne ne savait très bien ce qu’il y faisait vraiment.

Au milieu du brouhaha que causa l’annonce des deux frères, Ali respira profondément avant de continuer. Mokhtar, expliqua-t-il, s’était écroulé en sortant du bureau, terrassé par une attaque cardiaque. Abou shanab s’écria tout de suite que ce dernier méritait bien cette mort car disait-il « kan maktoub », c’était écrit! Fouad jura que c’était la foudre du ciel qui l’avait atteint car il avait désobéit aux commandements de l’Islam.

Ils étaient en effet tous au courant du drame qui s’était joué dans la famille de Mokhtar. Après vingt ans de mariage et sans raison apparente, Mohamed Mokhtar avait divorcé de Fatma, sa femme. Il avait un soir crié par trois fois « enti tale’e », suivant la coutume  cela voulait dire « Je te divorce ».  Fatma, sans le sou, alla se réfugier chez sa fille, nouvelle mariée à la campagne « fel ariaf ».

Peu de temps après, on vit une jeune femme arriver avec 3 enfants en bas âge pour vivre avec Mokhtar. Au début, tout le voisinage se demandait qui pouvait être cette femme qui semblait si jeune. Les cancans allaient bon train et toutes sortes de rumeurs circulaient à ce sujet. Le gardien de la maison de Mokhtar coupa court à toutes les rumeurs en disant qu’il s’agissait de la femme de Mokhtar. On présuma donc qu’il avait entretenue cette femme en secret pendant qu’il était encore marié avec Fatma.

Quelques mois plus tard, il refusa de voir sa fille et son fils qui, désiraient lui rendre visite afin de comprendre ce qui s’était passé entre lui et leur mère. Les habitants du quartier furieux par un tel comportement colportaient toutes sortes de ragots et d’anecdotes à son sujet. Il y avait de ceux qui prédisaient des malheurs à venir à cause de la cruauté et de la négligence de Mokhtar à pourvoir aux besoins de sa femme dont il avait divorcé sans raisons apparentes. D’autres lui enviaient cette désinvolture et ce mépris des conventions puisqu’il disposait de grosses sommes d’argent qui lui permettait de s’affranchir!

Quoiqu’il en soit, l’affaire Mokhtar faisait beaucoup parler les gens du quartier. Et cela continuait jusqu’au moment où les narghilehs, furent installées par Mahmoud devant les copains. Soudain, Om Walid fit irruption dans le café. Elle tremblait visiblement et son énorme poitrine frémissait d’émotion. Elle était à bout de souffle comme si elle avait couru pour arriver. A grands cris «  ya dahwetti » (quel malheur!) elle réclama l’attention de tous ceux qui étaient au café. Elle se frappait le visage et on dût l’asseoir sur une chaise et lui apporter un verre d’eau.

Om Walid répétait « esma’ouni ya nass! », (écoutez-moi tout le monde). Finalement, quelqu’un lui donna un mouchoir et elle s’épongea avec le visage et le cou. Avec l’encouragement de la foule qui se pressait autour d’elle, Om Walid raconta que le matin même, Fatma était venue la voir et lui avait dit qu’elle était retournée prendre des effets personnels laissés dans la maison de Mokhtar. Om Walid lui offrit un bon café noir et Fatma semblait s’être résignée à son sort. La nouvelle de la mort soudaine de Mokhtar advenue quelques heures plus tard bouleversa Fatma, ce qui était compréhensible et elle décida de rendre visite à la veuve.

Jusque là, Om Walid encouragea Fatma et lui demanda de ne pas aller seule chez la veuve et elle insista pour l’accompagner. Mais Fatma refusa avec entêtement, disant que cela n’était pas nécessaire. Finalement, il fut convenu que Fatma ferait la visite après lui avoir envoyé un mot avec le petit Mahmoud qui faisait des courses pour les voisins.

Fatma quitta Om Walid, qui tourmentée et assaillie par un fort pressentiment de malheur l’attendait sur le balcon. Après un laps d’attente, Om Walid commença à s’inquiéter encore plus puisque Fatma ne revenait pas. Elle décida de descendre elle-même pour voir ce qui retenait Fatma. En s’approchant de la maison toute illuminée, elle entendit un hurlement horrible qui lui glaça le sang. Elle n’hésita plus et courut vers la maison sur le trottoir d’en face. Elle se mit à cogner comme une folle sur la porte et s’aperçut finalement, que cette dernière n’était pas verrouillée.

Om Walid poussa donc la porte et entra dans le salon le cœur battant et le souffle coupé.  A ce moment comme si elle revoyait la scène, elle s’écria « Ya rabbonah, la illaha illa allah », (Mon Dieu, il n’y a qu’un seul!). Les hommes s’affairaient tous autour d’elle. « Mais parle donc Om Walid, dis-nous ce que tu as vu! » répétait Ali et tous les autre lui servaient d’écho. Om Walid but encore une gorgée d’eau avant de continuer.

D’une voix étranglée elle gloussa « daba hethom ya nass » (elle les a égorgés). Le sang couvrait tous les murs et les meubles. Ils étaient tous les quatre par terre et elle, debout, contre le mur, elle tenait encore le couteau! ». Om Walid fit mine de s’évanouir et on la raviva en lui aspergeant de l’eau sur le visage. Les clients du café, le patron et le garçon se regardaient ébahis, sans paroles, surpassés par les événements.

Abu shanab, ne tenant plus sur place s’écria finalement « Qui elle? Qui tenait le couteau? Et qui était par terre? En ta i ya wele ya (parle, femme!) ». En cœur tous ensemble, ils répétèrent les paroles de Abu shanab. Om Walid, se plaisant d’être au centre de l’intérêt général dégusta l’attention et ensuite continua son récit. « Qui vous voulez que se soit? La femme lésée! La seule qui avait tout sacrifié pour lui! Fatma! ». Dans le silence qui s’en suivit, Fahmi insista« Quoi Fatma?  Qui est morte? ».  Il se pencha vers Om Walid, prêt à la secouer!

Om Walid enfin se rendant à l’évidence qu’il fallait terminer le récit, leur raconta que Fatma avait tué la jeune femme et ses enfants et quand la police arriva, elle ne put expliquer la raison de son geste. Elle refusait de parler et on l’emmena au poste de police comme une enfant sans résistance, sans qu’un son ne sorte de sa bouche.

Quand Om Walid eut complété son récit, des petits groupes se formèrent afin de continuer à discuter encore et tard dans la nuit toutes les possibilités et les raisons qui mèneraient une personne tout à fait normale à commettre un crime pareil. Certains pensaient qu’à la mort de Mokhtar son argent aurait été octroyé à la jeune veuve et ses enfants. Dans ce cas-là, Fatma et ses enfants n’auraient rien hérités, grande injustice hélas! C’était peut-être une bonne raison pour le geste désespéré de Fatma!

Jamais dans l’histoire du quartier, une chose si sanglante et horrible  ne s’était déroulée. Ils étaient tous choqués et épouvantés en se rendant compte que cet abominable crime avait été commis par une femme, une des leurs, pareille aux autres personnes normales du quartier. Dans quel état de désespoir et de haine,  avait donc été réduite Fatma pour en arriver là?

Ali pensif avança la possibilité que Fatma sans le savoir était le bras de Dieu, ce bras qui punit ceux qui ne marchent pas dans le droit chemin. Mais ce fut Sarwat qui résuma les événements de cette façon, « Quand on ne respecte pas les commandements et que l’on mène sa vie en marge de ceux-ci, on est certainement puni. Mokhtar a viré du chemin et tout le monde a payé pour ça. C’était pourtant écrit sur son front et il ne l’a pas vu ! Et ce d’après la fameuse sentence : «  El maktoub aal guébine, lazem téchoufou el eein » dont la traduction littérale est :  « ce qui est écrit sur le front, il faut que l'oeil le voit » et dont la signification est celle-ci :ce qui est décidé par le sort, doit se réaliser.

 

 

 

LE 25/11/2006

LA MAISON ROUGE

(El beit el ahhmar)

Mimi DE CASTRO

 

 

C’était une maison mystérieuse, entourée de hauts murs qui l’enveloppaient de tous côtés. Construite de briques rouges, elle donnait une impression de solidité et de sévérité qu’atténuaient les deux « moucharabiehs », fenêtres de bois sculptées qui comme des paravents couvraient les balcons afin que les femmes voient l’extérieur sans être vues.

On voyait peu de personnes qui entraient et sortaient de la maison et celles-ci seulement de nuit. Souvent, lorsque soufflait le « khamsin » vent du désert, des sons étranges comme des gémissements de femmes se faisaient entendre. Quelques fois, on entendait des coups sourds comme si quelqu’un cognait contre les parois de la moucharabieh du deuxième étage.

Si quelque passant étranger au quartier, s’arrêtait par hasard près de la porte cochère de bois massif, un gardien énorme, enturbanné et en caftan blanc sortait pour renvoyer l’infortuné en le menaçant que s’il avait le malheur de retourner, il lui couperait les pieds (ne’etaa reglak). Il refermait la porte en jurant par Allah, qu’il aurait ajouté son corps aux autres qui avaient eu la malchance de venir importuner les maîtres de céans.

Des années durant, cette maison avait inspiré plusieurs histoires dignes des mille et une nuits. On parlait d’une femme gardée prisonnière par un mari jaloux. On faisait allusion à la fille d’un riche pacha qui n’avait pas obéit à son père et qui était emprisonnée contre son gré. Il y avait une autre version encore plus farfelue, celle de notre voisine du rez- de- chaussée Shafika. Elle prétendait que c’était la demeure de Barbe bleue et que dans chaque chambre,  il conservait le corps d’une de ses femmes victimes. « El gazzar », le boucher de la rue Bab el Nil, disait-elle.

L’avocat Bassiouni, lui, disait que cette maison abritait plutôt quelque bande de malfaiteurs qui faisaient de la contrebande. Quand on lui demandait pourquoi la police ne faisait pas irruption pour les arrêter, il accusait la police d’être de mèche avec ces criminels. Comme Maître Bassiouni avait la réputation d’être un peu « touché » (malhouss) on ne le prenait pas trop au sérieux.

Chaque quelque temps une nouvelle version apparaissait pour s’ajouter et grossir encore plus ce mystère.   Une des plus vieilles versions, et la plus romantique était sans aucun doute celle de Magdi Haneim. Elle avait une excellente réputation et son mari Magdi Abou el Zayat, grand commerçant en huile d’olives passait pour un richard dans le quartier. Ils habitaient le dernier étage d’un immeuble de luxe au début de la ruelle. Magdi Haneim, (Mme Magdi) d’origine turque se considérait de classe supérieure et éduquée en Europe, elle suscitait l’admiration de ceux qui la connaissaient.

Magdi Haneim surprit donc tout le monde lorsqu’elle dévoila qu’elle avait connu les propriétaires de la maison rouge. En effet, elle était la plus ancienne habitante du quartier et lorsqu’elle arriva, nouvelle mariée, pour vivre dans son appartement, la maison rouge était en vente. Magdi Haneim, visita la maison en pensant l’acheter pour y vivre mais son époux tomba malade à cette période et mourut peu de temps plus tard. Ses plans d’achats furent donc complètement changés et elle resta dans son appartement où elle résidait encore.

Quand Magdi Haneim visita la maison qu’elle insistait à nommer « el villa » la villa, elle fut impressionnée par sa grandeur et la beauté de son architecture que l’on ne soupçonnait pas de l’extérieur. Les pièces étaient spacieuses, bien aérées et décorées avec goût. Dans le jardin, des fontaines avec de belles sculptures représentant des animaux et des plantes étaient placées parmi les fleurs et les arbres fruitiers. En somme, c’était un petit palais à l’orientale, un bijou de bon goût et de confort.

Pendant la négociation pour l’éventuel achat de la villa, Magdi Haneim eut la chance de rencontrer le pacha à qui appartenait la maison, Fawzi ezel Din, un homme respectable et très riche qui fit construire cette demeure pour sa femme Nazli. Par malheur, en venant de Turquie le bateau, sur lequel elle voyageait fit naufrage et elle disparut dans la mer. Son corps ne fut jamais retrouvé et Fawzi ezel Din chagriné, en plein deuil, refusa de vivre seul dans cette vaste demeure.

La version de Magdi Haneim se résumait donc de cette façon. Ayant subit ce malheur, Fawzi Pacha, refusa de continuer à vivre sans sa femme qu’il adorait. Désespéré, il se tira une balle dans la tête mais ne réussit pas son suicide. Il vécu quelques années en reclus dans la villa, à moitié fou de  douleur et d’amour.

Magdi Haneim pensait que Fawzi pacha survit quelques vingt ans à  la disparition de sa bien aimée. Ces années furent pleines de souffrances et de regrets. Elle était certaine que lorsqu’il mourut finalement, le fantôme ou l’esprit du mort n’ayant pas connu la paix et regrettant son acte, venait encore aujourd’hui hanter les lieux.

Magdi Haneim était une habile conteuse et quand elle arrivait au bout de son récit, elle soupirait en levant les bras. Elle ajoutait à mi-voix « la kouwati illa b’illah » (il n’y a de pouvoir que celui de Dieu)! Son audience aussi soupirait après elle. Les femmes essuyaient une larme en cachette et les hommes se regardaient en hochant la tête, comme pour dire « En effet, on ne doit pas décider de sa vie, c’est seul le Dieu tout puissant qui le peut ».

Cette maison existe toujours. Si vous désirez la voir, ce n’est qu’à un pas de chez vous. C’est tout près, on l’appelle encore El Beit El Ahmar, elle se dresse au milieu d’un quartier presque en ruines maintenant. On ne sait pas trop qui paie pour l’entretient de cette maison, mais elle est là, solide, mystérieuse et inhabitée. Ne l’avez-vous pas vue lors de votre dernière promenade dans cette rue?

 

 

 

 

LE 28/10/2006

 

LA DOUBLE VIE DU SULTAN MAHMOUD

Un conte des mille et une nuit

(Mimi de Castro)

 

On raconte cette étrange et fabuleuse histoire qui dépeint le Sultan Mahmoud qui, il y a bien longtemps régnait en Egypte, sur le royaume du Nil.

 

Pour une raison inconnue de tous,  le Sultan avait perdu le goût de vivre. Il était affligé d’une mélancolie indescriptible qui le rendait apathique et incapable d’agir. Pourtant le Sultan était beau et bien fait, son pouvoir s’étendait sur tout le royaume. Il possédait de vastes richesses et de nombreux palais. Ses amis lui étaient fidèles et ses serviteurs subvenaient à tous ses besoins. Il avait de nombreuses épouses et concubines. Malgré cela, Mahmoud désirait la mort au-dessus de tout.

 

Un beau jour arriva aux portes du palais un saint et sage vieillard courbé par les ans, d’une minceur squelettique. Mais dont les yeux flambaient d’une flamme qui pouvait discerner l’hypocrisie et la fausseté. Il demanda une audience qui lui fut accordée et mis en présence du jeune Sultan, il le fixa de son regard pénétrant qui remua Mahmoud jusqu’au fond de l’âme.

 

La chambre dans laquelle le Sultan était affalé, contenait quatre grandes fenêtres donnant chacune vers une différente direction et encadrant divers paysages. Bien que la vue fût d’une majestueuse beauté, Mahmoud était incapable d’en jouir. Le saint sage sans formules polies ou salamalecs s’adressa directement au Sultan :

« Que la paix soit avec toi, Sultan Mahmoud. Je suis venu pour te faire ouvrir les yeux, pour éveiller ton esprit et te rendre conscient de tous les dons qu’Allah t’a donnés et que tu risques de perdre. » 

 

         Sans cérémonie, le vieux sage empoigna le bras du Sultan et lui ordonna de regarder de l’une des quatre fenêtres. Le jeune roi s’exécuta et vit avec horreur qu’une nombreuse armée de féroces soldats se précipitait sur les murs de sa propre citadelle, en agitant leurs épées  dégainées. Les soldats criaient la mort du Sultan et dans ce violent vacarme, Mahmoud aperçu ses hommes de confiance à la tête de cette armée. L’horrible vérité lui sauta aux yeux et il comprit qu’il risquait de perdre son royaume. Il s’écria « Allah sait tout, c’est l’heure de ma perte! »

 

         Le saint homme calmement ferma la fenêtre et ensuite l’ouvrit à nouveau. Le jeune Sultan regarda et ne vit rien de la vision précédente. Tout était tranquille, une belle journée ensoleillée s’offrit à ses yeux ébahis. Avec autorité, le vieillard lui ordonna d’ouvrir la seconde fenêtre « Regarde, tu verras ce que tu dois voir. » lui dit-il. Le Sultan regarda et recula avec terreur en voyant sa belle citée du Caire, tel un énorme brasier, saccagée, pillée et le feu qui s’avançait vers lui! Mahmoud s’écria terrassé « Allah est grand! Demain la plus belle ville du monde disparaîtra avec tous ceux qui y vivent et il n’en restera aucun souvenir. »

        

         A nouveau, le saint et sage homme, referma la fenêtre et cet horrible spectacle s’effaça. Le Caire s’étalait devant le Sultan avec ses beaux parcs et ses riches bâtisses. Sans lui laisser le temps de penser, le sage ouvrit la troisième fenêtre qui donnait sur le Nil. C’est là, que le Sultan atterré, vit que le fleuve dont les eaux abondantes et sans contrôle avait déjà inondé les champs et les villes d’Egypte, avançait en grondant vers le palais. Quand le vieillard ferma la fenêtre, cette fois-ci aussi tout disparu et Mahmoud reconnu la beauté des flots du majestueux Nil. La dernière fenêtre dévoila un spectacle désolant qui montrait des arbres fruitiers, des plantes, et des oiseaux qui petit à petit se consumaient sous un soleil ardant et une épouvantable chaleur qui dévorait tout sur son passage.

 

         Le Sultan comme un fou, égaré, haletant ne savait plus si c’était un cauchemar, un rêve ou un sort qu’on lui avait  jeté. Avant qu’il ne puisse parler le saint homme lui ordonna de se pencher vers une fontaine qui se trouvait dans la chambre. Quand il se pencha, le vieillard lui enfonça la tête dans l’eau. C’est alors qu’il se retrouva au pied d’une montagne au bord de la mer. Il avait l’impression d’avoir échoué sur le sable et portait encore sa couronne et ses beaux atours. Une grande rage contre le saint homme se saisit de lui et il jura de se venger aussitôt retourné. Quand il vit des hommes sur la plage il essaya de leur expliquer qui il était mais on le prit pour un fou et on se moqua de lui.

 

         C’est ainsi qu’il finit par se retrouver à travailler pour manger. Ces hommes s’emparèrent de ses riches vêtements et voilà qu’on lui fit porter de lourds colis. Il se transforme en âne et il est battu sans pitié. Les gamins se moquèrent de lui et le frappèrent sans répit. La seule nourriture qu’il obtient, fut des fèves pourries. Pendant cinq ans il survécu à ce régime et puis il regagna sa forme humaine quand les chaînes qui l’attachaient se brisent. Le Sultan se retrouva dans une ville inconnue et il rencontra un marchand qui lui donna l’hospitalité.

 

         En l’accueillant, le marchand lui fit part des coutumes de ce pays auxquelles étaient soumis les étrangers. Quiconque  refuse à obéir, la mort certainement les attend. Le marchand lui expliqua qu’il lui faudra aller à la porte du hammam et attendre du côté de la sortie des femmes. A chaque femme qui sortira, Mahmoud devra lui adresser la même question sans omettre aucune femme. La question est simple,  « Es-tu célibataire ou mariée? ». Si l’une d’elle répond qu’elle est célibataire, il doit l’épouser sur le champ. Mahmoud n’est pas trop content de cette situation mais il se dit que s’il pourra obtenir à manger autre chose que des fèves pourries ça vaudra la peine.

 

         La première femme qui apparaît jeune et belle se dit déjà mariée, la suivante est de proportions énormes. Malgré sa crainte, Mahmoud lui pose la question à laquelle cette dernière s’empresse d’annoncer qu’elle était déjà promise. Finalement une troisième femme, vieille, laide presque monstrueuse sortit du hammam. Malgré la répugnance qu’il éprouva, Mahmoud tremblant lui posa la fameuse question. Elle s’approcha de lui pour l’embrasser en lui disant qu’elle était libre de toutes entraves. Elle se hâte de lui couvrir le visage de baisers. Excédé, dégoûté, plein de désespoir, le jeune Sultan recula avec force. Ce faisant, il se dégagea et le voilà dans son palais, entouré de ses vizirs, ministres, et le saint sage à ses côtés. La réalité? Il comprend que l’expérience qu’il venait de vivre n’avait durée que quelques minutes et que finalement il était bel et bien le Sultan, jeune beau, riche et bien entouré.

 

         Le vieux sage parla « Sultan Mahmoud, je fus envoyé par les autres sages du monde pour te montrer à quel point tu as été béni par Allah et pour t’indiquer tout ce que tu risques de perdre! »

Le sage disparu soudain personne ne sut comment. Mahmoud tomba à genoux en le remerciant maintes fois. Il comprit qu’à cause de sa négligence, ces visions auraient pu être vraies et sa mélancolie s’évapora. Son cœur heureux voulu rendre les autres contents aussi. Il prit conscience de tous les dons qu’il possédait. C’est ainsi que se termine l’histoire de Mahmoud et de sa double vie : celle qui fut et celle qui aurait pu être, mais qui grâce à Allah ne le fut pas!

 

 

 

LE 28/09/2006

 

LES DEUX MARCHANDS DE SOIE

 Conte égyptien que m’avait raconté ma dada

Mimi de Castro

 

Il y a bien longtemps, on raconte l’histoire,

Si vous voulez bien la croire,

De deux marchands de soie

Qui d’Allah suivaient la loi.

Ils vivaient dans la même ville,

Voisins, ils vendaient la soie en piles.

 

L’un des deux, Tarek, pauvre et misérable

Habitait un triste taudis minable.

A peine mangeait-il à sa faim,

Ses enfants nourris seulement au pain;

Couverts de haillons, la peau sur les os

Ne buvant comme boisson que de l’eau.

 

Non loin de là, Kassem, l’autre marchand de soie

Se prélassait dans le plus grand luxe, ma foi.

Il s’entourait de délices de toutes sortes,

De rares fruits, de boissons fortes,

Possédant de précieux joyaux, des soieries,

De belles tentures et de riches pierreries.

 

Le marchand pauvre, triste et morose

Se demandait toujours la même chose :

« Dieu qui nous a créé marchands de soie,

Pourquoi n’appliques-tu pas la même loi?

Pourquoi dois-je tant souffrir moi

Quand d’autres vivent comme des rois? »

 

Tous les matins ouvrant sa boutique,

Tarek observait d’un œil critique

Le quartier endormi qui se réveille

Sous la caresse du chaud soleil.

Est-ce que la fortune finalement lui sourira?

Est-ce qu’enfin à sa porte elle frappera?

 

Un vieux Cheikh ce matin-là

S’approcha de Tarek et voilà

Que d’une voix faible il supplie :

« Je suis épuisé, mon frère, je t’en prie

Aide-moi, j’ai grand’ faim,

Mets quelque chose dans ma main! »

 

Le marchand sans hésiter, partage avec le vieux

Le peu qu’il possède sur les lieux.

Il l’abrite sous son pauvre toit

Et fait tout comme il se doit.

Il lui offre la place d’honneur à sa table

L’abreuvant d’eau claire et potable.

 

Le vieux Cheikh, heureux et reconnaissant,

Livre à son hôte d’un air bienveillant

Le secret qui devrait en une nuit,

A jamais transformer de Tarek la vie.

Il lui dit « Va dans la forêt mon fils. »

Creuse la terre et sous une pierre lisse,

 

Tu trouveras un beau coffret de bois.

Il contient une fortune digne d’un roi.

Ouvre-le avant la pointe du jour

Et tu seras riche, riche pour toujours! »

« Quoi? Pour moi? Un vrai trésor?

Finalement la fortune, j’aurai de l’or! »

 

Le Cheikh rappelle au brave homme :

« Avant le jour, sinon en somme

Tout sera perdu, tout sera finit,

L’or disparaîtra et tu seras puni. »

Le marchand en hâte se met en route

Pensant réussir coûte que coûte.

 

Creuse que tu creuses et le temps passe.

Tarek suant, tremble et s’essuie la face.

Malgré tous ses efforts, son dur labeur

Le dos cassé, épuisé après des heures,

Il voit que sans succès la nuit avance.

Finalement le ciel s’éclaircit, le jour se lance.

 

Soudain, avec le premier rayon qui sort,

Le marchand fébrilement dégagea le coffre-fort.

Le cœur battant, plein d’espoir et la tête en feu,

Imaginant le merveilleux trésor sous ses yeux

Tarek vit dans le coffre béant ouvert

Rien qu’un petit monticule de poussière!

 

Il s’écroula en larmes, désolé se tirant les cheveux.

Il retourna en courant vers la ville voir le vieux.

Tarek s’agitait « Mes efforts furent en vain!

Dans le coffre mon Cheikh, il n’y avait rien! »

Et de sa voix chevrotante disait le vieillard :

« Je suis bien tranquille pour ma part. »

 

Soupirant il ajouta « Avant le jour,

Ouvrir le coffre pour être riche toujours! »

Le marchand comme un fou, obsédé,

Pleurait, se frappait balbutiait :

« Tous mes efforts étaient en vain

Dans le coffre il n’y avait rien! »

 

Le vieux Cheikh, se leva en tremblant,

Pris de pitié, s’éloigna d’un pas pesant.

Il se dirigea dans le marché bruyant

Vers la boutique de l’autre marchand.

Il laissa Tarek las, abattu par le désespoir

L’âme écrasée et le regard noir.

 

Pour Kassem, les affaires étaient bonnes ce matin.

Le marchand de soie se frottait les mains.

Satisfait, il devenait de plus en plus riche.

Honnête et droit cet homme jamais ne triche.

On le nommait le marchand aimable

Dont les manières étaient toujours affables.

 

A ce moment il vit le vieux Cheikh essoufflé

S’approchant sur une grosse cane appuyé.

D’une voix faible, le vieux supplie :

« Je suis épuisé mon frère, je t’en prie

Aide-moi, j’ai grand’ faim

Mets quelque chose dans ma main. »

 

Kassem, de grand cœur le Cheikh invite.

Il le fait entrer chez lui tout de suite.

Sans se soucier de son aspect abjecte,

Lui fait mille saluts et le respecte.

Il le couvre de chatoyants habits

Et l’installe sur de précieux tapis.

 

Kassem offre au Cheikh sa propre demeure,

Avec des serviteurs pour chaque heure.

Il le comble de délicates friandises,

De sucreries et de maintes petites surprises.

Les jours passent tranquilles et le vieux

Retrouve la santé et se sent mieux.

 

Un jour, ayant finalement repris ses forces

Le vieux Cheikh dresse son maigre torse

« Merci mon frère, tu as pris bien soin de moi.

Tu as suivi le bon chemin de la loi. »

Il lui fait part de son lieu secret

Où, un trésor gît bien enterré.

 

Le marchand répond plein de joie

« Quelle bénédiction! Un trésor de roi?

Tant que ça pour n’avoir fait que mon devoir?

Vous êtes en santé, je suis heureux de le voir.

Permettez mon Cheikh s’il vous plaît

De partager avec mes amis ce lourd secret. »

 

Le vieux Cheikh en silence, accepte,

Touché  par la générosité de son adepte.

Le marchand organise alors un cortège animé

Dans la nuit tous munis de torches allumées.

Les voilà, à coups de pioches, à coup de pelles

Les amis, camarades joyeux qui s’interpellent.

 

On découvre enfin le coffret si fameux

Et tout le monde lance des cris heureux!

Le marchand a grands gestes réclame

Le silence complet et ensuite déclame :

« Voilà entre nos mains le coffret de bois

Qui contient dit-on une fortune digne d’un roi. »

 

« Je promets à chacun de vous sa juste part

Il faut le faire avant qu’il ne soit trop tard!

Mes frères, je ne suis que trop heureux

De donner sans accidents fâcheux,

Ce que la Providence a mit sur mon chemin.

Célébrez mes frères la victoire de l’amitié! »

 

A l’aube avant le lever du soleil,

Le trésor fut partagé et au réveil,

Dans la ville en fête, cette histoire

Faisait le tour du marché et de la foire.

Le pauvre Tarek en l’entendant

Alla chercher le vieux mendiant.

 

Les yeux hagards, le regard trouble

Il se plia presque en double :

« Mon Cheikh, pourquoi lui et pas moi?

Il était déjà riche et je n’ai rien moi. »

L’homme tremblait de douleur et de rage.

Il s’assit par terre sans courage.

 

Le vieillard le regarda en hochant la tête.

Il réplique au marchand et à sa quête :

                                  Si tu avais mon frère pour un moment,

                                      Pensé ne fusse qu’un infime instant

                                A partager ta chance avec un autre homme,

                                  Tu aurais à cette heure une belle somme.

 

 

 

 

LE 25/08/2006

UN  SAINT  HOMME

 

 

C’était à l’époque des Califes, dans un certain pays du Moyen-Orient.

Un petit commerçant du Bazar était rongé par l’inquiétude et l’indécision: par suite de certaines circonstances, il se trouvait obligé d’entreprendre un long voyage, à traverser les mers, ce qui lui ferait courir des dangers et prendre des risques importants. Mais ce n’était pas là la seule raison de son inquiétude. Au cours des années, grâce à son labeur et à de dures privations, il avait réussi à amasser une petite fortune en pièces d’or et en pierres précieuses. Il aurait été fort risqué de l’emporter avec lui et, en ce temps là, il n’existait ni banques ni établissements financiers où il aurait pu la déposer. A qui pouvait-il confier son patrimoine jusqu'à son retour ?  

Il se souvint alors d’un cousin éloigné du Calife qui avait la réputation d’être un homme de grande piété. D’après ce que l’on racontait, il avait même fait coudre à ses babouches des petits grelots afin que, lorsqu’il marche, les insectes soient  prévenus de son approche et puissent fuir, évitant ainsi d’être écrasés ! N’est-ce pas là un signe d’une grande bonté d’âme ? Il résolut de confier sa fortune à ce saint homme.

Quelques jours avant son départ, il lui demanda audience et fut reçu aussitôt. Il lui expliqua ce dont il s’agissait et son hôte accepta de lui garder son bien jusqu’à son retour. Mais, lui dit-il, je ne veux ni voir ni toucher ce qui ne m’appartient pas. Tenez, voici la clef de mon coffre ; allez y placer vous-même le dépôt que vous désirez me confier. Le marchand admira l’extrême honnêteté du saint homme et, tirant de sa gandoura un mouchoir noué où il avait placé sa fortune, il prit la clef, ouvrit le coffre, y déposa le mouchoir et rendit la clef à son propriétaire. Après quoi, il se retira non sans avoir remercié mille fois son bienfaiteur.

Le temps passa. Beaucoup de temps mais, finalement, cet homme revint chez lui. Après quelques jours de repos, il se représenta chez le saint homme pour rentrer en possession de son bien. Celui-ci le reçu fort courtoisement mais ne porta pas question du dépôt. Prenant son courage à deux mains, le marchand lui dit :

-      Monseigneur, je voudrais récupérer mon bien.

-      Quel bien ?

-      Celui que j’ai déposé moi-même dans votre coffre !

-      Vous avez déposé quelque chose dans mon coffre ? Mais vous êtes fou ! je ne me sépare jamais de ma clef et, d’ailleurs, c’est la première fois que je vous vois…

Le malheureux commença à s’emporter, devint véhément, à la suite de quoi il fut jeté dehors par les serviteurs du cousin du Calife qui leur dit :

‘’ C’est un fou ! Ne le laissez plus jamais pénétrer ici.’’ Il revint tous les jours hurler aux portes du palais, s’arracher les cheveux, déchirer ses vêtements et, à chaque fois, il fut roué de coups.

Il raconta son histoire à tout le monde mais personne ne voulait le croire : accuser de vol le cousin du Calife ? Enfin, l’un de ses amis le prit en pitié et lui dit : Pourquoi ne réclames-tu pas justice au Calife ?

Aussitôt dit, aussitôt fait : il courut au Palais Royal, se jeta aux pieds de l’illustre personnage et, tout en pleurant à chaudes larmes, lui raconta son histoire. Il faut croire que le Calife soupçonnait déjà la mauvaise foi de son parent car il dit à ce malheureux :

-      Ecoute-moi, brave homme et suit bien mes instructions. C’est demain vendredi et j’irai, comme chaque semaine, faire mes dévotions dans la Grande Mosquée. Je serai accompagné de ma Cour et de mon cousin. Après la prière, j’irai prendre le café chez lui. Suis-moi de loin et, un quart d’heure après mon arrivée, force l’entrée de sa porte en faisant le plus de raffut possible.

Les choses se passèrent exactement ainsi mais, auparavant, tout en buvant son café, le Calife dit à son parent :

-      Mon cher cousin, j’ai l’intention d’entreprendre un long voyage et je n’ai confiance qu’en vous pour me remplacer dans ma charge durant mon absence. Aussi, vous nommerais-je bientôt Grand Vizir si vous ne voyez pas d’inconvénient…

-      Je suis honoré, Sire, que vous ayez pensé à moi pour vous remplacer sur le Trône du Royaume et….

Il fut coupé dans sa diatribe par l’irruption du pauvre homme que se débattait entre plusieurs serviteurs, en hurlant :

-      Rendez-moi mon bien, rendez-moi mon bien …(comme le Calife lui avait dit de faire).

-      Qu’est-ce que c’est, dit le Calife d’un air courroucé ?

-      Oh ! ce n’est rien, Sire, mes gardes n’ont pas reconnu cet homme qui m’avait confié un dépôt avant de partir aux Indes.

Et, se tournant vers le pauvre diable, tout en lui tendant la clef du coffre, il lui dit :

-      Tenez, mon brave, vous trouverez votre dépôt là où vous l’avez mis vous-même

Le marchand, ne croyant pas ses yeux, arracha la clef des mains du malhonnête homme, récupéra son patrimoine et s’éclipsa aussitôt. Le Calife se retira après lui, sans ajouter un mot.

Le temps passa et le cousin du Calife s’impatientait. Un jour d’audience, n’y tenant plus, il rappela au Calife son projet de voyage et sa nomination comme Grand Vizir. Alors le Calife lui dit :

- Mon cher cousin, il a fallut vous promettre un Royaume pour que vous restituiez son bien à un pauvre homme ! Qu’aurait-il fallut alors vous promettre, à mon retour, pour que vous me restituiez mon Royaume ?

Honteux d’avoir été démasqué, le cousin du Calife se retira dans ses terres et on ne le revit plus jamais à la Cour.

 

 

 

LE 30/06/2006

LA CHEMISE  ET  LE  BONHEUR

 

 

Un Sultan d’un grand pays du Moyen-Orient tomba un jour en langueur et devint triste et morose. Après consultation de plusieurs médecins, sans résultat, on fit appel au devin ( ménaguemm) du Palais. Celui-ci parla  longuement avec lui, essaya de le réconforter et de lui remonter le moral mais rien n’y fit. Finalement, il lui dit :

-          Votre Majesté, je suis persuadé que la seule solution à votre problème est que vous portiez pendant un certain temps la chemise d’un homme heureux.

 

On chercha parmi les gens de la noblesse, puis parmi les riches commerçants, les grands propriétaires, etc. dans tout le royaume et on ne trouva pas un seul homme heureux ! Chacun d’entre eux avait une raison ou une autre pour ne pas l’être : l’un était en mauvais termes avec sa femme, l’autre avec ses enfants, le troisième avait une mauvaise santé, le quatrième voyait son commerce péricliter, celui-ci était en guerre avec ses voisins, celui-là vivait un amour impossible, etc.

De guerre lasse, le Grand Vizir ordonna à plusieurs personnes de la Cour de rechercher  un homme heureux même chez les plus pauvres. Et finalement, on lui amena un misérable charbonnier qui prétendait qu’il était très heureux, malgré sa misère extrême qui sautait aux yeux. On le présenta au   Sultan qui  lui demanda :

-          Dis-moi, brave homme, es-tu vraiment heureux ?

-          Oui, Sire.

-          Y a-t-il quelque chose qui te manque et que je puisse t’offrir pour que tu sois encore PLUS heureux ?

-          Non, merci Sire, il me reste encore un quignon de pain pour mon dîner ; quant à demain, Dieu y pourvoira.

Alors, le Sultan lui dit :

-          Je t’offre cent pièces d’or pour ta chemise !

-          Pour ma chemise Sire ? quelle chemise ? Je n’en ai jamais eu …

 

D’où l’adage bien connu :  L’HOMME HEUREUX N’A PAS DE CHEMISE.

 

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LE 25/05/2006

 

L’ E N V I E U X

 

 

 

Dans un village de la Haute-Egypte, sur le bord du Nil, vivaient deux frères dont l’un, comme il arrive souvent, riche et ne manquant de rien et l’autre, pauvre, chargé d’une nombreuse famille et vivotant au jour le jour. Il était pêcheur de son métier.

Le riche avait donné quelques secours à son frère à deux ou trois reprises puis lui avait signifié de ne plus s’adresser à lui. Il cessa même de le voir. Un jour, le pauvre homme dit à sa femme :

Ecoute, femme ! je vais quitter ce pays et aller chercher fortune dans celui des Noirs où il paraît qu’il y a de nombreuses richesses. Essaye de te débrouiller pour faire vivre nos enfants pendant mon absence. Si je ne reviens pas dans deux années c’est que je serais mort ; alors, tâche de te dénicher un mari que tu épouseras et qui pourrait subvenir à vos besoins.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Il prit dans sa vieille barque un peu de vivres, un réchaud, quelques ustensiles et s’élança vers l’inconnu. Des aventures et des péripéties, il en eut de nombreuses et il manqua plusieurs fois de perdre la vie. Enfin, un jour arriva où, épuisé et mourant de faim, il ne put continuer. Pour sa malchance, sa barque ayant heurté un rocher, chavira et il ne put sauver en tout et pour tout que son réchaud, une casserole et un pot de chambre. Il se traîna sur la berge où il s’écroula de fatigue et il perdit connaissance. Quelque temps après, il se réveilla dans une case fraîche, de la nourriture et de l’eau à portée de sa main, ses habits lavés et secs au pied de la natte où il était étendu. Il s’en revêtit, se restaura et entendit des pas se diriger vers lui. Le rideau protégeant l’entrée de la case se souleva et un superbe Noir accompagné de plusieurs autres, entra, lui souhaita la bienvenue sur ses terres et s’enquit de sa santé.

Le pauvre homme apprit ainsi qu’il se trouvait dans le Royaume de Barbarie dont le monarque était justement ce Noir. Ce dernier lui dit : Vous êtes mon invité aussi longtemps que vous le souhaitez. Reposez-vous et reprenez vos forces. Il lui dit aussi qu’il mettait à sa disposition la case où il se trouvait et un serviteur pour subvenir à ses besoins. Ayant appris, durant la conversation, que l’étranger savait lire et écrire, il lui proposa de devenir son secrétaire particulier ce que l’autre s’empressa d’accepter.

Il fut rémunéré en pièces d’or durant son séjour mais, après une année passée au service du roi, sa famille lui manqua beaucoup et il s’en ouvrit à ce dernier afin de lui permettre de prendre congé. Il fut autorisé à s’en retourner chez lui avec l’or qu’il avait gagné par son travail. Au moment de repartir dans une grande et nouvelle barque, le roi lui dit en désignant le pot de chambre :

- J’ai toujours eu envie de ce couvre-chef !  Voudrais-tu me l’offrir en souvenir de toi ? (Le roi croyait que le pot de chambre était un casque de guerre) Confus de ne pouvoir lui offrir rien d’autre en gage de gratitude, il s’empressa d’obtempérer à son désir et le roi, d’un geste plein de dignité et de fierté d’en recouvrit la tête…

Il ordonna aussitôt de remplir à ras bord la barque de défenses d’éléphant en compensation de ce présent et il fit escorter l’ex-pauvre homme jusque dans son pays par une troupe de guerriers. Arrivé chez lui, l’homme trouva sa femme et ses enfants encore plus misérables qu’il ne les avait laissés. Mais il vendit les défenses d’éléphants qu’il avait ramenés ce qui lui procura une fortune fabuleuse. Il acheta une villa, des terrains et vécu sur un pied digne de sa nouvelle situation. Cela fit grand bruit par la ville et la rumeur en parvint aux oreilles de son frère qui s’empressa de lui rendre visite. Il n’eut de cesse de le questionner que lorsqu’il apprit par le menu l’origine de la fortune de son frère et il échafauda des plans pour aller, lui aussi, au Royaume de Barbarie afin d’accroître encore ses biens. Il se dit : ‘’ Si le roi a donné à mon frère une si grande quantité de défenses d'éléphants pour un misérable pot de chambre, que ne me donnerait-il pas à moi si je lui offre des présents de valeur ?

Il réalisa la plus grande partie de son patrimoine et acheta avec l’argent des beaux bijoux, des tissus chatoyants, des meubles luxueux, des habits somptueux dont il fit remplir une grande barque et il cingla vers le Royaume de Barbarie. Dès son arrivée, le roi l’accueillit avec beaucoup d’égards en souvenir de son frère et l’invita à passer son séjour dans son propre palais. Il organisa, quelques jours après, une grande réception au cours de laquelle l’arrivant offrit au roi et à sa famille les nombreux présents qu’il avait apportés. Ce dernier, très ému par ses nombreux cadeaux, l’embrassa, le serra sur son cœur et lui dit :

-      Vous m’avez comblé avec tous vos magnifiques présents et je ne sais que vous offrir en échange qui en soit digne…Tenez ! je vais vous donner ce que j’ai de plus précieux pour moi : et, ôtant de sa tête le pot de chambre, il en recouvrit celle de son hôte...

 

 

Le 26/04/2006

 

LE  PERROQUET CHAUVE

(El baghbaghane el a’raa)

 

 

 

C’était la fête du Ramadan. Un monsieur célibataire  attendait avec impatience le signal de la fin du jeûne  pour commencer à manger car il avait très faim.

Il avait préparé des boulettes de viande frites  (des koftas). Tout à coup il s’aperçut qu’il avait oublié d’acheter du pain. Il descendit quatre à quatre les escaliers pour aller chez le boulanger.

Il avait chez lui un perroquet qu’il aimait beaucoup et qui vivait en liberté dans l’appartement. D’habitude, il était toujours perché sur le buffet de la salle à manger. Quand il vit que son maître était parti, il voleta dans la pièce et atterrit près de l’assiette de koftas. Il prit une boulette et, délicatement, il la mangeât. Et une autre, encore une autre, bref il termina tout le plat et il se retira comme d’habitude sur le buffet.

A ce moment, le type entra chez lui avec un pain tout chaud sorti du four et se jeta sur sa chaise pour commencer à manger. Il vit alors que l’assiette était vide et que le baghbaghane était en train d’essuyer son bec sur ses plumes. Il comprit  et devint fou de fureur. Il attrapa le perroquet, le mit sous son bras (tahht batou) et se mit à lui arracher ses plumes en commençant par la tête. La pauvre bête se mit à piailler tellement que le type en eut pitié et il lâcha le perroquet qui était devenu tout chauve. Il vola vers sa place habituelle sur le toit du buffet, tout triste, ce qui fit de la peine à son maître. 

Quelques jours plus tard, ce monsieur invita quelques amis à dîner. Ils se mirent à table et comme il faisait très chaud ils enlevèrent leur tarbouche (coiffure typique égyptienne en forme d’un pot de fleur renversé et de couleur rouge). L’un d’eux était tout à fait chauve. Alors le perroquet vint se percher sur son épaule et se penchant à son oreille, il lui dit d’un ton apitoyé : ‘ ‘ ENTA KAMANE AKALTE EL KOFTA ? (TOI AUSSI TU AS MANGE LES BOULETTES DE VIANDE ?)

 

 

 

Le 25/03/2006

MEDECIN  ET  DEVIN

(tabib oué ménnaguémm)

.

 

 

 

Contre tous les maux de la terre, le médecin de ce village ne prescrivait qu’un seul médicament : un purgatif. Si quelqu’un avait mal à la tête, il lui prescrivait un purgatif. Mal au ventre ? Purgatif; mal aux oreilles ? Purgatif…

 

Il advint qu’un jour Goha perdit son âne. On le pressa d’aller consulter ce médecin qui était, aussi, quelque peu devin (ménnaguémm).

 

Goha lui dit :

 

-          J’ai perdu mon âne.

-          Prends un purgatif !

-          Mais, docteur, je ne suis pas malade…j’ai perdu mon âne !

-          Prends un purgatif, mon fils, je n’ai pas d’autres prescriptions pour toi.

 

Goha parti furieux mais, en route, il se dit : qu’est-ce que je risque ? et il prit un purgatif…

 

Le lendemain, il cherchait toujours son âne par les rues et les cours lorsqu’il sentit des fortes coliques l’assaillir…Pressé de se soulager, il entra dans une courette abandonnée entourant une vieille masure en ruines et là, que vit-il ? son âne broutant l’herbe qui avait envahi les lieux. Il le récupéra et il fit une grande publicité à ce sage devin.

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Le 28/02/2006

GOHA  ET  ABOUL  NAOUASS

 

 

Comme Marius et Olive en Provence, Goha et Aboul Naouass sont des personnages légendaires du folklore oriental. Dans toutes les histoires les concernant, Aboul Naouass est toujours la victime de la malice de Goha. Voici l’une de leurs innombrables histoires.

 

Revenant un jour du marché, Goha rencontra sur son chemin Aboul Naouass et, comme à l’accoutumée, il voulut se payer sa tête. Goha avait acheté, ce jour-là, des aubergines. Il les avait mises dans un grand mouchoir noué par les quatre coins et les queues des aubergines dépassaient du mouchoir. Il dit à Aboul Naouass :

-    Je parie dix piastres que tu ne saurais pas ce que contient ce mouchoir.

-          Pari tenu : il contient des aubergines !

-          Bravo ! lui dit Goha, tu as gagné ; voilà dix piastres.

 

Quelques jours après où il avait acheté des artichauts, il rencontra à nouveau Aboul Naouass et lui dit :

-          Aujourd’hui, je parie vingt piastres !

Tout joyeux de gagner encore une fois si facilement, ce dernier d’écria :

-          Ton mouchoir contient des artichauts !

-          Eh ! bien, lui dit Goha, tu es très intelligent, voilà tes vingt piastres.

 

Ayant ainsi mis en condition sa victime habituelle, Goha, le lendemain, mis dans son mouchoir un petit chat dont la tête dépassait d’un côté et la queue, de l’autre. Il alla frapper à la porte de Aboul Naouass.

-          Cette fois-ci, c’est 100 piastres que je parie !

L’oeil allumé de plaisir, ce dernier lui dit :

-          C’est un chat !

-          Non, lui dit Goha, c’est une chatte !

Et il encaissa du pauvre Aboul Naouass les 100 piastres.

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Le 21/01/2006

 

LE BROYEUR D’EPICES ET LE VOLEUR

(El Da-a’)

 

Dans le Souk° des Epices, il y avait un personnage qui se chargeait de broyer les épices achetées par les clients. Il déposait le poivre ou la cannelle ou toute autre denrée au fond d’un grand récipient en granit en forme d’urne et, avec un battant du même matériau, un genre de massue d’environ un mètre de haut, il pulvérisait les épices à grands coups.

Il se tenait dans un recoin du souk, près des nombreuses échoppes des vendeurs d’épices,  où il avait déposé son ustensile une fois pour toutes car il était très lourd à déplacer. Les clients le rétribuaient d’une petite pièce de monnaie.

Le vieux broyeur, courbé par les ans et les reins cassés par le poids du battant de pierre qu’il relevait et abaissait à longueur de journée afin de pulvériser les innombrables épices de ses clients, voyait approcher la fin de ses tourments. En effet, à force de travail et de privations durant de nombreuses années, il avait fini par amasser deux centaines de pièces d’argent qu’il cachait sous son mortier de pierre. Chaque fois qu’il économisait la valeur d’une pièce d’argent en petites monnaies, il en achetait une chez le changeur° du coin et, la nuit venue, quand les magasins fermaient et que le Souk était désert, il glissait la nouvelle pièce sous l’urne après l’avoir fait pencher, péniblement et en y mettant toutes ses forces.

Pour se remonter le moral, il chantonnait pendant son pénible travail deux phrases, en deux temps, qui lui rappelaient que, grâce à son petit magot, il pourra bientôt cesser de travailler sans se trouver dans le besoin.

 En soulevant le lourd battant de pierre,

 

Il disait ………………………………………………………      Mittene Magar   Deux cents Thunes…

et, en l’abaissant sur les épices, il ajoutait :          Tahht el HHagar Sous l’Urne…

et ainsi de suite toute la journée :                        Mittene MagarDeux centsThunes

                                                                 Tahht el HHagar Sous l’Urne…

                                                                  Mittene Magar    Deux cents Thunes…

                                                                 Tahht el Hhagar.. Sous l’Urne…

 

Un jour, un voleur vint à passer par là et, entendant cette litanie, il comprit de quoi il s’agissait. Il vint une nuit, déplaça l’urne, qu’il remit en place après avoir récolté toutes les pièces d’argent. Quelques jours plus tard, le broyeur voulut y ajouter une nouvelle pièce et, à son grand désespoir, il découvrit le larcin. Il devint tout triste pendant quelques temps et ne chantonnait plus au cours de son travail. Puis, un jour, il eut une idée. Il se mit à fredonner cette mélopée à l’intention de son voleur : en soulevant le battant de pierre,

 

        

Il disait………………………………..............       Laou kont sebtohom        Si tu les avais laissées…

Et en l’abaissant, il ajoutait ………        Kont zaouédtohom..         Je les aurais iaugmentées

Et ainsi de suite toute la journée       Laou kont sebtohom        Si tu les avais laissées…

                                                        Kont zaouédtohom       Je les aurais augmentées…

                                                        Laou kont sebtohom        Si tu les avais laissées…

                                                        Kont zaouédtohom       Je les aurais augmentées…

 

Le voleur revint à rôder dans les parages, en quête d’un mauvais coup et il entendit ce que disait le broyeur d’épices. Il devait être quelque peu niais puisqu’il remit à leur place, le soir même, les deux cent pièces d’argent. Les ayants découvertes, le vieil homme s’en empara et, depuis, il battait les épices dans son mortier avec ardeur en chantant à tue-tête, tout heureux du tour qu’il avait joué à son voleur :

 

                                 Féloussi akhadtohom            J’ai repris tous mes sous…

                                 Mabaétche ahhotohom         Je ne les mettrai plus dans le trou

                                 Féloussi akhadtohom            J’ai repris tous mes sous

                                 Mabaétche ahhotohom         Je ne les mettrai plus dans le trou

 

° Souk :Dans les Pays du Moyen-Orient, lieu comprenant une ou plusieurs rues où se groupent les commerçants en gros ou en détail d’une même branche d’articles. Il y a ainsi le Souk des Tissus, celui de l’Alimentation, des Papiers, des Bijoux, des Epices, des Parfums, etc.

° Changeur : dans le temps, il n’y avait pas une ou plusieurs Banques dans chaque quartier comme de nos jours. D’autre part, en Egypte,  de nombreuses monnaies étrangères y avaient cours légal. Alors, dans les souks, il y avait des « changeurs » dont le métier consistait à échanger ces monnaies étrangères  contre de la  monnaie égyptienne et vice versa,  contre une petite rétribution.

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Le 23/12/2005

LE  BOUCHER  ET  LE  SAVETIER

 

 

Un pauvre savetier avait pour voisin un riche boucher qui le harcelait de ses sarcasmes et de sa méchanceté. Il convoitait sa boutique pour agrandir la sienne mais le savetier refusait de la lui céder craignant de se retrouver dans la misère n’ayant aucune autre source de revenu que son travail.

Le savetier avait un petit chat qu’il aimait beaucoup et qui lui tenait compagnie pendant ses longues heures de labeur. Un jour, il vit le chat rentrer précipitamment dans la boutique, se réfugier sur l’étagère la plus élevée, poursuivi par le boucher armé d’un grand coutelas et vociférant :

- Il faut que je l’égorge… il faut que je l’égorge…

Comme c’est l’habitude au Moyen-Orient à l’occasion du moindre incident, une foule s’agglutina à la porte du savetier lequel demanda au boucher :

-          Et pourquoi voulez-vous tuer mon chat ?

-          Il m’a volé un bifteck et l’a mangé !

-          Qu’à cela ne tienne, je suis prêt à vous le payer ; combien vous dois-je ?

Le boucher réclama le prix d’un kilo.

-          Un kilo, s’écria le pauvre homme ? un kilo de bifteck ? mais c’est impossible qu’un si petit chat puisse avaler un kilo de viande !

-          Ou bien tu me règles le prix d’un kilo de bifteck ou bien j’égorge ton chat !

Prenant la foule à témoin, le savetier s’écria :

-          Pesons le chat !

La foule clama aussitôt :

-          Oui, oui, pesons le chat !

On mit le chat sur la balance du boucher qui accusa le poids exact d’un kilo. Alors le savetier dit :

-          Messieurs, si c’est là le chat où est le kilo de bifteck ? et si c’est là le bifteck, où est le chat ?

Hué par la foule témoin de sa méchanceté, le boucher laissa partir le savetier et son chat sans avoir rien encaissé.

 

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Le 26/11/2005

 

LES  CHEIKHS  AVEUGLES

 

 

 

Dans de nombreux villages égyptiens, un grand nombre d’enfants contractaient ou naissaient avec des maladies d’yeux graves et devenaient aveugles ou presque. Afin qu’ils puissent gagner leur vie plus tard, on leur faisait apprendre par cœur le Coran et ils devenaient des cheikhs religieux. Ainsi, ils récitaient des versets du Coran pendant les enterrements, les anniversaires de décès et les manifestations religieuses de tous ordres. Ils allaient, aussi, de magasin en magasin réciter un verset à titre de bénédiction et les commerçants, à cette occasion, leur glissaient dans la main une pièce de monnaie ; c’était un genre de mendicité déguisée et les Egyptiens sont charitables.

Ils allaient souvent en bandes de  quatre ou cinq, agrippés les uns aux autres par les bras, sur un seul rang, celui qui voyait un tout petit peu guidant ceux qui étaient complètement aveugles.  Cela serrait le cœur de voir ces pauvres diables marchant d’un pas décidé, tapant le sol de leur canne en racontant des histoires comiques ou lançant des lazzis, riant avec exubérance mais les yeux tout blancs et le regard mort…

Presque toujours triste lorsqu’il était seul, le cheikh aveugle se déchaînait lorsqu’il se trouvait en compagnie d’un ou de plusieurs collègues. Je ne sais pas si leur gaîté était feinte mais le fait est qu’ils donnaient l’impression d’être de joyeux lurons.

Je me souviens d’une chanson entraînante et comique qu’ils chantaient tout en marchant et ce dans le but d’amuser les passants :

 

 

AL HHAMDOU LERABI EL MOKTADARI

Merci à Toi, mon Dieu Tout Puissant                        

AKALNA EL GUIMEZ MENN AAL CHAGARI                   

Nous avons mangé les figues de sur les arbres

OUA DEHHNA AKALNA OUE CHEBEENA            

Nous avons mangé et nous nous sommes rassasiés

OUE FOTNA EL BA’I LEL KHODARI                                 

Et avons abandonné le reste au marchand de primeurs.

 

YA CHEIKH SEMA’IIN YABN EL RAFADI                        

O toi ! cheikh Sema’iin, fils de rien

BOKRA TAMOUTA OUA TANDAFANI                              

Demain (bientôt) tu mourras et tu seras enterré

SIBAK MENN EL AKL EL HAFATI                                      

Laisse donc tomber ces nourritures dérisoires

SALATA AALA FOUL EL NABET                                       

La salade et les fèves bouillies.

 

EL MAAKARONA DI KAL AHHBALI                                

Ces macaronis sont comme des cordes

MA TAKOL YA CHEIKH AABD EL LAOUI                      

Mange donc, O toi cheikh Abdel Laoui

OUE EMLA  GUEYOUB EL KOFTANI                            

Et rempli les poches de ton caftan

ROZ AALA LAHHMA DANI                                                 

De riz et de viande de veau

Etc. etc.

 

 

Tout ce qui précède est l’exacte vérité et cela se passe ainsi tous les jours en Egypte. Mais,  pour la suite, des nombreuses histoires plus ou moins véridiques ont pour héros les malheureux cheikhs aveugles. En voici trois :

 

LE CHEIKH AVEUGLE ET L’EPICIER GREC. – Un épicier grec vit entrer dans son magasin l’un de ces cheikhs aveugles qui lui demanda s’il voulait bien qu’il récitât un verset du Coran.

-        Et pourquoi faire, mon ami, lui dit l’épicier grec dans un charabia d’arabe, je ne suis pas musulman mais grec orthodoxe ?

-        Cela ne fait rien, lui répondit le cheikh escomptant manifestement un bakchiche, c’est profitable à tout le monde.

-        Alors, faites…

Le cheikh s’assit en tailleur (c’est leur position favorite) sur une chaise et commença à psalmodier en chantant un verset dont le titre est : AL TINN OUAL ZAYTOUN ce qui signifie LES FIGUES ET LES OLIVES. L’épicier, entendant plusieurs fois « figues et olives » en arabe, seuls mots qu’il comprit du verset, pensa que le cheikh était en train de faire de la publicité pour ses produits et il lui dit :

-        C’est très bien, mon ami, c’est très bien ; annonce aussi qu’il y a de la mortadelle, du jambon, du cognac, du whisky, etc…(toutes, des denrées formellement interdites par le Coran).

 

 

LES CHEIKHS AVEUGLES ET L’OIE.-A l’occasion de l’anniversaire de la mort de son père, un riche commerçant invita plusieurs cheikhs aveugles afin qu’ils récitent des prières pour le repos de l’âme du défunt, comme c’est la coutume. A la fin de la cérémonie, il les fit passer dans une pièce attenante où il leur fit servir un repas. Assis en tailleur par terre sur un tapis autour d’une tableya (table basse), ils reçurent du pain en quantité et le cuisinier déposa sur la table une grande soupière de moloukheya, soupe verte très appréciée en Egypte. Ils découpaient des grands morceaux de pain qu’ils enfournaient dans leur bouche après les avoir trempés dans la moloukheya. Ce faisant, l’un d’eux heurta de la main, dans la grande soupière, une grosse oie qu’il s’empressa de déposer sur ses genoux et s’en donna à cœur joie sans rien dire à ses collègues. A la fin du repas, le maître de céans, plein de sollicitude, leur demanda s’ils s’étaient bien régalés ?

-        C’était très bon, lui répondit leur chef, mais pourquoi nous servir un repas maigre ?

-        Comment maigre ?

-        Oui, il n’y avait dans la moloukheya  ni lapin, ni viande, ni poulet…

-        Ce n’est pas possible ! Il y avait une grosse oie pouvant rassasier un régiment !

-        Une oie ? Quelle oie ? Et prenant ses collègues à témoin, il leur demanda :

-        Est-ce que vous avez trouvé une oie ?

-        Moi ? Lui dit son voisin, non…

-        Et toi ?

-        Non…

-        Et toi ?

-        Non…

Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils tombèrent sur le resquilleur qui, pour cacher sa honte de les avoir bernés dit :

-        Je croyais qu’il y avait une oie pour chacun de nous…

-        Une oie pour chacun, fils de chien…et ils tombèrent sur lui à bras raccourcis.

 

 

LES CHEIKHS AVEUGLES ET L’EAU DE COLOGNE.- A une cérémonie identique à la précédente, leur hôte, après le repas et le café, voulut leur faire plaisir : il octroya à chacun d’eux une giclée d’Eau de Cologne sur les mains. Ils ôtèrent leur éémma (coiffure composée d’un turban enroulé sur une calotte) et s’en frottèrent la tête et le visage en s’exclamant de joie et de contentement : Allah ! Allah !

Leur amphitryon s’éclipsa  un moment pour s’occuper de ses autres invités et l’un des cheikhs aveugles dit à son voisin :

-        Ahmed ! Cette Eau de Cologne est sublime ! N’as-tu pas ‘’ vu ’’ où il a rangé la bouteille ?

-        Oui, je crois qu’il l’a mise dans une armoire derrière toi ; j’ai entendu le grincement de la porte !

-        Qu’en pensez-vous, collègues, on en prend encore une tournée ?

-        Oui, oui, oui, répondirent-ils.

-        Aussitôt dit, aussitôt fait. Ahmed se mit debout, tâtonna en se dirigeant vers l’armoire, l’ouvrit et s’empara d’une bouteille qui lui sembla être celle de l’eau de Cologne. Il en donna largement à chacun de ses collègues qui s’empressèrent de s’en frotter le visage, les oreilles, la nuque, le cou en s’exclamant plusieurs fois : Allah ! Allah ! Puis il remit la bouteille à sa place et revint s’asseoir. Malheureusement pour eux, c’était de l’encre violette et qu’elle ne fut pas la stupéfaction du maître de céans de voir les pauvres cheikhs, les mains, le visage et le crâne entièrement barbouillés d’encre…

 

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Le 14/10/2005

L E S  T R O I S  D E V I N S

(Talatt Ménaguémine)

 

 

En souvenir de mon très cher et regretté ami Mansour

COHEN qui  a toujours incarné, ainsi que sa Famille,

la Bonté, la Générosité du Coeur et la Joie de Vivre.

 

 

 

Dans le folklore égyptien, plusieurs histoires humoristiques ont pour personnages un musulman, un chrétien et un juif, sans aucune intention de racisme ou de méchanceté. A tel point, qu’un film comique célèbre a été tourné en leur honneur dont le titre est « HASSAN, MORCOS & COHEN ». Dans ces histoires, le beau rôle est habituellement attribué à celui des protagonistes qui a la même religion que celle du conteur.

                                 

 

 

Du temps du Calife Haroun Al-Rachid, vivaient ensemble à Bagdad trois amis célibataires : un musulman, un chrétien et un juif. Ils mettaient  leurs gains en commun et vivaient heureux.

 

Par suite d’une crise économique, il advint qu’ils perdirent  leur emploi l’un après l’autre et se trouvèrent bientôt sans le sou. Alors, ils tinrent conseil pour débattre de leur avenir et convinrent de se faire « devins », profession ne nécessitant ni capital ni boutique. Ils devaient aller par les rues, chacun à son tour, pour prédire l’avenir. Les charlatans pullulaient à cette époque et par suite des nombreuses plaintes des habitants bernés, le Calife décida d’y mettre bon ordre. Il ordonna qu’on lui présente tout prétendu devin et celui qui ne l’était pas réellement recevrait la bastonnade.

 

Les gardes arrêtèrent le chrétien que le sort avait désigné à commencer le premier, ce jour-là, et le traînèrent devant Haroun Al-Rachid. Celui-ci lui désigna une table sur laquelle il y avait trois assiettes recouvertes d’une serviette et il lui dit :

-        Si tu ne devines pas ce que contiennent ces assiettes, tu recevras la bastonnade !

 

Il ne put évidemment pas deviner leur contenu et fut roué de coups. Il regagna péniblement ses pénates, se jeta sur son lit sans souffler mot de son aventure et s’endormit en gémissant de douleurs. Le lendemain, ce fut le tour du musulman. Même scénario. Le surlendemain, le tour du juif arriva. Il fut aussitôt arrêté par les gardes et présenté au Calife. Excédé, celui-ci lui dit :

 

-        Maintenant, ce ne sera plus la bastonnade. Si tu ne devines pas le contenu de ces assiettes, tu auras la tête tranchée. Constatant que sa dernière heure était venue, le juif pensa aux ingrédients avec lesquels on s’aspergeait, à cette époque, lors d’un deuil et il s’exclama : naphte, goudron et noir de fumée…

 

Par un heureux hasard (ou peut-être pour la bonne continuation de l’histoire) c’était exactement ce que contenaient les assiettes. Le Sultan applaudit et ordonna qu’on remette quinze pièces d’or à cet honnête devin. Le juif remercia le Calife et, en descendant les marches du palais, il y vit un troupeau de dindons superbes ; il ne put s’empêcher de s’exclamer à mi-voix : Ah ! si le Calife me faisait cadeau de l’un de ces volatiles ! L’entendant marmonner, le Calife crut qu’il rouspétait pour la modestie de son cadeau et il le rappela :

 

-        Viens ici, que dis-tu ?

-        Oh ! rien votre Majesté, rien du tout !

-        Tu vas me répéter tout de suite ce que tu as marmonné ou je vais finir par me fâcher !

 

Le pauvre diable répéta ce qu’il avait souhaité et le Calife, riant aux éclats, ordonna qu’on lui remette le plus gros dindon. Tout joyeux, il courut à la maison raconter son aventure à ses deux amis. Il partageât équitablement les pièces d’or avec ses associés mais prétendit garder le dindon pour lui tout seul car, d’après lui, il s’agissait non pas d’un gain mais d’un cadeau personnel. Une dispute éclata entre eux ; les voisins s’en mêlèrent et les gardes emmenèrent les trois hommes auprès du Calife pour qu’il rende la justice dans cette affaire, comme c’était la coutume. Celui-ci écouta leur histoire et, voulant s’amuser un peu, il leur dit :

 

-        Ecoutez-moi bien ! Vous allez laisser ici le dindon qui sera apprêté par mon cuisinier. Vous reviendrez ce soir coucher au Palais et, au matin, chacun racontera ses rêves de la nuit. Celui qui aura fait le plus beau rêve, emportera le dindon. Ils s’en allèrent puis revinrent à l’heure dite, le juif cachant dans son vêtement une bouteille de bon vin. Ils trouvèrent le dindon cuit à point et garni de plusieurs choses délicieuses. Ils s’allongèrent et bientôt leurs ronflements emplirent la pièce.

 

Vers minuit, le juif se leva sans faire de bruit, s’attabla et, débouchant le flacon de vin, il vint à bout du dindon et de la bouteille ; après quoi, il plaça celle-ci, vide, dans le plat avec les os, recouvrit le tout avec la serviette et se rendormit.

 

Le Calife arriva de bon matin, curieux de les entendre et les trouva prêts. Le chrétien s’avança le premier et dit :

 

-        Commandeur des Croyants, voici mon rêve : j’étais profondément endormi quand notre Seigneur Jésus-Christ se révéla à moi. Il me prit par la main et m’entraîna vers les Hautes Sphères. J’ai vu le Paradis, les Anges sur les nuages. J’ai entendu les musiques célestes et, d’un Ciel à l’Autre, il me conduisit jusqu’au Septième Ciel, après quoi  je me réveillais.

-        Par ma foi, dit le Calife, voilà un bien beau rêve ! A toi, dit-il, s’adressant au musulman.

-        Moi, c’est le Prophète Mahomet qui se présenta à moi. Il me prit par la main et m’entraîna dans les profondeurs de la Terre. J’ai traversé le Feu Eternel sans me brûler, les Abysses sans me mouiller. J’ai vu le Taureau portant notre Univers  sur ses cornes  et, d’une Terre à l’Autre, il m’entraîna jusqu’à la Septième Terre et mes yeux et mon cerveau sont encore éblouis par toutes les merveilles qui m’ont été révélées.

 

-        Voilà encore un bien beau rêve, dit le Sultan ; mais nous allons entendre celui du juif. A toi !

-        Hélas, Sire, dit ce dernier, vous allez être bien déçu ! Je dormais profondément lorsque Ezraïl, l’Ange de la Mort,  me tira par les pieds et, me tendant un flacon de vin, il me dit : Mange le dindon et bois le contenu de cette bouteille ou, sinon, je prendrais ton âme et la mettrais en Enfer ! Que devais-je faire, o ! Prince des Croyants ?

 

Le Calife, riant aux éclats, répondit :

-        Il fallait le manger !

-        C’est ce que j’ai fait, Sire !

 

Alors ses compagnons se jetèrent sur lui et lui dirent :

-        Tu ne pouvais pas nous appeler, maudit, pour partager ton festin ?

-        Comment aurais-je pu le faire, répondit-il, toi, tu étais au Septième Ciel et toi, à la Septième Terre !

 

Le Calife n’en pouvait plus de rire de la malice du juif et il garda tout le monde à déjeuner avec lui.

 

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Le 22/09/2005

 

LE  TESTAMENT

 

 

Mon père menait une vie très équilibrée; il aimait la mesure en toutes choses. Un soir où je rentrais très tard pour la troisième fois dans la même semaine, je l’ai trouvé m’attendant au salon, un livre à la main comme à son habitude. A mon entrée, il le referma et m’invita à m’asseoir à ses côtés, sur le canapé.  Il me dit :

 

Mon fils, tu n’es plus en âge, maintenant, d’être réprimandé (j’avais dix-huit ans) mais je voudrais que tu répondes à cette question : penses-tu que toutes les bonnes choses de la vie vont bientôt disparaître ?

 

Je répondis que non, naturellement. Il me répliqua : Alors, pourquoi en uses-tu si largement aux dépens de ta santé ? Celle-là, oui, elle disparaîtra bien vite si tu ne la ménages pas mais les bonnes choses, elles, ne finiront jamais. Alors, sois raisonnable et utilises tout à petites doses pour en profiter le plus longtemps possible. Il y aura toujours des mets savoureux, des boissons alcoolisées, des jolies femmes, des cinémas, des théâtres et des plaisirs. Ou bien tu brûles ton capital santé rapidement et tu seras bien vite une épave ou bien tu laisseras à la nature le temps nécessaire pour reconstituer tes forces après chaque usage normal. Dieu nous a donné la sagesse pour en faire notre profit ; même les animaux sont équilibrés ; as-tu jamais vu un animal malade d’avoir trop mangé, trop bu ou trop veillé ? Serions-nous donc inférieurs aux animaux ? Sur ce, il me souhaita bonne nuit et alla se coucher.

 

Le lendemain soir, après le dîner, il nous raconta cette histoire :

 

Il y avait, dans une ville du Moyen-Orient, un négociant très riche qui avait un fils unique. A la mort de cet homme, le fils reçu la visite particulière du meilleur ami de son père qui lui remit une enveloppe cachetée, en lui disant : Votre père m’a prié de vous remettre cette lettre aussitôt après son enterrement, en insistant pour que vous vous conformiez à ce qui y est écrit.

 

Le fils ouvrit le pli après le départ du visiteur et fut très étonné de lire ce qui suit :

Mon cher fils, voici mes dernières recommandations :

         Mange bon

         Marche à l’ombre

         Marie-toi de temps en temps

         Adieu.

 

Respectueux des dernières volontés de son père, le fils engagea le meilleur cuisinier de la ville qui lui prépara, tous les jours, des festins somptueux. Afin de pouvoir marcher à l’ombre, il fit bâtir un auvent entre sa villa et ses entrepôts distants de deux kilomètres, ce qui lui coûta une fortune. Enfin, tous les mois, il prit une nouvelle épouse  et divorça de la précédente.

 

Ces folles dépenses engloutirent rapidement sa fortune. Il devint un clochard dormant à la belle étoile et n’ayant plus un sou pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires.

 

Un jour où la faim le tenaillait, il se souvint de l’ami de son père et alla frapper à sa porte. Ce dernier le laissa attendre dans l’antichambre pendant deux longues heures puis le reçut. Il ne tenait plus debout, de faim et d’épuisement. Son hôte lui fit servir, sur un plateau, du pain, un morceau de fromage et une carafe d’eau fraîche. Le pauvre diable se jeta sur cette manne et n’en laissa ni une miette ni une goutte.

 

Alors, l’ami de son père lui dit : ‘’Que t’est-il arrivé ? Pourquoi es-tu dans cet état de misère ? Où est passée la fortune de ton père ?’’

‘’ Maudit soit mon père, lui répondit-il. Ses dernières volontés sont la cause de mon malheur et de     mon avilissement !’’

 

Et il lui raconta son histoire.

 

Son hôte lui dit : ‘’ Mon fils, je suis au courant de tout cela mais tu as mal interprété les vœux de ton père. Dis-moi, d’abord, comment as-tu trouvé le repas que je t’ai fait servir ?

 

‘’ Je n’ai jamais rien mangé d’aussi bon depuis fort longtemps ! ‘’ 

‘’ C’est cela que ton père voulait te faire comprendre. Manger bon signifie ne manger qu’à sa faim. Ce n’est que lorsqu’on a faim qu’on trouve savoureux n’importe quoi que l’on mange. Marcher à l’ombre voulait dire : rends-toi à ton travail avant le lever du soleil et n’en revient qu’à son coucher. Et marie-toi de temps en temps signifie n’avoir de rapports avec ta femme que de temps à autre afin de ménager tes forces. Ecoute-moi, mon fils : en souvenir de ton père qui était mon meilleur ami, je vais te confier une somme d’argent pour que tu puisses redémarrer dans la vie. Suis ses recommandations comme je te l’ai expliqué et je suis sûr que tu t’en trouveras bien.’’

 

C’est ce qu’il fit et il reconquit rapidement la position qu’il avait perdue.

 

(Durant la narration de cette histoire, pas une fois mon père ne regarda de mon côté ; mais lui et moi savions à qui était destiné cet exemple.)

 

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Le 19/08/2005

 

L’HOMME DE CŒUR ET L’HOMME D’HONNEUR

 

 

Un homme avait été condamné à mort. Il avait été accusé d’avoir tué l’un de ses voisins. Tous les indices l’accusaient : ils s’étaient disputés deux jours auparavant ; l’arme du crime lui appartenait ; des traces de pas avaient été relevés entre son habitation et celle de la victime et une foule d’autres présomptions lui étaient défavorables…Pourtant, l’homme clamait son innocence et jurait avoir perdu son poignard depuis quelques temps.

 

Au moment de rendre la sentence, le Sultan était  troublé. Mais que faire ? Le sang de la victime réclamait vengeance ; il condamna cet homme à être pendu.

Le jour de l’exécution, le bourreau lui demanda, comme c’était la coutume, quel était son dernier souhait. Il réclama qu’on lui accorde la faveur d’aller embrasser une dernière fois ses parents âgés qui vivaient dans une autre ville distante de trois jours à cheval. Le Sultan, qui assistait au supplice, lui dit que c’était un vœu impossible à exaucer de crainte qu’il ne revienne plus.

- Je reviendrais, Sire, je vous en donne ma parole d’honneur.

Le Sultan refusa. Alors, de la foule, un homme se détacha et pria le Sultan de l’accepter comme otage, le temps que le condamné accomplisse sa visite. Le Sultan le mit en garde du risque qu’il encourrait car, si le condamné ne revenait pas, il serait pendu à sa place. L’autre accepta et on laissa le condamné partir. Il devait revenir sept jours plus tard, à la même heure : trois pour l’aller, autant pour le retour et un jour à passer avec ses vieux parents.

Une semaine plus tard, la foule s’assembla sur la place publique, curieuse de savoir si le condamné reviendrait ou non. Le bourreau lia les mains de l’otage derrière son dos, le plaça sous le nœud coulant de la potence et attendit midi qui était l’heure fixée pour le retour du condamné.

Le Sultan était perplexe car il était déjà midi moins le quart et ce dernier ne se présentait pas ; allait-il faire pendre un innocent chargé de famille parce qu’il avait été charitable ? A ce moment, une clameur s’éleva de la foule ! Le Sultan releva la tête. Il vit au loin un nuage de poussière et, bientôt, un cavalier arriva à brides abattues : c’était le condamné.

Le Sultan, qui avait perdu l’espoir de le voir revenir, était bouleversé. S’adressant à l’homme qui s’était offert comme otage, il lui dit : Qu’est-ce qui t’a poussé à accomplir ton geste au risque de perdre la vie ?

Il lui répondit : Sire ! Lorsque les générations futures parleront du temps de votre règne, il ne sera pas dit qu’il ne s’est pas trouvé un seul homme de cœur pour remplacer ce malheureux, le temps qu’il aille rendre une dernière visite à ses vieux parents…

Emerveillé de cette réponse, le Prince s’adressa au condamné qui venait d’arriver : Et toi, comment cela se fait-il que tu n’aies pas profité de ta liberté pour ne plus revenir puisque tu te prétends innocent ? Sire, lui répondit-il, si je n’étais pas revenu, vous auriez fait pendre un autre innocent à ma place et, lorsque les générations futures parleront de votre  règne, il ne sera pas dit que, dans ce pays, à cette époque, les hommes n’avaient  pas d’honneur !

Alors, le Sultan se leva et dit : Et moi, Sultan de ce pays, je décrète que tu es gracié car il ne sera pas dit que, du temps de mon règne, le Sultan n’avait pas de magnanimité.

Quelques temps après, le véritable assassin fut arrêté à l’occasion d’un autre crime et le Sultan remercia le ciel de l’avoir empêché d’accomplir une iniquité.

 

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Le 12/07/2005

LE  DOUAR  DU  SINGE

(Eezbett El Erd)

 

 

Il y a bien longtemps, régnait dans un pays du Moyen-Orient un Sultan prestigieux qui s’occupait essentiellement du bien-être de ses sujets. Il fut frappé soudainement d’un mal mystérieux, une sorte de langueur qui lui ôtait toute joie de vivre et le remplissait de mélancolie. Il confia ses responsabilités à son Grand Vizir et se retira pour quelque temps dans l’un de ses palais, à la lisière du désert où il passait de longues heures assis sur un tapis dans une véranda, prostré et l’humeur sombre.

 

Un jour où il était tellement démoralisé qu’il pensait au suicide il vit passer, non loin de là, un montreur de singe. Il fut aussitôt captivé par le comportement comique et les grimaces de cet animal et s’intéressa à ce que lui et son maître faisaient. Ce dernier, après avoir attaché la corde retenant le singe à une grosse pierre, tira d’un sac de toile pendu à son épaule par une bretelle, un fagot de brindilles, une petite marmite qu’il emplit d’eau de sa gourde et, ayant ramassé quelques cailloux qu’il disposa dans un ordre donné, il y  ajusta la marmite par-dessus, glissa par en dessous quelques brindilles et alluma le feu. Il tira encore de son sac une volaille, chapardée vraisemblablement dans les environs et, l’ayant plumée et vidée, il l’a mit dans l’eau de la marmite sur laquelle il posa le couvercle. Il attira à lui le singe par la corde et éveilla son attention par deux ou trois coups de badine ; après quoi, lui indiquant du doigt le feu, la marmite et le fagot de brindilles, il lui  expliqua dans son charabia qu’il aurait à surveiller tant l’un que l’autre.

 

Le Sultan regardait de tous ses yeux et comprit que le montreur allait laisser le singe à lui-même pendant qu’il irait au village acheter du pain. Le montreur parti, le singe s’activa autour du feu, y ajoutant de temps à autre une brindille qu’il tirait du fagot, avec des gestes si comiques, dans la crainte de se brûler les doigts, que le Sultan ne pouvait s’empêcher de rire à chacun de ces gestes.

 

L’eau se mit à bouillir après un certain temps et une vapeur odorante s’échappa de dessous le couvercle. Ce fumet mettait le singe en émoi. Il s’approchait un peu pour sentir mais un jet de vapeur le faisait se rejeter en arrière. Il recommençait encore et encore, poussé par sa gourmandise ou sa faim et repoussé par la brûlure de la vapeur. A la fin, n’y tenant plus, il arracha le couvercle qu’il laissa tomber aussitôt près du feu et se mit à tremper l’index dans cette soupe délicieuse, qu’il portait ensuite à sa bouche. Il recommença encore et encore tout en tournant la tête, à chaque fois, du côté où le montreur était parti, dans la crainte de se faire attraper. Le Sultan se tordait de rire à ce spectacle comique.

 

Juste à ce moment, un milan passa dans le ciel bleu et limpide. De son œil perçant et de son odorat aigu, il détecta la volaille mijotant dans la marmite. D’un vol plané et nonchalant il piqua par-dessus la tête du singe, qui ne l’avait pas aperçu, agrippa de ses serres le poulet et continua son vol vers les nues….

 

Un instant pétrifié, le singe se mit aussitôt à hurler, à se démener, à s’arracher des poils de la tête tant était grande sa peur de son maître et de la punition qu’il allait lui infliger. Le Sultan riait sans discontinuer, tant et si bien qu’il en perdait le souffle. Fatigué par ses démonstrations de colère et de panique, le singe se calma et se mit, on l’aurait juré, à réfléchir. Entre-temps, le ciel s’était couvert de milans, alléchés par l’odeur du brouet.

 

Le singe eut soudain un comportement étrange : se cachant la tête entre les deux pattes de devant, les yeux dirigés vers le ciel, il éleva son petit postérieur, tout rouge, dans cette direction…Aussitôt, l’un des milans, pensant qu’il s’agissait là d’un morceau de viande, plongea vers le singe mais, dès qu’il fut à sa portée, ce dernier, se détendant comme un ressort, attrapa le milan et le plongea tout vivant dans la marmite qu’il recouvrit aussitôt de son couvercle en appuyant dessus de toutes ses forces.

 

Le Sultan se sentait mal à force de rire ; il vomit tout d’un coup quelque chose comme de la bile et ressentit immédiatement un grand soulagement : sa bonne humeur et sa joie de vivre lui revenaient. Mais il était curieux de voir ce que ferait le montreur à son retour et attendit avec impatience la suite des évènements. Ce dernier ne tarda pas à apparaître avec un grand pain sous le bras et mourant manifestement de faim. Il découvrit la marmite pour se régaler. Horreur ! il y vit un milan surnageant, doté de toutes ses plumes. Il se retourna, furieux et le bâton levé vers le singe pour lui faire un mauvais parti mais le Sultan lui cria de loin de s’arrêter et envoya ses gens le quérir.

 

Il lui expliqua ce qui s’était passé et, par reconnaissance envers le singe qui l’avait débarrassé de son mal et de sa mélancolie, il octroya au montreur tout le terrain alentour avec les bâtiments, le bétail, le matériel qui s’y trouvaient, à charge par lui de nourrir son compagnon et d’en prendre soin.

 

On appela cette ferme « LE DOUAR DU SINGE », nom qu’elle porte encore aujourd’hui.

 

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