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Les cahiers de MIMI
Chères Lectrices, chers Lecteurs,
J’ai le plaisir de vous présenter
cette nouvelle Rubrique. Elle s’intitule LES CAHIERS DE MIMI. Il s’agit de
Madame Mimi de CASTRO de Toronto. Vous y trouverez TOUS LES MOIS, de nombreux
souvenirs de cette Amie, dont plusieurs
se rapportent à l’Egypte. Ses Nouvelles, Poèmes et Contes sont pleins de
fraîcheur, d’émotion, de bonheur qui, je l’espère, vous raviront.
LE Rédacteur.
MIMI
(Camille de CASTRO) née ZEITOUNI |
|
Née au Caire, j’ai
fait mes études au Lycée Français puis à l’American Collège de cette Ville. Par
suite de la guerre de Suez fin 1956, ma famille a été obligée de quitter en
janvier 1957 pour s’installer en Israël où
je réside durant neuf années : continuation des études, enseignement des
langues et mariage avec un coreligionnaire d’Alexandrie. En 1965, départ pour
le Canada jusqu’en 1969 puis transfert en Suisse et Milan pour le travail de
mon mari de 1969 à 1975. Cette période a été fertile pour ma carrière dans les
arts et m’a permis de peindre et d’exposer dans de nombreuses galeries.
Depuis ce temps nous habitons Toronto où j’ai terminé
des études en art, théâtre et éducation aux universités de York et de Toronto. J’ai
enseigné dans les écoles publiques pendant plus de vingt cinq ans et j’ai
finalement pris ma retraite en juin 2005.
Je passe mon temps à écrire, peindre et faire des
bijoux. J’adore la lecture et je visite
la bibliothèque publique pendant des heures. Je prends le temps d’écouter les
oiseaux et de sentir le parfum des fleurs.
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Septembre
2014
Mai 2014
Septembre
2013
Mai 2013
Janvier 2013
L’EMPEREUR ET L’EVENTAIL ENCHANTÉ
Septembre
2012
Mai 2012
Janvier 2012
Octobre 2011
Juin 2011
Janvier 2011
Aout 2010
15 Avril
2010
Décembre
2009
Octobre 2009
SAVIEZ-VOUS QUE – SECONDE PARTIE
Aout 2009
SAVIEZ-VOUS QUE – PREMIERE PARTIE
Juin 2009
Avril 2009
LE
31/02/2009
UN AMOUR
DE QUATRE SAISONS – TROISIEME PARTIE
LE
31/12/2008
UN AMOUR
DE QUATRE SAISONS – SECONDE PARTIE
LE
31/10/2008
UN AMOUR
DE QUATRE SAISONS – PREMIERE PARTIE
LE 31/08/2008
LE
30/06/2008
LE
30/04/2008
ETERNELLEMENT A TOI – Suite et
fin
LE
29/02/2008
ETERNELLEMENT A TOI – Première
partie
LE
31/12/2007
SALEH
CHAMS EL DIN – Suite et fin
LE
31/10/2007
SALEH
CHAMS EL DIN - Première Partie
LE 31/08/2007
LE
30/06/2007
LE
30/04/2007
LE
31/03/2007
LE
28/02/2007
EN SOUVENIR DE LOLA (suite et
fin)
LE
31/01/2007
LE
31/12/2006
LE
25/11/2006
LE
28/10/2006
LE
28/09/2006
LE
25/08/2006
Eternelle Egypte : Je te porte en moi...
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Septembre
2014
LES FIANCES DU BOSPHORE
Elle:
Tout ce
qui nous est permis en public, hélas
C’est le
regard, et encore... Tu me fais face
Et c’est à
peine si tu me regardes
Tous les
autres, tu sais... nous gardent!
Ils me veulent
du bien et sauvent les apparences.
Assise
dans mon coin, c’est à toi que je pense.
Quand nos
regards parfois se croisent,
Je
remarque qu’en silence ta mère me toise.
Sur ton
noble visage, on ne devine rien.
Tu
comprends que nos gestes mal ou bien
Sont
critiqués, analysés et tu restes de glace
Mouvant à
peine ton corps sur place.
Sous mon
châle, je sens le soleil me transpercer.
Et sur le
pont je me laisse doucement bercer.
Dans la
chaleur torride de ce jour d’été
Je vois
notre avenir tracé, plein de félicité.
Le bateau
glisse sur le fleuve et le vent se lève.
Je ferme
les yeux et c’est de toi que je rêve.
Je te
lance un regard, tu m’évites encore,
Je dois me
soumettre, c’est bien mon sort!
(suite)
Sur les
rives nous passons par les palais,
Les belles
maisons historiques des pachas, mais
Je vois
surtout les harems, horrible séparation,
Et dans
mon coeur je me force à l’acceptation.
Ma mère
m’a dit que je devais être fière,
Ta famille
a une grande maison de pierre.
Le coeur
battant, j’ai souri en lui disant
Que tu
avais un visage bien plaisant!
Un vent
léger sur le pont chasse la chaleur.
Les
conversations reprennent avec la fraîcheur.
Le bateau
s’approche du quai bruyant,
Tu t’es
levé et tu parles à ton frère en riant.
Nous voilà
arrivés et à ma grande surprise
Tu t’es
tourné brusquement vers moi dans la brise.
Toi, tu
m’as regardé longuement dans les yeux.
Dans cet
éclair j’ai remercié le Dieu dans les cieux!
Lui:
Ma
bien-aimée, merci pour chaque instant de bonheur,
Chaque
parole d’amour et de tendresse
Qu’en
secret tu m’as accordé, et du fond du coeur
Je tremble
en pensant à la douceur de tes caresses.
Mon
étoile, merci pour chaque regard tendre,
Chacune de
tes chansons pleines de gentillesses
Qu’à
chaque jour de
Je t’en
fais ici comme tu vois une promesse.
Les
fiancés du Bosphore (suite)
Mon âme,
merci pour chaque doux baiser,
Chaque
splendide sourire clair et radieux,
Ton
rassurant rire timide et spontané
Qui comble
mes désirs et tous mes voeux.
Mon coeur,
j’attends quand, enfin seuls tous deux
Je te
prendrais dans mes bras pour toujours.
Tu penses
que je t’ignore plutôt un peu
Mais
j’obéis aux conventions, tout court!
Ma lune,
tu es en effet mon épouse, ma reine.
Tu
possèdes sur cette terre ce que je
désire;
Toi qui a su si bien voir toutes mes peines
Et entre
tes mains je sais qu’elles vont guérir
Mai
2014
UN CONTE DE MIMI DE CASTRO
1
Om Sharif
Assise comme à son
habitude au coin de la rue,
Om Sharif n’est pas
seulement un phénomène de quartier; l’on
vient de tout le pays pour
Personne ne savait
où elle était née et quel âge elle avait;
alors nombreux mythes circulaient à son sujet, mais elle ne
parlait jamais et l’on croyait qu’elle était surhumaine. Le grand-père et père
du Sultan Nour el Din régnant l’avaient consultée dans leurs moments sérieux et
graves au sujet de la politique du pays. A la naissance de la plus jeune fille
du Sultan,
On dit qu’Om Sharif
consultée explique qu’au bon moment elle
allait contrecarrer ce mauvais sort sans jamais dévoiler la manière qu’elle
aurait employé. Ayant tranquillisé la famille, avec le temps, comme toujours,
les gens oublient et l’on ne parle plus de cette situation durant des années
jusqu’au jour où la jeune princesse est en âge de se marier. Aucun prince ou riche chevalier ne se présente pour
demander sa main et bien que le Sultan
aime sa fille et aurait voulu la garder à ses côtés il commence à
s’inquiéter.
Au palais, le
Sultan, ses fils, ses femmes et toute la
cour s’alarment mais ayant pleine confiance en Om Sharif et en sa prédiction on
n’en discute pas. La vieille encourage
la famille de la princesse à se comporter avec elle comme avec une enfant
normale.
2
Prince Khaled Ibn
el Shafik
Le royaume de Majd el A’alam voisin de Donyiet el Kamar, se trouve
pour la première fois de son histoire, conquis et occupé par une tribu de
Bédouins qui capture le roi Shafik et le garde en otage. De cette façon ils
espèrent forcer le fils héritier Khaled,
de s’exiler et d’abandonner le pouvoir.
Le Sultan Nour el Din souverain de Donyiet el Kamar est
un puissant Sultan dont l’armée
invincible était l’alliée de l’infortuné
roi Shafik. Accablé et inquiet au sujet de son père Khaled Ibn Shafik
entreprend de se rendre auprès du Sultan afin de l’informer de la situation désespérée de son pays et solliciter son
aide.
Le jeune prince est non-seulement obsédé par
le malheur qui le frappe mais il commence à perdre le sommeil et passe des
nuits blanches hanté par des visions qui ne lui laissent aucun répit. A peine
arrivé à Donyiet el Kamar, le prince
Khaled entend parler de
D’une voix lugubre et enrouée Om Sharif exige que
seul le prince s’approche d’elle et renvoie toute la suite de Khaled pour ne
rester qu’en tête à tête avec le jeune homme. Après une première hésitation, il
obéit sans discussion et accepte un simple escabeau de bois pour s’installer en
face d’elle. Dans le silence le plus absolu, le prince contrôle son impatience
et attend le cœur battant la prédiction d’Om Sharif.
Sans se presser la
veille manipule ses coquillages, les jette et les ramasse tour à tour, les
caresse, les place dans plusieurs différentes positions et finalement s’adresse
au jeune prince. Son visage à la peau sèche et brunie, semble un masque de cuir
mais ses yeux noirs brillants comme de l’onyx ont un regard vague. Ce qui veut
dire qu’elle est dans des transes et le jeune homme retient son souffle,
suspendu aux lèvres fines de la vieille.
« Prince Khaled tu es au
bord d’un précipice. » Souffle la vieille femme sans regarder le jeune
homme qui s’attend au pire. Elle continue.
« Tu dois suivre ton
destin et il n’y a pas deux chemins. Tu te trouves dans ce pays pour une raison
très importante. Adresse ta demande à notre Sultan, tu ne seras pas déçu, il va
t’octroyer ce que tu demandes. Mais il y a une condition qui risque d’être
difficile pour toi mais pas du point de vue financier, car je sais que tu es
très riche. »
Le prince laisse
son souffle exploser de sa poitrine et se dépêche de lui poser les questions
qui lui tiennent à cœur. « Et mon père, Om Sharif, mon père va-t-il
survivre jusqu’à ce que j’arrive pour sauver mon pays des griffes de ces
nomades? »
- Ton père n’attend que ton retour. Tu seras victorieux
si tu poursuis ton destin comme il est dessiné. Soupire la vieille
- Comment ça? Je ne connais pas mon destin. Et toi que
peux-tu me dire à ce sujet? S’exclame le jeune prince.
Dans le silence qui
suit cette question, la veille recommence à manipuler ses coquillages. Le temps
passe et Khaled dont le visage rouge démontre l’émotion qui le gagne, respire
avec peine rongé par l’impatience.
« Mon prince, ton destin
te mène ici à la recherche de la victoire contre tes ennemis. Le Sultan va te
proposer un marché : ses soldats contre sa fille Badr en mariage et
surtout ne prête aucune attention aux balivernes que l’on raconte à son
sujet. »
Om Sharif se tait et regarde
le prince dont les yeux d’ambre claire s’assombrissent.
« Sa fille? On dit qu’elle
est bossue, laide et muette, n’est-ce pas? Pas un seul prince n’a osé demander
sa main et elle a plus de vingt cinq ans déjà. »
Om Sharif ne répond rien et il
continue comme pour lui-même « Trop vieille pour avoir un enfant! Trop de
balivernes? »
Om Sharif s’adresse au prince
d’une voix calme et comme dans un souffle.
- Veux-tu sauver ton royaume?
- Oui, comme tu sais à tout prix… soupire le jeune
homme.
- Bon, alors tu iras chez le Sultan et accepteras toutes
ses conditions. S’il te demande pourquoi tu veux épouser sa fille que tout le
monde trouve odieuse, tu lui feras une liste de ses qualités et cela va le
convaincre.
- Et ces qualités? Comment les connaitrais-je si je ne
l’ai jamais rencontrée?
- Tu sauras quoi dire…elle t’attend…
Et après ces mots prophétiques
elle se renferme dans son mutisme habituel à la conclusion d’une prophétie.
Ils restent tous les deux silencieux un moment et le prince se lève
prend congé de la vieille qui le bénit avant qu’il ne disparaisse entouré de
tous ses gens en route vers le palais du Sultan.
3
Chez le Sultan
Aussitôt que le jeune prince demande
audience au Sultan il est reçu avec tous les honneurs dus à son rang. Khaled
fait une excellente impression sur tout le monde à la cour et de plus gagne la sympathie
des conseillers et de la famille du Sultan. Durant l’audience privée avec le
Sultan le prince lui fait part de ses
besoins immédiats afin de libérer son père et son royaume des mains des
bédouins.
Le Sultan n’hésite
pas à proposer son aide mais à condition que le prince promette d’épouser
« Ma fille
m’est très précieuse et si je pensais qu’il n’était pas nécessaire pour elle de
fonder une famille je l’aurais gardée auprès de moi. J’ai beaucoup entendu
parler de toi et j’ai connu ton père dans son jeune âge. C’est un homme saint
et sage et je voudrais lui venir en aide. Je t’aurais choisi comme époux pour
Badr, mais comme je désire avant tout son bonheur, je lui laisse le
choix. » Il s’arrête un moment avant de continuer.
« Notre accord
ne vaudra rien si ma fille refuse de te suivre Khaled. Je sais, tu vas me dire
que c’est sa seule chance de se marier mais je pense qu’elle doit être
convaincue que tu es l’homme pour elle
et que tu ne l’épouses pas seulement parce que tu as besoin de mon armée. »
Surpris par
l’attitude du Sultan, le jeune Khaled ne peut que se plier à cette exigence. Il
demande donc de voir la jeune femme afin de plaider sa cause.
4
Dans le jardin du Sultan
Le lendemain dans le jardin privé du Sultan où
la Sultane mère et les femmes du harem se réunissent autour de
A l’arrivée du
prince les femmes se voilent mais il peut entendre les rires et les
gloussements qui fusent de tous les côtés. Surpris, il hésite mais le Sultan
lui demande de s’avancer et le fait assoir sur un banc de marbre. Autour de lui
des parfums délicats de fleurs se dégagent et remplissent l’air presque au
point de l’étouffer.
Les femmes comme
des papillons de toutes les couleurs voltigent et l’entourent de leur babillage
et leur bonne humeur. Khaled ne voit rien qui puisse lui indiquer où se trouve
la princesse et il a beau la chercher dans toutes les directions il ne peut
rien déceler. Comprenant que son avenir dépendait de son comportement dans ces
étranges circonstances, le prince s’arme de patience. De plus, il reprend
confiance en se souvenant de ce qu’Om Sharif lui avait révélé.
Le Sultan donne
l’ordre à ses serviteurs d’apporter des fruits et des boissons rafraîchissantes
et des musiciens s’installent dans le jardin à distance du banc où ils étaient
assis. Khaled se détend et regarde le Sultan qui l’observe avec grand espoir,
son visage empreint de bonté. Il s’adresse au jeune homme avec douceur.
« Mon fils, elle est là parmi nous mais
apparaitra seulement quand elle sera prête. C’est comme cela que commence
l’examen auquel tu t’es soumis. »
« Honorable
Sultan, avant tout je dois te dire que je te respecte comme un père et un
maître. Je voudrais apprendre à tes pieds la sagesse qui te distingue de tous
les gouvernants de notre région. »
Le prince s’arrête,
il se lève et regarde autour de lui, enchanté par le spectacle des femmes
portant des voiles chatoyants et dansant pieds nus sur le gazon. Il sent
l’amitié et l’approbation du Sultan rayonner chaque fois qu’il le regarde.
Le prince Khaled se
sent transporté dans un univers de rêves, et dans l’enchantement du moment
continu à se confier au Sultan, qui heureux et satisfait de ce prétendant sent
le bonheur de sa fille à portée de main. Le jeune prince continue à exprimer sa
pensée.
« Cher
Sultan, mon vrai destin est ici dans ton pays. Om Sharif me l’a confirmé, et je
ne doute pas de l’honneur que me ferait la princesse en acceptant de devenir ma
femme. C’est étrange mais je me suis senti attiré par
Le prince Khaled
s’arrête soudain, il tremble d’émoi, troublé jusqu’au plus profond de lui-même
par les confidences qu’il vient de révéler. Le Sultan également bouleversé et
agité, le prend par le bras et fébrilement s’adresse à lui.
« Prince
Khaled je désire te présenter ma fille
5
Il y a dix-huit ans
de cela, lors d’un raid sur les tribus rebelles qui assiégeaient la
capitale, le Sultan Nour el Din
captura une prisonnière; une femme de
laquelle il tombe amoureux. Il l’épouse sans
se douter qu’elle était destinée à l’abominable prince Ibn Idris. Cet homme
ignoble et vil voulant se venger de ce qu’il juge un énorme déshonneur, enjoint un sorcier à sa solde de jeter un
épouvantable sortilège sur la famille du
Sultan. A la naissance de
La peine des
parents est incommensurable et la mère de Badr meurt de chagrin en laissant la
pauvre enfant âgée de quelques mois aux soins de son père.
Renfermée dans un
corps difforme dont chaque geste cause une grande souffrance,
Cela ne fut donc
pas étonnant que le Sultan appelle au secours Om Sharif qui avait des pouvoirs
infinis. C’est elle enfin qui conseille au Sultan et à la famille de continuer
une vie normale et d’entourer la princesse de tout ce qui bon, beau et
plaisant. C’est ce qui fut fait jusqu’à l’arrivée de Khaled, prince héritier du
royaume Magd el A’lam.
Le Sultan informe
sa fille qu’un prince nouvellement venu dans le pays demandera sa main en
mariage et la jeune princesse doutant des intentions du prétendant décide de lui imposer une épreuve
avant d’accepter.
La promesse du
Sultan de n’exécuter que ses désirs tranquillise la jeune princesse qui craint
plus que tout de se marier à un homme qui ne la comprendrait pas ou qui
l’accepterait seulement par intérêt. L’énorme fortune de son père était connue
dans le monde entier et même si aucun des jeunes princes avoisinant ne s’était
déclaré le fait que Sharif soit là lui semblait bien un début.
Badr savait que le
jeune prince qui voulait l’épouser avait grand besoin de l’alliance de son père
et c’est pour cela qu’elle ne se sentait pas encore sûre de ses sentiments
désintéressés. Quand son père amène le jeune prince pour la rencontrer, voilée
et cachée dans la foule des femmes du Harem, la jeune fille l’observe de loin.
Au moment où le
Sultan invite Khaled à rencontrer
-Seigneur, ton père
notre roi adoré vient d’être relâché par les bédouins mis en fuite par l’armée
puissante de l’un de nos alliés…
- Dieu soit loué c’est une excellente nouvelle. Je vais
me préparer tout de suite au retour mais je dois avant tout terminer une
négociation de mariage!
Le prince Khaled avec l’esprit
tranquille au sujet de la sécurité de son père et de son pays retourne chez le
Sultan qui le reçoit avec une légère hésitation et s’adresse à lui gentiment.
- Tu veux quand même rencontrer ma fille? Ton père et
ton pays sont sains et saufs, il n’est plus nécessaire de chercher à me plaire.
- Plus que jamais majesté. J’aime ta fille et je ne
pourrais plus vivre sans elle, s’exclame le prince. Oui, je suis rassuré pour
mon pays mais je suis absolument résolu à épouser
Le Sultan reste sans paroles et fait appeler sa fille
afin de savoir si elle acceptait ce prétendant. La princesse accompagnée de ses
dames demande à recevoir le prince dans son salon. Avant de se dévoiler elle le
regarde se pencher à ses pieds, beau, comme un soleil et ses yeux aimants
lancent des flammes d’amour qui la touchent tout de suite au plus profond
d’elle. La jeune fille est bouleversée et tout d’un coup perd son assurance
ayant peur que le prince n’ait un recul d’horreur en la voyant.
Dominant son hésitation, le cœur battant, la princesse enlève son voile et se présente
devant le jeune homme, telle qu’elle était en attendant sa réaction. Autour
d’eux les femmes du Harem, le Sultan et sa mère n’osent souffler mot.
Le prince se relève et s’éloigne
légèrement pour bien
La voix douce et
mélodieuse de la princesse lui parvient comme dans un de ses rêves qui l’avait
hanté toutes les nuits.
- Jeune prince, pourquoi es-tu là? Ton royaume est
assuré ton sacrifice n’est plus nécessaire. Retourne dans ton pays où attend
ton père.
- Mais ne vois-tu pas ma princesse que je suis ton
esclave et je ne voudrais jamais aucune autre femme que toi. La beauté que me
révèlent tes yeux m’est déjà apparue dans une vision. Je sais que tu es mon
destin et je ne partirai pas d’ici sans toi.
Khaled se tourne vers le
Sultan à qui il fait une révérence et jure
d’une voix assurée qu’il protègera et chérira Badr pour toujours. Les larmes aux yeux le Sultan s’approche de
sa fille et lui demande ce qu’elle pense.
- Ma fille, la parole est à toi. Est-ce que tu acceptes
Khaled Ibn il Shafik pour époux?
- Oui mon père soupire la jeune fille.
Au moment où le Sultan prend
la main de sa fille et la place dans celle de Khaled, une douce musique se fait
entendre et un voile transparent semble descendre des nuages et couvre la jeune
fille. Affolé Khaled s’écrit « Badr! »
Mais il est tout de suite
rassuré et en même temps tous les présents retiennent leur souffle quand Badr
est transformée. Elle se tient bien droite sans un défaut, resplendissante de
santé et de beauté.
Khaled lui prend la main et
s’écrit « C’est toi qui me hantait. Tu es la princesse de mes
rêves! »
La joie est indescriptible et
le Sultan déclare une fête nationale pour les noces de sa fille.
- Khaled mon fils, j’ai le bonheur de te recevoir dans
notre famille qui s’unit à
- Mais comment as-tu su que Badr m’aurait accepté
Majesté! S’exclame le prince.
- Qu’elle accepte ou pas, je n’aurais jamais laissé ton
père sans aide, nous sommes des alliés n’est-ce pas?
- Oui, merci grand Sultan. Ta sagesse n’a pas de limite!
Et c’est ainsi que le prince
Khaled et son épouse Badr ont régné ensemble sur le royaume de Magd El A’alam.
Ils ont vécu heureux et ont eu beaucoup d’enfants, des filles et des garçons.
Septembre
2013
A la memoire
En ce moment les criminels
responsables de l'accident ont ete arretes et attendent la date de leur proces.
(Mimi de Castro –
For Lee : 2nd anniversary
On this second anniversary, just like yesterday she lives in our memory
and our heart. The absence is certainly heavy to bear especially for Mother,
Father, siblings and fiancé.
Lee touched so many people with her charm, her love of animals and appreciation
of beauty that we will miss her tremendously as long as we live.
After the tears,
the shocking hurt appears
After the sadness
of the loss, the anger prevails
After the hate,
the frustration and longing persist
Resignation and
acceptance unfortunately have to subsist.
Lee will not come
back but she will be remembered
As she was:
beautiful, sincere, loving and talented
Her friends and
family sustain memories of her,
Create links,
forge bonds and with love celebrate her.
Lee is never far
from the people she loved so much
Her image glows
and her voice resound to crush
Our unhappiness
because if she could she would say
Live and enjoy the
bounties of nature while you may.
Mai
2013
Mimi de Castro
Il avait passé la nuit à la gare endormi sur un
banc de bois jusqu’à ce que les annonces pour le train en partance pour son
village le réveillent. Engourdi encore de sommeil et les membres endoloris de
la pose inconfortable dans laquelle il avait sombré la veille, Awad ouvre les
yeux et se souvient de la raison pour laquelle il se trouvait là.
En quittant son village pour le Caire, persuadé qu’il ferait fortune, Awad avait des
plans grandioses et ambitieux. Avec de l’argent en poche, son petit pécule
péniblement accumulé au courant des dernières cinq années, il n’avait aucun
doute de réussir. Au village tout le monde l’avait encouragé et sa mère croyait
en lui malgré les doutes que son père avait énumérés maintes fois. De plus,
Awad espérait plaire à Fatma fille du maire du village, la plus belle fille et
la plus riche.
Mais tout avait œuvré contre lui depuis le
premier moment où il était arrivé, une grande partie de l’argent durement gagné
s'était évaporé comme de l’eau au soleil, et son manque d’expérience n’aidant
pas il s’était fait volé le reste.
Désespéré il avait tout essayé! Il avait vainement cherché du travail
finalement avait constaté qu’un retour au village était
obligatoire, n'ayant aucun autre moyen de survivre dans la grande ville.
La misère, la crasse et le désespoir des
pauvres du Caire, les rendaient agressifs et prêts à tout pour trouver de quoi
mettre sous
A son réveil, il trouve un homme assis à côté
de lui, grassouillet, bien habillé occupé à dévorer un œuf dur qu’il trempe de
temps à autre dans du sel poivré. L’odeur de l’œuf écœure Awad tout en lui
rappelant qu’il n’avait rien mangé depuis
_ Ha! Sabah
el kheir! Te voilà réveillé mon brave.
J’ai pensé que tu devais être bien mal pris si tu as pu dormir ici. J’ai eu
tort?
_ Non,
soupire Awad en observant l’inconnu dont les yeux curieux l’épiaient. Son
visage joufflu, son grand nez épaté et sa moustache qui tremblait avec chacun
de ses mots ne respiraient que gentillesse et bonhomie.
_ Ahmad
allah we barakatou, je remercie Allah et ses bontés, j’ai des moyens et je
t’invite à partager mon modeste petit déjeuner.
Et c’est ainsi que les deux hommes font plus
ample connaissance en mangeant et en bavardant. Abd el Moubarak car c’était son
nom, raconte à Awad qu’il venait de rentrer d’un voyage d’affaire à Port Saïd
et qu’il était disposé à l’engager car il voulait ouvrir une succursale pour
son commerce au Caire.
Awad remercie le ciel d’avoir mis
sur son chemin cet homme généreux et si bien disposé à son égard. Il espère que
finalement le destin va lui
sourira et qu'il atteindra enfin le but
de son voyage au Caire. Plein d’espérance, Awad suit Abdel Moubarak qui habite
un hôtel de grand luxe en pleine ville. Ce dernier loue une chambrette pour
Awad sur le toit de l’un des immeubles attenants et en quelques mots lui
explique en quoi consistera son travail.
Abdel Moubarak est un homme d’action
et très vite il installe Awad dans le nouveau bureau où les affaires commencent
tout de suite à fleurir. Tout ce que cet homme touche se transforme en or, il
n’a pas besoin de s’efforcer et Awad observe avec un pincement au cœur comment
les clients accourent et l’argent s’empile dans l’énorme coffre-fort du bureau.
Au lieu d’être heureux pour son patron, Awad, le cœur rempli d’envie, commence
à le haïr.
Le manque de modestie d’Abdel
Moubarak attise l’antipathie qu’Awad ressent envers lui. Il n’est pas modeste
et ne manque pas de s’enorgueillir à chaque succès en se flattant d’une façon
exécrable et excessive qui irrite encore plus le jeune homme. Abdel Moubarak
n’a pas la sagesse d’encourager son employé mais le pis c’est qu’il ne cesse
pas de lui rappeler les circonstances dans lesquelles il l’avait trouvé à la
gare du Caire. Il racontait à qui voulait l’entendre que sans lui, Awad serait
retourné bredouille dans son village.
Moubarak s’exprimait de façon à
faire passer ses remarques en blagues mais Awad ne pouvait plus supporter cet
humour et ces plaisanteries. Cela faisait plus d’un an qu’il travaillait pour
l’organisation de Moubarak sans que sa situation de modeste employé ne change
ou ne s’améliore. Il avait timidement demandé une promotion mais son patron
avait refusé en prétendant qu’il aurait pour lui, plus tard une mission
importante.
Les jours passent et Awad devient de
plus en plus acariâtre et grincheux,
l’envie le taraude et sa jalousie
atteint un tel paroxysme qu’il en perd le sommeil. Il voit Moubarak dépenser de
l’argent à pleines mains et se payer toutes sortes de caprices sans penser une
seule fois à faire participer son employé à ses largesses. Abdel Moubarak ne
faisait pas confiance aux banques et gardait tout son avoir dans un grand
coffre–fort noir dont lui seul possédait la combinaison.
Durant ses moments d’angoisse, Awad
imaginait les richesses accumulées dans ce coffre et rêvait un jour de pouvoir
mettre main basse sur une partie de cet argent. « Si seulement je
connaissais la combinaison je pourrais profiter un peu. Moubarak n’a aucune
idée de ce qu’il possède. Il me l’avait dit maintes fois. » Voler son
bienfaiteur pour s’enrichir lui-même devient son obsession. Ignorant tout de la
tempête qui sévit au cœur de son employé Abdel Moubarak décide de lui confier une
mission.
Il annonce à son employé qu’en signe
de confiance en ses habiletés il allait l’envoyer s’occuper d’une affaire
importante à Alexandrie. Il s’agissait de rencontrer le capitaine d’un bateau
étranger qui transporte une grande quantité
d’uniformes pour l’armée. La livraison devait se faire sous son
inspection et une grande somme d’argent devait lui être remise en mains
propres.
_ Le seul problème cher ami, c’est
que cette transaction n’est pas vraiment légale, mais je n’ai personne dans mon
emploi qui pourrait remplir cette mission aussi bien que toi, explique Moubarak
en fixant le jeune homme avec insistance.
_ Je t’assure tous frais payés et en
plus un bonus à ton retour. C’est une affaire comme tu peux comprendre
extrêmement confidentielle. Pas un mot à
quiconque, qu’est-ce que tu en penses?
Awad choqué tout d’abord par la
proposition de son patron, réfléchit un moment et puis cède.
_ Bon, « taht amrak », je suis sous
tes ordres, comme tu voudras. Donne-moi les détails de cette affaire et je
serai content de te rendre service.
Pour Awad, cette occasion se
présente comme une aubaine, il entrevoit une ouverture qui lui permettrait
peut-être de se soustraire à l’emprise de son patron et de gagner un peu
d’argent. Transformé par l’envie et la jalousie, il avait perdu tout sens
d’honneur et de droiture qui avaient été auparavant les valeurs guidant sa vie.
Le jour de son départ pour
Alexandrie, Awad rencontre son patron dans son bureau privé, il n’y a personne
à cette heure-ci dans la bâtisse et Abdel Moubarak lui fait les dernières
recommandations. Il lui remet un paquet avec toutes les instructions qu’il
devra suivre quand il rencontrera le représentant de la compagnie qui exporte
les uniformes. Dans la pénombre, le coffre-fort
trône énorme et silencieux, Awad convoite le trésor qui sommeille dans le
coffre. Un feu s’allume dans ses entrailles et le désir de s’emparer de la
fortune d’Abdel Moubarak lui donne le vertige et fait bourdonner ses oreilles.
Finalement, Abdel Moubarak ouvre le
coffre en activant
Immobile en face du coffre ouvert,
sidéré par son action inattendue, l’esprit vacant, le souffle coupé et la
bouche béante, Awad s’approche de ce qu’il avait si longtemps convoité. Devant lui s’étalent des piles de billets de
banque en quantité; il n’avait jamais rien vu de pareil. Il voit des boîtes
remplies de bijoux qui scintillent tout au fond
du coffre, des pierres précieuses et des pièces d’or entassées dans des
sacs. « C’est le trésor d’Ali Baba dans la caverne des voleurs! »
pense-t-il.
Awad prend conscience du corps de
son patron gisant à ses pieds et il est pris d’une violente nausée qui le
catapulte vers les toilettes. Là, il
vomit abondement, et aussitôt apaisé il retourne vers la scène hallucinante
qu’il venait de quitter. Devant le coffre ouvert, Awad hésite longuement
sachant qu’il ne pourrait pas s’emparer de tout ce qu’il contenait. Sa valise
qu’il avait posée près de la porte suffirait à contenir une bonne quantité de
liasses car il ne pensait pas se servir des joyaux. L’argent comptant serait
beaucoup plus pratique, et sans plus attendre, il ouvre la valise et y fourre
tout ce qu’il peut. Il lorgne le reste avec regret mais soupire et se résigne.
Soudain, pris d’un violent
frémissement qui lui fait claquer des dents, il ne peut contrôler le
tremblement de ses mains et son visage
agité par une série de tics est défiguré. Le jeune homme tente de se
ressaisir et de se calmer afin de pouvoir agir sagement et faire un plan de
conduite. Son cœur bat si vite qu’il éprouve de la difficulté à respirer, une
sueur froide mouille sa chemise qui se colle à son dos tandis que de son front
elle lui coule dans les yeux. Avec son mouchoir, il s’éponge le visage à
plusieurs reprises et avec un effort surhumain réprime sa panique.
Ayant repris ses esprits, Awad
commence à réfléchir : il est riche, n’a plus de patron qui le domine et
peut finalement chercher à faire sa fortune. Mais il raisonne que rester
au Caire présente un danger imminent. Il faut se débarrasser du corps, et pense
que le coffre-fort offre une cachette idéale. Il saisit le corps inanimé
d’Abdel Moubarak et avec quelques efforts réussit à le tasser à l’intérieur du
coffre-fort. Un énorme dégoût le prend pour cet homme qui s’était montré si
généreux envers lui et qui ne méritait pas cette fin. Mais Awad endurci et
dominé par sa cupidité ne comprend pas l’ampleur du geste qu’il vient de
perpétrer.
Il claque la porte du coffre-fort
qui se referme en silence avec un déclic à peine perceptible; ramasse tous les
papiers, et documents qui lui sont
nécessaires pour ce voyage à Alexandrie et décide de prendre la route malgré
tout. Sa mission étant secrète il est certain qu’elle n’éveillera pas de
soupçons puisque personne n’est au courant de sa destination. Il avait été
annoncé qu’il partait pour Port Saïd où siégeait la branche principale de
l’affaire Abdel Moubarak. Quant à la disparition de Moubarak, il était sûr
qu’elle ne serait pas découverte de sitôt. Personne n’avait la combinaison du
coffre à part son patron.
Sa cupidité l’aveugle et au lieu de
s’enfuir avec l’argent qu’il avait déjà, en main, il décide d’entreprendre la
mission pour Alexandrie avec le but d’empocher la somme qui devait être remise
à son patron. De cette façon, il deviendra millionnaire en quelques heures avec
si peu d’efforts! Il décide de se faire passer aux représentants de
l’importateur en tant que Abdel Moubarak puisque ces hommes ne le connaissaient
pas. Awad prend les derniers pas qui à cause de sa convoitise et son avidité,
le mènent tout droit vers un abîme béant duquel il est impossible de s’en
sortir.
Le voyage en train dans le confort
de la première classe lui avait permis de dormir d’un sommeil agité mais
nécessaire. En arrivant à Alexandrie, un taxi le conduit rapidement à l’hôtel
où Abdel Moubarak avait fait une réservation. Dans le luxe qu’il n’avait jamais
connu, Awad se sent vivre une merveilleuse aventure qui de temps à autre comme
dans un cauchemar est interrompue par les visions horribles des événements qui
ont précédés son voyage.
L’après-midi même de son arrivée, à
la réception de son hôtel un homme l’approche. Il porte l’uniforme de la marine
marchande avec les épaulettes de capitaine; son air respectable lui donne une
allure élégante mais son visage tailladé par une cicatrice sur la joue droite
de l’œil au menton lui donne un air lugubre. Il se présente comme capitaine
Morgan du « Magnetic », cargo qui transporte la marchandise de
laquelle il doit prendre possession.
Les deux hommes s’assoient au café
et discutent des derniers détails de la livraison et payement. Le capitaine
insiste à ce qu’il vienne au port signer les papiers et terminer les démarches.
L’heure de leur rencontre fixée à minuit le fait réfléchir un instant mais
l’inconnu le rassure car c’est seulement à cette heure que la marchandise sera
débarquée et le bateau se mettra tout de suite en route car chaque instant au
port coûte des sommes.
Awad ne remarque pas qu’un autre
homme les avait observés durant leur conversation et a suivi le capitaine à sa
sortie de l’hôtel. Il se retire dans sa chambre pour attendre le moment de se
rendre au port. Awad ne se lasse pas d’admirer les liasses de billets de banque
rangées dans sa valise, cachées dans le placard. Il imagine la multitude de
choses qu’il pourra se permettre. Finalement il prend une douche et sort dans
la nuit humide et noire pour se rendre au lieu du rendez-vous.
Il trouve tout de suite un taxi sans
se douter que la voiture l’attendait déjà et sans mot dire le chauffeur démarre
en trombe. Surpris, Awad tente de lui parler mais, la vitesse avec laquelle ils roulent ne
permet pas une parole. Il est ballotté sur le siège arrière et c’est à ce
moment qu’il comprend que quelque chose cloche. A l’entrée du port, il y a un
contrôle de la police et Awad s’élance pour ouvrir la portière du taxi et
s’échapper, mais la porte est coincée, impossible de la faire bouger.
Finalement,
le taxi s’arrête et le capitaine Morgan apparaît soudain, il ouvre la portière
et empoigne Awad par le col comme s’il ne pesait qu’une plume. Ce dernier,
époustouflé par ce geste veut protester et demander des explications, mais le
capitaine avec un rire narquois, le jette à terre violemment et lui enfonce un
couteau dans l’estomac. Dans la pensée enfiévrée du malheureux la vérité se
fait jour, son patron désabusé par ses plaintes et son attitude défaitiste
avait compris qu’il n’avait aucun avantage à le garder dans son organisation.
Awad avait réussi à se faire
haïr et même craindre, mais son patron ne pouvait certainement pas imaginer
jusqu’où la haine du jeune homme l’aurait mené. La mission promise n’était
qu’un guet-apens, le plan scélérat tout organisé d’avance. Mais la destinée a
voulu qu’Abdel Moubarak ne profite pas non plus de son acte criminel.
Le
lendemain, dans les journaux d’Alexandrie, on annonce que le corps d’un nommé
Abdel Moubarak, riche homme d’affaires de Port Saïd avait été trouvé au port,
victime d’un coup de couteau. Sa chambre d’hôtel avait été cambriolée et le
coupable recherché est sans doute un de ses employés Awad Hanafi disparu lui
aussi depuis la veille.
L’enquête se poursuivra afin de
résoudre ce qui parait être un vrai mystère. Eventuellement, le corps dans le
coffre-fort sera découvert et l’histoire de Awad et
Abdel Moukarak finalement sera connue de tous.
Janvier
2013
L’EMPEREUR ET L’EVENTAIL
ENCHANTÉ
un conte de la chine ancienne
Mimi de Castro
Ceux qui comme moi aiment les mythes, les
légendes et les événements mystérieux et inexplicables seront intéressés par
cette version de l’histoire de l’éventail enchanté. Je vous la raconte comme
elle m’a été révélée, sans changements ni
artifices. C’est à vous d’y croire ou de contester et si vous avez une
autre version, s’il vous plait de m’en informer.
A Bianliang, une région au nord de l’ancienne
Chine, vivait Sun Yun, un juge, honnête et loyal, au temps de l’infâme Empereur Qin Shi Huangdi. Pourquoi dis-je
infâme? On sait bien que durant son règne, il unifie la Chine, réforme les
poids et mesures ainsi que la monnaie, établie l’écriture et fait construire
d’énormes réseaux routiers et l’armée puissante protège le pays. En dépit de cette période de prospérité, stabilité et de paix Qin Shi Huangdi a été haï pendant des
générations car il s’est avéré cruel, un terrible tyran, sanguinaire et
implacable.
Shi Huangdi pensait qu’il méritait la vie
éternelle et craignant la mort, il est persuadé qu’il existe un élixir qui
peut lui procurer cette éternité. Des
années durant, il dépêche des messagers
aux quatre coins du monde, cherchant en
vain la recette de cet élixir. Mais le hasard a voulu que dans un rêve, l’image
de Sun Yun administrateur d’une des régions du nord lui apparait et il est
convaincu que cet homme possède le secret qu’il convoitait.
Une délégation est aussitôt envoyée afin de
ramener l’homme qui saurait préparer cet élixir. Quand les messagers arrivent
au palais de Sun Yun et le somment de se rendre immédiatement à la cour avec
eux, le sage homme est abasourdi et ne comprend pas pourquoi l’Empereur fait
appel à lui. Il craint le déplaisir du souverain et sait à quel point il est
capable de se venger de quelqu’un qui ne s’exécute pas.
Dans une audience extraordinaire Sun Yun est
informé de ce que l’Empereur désire
puisqu’il exige de lui la recette de l’élixir de longue vie. Consterné
par les attentes de Qin Shi Huangdi, Sun
Yun ne croit pas ses oreilles. Il a beau expliquer à l’Empereur qu’il ne
possède aucun secret caché même pas une
minime portion de magie. Mais c’est peine perdue et plus l’un nie plus l’autre
est persuadé qu’il ment.
Craignant de perdre sa tête et inquiet de
l’insistance du souverain, Sun Yun demande finalement un délai au courant
duquel il pourrait trouver une solution et aider l’Empereur. La demande est
accordée et Shi Huangdi octroie à Sun Yun la période d’un mois au courant
duquel s’il ne propose pas une solution, il risque sa vie.
Sun Yun se retire dans une villa mise à sa
disposition non loin du palais royal. Il est désespéré car il ne voit aucune issue à l’impasse
présente. Tourmenté par la demande de son roi il perd le sommeil et
Finalement lorsqu’il pense que tout est perdu,
un vieux magicien inconnu de la cour vient demander audience. Sun Yun sentant
qu’il n’avait rien à perdre, lui accorde un entretien. Le vieillard Maître
Xiang Wan, explique qu’il est issu d’une famille de magiciens de pères en fils
et qu’ayant appris l’impasse dans laquelle se trouve Sun Yun décide de l’aider.
_ Mais Maître Xiang Wan, vous savez qu’il
n’existe pas d’élixir d’immortalité…
Sun Yun s’adresse au vieux magicien en
soupirant.
_ Mon fils, quand l’Empereur demande une chose,
elle doit exister, n’est-ce pas? J’ai bien étudié la difficulté que nous
traversons en ce moment et j’ai une solution. Il faut faire ce que je vais te
dire exactement et tu seras tiré d’embarras.
Sun Yun prend espoir et s’enferme avec Xiang
Wan afin de mettre sur pied le plan nécessaire d’avoir la vie sauve et plaire
au souverain. L’Empereur est impatient et reçoit les deux hommes en les
menaçant de terribles tortures si l’élixir n’est pas prêt.
_ Auguste Empereur, explique Sun Yun en lui
remettant une boîte de laque noire, dans ce coffret tu trouveras la réponse à
ta recherche.
Courbés, le front à terre, les deux hommes aux
pieds du trône tremblent en attendant la réaction de Qin Shi Huangdi. Le
souverain fait ouvrir la boîte par son chambellan et reste surpris quand il
voit six petites pilules rouges brillantes comme des perles sur l’écrin de soie
noire.
_ C’est quoi ça? Vous vous moquez de moi? Hurle
le roi.
_ Non, Fils des Dieux, non, souffle Sun Yun,
c’est l’élixir…Chacune de ces pilules va te donner six ans de vie…
_ Et après? Demande Qin Shi Huangdi
en empoignant les pilules et les soupesant dans sa main avant de les remettre
dans le coffret.
_ Après je pourrais toujours en fabriquer
d’autre Majesté, murmure Xiang Wan. En se courbant encore plus. Il suffit
simplement de me procurer le cinabre nécessaire.
_ Alors vous prétendez me faire avaler ces
pilules? Comment puis-je être sure que ce n’est pas un poison? Faites appeler
mon astrologue immédiatement, il faut que je le consulte. Allez! Je vous
donnerai une audience après.
Les deux hommes redoutant les sautes d’humeur
de l’Empereur et tremblant comme des feuilles se retirent de sa formidable
présence. Sun Yun surtout, appréhende
les prochains événements. Maître Xiang
Wan le rassure quand même en lui rappelant qu’ils avaient encore une astuce
pour convaincre l’Empereur.
Convoqués auprès du souverain et de Wu Fang son
astrologue, Maître Xiang Wan explique
l’usage des pilules et leur bienfait. Il ignore le regard inquisiteur et suspect que lui lance Wu Fang et il se
porte volontaire à en avaler une afin de les convaincre que ce n’est pas un
poison. L’astrologue demande une preuve de ce que le magicien propose et d’un grand geste dramatique Maître Xiang Wan
tire de la poche de son manteau un éventail qu’il ouvre et présente à
l’Empereur.
Le souverain prend délicatement l’éventail car
il est déjà séduit par la finesse et la beauté de l’objet.
_ Ce rare
éventail est fait de fils de toile d’araignée, d’ailes de papillons,
tissé d’or et d’argent et saupoudré de poudre de diamants. Il possède un
pouvoir inconnu mais très sure. Le
magicien s’arrête un moment pendant que l’Empereur et l’astrologue admirent
l’éventail. Grande Majesté Puissante, en regardant l’éventail pense à ce que tu
veux plus que tout au monde et tu verras apparaitre comme dans un miroir ce à
quoi tu penses.
Comme un enfant à qui on donne un nouveau jouet
Qin Shi Huangdi sautille de joie et ne tarde pas à s’exclamer en voyant l’image
qui soudain se présente devant lui sur la surface de l’éventail. En effet ce
qu’il voit le réjouit immensément, il s’agit d’une image de lui-même vivant
éternellement.
Maître Xiang Wan sourit et lui suggère de
demander à l’éventail combien d’années son règne et sa dynastie dureraient.
Voilà que le souverain ravi découvre sous ses yeux avides un document qui compte dix-mille années
encore de règne. Satisfait, l’Empereur décrète que sous le control de son astrologue il commencerait immédiatement
la nouvelle cure. Sun Yun et Xiang Wan ont la vie sauve.
C’est ainsi que Qin Shi Huangdi commence le
traitement qu’il présume lui apportera
l’immortalité. Il ingère goulûment ces pilules rouges qui en fin de compte
n’ont pas allongé sa vie. Aujourd’hui, on pense
plutôt que c’est le poison qui l’a tué quelques années plus tard. Il
s’agissait de sulfure de mercure qu’il a absorbé dans sa poursuite de la vie
éternelle.
Vous allez comme Sun Yun certainement
questionner l’affaire de l’éventail dans tout cela. Eh bien, Maître Xiang Wan
savait que l’éventail aurait servi de miroir aux convoitises de l’Empereur et
tout ce qu’il aurait vu aurait été ses propres désirs et pas
Et c’est ainsi que se termine ma version des
faits, qu’en pensez-vous?
Septembre
2012
Un
conte fantastique de
Mimi
de Castro
Elle avait couru sur la grève en
criant sa colère et son désespoir. Elle avait hurlé dans le vent le nom de son
traitre amant et ses sanglots pouvaient être entendus à des kilomètres de
La mer aux vagues violentes et
bruyantes cognait les rochers avec une
telle force que des morceaux de rocs s'envolaient pour s'écraser sur le sable
du bord. La nature entière réagissait au malheur de Dounia et reflétait ainsi la profondeur et la férocité de ses sentiments.
En cet instant fatidique, Dounia s’est transformée d’une jeune fille
douce et aimante en une vision de vengeance et d’amertume, une vraie sirène de
malheur. L’homme qu’elle aimait, un marin à la tête pleine d’aventures, lui
avait promis un amour éternel mais n’a pas tenu sa promesse. Il n’est jamais
retourné au village et tout l’amour contenu dans le cœur de Dounia s’est
transformé en une haine envahissante, bouillonnante et explosive.
Depuis ce jour, Dounia, enfermée
dans sa masure au bord de l’eau, ne cesse de hurler des insultes et des
malédictions adressées aux hommes et en particulier contre les marins. Les
villageois conscients de ce qui était arrivé ressentaient une grande tristesse
pour le malheur de Dounia mais comme ses lamentations continuaient à retentir
avec force, ils ont commencé à la craindre.
Toutes sortes d’histoires
fantastiques commencent à circuler au sujet de Dounia qui au bord de la mer ne
cesse ses constantes récriminations. La superstition des villageois prenant le
dessus, ils décident que les malheurs qui affligent leur village proviennent
des malédictions de Dounia.
C’est ainsi que quelques temps après
sa crise de fureur, dans le silence de la nuit, la voix de Dounia s’élève dans
un chant. Elle chante pendant des heures
et au petit jour un bateau s’écrase sur la falaise qui surplombe le village. Il
n’y a jamais eu de survivants.
Les années passent et la peur des
villageois grandit. Dans leur simple esprit la croyance que Dounia porte
malheur s’ancre profondément et un modèle s’établit. Chaque fois que Dounia
chante, sa voix ensorcelante cause une magie qui rend les habitants
léthargiques, mais dans les vingt quatre heures qui suivent, un bateau vient
s’écraser sur les rochers.
Les habitants sont tellement
persuadés de ce pouvoir que possède Dounia que le village commence à se vider.
Les pêcheurs qui constituent la majorité de la population cherchent un village
où ils seraient plus en sécurité loin de ce qu’ils perçoivent comme étant les
sortilèges de Dounia.
Sharif, comme le décrit son nom est
un garçon honnête et franc, à la fois courageux et curieux. Ses parents venus
d’un village de l’autre côté de la mer d’une région où les hommes ne sont pas
superstitieux, ne croit pas à la légende qui s’est tissée autour du malheur de
Dounia. Il décide un jour de voir par lui-même ce qui cause cette énorme et
paralysante peur de laquelle sont saisis les habitants de son village
d’adoption.
Sharif ne dit rien à ses parents et
ses amis quand il se dirige vers la plage de bonne heure un matin de printemps.
L’air est frais et une légère brise souffle venant de l’est. De loin il voit
l’immense étendue de la mer calme et luisante reflétant un ciel sans nuages. Au
bord de l’eau l’imposante falaise s’étend avec ses rochers noirs menaçants et
dangereux. Mais le sable blanc de la grève fin et satiné sous les pieds rend le
reste de la plage invitante.
La cabane de bois dans laquelle vit
Dounia se trouve appuyée contre une série de dunes, entourée de quelques
roseaux qui ondulent sous la caresse du vent. Le jeune homme descend vers la
cabane et à quelques pas de là appelle Dounia d’une voix forte et claire.
Tout d’abord il n’y a pas de réponse
et après deux autres essais, Dounia demande « Qui es-tu toi qui t’avises à
venir me déranger? »
Sharif, courageux et curieux, attiré
par la voix jeune et cristalline qui l’interpelle, réplique « Ouvre-moi
Dounia. Sors et dis-moi pourquoi tu insistes à causer tant de malheurs dans ce
village? »
A travers la porte fermée vient la
voix amusée de Dounia.
_ Tu penses que je suis responsable
de tous les malheurs de ce village d’idiots? Qui es-tu? Quel est ton nom et que
fais-tu ici?
_ Je ne sais pas si tu es
responsable, mais les villageois le pensent. Dounia, inutile de te dire que
chaque fois que tu chantes un bateau s’écrase sur les rochers!
Après un court délai, la voix reprend
à nouveau.
_ Qui es-tu?
_ Je m’appelle Sharif…
Un hurlement interrompt le jeune homme et il
s’éloigne un peu de la porte de la cabane.
_ C’était son nom….ahahah! Le
hurlement se transforme en sanglots à fendre le cœur.
Sharif reste silencieux et impuissant
devant cette grande tristesse. Il s’adresse à elle lorsqu’il lui semble qu’elle
se calme un peu.
_ Ecoute Dounia, ce n’est pas parce
qu’un homme t’a trahie que tu dois causer la mort de tous les autres hommes!
C’est injuste, ta vengeance a été trop loin! Il faut que tu arrêtes les sorts
et les malédictions…
_ Mais pourquoi est-ce ma faute? Je
ne suis pas responsable de ces malheurs causés par
_ Comment dans l’imagination? Les
marins sont bel et bien morts… proteste Sharif.
Il entend un long soupir venant de
derrière la porte fermée, et la voix de Dounia lui parvient.
_ Sharif tu veux sauver le village
d’une folle superstition?
Je crois que tu es l’homme que Dieu
a envoyé pour me sauver de cette souffrance que l’on nomme
Elle se tait pendant que Sharif
pense à tout ce qu’elle vient de lui déclarer. Il n’est pas sûr de ce qu’il
faut faire mais il sent que tout dépend de lui.
_ Dounia, apparais je t’en prie et
dis-moi comment je peux te libérer. Je n’ai peur de rien…
_ Sharif dis-moi comment tu
m’imagines?
_ Ta voix me donne une indication,
tu es belle comme le jour et jeune comme je le suis mais je sais que tu es
beaucoup plus vieille. Malgré tout je crois que tu as gardé ta beauté ….
Réplique Sharif en hésitant.
Tout d’un coup la chanson de Dounia
s’élève venant de la vieille masure et séduit Sharif qui s’éloigne légèrement
de la cabane pour mieux écouter cette merveilleuse mélodie. La porte de la
cabane s’ouvre en grinçant et une lumière éblouie le jeune homme qui tombe à
genoux devant cette apparition. Dounia est debout devant lui vêtue de voiles
couleurs pastel avec ses cheveux noirs flottant derrière elle et une auréole
tel un arc-en ciel la couronne de lumière.
Elle se dirige vers la mer en
glissant sur le sable et sa chanson continue à créer autour d’elle une
atmosphère magique. Ému jusqu’au plus profond de lui, Sharif ne peut plus
détourner ses yeux de Dounia même quand elle termine sa chanson. Il est
complètement possédé, envouté par le pouvoir de cette beauté. Il sent son cœur
battre violemment dans sa poitrine et sa gorge est serrée. Dounia s’adresse à
lui avec une pointe de regret dans la voix.
_ Sharif, ce que tu vois devant toi
c’est ce que tu m’imagines être…
Tu comprendras dans quelques
instants. Maintenant, je suis certaine que tu
pourras me libérer de cette vie. Le cœur plein d’espérance Dounia se
tait.
_ Que veux-tu dire? Mon imagination?
S’écrit le jeune homme en se levant.
_ Oui, je suis flattée de savoir que
tu me vois ainsi, aussi belle qu’une créature du ciel. Sharif réveille-toi et
réveille les gens du village. Tout ce qui se passe est dans l’imagination des
habitants… Le naufrage des bateaux est dû au manque de phare pour aviser les
marins, pas mon chant! Notre imagination est en même temps une malédiction et
une bénédiction, ajoute Dounia en suppliant le jeune homme.
Elle s’approche de la mer et flotte
sur les petites vagues du bord et la mousse blanche lui caresse les pieds.
Sharif est fasciné par cette image si délicate et fragile. Il se reprend en
pensant, c’est tout une invention, une hallucination… Que faire? Il doit
changer cette image qu’il a de Dounia. Il sait qu’elle souffre et il peut la
sauver…
Sharif secoue sa tête et ferme les
yeux. Il entend la voix de Dounia qui l’encourage. « C’est ça Sharif, mon
sauveur! » Le jeune homme se force à conjurer des images qui effaceraient
les merveilleuses visions flottant devant lui. Mais Sharif n’ayant jamais eu
peur de sa vie, ne connaissait ni cauchemars ni superstitions. Il s’efforce
de créer des images horripilantes sans résultats.
Dounia continue à encourager le
jeune homme jusqu’au moment où finalement Sharif réussit à conjurer l’image
d’une vieille ridée au rictus amer et cynique. En un clin d’œil, l’apparition magique, symbole de beauté et de grâce
s’effondre comme une figure de cire présentée aux flammes d’un feu dévorant
destructif. La peau du visage se ratatine, les cheveux hérissés gris, sales et
rares se dressent sur un crâne rose. Le corps aux formes parfaites se déforme
et une bosse apparait sur le dos de l’apparition horrible et dégoutante qui
petit à petit se rétrécit devant les yeux incrédule de Sharif jusqu’à s’effacer
complètement. Mais le ciel est gris, le soleil a disparu et le silence total
s’est fait.
La voix de Dounia lui rappelle avec
un écho qu’il doit continuer à démolir son image pour que cette action la libère complètement du
joug de la vie qu’elle ne désire plus. Faisant un effort surhumain, Sharif se
force à bannir l’image de la beauté et de la perfection féminine qui était son
idéal.
Les voiles qui couvraient le
merveilleux corps de Dounia sont désormais abandonnés sur le sable. Toute
l’atmosphère magique suggérée par la chanson de cette femme est complètement
détruite et la cabane où elle vivait tombe en ruines pièce par pièce. Soudain
le vent se lève et balaie le sable et la surface des flots. Le ciel s’éclaircit
d’un coup et les oiseaux retournent à voltiger et à chanter.
Sharif entend un grondement qui
s’approche de la plage mais ce sont des voix menaçantes; non, plutôt des chants
qui s’élèvent dans l’air purifié. Il sait que ce sont les villageois qui
accourent vers la mer ayant entendu le chant de Dounia, ils s’attendent à ce
qu’un navire s’approche de la côte pour s’écraser comme par le passé.
Sharif s’écrit en l’air « Adieu
Dounia, soit libre finalement de connaitre la paix de l’âme et de
l’esprit! » Il court vers la foule qui s’approche et lève les bras afin de
faire le silence.
_ Mes amis! Villageois de Baraka! A
genoux! A genoux maintenant. Remerciez Allah votre créateur pour le miracle qui
vient de se manifester. Quand la foule en silence l’écoute, Sharif leur raconte
ce qui s’était passé ce matin là.
_ Le malheur et la mort ne vous
affligeront plus mes amis. Dounia libérée de son mauvais sort est allée rendre
des comptes au Miséricordieux, Clément et Seul Dieu.
Les prières qui s’élèvent vers le
ciel accompagnent Dounia qui a finalement trouvé le repos. Une nouvelle vie
s’offre enfin aux villageois de Baraka sous la direction de Sharif qui accepte
de devenir leur chef.
Et c’est ainsi que commence le long
règne heureux et prospère de Sharif el Kadi, chef de Baraka.
Le phare de Baraka, visible de
partout a été érigé en mémoire de Dounia et depuis, préserve la vie d’innombrables marins perdus dans l’étendue
de la mer immense.
Mai
2012
(Cette introduction
et les six poèmes qui suivent
sont de Madame Mimi de Castro)
Le 16
septembre 2011, alors qu’elle se rendait au travail, la vie de Lee Zeitouni fut
brusquement interrompue. Percutée par une voiture que conduisaient deux
touristes français elle est tuée sur le champ. Ces hommes sans conscience
prennent la fuite et ne s’arrêtent même pas pour constater le résultat de leur
action. Ils s'embarquent sur le premier avion à destination de Paris où le bras
de la justice Israélienne ne peut les atteindre.
Lee n’avait que 25 ans, sa vie venait de
commencer, elle faisait des plans d’avenir avec son compagnon, avait reçu une
bourse d’étude à Tel-Aviv comme prof de gymnastique. C’est grâce à son amour
pour Ro’i son fiancé qu’elle décide de rester en Israël.
Pleine
de vie et d’enthousiasme, belle comme le jour, radieuse, aimante et pleine de
compassion, Lee était entourée d’amis qui l’adoraient. Chère à sa famille elle
partageait son temps entre eux et son travail à Tel-Aviv. La plus jeune de la
famille, elle s’intéressait à la vie de sa sœur et de ses frères qui lui
confiaient leurs soucis et préoccupations.
Lee
avait un cœur d’or qui s’ouvrait avec amour pour les animaux qu’elle
accueillait sans hésitation. Partageant cette compassion avec Kate, sa mère,
elle ramenait à la maison des chats et des chiens abandonnés qui trouvaient un
abri jusqu'à ce qu’ils puissent affronter la vie sans assistance.
Il n’y
avait personne qui résistait à son charme, et son doux sourire. Indépendante,
elle voulait prendre dans sa vie les décisions importantes sans l’influence des
autres. Elle donnait de son temps et de son attention à qui en avait besoin.
Studieuse, elle prenait au sérieux ses études et ses responsabilités. Après son
service militaire qu’elle termine avec honneur, elle passe une année scolaire à
Phoenix, aux États-Unis, chez Linda, notre cousine afin de suivre des cours à
l’université.
Lee
adorait la danse et elle était douée pour tout exercice physique. Sa grâce et
son élégance étaient innées. Elle s’habillait d’une façon simple mais en même
temps exotique, ayant hérité de son père Itzik, le sens des couleurs et des
formes qu’il exprime dans sa peinture.
Lee
avait tout pour réussir, la vie pleine de promesses lui souriait. Mais le
destin que l’on ne peut combattre avait d’autres plans pour Lee. Et la voici
abattue sans raison, prise en pleine jeunesse à tout jamais. Le cœur et la
raison ne peuvent expliquer cette perte et la douleur nous poursuivra pour
toujours.
ELLE A VU LE JOUR
Au pied
des montagnes de Beit Shean à Nevé-Our
C’est
en avril que notre Lee a vu le jour.
Dans
cette vallée aride et sévère où en dépit
de tout
Les
courageux habitants de la nature arrivent à bout
Et
bravement cultivent dans leurs riches vergers,
Fruits
de toutes les sortes, et légumes variés.
Nourrie
par le vent du désert, Lee, fleur exotique
A
respiré le parfum des vastes espaces désertiques.
Elle a
vécu avec sa famille et ses amis des jours
Insouciants, grandissant entourée d’amour.
Le
clair de lune a illuminé ses premiers pas de danse,
Ses
cris de joie, ses amitiés et de l’amour les transes.
D’ici
elle est partit avec l’intention de conquérir ce monde
D’y
travailler, étudier, apprendre et rejoindre la ronde.
Hélas
interrompue et de courte durée fut son aventure,
Sa vie,
ses études, ses expériences et tout le futur!
Lee, si
belle, élégante, gracieuse, amusante et inoubliable
Tu as
glissé dans nos vies, telle une vraie princesse de fable.
THE LEE WE KNEW
Lee had never had patience for the
usual daily chores.
Petty, mechanical, and repetitive
occupations
She couldn’t bear, and found them
monumental bores.
A waste of
precious time, keeping her away from real actions.
She longed to be active or creative
every hour of the day,
Sometimes teaching or dancing to her
favourite music.
Her passion to perform and be the best
in every way,
Inspired her hard work and even to
study mathematic.
For Lee, making decisions had to be
without influence
Mistress of her own opinions she
deemed it necessary
To act alone based on her thoughts and
competence.
Keeping her own counsel one could see
her tarry.
However, once she decided on a course
of action
She moved keeping in mind objectives
and plans.
Lee had opinions, for which she
usually found expression,
But no matter what she said, she still
had many fans!
ELLE
EST PARTOUT
Belle comme une princesse de
rêve brillant de tous ses feux
Unique personnalité, élégante
et fière, attirant tous les yeux.
Son âme pure et innocente dans
son visage se reflétait,
Lee, fille adorée, sœur,
tante, cousine et douce amie, loyale était.
Nous avons tous d’elle une
image différente et précieuse
Car nous tous elle a émus
tantôt enjouée tantôt sérieuse
Nous étions par sa grâce et
gentillesse enchantés,
Elle si amusante, tendre, et
gracieuse nous a touchés.
Dans mon rêve je l’ai vu
apparaitre parée de tous ses atours
Et dans l’air s’élever
encadrée de lumière tout autour
Le regard doux qui illuminait
son beau visage paisible
Semblait dire « je
suis là même si je ne suis pas visible ».
Parce qu’il est clair que Lee
fait partie du ciel et de la terre
De la vie, de la mort, de la
nature et même de l’atmosphère.
Ses yeux bleus se sont fondus
dans le ciel et les nuages,
Ses cheveux tressés dans le
blé, les champs et pâturages.
Dans chaque air de musique que
tu entends elle danse
Chaque souffle de vent dans
les arbres complète la cadence.
Dans la fraiche brise qui se
soulève du mystérieux océan
Se reflète sa soif d’aventure,
et de liberté bien évidents.
O Lee qu’il fait bon de penser
à toi, à ton sourire
Ta joie de vivre, ton amour du
sport, ton fou rire.
Nous devons apprécier les
choses de la vie
Que tu nous as laissé et qui
n’ont pas de prix.
WITH LOVE FROM MIMI DE CASTRO
Lee appeared in our
world like a shooting star
And for the brief moment
that lasted her life,
Her radiance beaming
from close and far
Illuminated the earth
and freed it from strife
Like the infinite bleu
of the sky above,
Her eyes promised a
better day for all,
And her compassion
crowned with love,
Saved many creatures
from downfall
Similar to an exotic and
rare flower
Blooming brightly in the
fresh breeze,
Her beauty, to all eyes
a magical power
Charmed every one and
conquered with ease.
Like the dawn, her image
never far from our mind,
Will remind us how
deeply meditative she could be.
Born with elegance and
grace so rare to find
In our memory she will
simply remain: our Lee.
POUR LEE
LA CONNAITRE C’EST L’AIMER
La connaitre c’est
l’aimer:
Parce que dans ses yeux
bleus
Brille la précieuse
lumière du ciel
Et la couleur dorée du
miel
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce que son brillant
sourire
Distribue tendresse et
douceur
Réchauffant à nous tous
les cœurs
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce que son rire
cristallin
Résonne entrainant et
joyeux
Et le monde resplendit
heureux
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce que son humour
espiègle
Suscite enthousiasme et
bonheur
A chaque jour et chaque
heure
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce qu’une partie
d’elle secrète
Et privée exige mystère
et solitude
Énigme renfermée avec
certitude
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce qu’indépendante
Assoiffée de liberté
elle aspire
Aux grands espaces pour
partir.
La connaitre c’est
l’aimer :
Parce que sa compassion
A changé la vie de tant
de créatures
Sauvé des vies et aidé
la nature.
LEE RESCUER OF
ANIMALS
IN ALL TRUTH,
LET IT BE KNOWN THAT OUR BELOVED LEE
In love
with any defenseless and abandoned creature
Could
not resist saving them, and it is this feature
That
made her Queen of the animals all around
Cats
and dogs knew her and to her were bound.
She rescued
so many from here and there
As the
word spread that she couldn’t bear
To see
any one suffer appearing on her way
And in
her tender heart there was always a spot
For
what could fly, crawl, walk or trot.
Came
the day when she and Ro’i wanted to adopt a pet;
One,
they would keep together love and protect.
But in
the animal shelter Lee’s sensitive heart cried
With
tears “I want to adopt them all”, she replied.
Adoringly
Ro’i stared wishing to please his Darling
Yet the
idea of all these animals was far from calming.
He
found the way to promise her a pet collection:
In the
future, as he assured her of his affection.
REMEMBER:
Lee
with the tender heart, twinkle in her eye
Her
sense of humour, her love of life and try
For her
sake to think of each happy, joyful instant
Treasuring
her as she was: beautiful, funny and vibrant.
Janvier
2012
(Inspiré par un portrait de femme. Mosaïque
retrouvée dans les ruine d’une maison romaine a Séphoris)
Salut belle dame,
étoile de la Galilée!
Toi dont on ignore
le nom et la destiné,
Tes yeux doux et
bruns brillent lumineux,
Dans un visage
ovale aux traits majestueux.
Salut belle dame,
étoile de la Galilée!
Toi dont
l’existence fut longtemps oubliée
Tu règnes maîtresse
dans cette maison
Car ta beauté
radieuse fait perdre la raison.
Salut belle dame,
étoile de la Galilée!
Toi dont le charme
reste inégalé
Tu fais rêver tous
ceux qui te voient.
Reine unique,
parfaite, qui fut ton roi
Mimi de CASTRO
Octobre
2011
Mimi de Castro
Assis sur la dune
nous avons vu le disque radieux du soleil plonger,
Et l’océan immense
d’orangé et rose pour l’accueillir se teinter.
Très vite le
crépuscule nous enveloppe de ses lueurs bleutées
Pendant que les
étoiles une à une apparaissent dans le ciel velouté.
Une brise se lève
et nous caresse, imprégnée de délicat jasmin,
Subtil parfum
pénétrant d’une fleur aux pétales de doux satin.
La fraîcheur de la
nuit nous rapproche dans une étreinte sans paroles
Et je sens ta chaleur
rassurante donner à mon âme tout son envol.
Assis, sur la dune,
seuls, dans l’immense nuit mystérieuse et enchantée
Nos coeurs à
l’unisson se reconnaissent dans une douce flambée.
-o-o-o-o-o-o-
Mimi de Castro
Sous le baiser du
violent soleil de midi, la baie,
A peine ridée
scintille délicatement argentée.
Au loin on aperçoit
la blanche écume ourler
La crête du
brise-lame qui comme un écrin l’entoure.
En plissant
légèrement les yeux je vois les flots mouvants
Trembler comme sous
une pluie de minuscules diamants.
Le ciel limpide
bleu, sans nuages, se confond aisément
Sur la ligne de
l’horizon avec l’immensité de l’océan.
Le léger remous de
l’eau sur le sable, d’un simple touché
Répétitif déplace
de petits coquillages blancs luisants.
Affalés sur la
plage les corps des baigneurs immobiles
Semblent de brunes
statues sortant du sable fin et corallin.
Les cocotiers aux
feuilles ouvertes comme des mains gracieuses
Ne dansent plus et
n’offrent qu’une ombre parcimonieuse.
A peine sommes-nous
conscients du bourdonnement des insectes,
Que voltigent
soudain sur nos têtes alourdies de chaleur
De minuscules
oiseaux noirs à la queue en flèche.
Sous l’ombre de
notre parasol nos regards se croisent
Avec complicité
paisiblement heureux pour le moment.
Juin
2011
Voici trois jolis poèmes de Mimi de CASTRO, reçus
dernièrement :
PREMIÈRE NUIT D'ÉTÉ
Dans l'ombre du
crépuscule,
Sous la caresse
légère d'une brise,
Le jeune frêne sous
ma fenêtre
Frémit en murmurant
sa chanson.
Courbant sa tête de
feuilles couronnée,
Il semble avoir tant
de choses à confier.
La nuit tombe, douce
et odorante.
Première nuit d'été
finalement;
Encore claire et
luisant de mille étoiles
Parsemant la voûte
du firmament.
Le ciel riche,
velouté est balayé
Par une traînée de
panache blanc.
Les dernières lueurs
du soleil couchant
Inondent l'horizon
d’une pâle teinte rosée
Embrasant à peine
sous son touché
Quelques toits,
avant de s'éteindre.
Une douce fraîcheur
baigne mon front,
Et dans les ténèbres
envahissantes….
Je ferme mes yeux
désormais inutiles.
LES PEUPLIERS
Ala queue leu-leu,
se pressant l'un contre l'autre
Unearmée de
peupliers se balance
Aurythme cadencé de
la brise.
Tantôtà gauche,
tantôt à droite,
Cebalancement
gracieux produit
Dansle silence un
doux chuchotement.
Lespeupliers
tremblent et frémissent
Achaque souffle
d'air. Leurs longs bras maigres
Remuentsans arrêt en
se touchant.
Serrantles rangs
comme de fidèles soldats
Lespeupliers se
courbent et se redressent
Atous vents, sous
tous les cieux.
Toujoursprésents,
ils garnissent l'horizon
Deleur fière allure.
Élégants et unis
Ilsse découpent avec
précision, surtout,
Aucrépuscule, quand
le ciel, dans sa splendeur
Prendsfeu sous les
derniers rayons du soleil couchant.
LE SOLEIL
Sous la caresse
brutale
D'un soleil
tropical,
La terre craque et
se fend
A tout bout de
champs.
C'est un souffle
brûlant
Balayant,rasant,
Le sable rouge du
désert,
Déplaçant dans cet
air
Desgrains de
poussière mouvants
Emportéspar le vent.
Ici,le silence
règne,
Rien ne baigne,
Tout est sec, dur.
Pas d'ombre sous les
murs,
Car ce soleil de
plomb
Pèse tout au long,
Du jour et de la
nuit.
Dans ce triste pays
Où l’on ignore la
fraîcheur,
La douce saveur,
D'un fil d'eau pure
et claire
Murmurant dans une
clairière.
Janvier
2011
(Un conte de Mimi
de Castro)
Anwar, le vendeur de panier a l’habitude de se
rendre à son échoppe non loin de sa modeste cabane d’un pas allègre et léger.
Tous les habitants du quartier le connaissent et n’hésitent pas à le saluer
gaiement. C’est surtout les enfants qui
l’adorent et il a toujours quelques sucreries à distribuer ou une chanson
amusante à leur enseigner. Mais Anwar a un secret qui lui serre le cœur. Son
plus ardent désir c’est de trouver une femme avec qui il ferait sa vie et
surtout formerait une famille avec des garçons qui porteraient son nom.
Après
avoir consulté pendant plusieurs mois Fatma la marieuse du quartier, Anwar
arrive à la conclusion qu'aucune femme ne répondait à son désir. Il s’était
imaginé une belle femme tendre et intelligente qui l'épaulerait dans son
commerce et qui lui donnerait de nombreux enfants. Il en rêvait jour et nuit,
il y pensait durant le travail et souvent son attention errait même quand on
lui parlait. Avec les jours qui passent, il commence à perdre l’espoir en dépit
de son habituel optimisme et bonne humeur.
La cabane d’Anwar se trouve en bordure
du vieux cimetière abandonné où il aime souvent se promener afin de se
recueillir de se débarrasser des pensées
qui le tracassent. Le marbre blanc, rose et gris des tombes et les mausolées
créent une ambiance paisible et sereine, loin du bruit et des querelles des
gens du quartier. Il chérit une tombe en particulier, celle d’un saint Hadj Abou
el Ahlam, mort il y a une centaine d’années, et dont la sépulture est entourée
de plusieurs stèles contenant des
citations du Coran.
Ce soir, Anwar est particulièrement
pensif et il s’assoit à son poste favori pour admirer le coucher du soleil qui teinte
tous les marbres d’or. Il se met à lire les citations comme à l’accoutumé et à
y réfléchir pour exercer son esprit. On lui avait dit une fois que si un homme
se concentre à lire des maximes ou des pensées religieuses, il améliore ses
chances d’aller au paradis et d’éloigner de lui le mal.
Il ne
peut pourtant pas mettre de l’ordre dans ses pensées qui tourbillonnent sans
cesse dans sa tête et qui l’inondent d’images de celle qu’il désire ardemment.
Il appuie sa tête sur une stèle derrière lui et lève ses yeux vers le ciel qui
lentement s’obscurcit. C’est alors que comme dans un nuage diaphane lui
apparait un djinn grimaçant qui s’adresse à lui d’une voix grêle.
_ Anwar, pauvre
mortel. Ne crains rien. Je ne t’apporte que de bonnes nouvelles. Dieu dans son
immense Miséricorde veut t’octroyer un privilège miraculeux. Es-tu prêt?
_ Moi? Quoi?
balbutie Anwar épouvanté et surpris en même temps.
_ Oui, toi Anwar.
Tu auras tout ce que ton cœur désir et plus encore, mais à la première faute
que tu commettras, tout disparaitra et tu perdras ce que tu auras obtenu.
_ Comment? Es-tu en
mesure de combler mes vœux? s’écrit le jeune homme en se levant brusquement.
_ Le Seigneur
connait tes pensées les plus secrètes. Veux-tu prendre ce risque de tout avoir et
de tout perdre?
_ Mais qu’est-ce
qu’il me sera défendu de faire? Comment
vais-je savoir si mes actes sont acceptables? s’agite Anwar.
_ Tu le sauras et
il sera peut-être trop tard…ricane le djinn.
Dans un
souffle chaud comme le khamsin du désert, le djinn disparaît aussi vite qu’il
était apparu. Anwar interloqué, reste bouche-bée pendant que lentement tout
autour de lui s’érigent les hauts murs de marbre d’un palais comme dans les
mille et une nuit rempli d’objets d’art et de merveilles. Des jardins en fleurs
entourent la demeure digne d’un roi et des fontaines aux doux murmures qui se
mêlent au gazouillis et au chant des oiseaux rares qui font leurs nids dans les
arbres. Un parfum capiteux et enivrant enveloppe Anwar et le grise, quand
surgit devant lui la femme la plus belle au monde. C’est elle, celle qu’il
avait imaginée, là devant lui, la princesse de ses rêves, souriante, vêtue de voiles tissés dans la
soie et avec des fils d’or.
Anwar ne
peut croire à son bonheur et admire les riches habits taillés dans de
merveilleuses étoffes qui le couvrent des pieds à la tête. Noura, la jeune
princesse s’approche de lui et agit naturellement comme si elle avait toujours
été son épouse adorée et il remercie le Dieu Tout Puissant qui l’a comblé.
Les
premiers jours passent dans le plus grand bonheur possible pour Anwar qui
remercie Dieu sans cesse de lui avoir donné tant de félicité. Il ne supporte à
aucun prix d’être séparé de sa femme et fait de tout pour la couvrir de bijoux
et de merveilles. Petit à petit, une transformation se fait en Anwar qui ne
prie plus Dieu chaque jour comme il le faisait au début. Par malheur, sa
personnalité commence à changer et il exige de plus en plus de richesses et de
pouvoir. Anwar devient très puissant et contrôle les commerçants et les
politiciens du pays. Pourtant, cela ne lui suffit pas, malgré les conseils de
sa femme et même en dépit de ses supplications, Anwar prend des décisions
cruelles et sans pitié. Il impose des taxes et exige des payements de dettes
avec intérêt, ce qui n’est pas acceptable selon la religion. De plus, il écrase
ceux qui ne peuvent pas payer leurs dettes et ils sont réduits à un cruel
esclavage.
Les
changements, lentement marquent aussi le
physique d'Anwar. Il enlaidit de jour en jour et son regard devient cruel et
sadique. Son visage se creuse de rides autour des yeux et de la bouche. Il perd
sa bonne humeur et se plaint continuellement car rien ne le satisfait. Il n’y a
plus personne qui veut s’associer à lui et ses ennemis augmentent de jour en jour.
Anwar est tellement certain de son pouvoir qu’il ne comprend pas sa
métamorphose et qu’il dépasse les
limites annoncées par le djinn. Il refuse de prêter attention aux conseils de
la princesse Noura qui s’inquiète en vain, parce qu’Anwar a perdu toute mesure
d’humanité.
Un beau
jour, Anwar ouvre les yeux, pour constater que toutes ses richesses
s’étaient évanouies sans laisser de
traces. Il est réduit à nouveau à la misère dans sa petite cabane, malheureux
et solitaire, la princesse ayant disparue du jour au lendemain. Anwar, se
lamente, et trop tard comprend qu’il avait commis la pire des fautes en étant
cupide, avide et égoïste. Il demande pardon à Dieu et se prosterne en
lamentations, mais aucun signe de pardon ne vient de la part du Créateur pour apaiser
sa souffrance. La perte de sa compagne est quand même le plus grand et le plus
cruel malheur qui le frappe. Il erre comme une âme en peine, sans repos, sans
sommeil et tremblant de douleur.
Dans le
quartier on l’appelle Anwar El Magnoun, le fou parce qu’il passe ses jours et
ses nuits à chercher Noura. Il demande aux passants des nouvelles de sa femme
et tous les habitants du voisinage le plaignent mais ne peuvent rien pour lui.
A moitié mort de faim, couvert de haillons et désespéré Anwar vit dans le
cimetière ayant perdu sa cabane et tout ce qu’il possédait. Sa situation
devient intenable et il gémit sans cesse en allant de maison en maison
insistant à voir sa femme. On le chasse de partout à cause de son incohérence et de ses propos
souvent violents.
*****************************************************
Le jour
se lève, c’est une aube d’hiver et une pluie fine et froide enveloppe le
cimetière. Il pleut rarement ici mais quelques fois en hiver, le ciel a pitié
et la pluie abreuve la terre sèche et
aride. Les pierres tombales brillent sous la pluie et une brume grise empêche
de voir clairement. Sette Hafida, la veuve du Hadj Omar, vient chaque vendredi
se recueillir sur sa tombe. Elle marche avec peine sur ses jambes douloureuses
à cause de l’arthrite qui la fait souffrir. Sette Hafida s’appuie lourdement
sur une des stèles non loin de la tombe de Hadj Abou el Ahlam. Elle regarde à
terre, surprise d’y trouver Anwar le vendeur des paniers d’osier. Pour un
moment elle croit au pire car l’homme ne bouge pas et semble mort.
_ Anwar,
Anwar lève-toi, il fait jour déjà et si tu as passé la nuit ici tu seras
certainement malade.
La voix
chevrotante de la vieille n’est pas assez forte pour réveiller l’homme et elle
se penche vers lui pour lui tirer la manche. Anwar ouvre un œil malgré la peur
qui le tiraille et constate qu’il est couché sur une tombe au cimetière et
qu’il est trempé jusqu’aux os. Il sursaute et fait face à Sette Hafida qui lui sourit et l’encourage à rentrer chez
lui. Il reste muet car il ne pense pas avoir de maison.
_ Allons
vendeur de panier, tu es toujours rêveur, c’est parce que tu ne t’es pas encore
marié! Va chez toi jeune homme. Moi, je reste quelques instants auprès de mon
cher disparu et ensuite ma petite-fille vient me chercher.
_ Sette
Hafida, tu me connais n’est-ce pas? Est-ce que je suis encore le vendeur de
panier qui possède une échoppe au Midan Antar? demande Anwar en tremblant.
_ Mais
qu’est-ce que tu dis jeune homme? Tu ne sais pas qui tu es?
Oh! Ces jeunes
jouent des jeux incompréhensibles. La vieille se traîne vers la tombe de son
mari et s’assoie sur une des pierres tombales renversées pour reprendre son
souffle. Ce cimetière tombe en ruine et il n’y a personne qui s’en occupe, je
risque chaque fois de tomber…
Elle regarde Anwar, qui debout en face
d’elle semble rêver encore mal réveillé. Sette Hafida pointe son index crochu
vers le jeune homme en l’agitant et lui reproche.
_ Tu vois toi, tu aurais dû être déjà
marié. Une femme pourra t’aider dans ton échoppe, tu gagnerais plus d’argent et
tu pourrais faire réparer ce cimetière.
_ Crois-moi Sette Hafida que je le
ferais de grand cœur si seulement j’avais
de l’argent…
_ Vous les jeunes vous promettez
toujours mais vous oubliez vite,
bougonne la vieille
dame en se levant. Elle s’appuie sur le bras d’Anwar en marchant lourdement. Le
jeune homme commence à comprendre que ce qu’il venait de vivre n’était qu’un
rêve. Il est certainement heureux de la tournure qu’ont pris les événements
mais il éprouve une douleur lancinante en se rendant compte qu’il était encore
célibataire.
Sette Hafida lui tapote la main en lui
faisant remarquer qu’il rêvassait encore et qu’il ne l’écoutait point.
_ Merci
jeune homme de m’avoir accompagnée. J’achète toujours tous mes paniers de chez
toi. Voilà enfin la petite qui vient me chercher, ce n’est pas trop tôt
fillette.
Elle
montre du doigt le grillage qui forme le portail du cimetière où la silhouette
d’une femme attend immobile. Son visage est voilé et Anwar demande à la vieille
si c’est sa petite-fille et pourquoi elle porte un voile si opaque.
_ Ya
Sette Hafida, est-elle si laide la petite qu’elle cache ainsi son visage?
Comment peut-t-elle voir en marchant?
_ Oh!
Celle-là avec ses idées « modernes ». Elle ne veut pas s'exposer de peur qu’un homme la demande en mariage.
Elle a rendu folle Fatma la marieuse. Elle prétend elle, choisir son futur
époux. Elle a des idées fixes cette tourterelle. Où est la tradition qui de mes
jours formait la base de la société?
Arrivés
au portail à la sortie du cimetière, Anwar et la vieille s’arrêtent, il
s’apprête à prendre congé d’elle sans même regarder la jeune fille. Cette
dernière s’adresse à lui.
_ Merci
d’avoir aidé ma grand-mère. Qui es-tu?
Elle
ajoute d’une voix douce et Anwar se retourne vers elle étonné.
_ Je
suis le vendeur des paniers d’osier. Tout le monde me connait. Mais toi comment
t’appelles-tu? Je ne pense pas t’avoir déjà vue…
_ Tu
t’appelles Anwar? Sa demande est à peine perceptible.
Curieux,
le jeune homme ne répond pas mais il la questionne.
_
Pourquoi portes-tu ce voile? Que caches-tu jeune fille? Es-tu défigurée?
_ Non,
je cache mon visage car je ne veux pas qu’un homme outre que mon élu m’oblige à
l’épouser. Je reconnaîtrai mon époux…
_ Toutes
ces balivernes fillette j’en ai marre de les entendre… s’exclame Sette Hafida.
Allez ramenez-moi à la maison je suis fatiguée ma fille! Viens avec nous Anwar
je vais te faire une tasse thé.
Sans
protester, Anwar, pris d’un désir incontrôlable de voir le visage de la jeune
fille, les suit en silence. Sette Hafida habite une maisonnette que son mari,
Hadj Omar, professeur de Coran à l’université du Caire lui avait laissée.
C’était un homme d’une grande renommée qui avait écrit plusieurs livres et
composé des poésies que tout le monde connaissait.
La
servante qui ouvre la porte s’étonne de voir un homme entrer dans la maison
avec sa maîtresse. La vieille gesticule avec force et demande à se faire servir
le thé dans le jardin. Elle invite avec insistance le jeune Anwar à entrer avec
elle pendant que la jeune fille disparaît dans une des chambres de la maison.
Anwar ressent le vide soudain causé par son absence et ne comprend toujours pas
les émotions qui l’émeuvent de cette étrange manière.
Sette
Hafida et Anwar s’installent au jardin pendant que la servante s’affaire avec
le plateau de thé suivit de confitures, de verres d’eau bien fraîche et de
petits gâteaux qu’Anwar aime beaucoup mais qu’il ne peut se permettre
que pendant les fêtes du Ramadan.
Sette Hafida
le regarde de ses petits yeux plissés et pleins de vie. Elle le toise d’un air
pensif et finalement se prononce.
_ Tu es
un homme intelligent même si tu es aussi un peu naïf Anwar. Je crois que tu
sais que dans la vie rien n’est laissé au hasard. Le Tout-Puissant possède un
plan que nous ne connaissons pas et chaque personne que l’on rencontre joue un
rôle dans notre vie. Ce n’est vraiment pas par accident que je suis venue au
cimetière aujourd’hui.
Fasciné
par les propos qu’elle lui tient, Anwar se sent
envahit d’un sentiment extraordinaire qu’il n’arrive pas à définir. Il ne peut
contenir ses battements de cœur et il respire avec peine tout en l’écoutant. Il
ne peut s’expliquer cette émotion.
_ Je
t’ai vu hier allé au cimetière comme à ton habitude. J’ai remarqué que tu t’es
assis sur la tombe du saint de notre quartier Hadj Abou el Ahlam. As-tu jamais
pensé à son nom? El Ahlam - les rêves, oui les rêves. On dit que de temps à
autre il provoque des rêves prémonitoires à ceux qui viennent l’implorer. C’est
là où tu t’es endormi hier soir n’est-ce pas?
_ Oui,
je pense. Mais je ne m’en suis pas rendu compte. En fait, ce n’est que lorsque
tu m’as réveillé que j’ai compris que j’avais rêvé. Sais-tu de quoi j’ai rêvé?
_ Ecoute
je ne suis quand même pas clairvoyante, mais je me doute. Il y a une morale
cachée dans chaque rêve.
_ Tu as
raison, c’est ça. Grâce à ce rêve j’ai compris qu’il ne fallait pas envier son
prochain et qu’il fallait se suffire de ce que le Seigneur nous a donné. La
richesse accumulée par la tricherie et le profit n’apporte pas le bonheur. Mais
ce que j’ai vraiment appris c’est surtout que rien ne vaut l’amour et la
compagnie d’une personne aimée.
_ Tu es
un bon élève Anwar. Tu fais preuve d'une grande sagesse.
_ Sette
Hafida ce dont j’ai toujours rêvé c’est d’une jeune fille toute faite pour moi.
Je la cherche depuis longtemps. Je l’ai vu dans ces visions cette nuit et je
connais même son nom.
Anwar
soupire et des larmes perlent sur ses cils noirs. Émue, la vieille lui sourit
tendrement.
_ Je te
crois mon fils. Je pense que cette jeune fille elle aussi connait ton nom
puisque ce genre de rêve se fait à deux.
Elle ne
lui laisse pas le temps de s’exclamer ou
de poser des questions. Elle le regarde comme si elle était sur le point d’ajouter
quelque chose quand à ce moment sa petite-fille arrive, le visage toujours
couvert. Anwar se lève brusquement de sa chaise et s’avance vers elle. Elle ne
recule pas et le laisse tirer le voile épais qui cache ses traits. Elle
apparait dans toute sa splendide beauté, rayonnante et sans crainte.
Ils
restent tous les deux figés à se regarder sans qu’une parole ne soit échangée.
Ils se reconnaissent et Anwar surmonte sa surprise et s’écrit
« Noura! ». Après tant d’années leur attente a été récompensée. La
vieille dame heureuse les pousse l’un dans les bras de l’autre et ajoute en
murmurant.
_
C’était clair comme le jour. Anwar et Noura sont deux mots issus de la racine
« nour » lumière. C’était donc écrit, leur destin était de
se retrouver. Moi, j’ai simplement aidé un peu leur « Kisma », le
destin.
Aout
2010
Ramsès II était
l’un des monarques les plus puissants de l’ancienne Egypte, roi de la 19ieme
dynastie, il fut non seulement un vaillant guerrier, mais aussi un excellent
stratège, infatigable constructeur et brillant politicien. Ramsès II régna
environ soixante sept ans sur l’Egypte et fit construire d’énormes temples et
monuments qui existent encore aujourd’hui. Une de ses effigies, énorme statue
de granite, construite il y a
Tous les jours,
pour me rendre à l’école, je passais par la gare et je voyais cet immense
colosse, debout rigide, avec son regard perdu dans le vide. Pourtant cela ne me
semblait nullement le regard d’un rêveur, mais bien d’un conquérant. C’est
comme s’il surveillait ses territoires conquis avec un air de propriétaire
incontesté. Je crois aussi que la position de la statue avec un pied en avant
lui donnait cet air résolu d’un homme décidé et intrépide qui avance vers
l’avenir.
Le fait est que
l’on ne peut s’empêcher de penser à la fragilité de l’homme, puisqu’ une chose
concrète, tel un objet de pierre ait pu survivre au-delà de toutes les conquêtes
des hommes les plus puissants. Et
maintenant, la pollution risque de détruire ce que les siècles passés n’ont pu
achever : la détérioration
Une fois la décision
prise par les autorités égyptiennes, la statue de Ramsès II, pharaon tout
puissant, conquérant et victorieux doit être déplacée. C’est avec respectueuse pompe et admiration
que les habitants du Caire ont pu suivre pas à pas le cortège qui accompagna le
transfert de la statue de la gare du Caire au musée des pyramides. Comme il se
doit, Ramsès II eut son moment de gloire pour rejoindre un sanctuaire où il
sera à l’abri des méfaits de nos temps modernes!
Le peuple égyptien
a toujours été respectueux de son glorieux passé et des monuments qui le
symbolisent malgré le fait que cela contrastait avec leurs croyances
religieuses. Ils n’ont jamais cherché à s’identifier avec les anciens non plus,
mais conscients de l’importance de leur propre histoire, leurs auteurs,
scientifiques, historiens et gouvernants se sont donnés bien du mal afin de
protéger leur héritage.
Dans sa nouvelle
demeure, le grand pharaon, roi d’un empire, constructeur d’Abou Simbel, le
guerrier royal qui mena à la victoire de Kadesh les armées de son pays, Ramsès
II tiendra sa cour dans un musée au niveau de sa gloire incontestée.
15 Avril 2010
Sing a song of joy, a song to
life,
In spite of pain, sadness or
strife.
We're here one day, gone
tomorrow
And our share of tears and
sorrow.
Yet, to grieve for long is not
wise,
The sun itself again must rise!
Sing a song of joy, a song to
life,
In spite of pain, sadness or
strife.
For every friend and lover's
sake,
For a child's smile, river and
lake,
For every being that suffers and
cries,
For those left when a beloved
dies.
Sing a song of joy, a song to
life,
In spite of pain, sadness or
strife.
Hold the hand of the lost soul
Whose spirit awaits this call,
Show him the narrow way,
Lead him if he goes astray.
Sing a song of joy, a song to
life,
In spite of pain, sadness, or
strife.
This song to life should soon,
Like a gusty wind, a tai-foon
Sweep the whole universe.
The song will break the giant
wall
Erected by ignorance and fear,
and the call
Of violence, should be heard no
more,
Because the song will rule for
evermore!
Décembre
2009
Cela fait des
années que Fares Wassef et deux de ses amis Adel Hakim el Masri et Mahrous
Ahmad Wakil se rencontrent chaque mois
afin de se raconter des événements et des faits divers. Ces trois amis
d'enfance éprouvent un vif plaisir à étudier les cas qui les passionnent,
échanger leurs expériences respectives et ainsi approfondir leurs connaissances
de la nature humaine
_ « Cherchez
la femme! » s’exclame Fares, cette expression française dit tout! Oui, mes
amis, les femmes font notre malheur et notre bonheur. Le récit que je vais vous
faire aujourd’hui, remonte à quelques années. Cette histoire n’a jamais fait la
"une" des journaux et elle est venue à ma connaissance à travers mon
père.
Fares Wakil est à
la tête de la police secrète du Caire et ses confidences se réfèrent le plus
souvent à des crimes perpétrés dans le passé. Il a accès à toutes sortes de filières
et c’est son passe- temps favori de revoir les cas les plus difficiles et
d’essayer de trouver des solutions.
Adel Hakim el Masri
est un avocat qui a fait son chemin dans la haute société
égyptienne en dépit de ses modestes origines. Il s’occupe surtout d’héritages,
de mariages et de séparations.
Mahrous Ahmad Wakil
est un industriel immensément riche et puissant avec des connections politiques
au plus haut degré.
Ce mois-ci, c’est
le tour de Fares de narrer son récit.
_ Comme je disais
donc mes amis, il s’agit d’un cas vécu par mon père. Je tiens de lui tous les
détails importants.
Il s’arrête un
moment avant de continuer et Adel profite pour poser une question.
_ Est-ce que nous
connaissons les personnes concernées?
_ C’est possible mais
j’ai changé les noms par discrétion. J’ai choisi Amina pour la jeune femme, comme vous savez
cela veut dire « croyante » et pour le jeune homme c’est Habib
« l’aimé ». Vous allez donc juger si ces noms les décrivent bien.
J’aimerais attirer votre attention sur le fait que cette histoire réunit trois
aspects très importants dans notre culture. Notre fatalisme ou la
prédestination, la loyauté envers la famille qui passe avant tout, et
finalement le sens de culpabilité qui impose le châtiment.
« Bon, pour commencer,
il s’agit de Mahmoud Abboud, un riche propriétaire terrien qui arrivé à l’âge
de cinquante ans tombe amoureux d’une jeune et jolie secrétaire. Une histoire
toute banale n’est-ce pas? Il la courtise et la poursuit sans trêve mais la
jeune fille Amina, se dérobe et résiste à ses attentions. Il apprend qu’elle a
une vieille mère et un frère infirme qui voudrait s’inscrire à l’université.
Amina travaille afin de pouvoir payer les frais d’hôpitaux et les études de son
frère Omar. Elle était employée par mon père dans son bureau d’avocat et tout
le monde l’aimait. C’était une jeune fille sérieuse et appliquée avec un
exemplaire sens de responsabilité vis-à-vis de sa famille. »
Fares continue son histoire
d’une voix calme et posée.
« Mon père
tente de raisonner avec Mahmoud mais ce dernier ayant complètement perdu la
tête propose le mariage à Amina. Elle refuse en lui disant que bien qu’elle
soit flattée par son attention et sa proposition, elle ne peut accepter
puisqu’elle a déjà un fiancé. Mon père
horrifié rappelle à son ami qu’il ne peut pas prendre une deuxième épouse bien
que cela soit permis par l’Islam. La raison était bien simple, le père de
Souheir Hanem la femme de Mahmoud, homme prévoyant et très riche, lui avait
fait signer un contrat avant le mariage. Ce contrat stipulait que si Mahmoud
prenait une seconde femme, l’énorme fortune qu’il mettait à sa disposition
serait confisquée. Donc, la situation semblait très grave et mon père
s’évertuait à l’expliquer à Mahmoud.
Au bout d’un
certain temps, Mahmoud décide que pour convaincre Amina il doit lui prouver son
amour. La meilleure façon c’est de faire opérer Omar et de payer tous les
soins. Il se rend chez la mère d’Amina, Nazli Hanem à l’insu de la jeune fille
et plaide sa cause. Lorsque la pauvre femme voit que Mahmoud paye tous les
soins de son fils, elle ne peut résister et jure de faire accepter la relation
à sa fille.
_ C’est classique
mon cher! S’exclame Mahrous. La jeune fille est sacrifiée aux dépens de son
frère. Mais alors il ne l’épouse pas!
_ Tu as raison
Mahrous, réplique Fares. Mahmoud ne peut pas l’épouser mais il refuse de la
perdre et la seule façon d’avoir la jeune fille c’est de faire pression sur
elle par le biais de sa mère et de son
frère. Je continue le récit.
« Mahmoud achète
un appartement à la mère d’Amina, Nazli Hanem et l’installe avec Omar qui se
remet des opérations chirurgicales subites. Il met à leur disposition des fonds
modestes mais suffisants. Finalement le coup de grâce c’est lorsqu’il acquiert une
belle villa à Alexandrie comme résidence pour Amina ».
_ Merveilleux!
Interrompt Adel, la voilà ligotée comme un poulet que l’on va cuire. Amina donc
accepte l’offre de Mahmoud?
_ Tout à fait mon
cher. Sourit Fares en continuant son récit.
« Amina donc
capitule et entreprend les démarches afin de se transférer à Alex. Mon père la
voit pour la dernière fois avant son départ et se rend compte que la jeune
fille est loin d’être heureuse de
Quelques jours plus
tard, lorsque Mahmoud va lui rendre visite dans sa nouvelle villa au bord de la
mer, il a un infarctus et c’est alors qu’Amina fait appel à mon père d’urgence
et au médecin de Mahmoud. La tragédie secoue toute la famille et
Le décès étant
constaté, la veuve et les enfants reprennent leurs vies interrompues. Amina ne retourne
pas au Caire mais reste dans sa villa toute seule habillée de noir jusqu’à son
dernier jour.
Fares s’arrête
pensif et ses amis continuent à le regarder comme pour lui indiquer que
l’histoire ne peut s’interrompre là. En effet, Mahrous est le premier à
questionner.
_ Je ne comprends
pas plusieurs points ici. En premier lieu pourquoi Amina ne cesse pas de
pleurer et porte le deuil d’un homme qu’elle n’a jamais aimé? En second lieu,
il me semble que tu avais mentionné au tout début que la jeune fille était
fiancée. Était-ce vrai?
_ Cher Mahrous,
quelle perspicacité !
Voilà enfin la suite de l’histoire telle que
mon père me l'a racontée
« Amina
avait rencontré un jeune homme qui lui avait plu mais pendant plusieurs mois,
ils n’avaient échangé que quelques paroles insignifiantes jusqu’au jour où
enfin l’occasion s’était présentée et les deux jeunes gens avec émoi s’étaient
avoué leur amour. Peu de temps après, Mahmoud et sa proposition avaient fait
éclater la bulle de bonheur dans laquelle Amina vivait et espérait. Après avoir
résisté à l’assaut de Mahmoud elle avait dû se rendre à l’évidence que devenir
sa maîtresse restait la seule solution. Elle rompt avec son ami sans lui donner
de raison et elle disparaît de sa vie. Le jeune homme, Habib, ne se rend pas
pour si peut et se met en frais pour
Habib est furieux
et lui demande de partir avec lui en lui promettant le mariage, mais elle
refuse de l’écouter. Sur ces entrefaites, Mahmoud qui ce jour-là décide de
retourner à Alex plus tôt, fait irruption dans
Fiévreusement,
Habib essaye de raviver Mahmoud mais ne réussit pas. Amina en pleurs lui
reproche de ne pas lui avoir dévoilé son identité. Habib explique que la raison
était qu’il ne voulait pas qu’une fille l’aime seulement pour son argent. A son
tour, il lui rappelle qu’elle avait un arrangement scandaleux avec Mahmoud.
Affligée par les accusations de Habib, Amina est obligée de lui énumérer ses
raisons et les pressions de sa famille.
La première à se
reprendre c’est la jeune femme qui supplie Habib de quitter la villa afin
qu’elle puisse faire appel au médecin. Elle lui demande de partir en sautant
par la fenêtre du salon afin d’éviter le « bawab » (concierge) qui
n’était pas à son poste lorsque Habib était arrivé. Habib se rend à l’évidence
qu’il n’aurait pas pu expliquer sa présence dans la villa et s’en va.
Ensuite, Amina fait
appel à mon père, l’avocat de Mahmoud et
son employeur lorsqu’elle travaillait, elle sent qu’il est son allié. Le médecin qui traite Mahmoud quand il se trouve
à Alexandrie est également avisé et arrive aussitôt.
Fares, se lève pour
se dégourdir les jambes et signale à ses amis de faire de même. Ils se rendent
tous les trois sur le balcon de son appartement où une brise agréable les
rafraichit. La domestique de Fares les rejoint avec un plateau de boissons froides
et des petites friandises sont offertes.
_ « A’a
gibane », c’est incroyable cette histoire! S’exclame Adel en mâchonnant sa
« baklava ». La jeune fille
est victime dans tout cela et c’est à voir maintenant si le jeune Habib va
aller de l’avant et l’épouser.
_ Oui, c’est vrai
en fait continue Mahrous. La pauvre
fille est « mazlouma », victime de la famille et maintenant qu’elle a
perdu son honneur devant Habib, cela doit certainement changer leur relation.
J’imagine le choc des deux hommes, le père et le fils. C’est une situation
terrible et je n’aurai pas voulu être à leur place. « Yestorna Ya
rab » Qu’Allah nous protège!
_ Tout à fait mon
ami, tout à fait. C’est choquant. Fares réplique tout en allumant un cigare.
Bon, je ne vais pas vous laisser comme ceci en haleine. Je continue mon récit
et vous allez juger si la fin pouvait être différente ou si le destin décide de
tout.
« Quelques
mois après la mort de Mahmoud, mon père décide de rendre visite à Amina. Il se
rend à la villa et la trouve toujours triste, seule et vêtue de noir. Il lui
demande si elle avait eu des nouvelles de Habib. La jeune femme le regarde de
ses grands yeux noirs et lui demande si lui en tant qu’homme aurait accepté
d'épouser une femme comme elle. Mon père lui demande de s’expliquer et Amina
lui raconte l’histoire suivante.
« Cher
maître, je ne vous ai pas dit toute la vérité sur les événements de cette nuit
fatale. Je suis bien punie maintenant et je dois purger ma peine comme si
j’avais été arrêtée par
Les jours passaient
et mon désespoir de vivre avec Mahmoud augmentait. Non pas qu’il ait été cruel
ou méchant, mais c’était de vivre sans amour et de penser sans cesse à Habib.
Je ne pouvais me résigner à passer ma vie enfermée dans cette villa qui me
semblait être un tombeau. Je désirais tellement voir Habib que je n'ai pas pu résister. Je lui ai un jour donné mon adresse.
Quand il est venu
me retrouver, j’ai compris que je n’aurais pu vivre sans lui et que lui non
plus n’aurait accepté de me quitter. Dans le feu de nos discussions et de nos
promesses d’amour éternel, je ne sais pas comment, il me dit qu’il allait tuer
cet homme. Si c’était le seul obstacle à notre amour, il aurait le courage de
le faire. Je ne sais pas ce qui m’a fait dire que j’étais d’accord parce que
tout de suite après je le regrettais et je voulais lui faire jurer de ne
rien faire. C’est à ce moment que Mahmoud est arrivé. Je ne l’attendais pas et
j’ai perdu la tête, j’ai caché Habib derrière un rideau et lorsque Mahmoud a
fait irruption dans le salon, il a tout de suite compris que quelque chose
n’allait pas. Habib est sorti brusquement de derrière le rideau et s’est rué
vers lui. Mahmoud lui donnait le dos. Subitement, il se retourne et voit Habib
avec son bras levé comme pour le frapper. Les deux hommes s’arrêtent d’un coup,
sidérés, et Mahmoud s’écrit « Habib, mon fils! » et l’autre
« Mon père! ».
Mahmoud s’écroule à
terre d’un coup en portant une main vers sa poitrine tandis qu’Habib s’élance
vers lui. Il tente de le raviver mais rien n’y fait. C’est à ce moment que je
comprends la tragédie qui s’est jouée ce jour-là. Je l’ai vu dans les yeux de
Habib qui comptait plus que tout pour moi. Son regard de chien battu qui regardait son pauvre père à terre s’est
transformé en un instant en éclat de haine. Nous avons transporté Mahmoud sur le
sofa et j’ai appelé le médecin. Habib ne me regardait plus, il évitait aussi de
me parler ou de me toucher.
Je lui ai proposé
de partir avant que le médecin n’arrive afin d’éviter les questions et les
mensonges. Il a accepté sans protester et sans
reprendre le discours sur notre relation. Depuis, je n’ai plus rien
entendu de lui et je le comprends. Nous avons comploté de tuer son père et il
est mort exactement comme si nous lui avions porté le coup fatal de nos propres
mains.
Voilà, je paie pour
mon crime en ce moment, je me sens responsable, si je n’avais pas appelé Habib,
il ne serait pas venu me voir et nous n’aurions pas tué son père. C’est mon
destin, c’était écrit que je devais payer pour guérir mon frère et vouloir mon
bonheur à l’exclusion de celui de Mahmoud est un péché. »
Fares reste
silencieux et avec lui ses camarades chacun perdu dans ses propres pensées.
Avec un soupir Mahrous s’adresse aux autres.
_ Je vois bien les
trois aspects desquels tu nous as parlé avant de commencer ton récit mon cher
Fares et tu as raison. Cette histoire se serait terminée d’une autre manière si
nous n’étions pas si fatalistes, n’est-ce pas?
_ Peut-être,
réplique Adel. Je pense que ce fatalisme existe surtout chez les pauvres gens
qui ne voient pas d’issues à leurs problèmes. Alors il est plus simple de tout
accepter et de se résigner pour ne pas prendre de décisions ou pour ne pas
agir.
_ C’est vrai d’une
certaine manière, ajoute Fares. Dans le cas de notre Amina si Habib avait d’une
façon ou d’une autre mentionné que son amour pouvait survivre à la tragédie, je
pense qu’une autre fin aurait pu être possible. Sont-ils vraiment des
criminels? Ont-ils tué Mahmoud? Méritent-ils d’être punis?
_ La réponse à ces
questions réside en nous-mêmes chacun de nous suivant sa conscience. Conclut
Mahrous.
Octobre
2009
Quelques détails intéressants sur l’Egypte ancienne
Récoltés par
DEUXIEME ET DERNIERE
PARTIE
L'EGYPTE EN GUERRE
Le monde ancien était plein de peuples qui se
déplaçaient, cherchant à occuper ou à conquérir de nouveaux territoires. Les
Egyptiens devaient donc les repousser, mais eux-mêmes parfois étaient les
conquérants.
Un des devoirs du pharaon était de défendre les frontières du
pays et d'assurer la sécurité du peuple. Au début, il n'y avait pas (une) d’armée nationale, mais en cas de besoin les
gouverneurs des provinces recrutaient des soldats pour répondre aux besoins.
Plus tard, au Moyen Empire, les pharaons formèrent une armée
bien entraînée et équipée pour contrôler les routes commerciales. C'est ainsi
qu'ils entrèrent en contact avec plusieurs peuples et occupèrent
L'Egypte fut conquise
par les Hyksos et occupée pendant 100 ans. Grâce à l'introduction du
char d'assaut, les armées égyptiennes réussirent à chasser ce peuple et à s'avancer
jusqu'a
L'empire était énorme, le peuple de Nubie adopta complètement le
genre de vie des Egyptiens et ces derniers ont pu alors tirer grand profit des
mines d'or de ce pays.
Les peuples de l'empire devaient envoyer régulièrement des dons
qui enrichissaient l'Egypte encore plus. Pour garder les peuples soumis, les
Egyptiens prenaient chez eux les enfants des princes locaux en otage. Ils les
traitaient très bien et les éduquaient pour les rendre fidèles à l'Egypte.
Les Hittites étaient des
peuplades nomades qui voulaient chasser les Egyptiens de Syrie, mais les
pharaons Seti 1er et Ramsès II,
réussirent à arrêter leur avance.
Le dernier grand pharaon guerrier, Ramsès III, sauva l'Egypte,
mais ceux qui furent ses successeurs ne purent pas garder l'empire.
On ne peut pas vraiment dire que la civilisation égyptienne fut
marquée par l'esprit de la guerre comme le furent tant d'autres peuples de
l'Orient.
SCRIBES ET SAVANTS
Le meilleur métier en Egypte était celui de scribe: il apportait la
puissance et
Comme tout en Egypte était écrit, noté et documenté, le travail
du scribe était extrêmement important. Il y avait des écoles de scribes attachées aux
palais et aux temples. Les gens riches pouvaient engager un maître pour
instruire leurs enfants et ceux de leurs amis.
Après avoir appris(t) à écrire,
certains jeunes allaient dans d'autres écoles pour faire des études plus
importantes. Un bon scribe pouvait atteindre de hauts emplois, et même devenir
un ministre de pharaon. Il y avait l'étude
de l'astronomie pour apprendre à naviguer dans la bonne direction et établir le
calendrier. Les Egyptiens étaient capables d'opérer les calculs les plus
compliqués. En géométrie, ils pouvaient tracer un angle droit et calculer des
surfaces et volumes, bien avant d’autres peuples.
Les médecins utilisaient des prières et des formules magiques
mais ils avaient une bonne connaissance du fonctionnement du corps humain.
Certains d’entre eux étaient des spécialistes et soignaient seulement une
partie du corps ou un type de maladie.
Les médecins Egyptiens étaient reconnus dans tout le monde antique. Ils
avaient une excellente réputation pour être des hommes de science d'une grande (habilité) habileté.
COMMERCE ET VOYAGES
Nation très civilisée, l'Egypte n'était pas isolée.
Grâce à sa grande richesse, elle commerçait activement avec d'autres pays. L'Egypte, avec son sol fertile avait un
surplus de nourriture destiné à l'exportation. Du désert, les Egyptiens
retiraient des blocs de pierre pour
La seule chose que l'Egypte n'avait pas et qui leur était
nécessaire, était le bois. C'est pour cela qu'ils importaient du Liban des
grands cèdres, qu'on transportait par mer. De cette même région provenaient la
résine, l'huile, l'argent, les esclaves et beaucoup plus tard les chevaux.
La
Nubie était très importante et fournissait à l'Egypte des esclaves, du cuivre,
du bétail, des pierres pour la construction et des améthystes. D'autres
produits du Sud, passaient par
Durant le Nouvel Empire, la Nubie fournit le
produit le plus précieux, l'or, extrait des mines que les Egyptiens avaient
ouvertes. De tous les peuples conquis par l'Egypte, les Nubiens étaient les
seuls qui avaient abandonné leurs lois et religion pour adopter complètement la
façon de vivre des Egyptiens.
Les gens riches voyageaient sur l'eau. Les Egyptiens
construisaient des bateaux de toutes sortes. Ils circulaient sur le Nil, sur
Pour les voyages par voie de terre, les riches utilisaient des
chaises à porteurs, posées sur les épaules de leurs serviteurs. Au Nouvel
Empire, on employait des chars, mais tous les gens ordinaires marchaient. Il
n'y avait pas de(s) véhicules à roues, on ne
voulait pas sacrifier des terres fertiles pour construire des routes. Les
charges légères étaient portées à dos d'homme, ou à dos d'âne dans des paniers.
De lourdes charges, telles que les pierres pour la construction, étaient transportées
aussi loin que possible par voie d'eau, puis posées sur des traîneaux qu'on
tirait.
Le chameau ne fut introduit en Egypte que vers la fin du Nouvel
Empire, sous les dernières dynasties.
LES DIEUX
Les Egyptiens adoraient des dieux nombreux et variés
ayant parfois une forme bizarre. Voilà quelques détails au sujet des dieux
principaux.
Osiris, dieu des morts et maître de
l'au‑delà, était aussi considéré comme le dieu du Nil et de la végétation
renaissante. D'après les légendes égyptiennes, il aurait été autrefois le roi
d'Egypte, avec sa soeur Isis comme épouse et reine. Mais Seth, le
jeune frère d'Osiris jaloux de sa bonté et de sa sagesse, amena Osiris à se
coucher dans un coffre qu'il ferma et lança dans le Nil. Après bien des
aventures
Horus, le fils d'Osiris et d'Isis tue
son oncle Seth et devient roi d'Egypte.
Les pharaons se considéraient comme les descendants d'Horus, dieu
solaire. Isis, divinité très populaire avait des rôles bienfaisants, protégeant
spécialement la famille et les enfants.
AMON, puissant dieu de Thèbes était
identifié avec le dieu solaire Rê ou Râ. Il porte sur la tête le disque
solaire. La barque sacrée d'Amon était transportée en procession au cours de
fêtes religieuses. Elle symbolisait la course du soleil.
THOT, le dieu de la sagesse et de
l'écriture, était généralement représenté avec une tête d'ibis. Les Egyptiens
pensaient qu'au jugement des morts il présidait à la pesée du coeur du défunt
et qu'il inscrivait le résultat.
APIS, le taureau sacré des Egyptiens,
était un des nombreux animaux qu'ils adoraient.
ANUBIS, le dieu chacal, présidait à
toutes les cérémonies qui faisaient passer le mort à l'au‑delà. Les
Egyptiens avaient remarqué la présence des chacals près des tombeaux.
TAWERET, la déesse de la naissance,
était souvent représentée sous la forme d'une femelle d'hippopotame enceinte.
Elle était considérée comme une déesse
bienfaisante qui veillait sur la santé des mères et des enfants.
AMON‑RE, grand dieu officiel du Nouvel
Empire. Il était le dieu de Thèbes et quand cette ville était puissante, il
devint associé avec Rê
ATON, dieu unique, représenté par le
disque solaire, avait été imposé par Akhenaton sans succès. Il resta
dieu d'une religion secrète.
HATHOR, c'était elle la déesse mère de
l'amour et du bonheur, de la danse et de
Chaque Egyptien croyait qu'il jouirait d'une vie éternelle
après
Comme on ne pouvait pas placer dans un tombeau assez de biens
pour une vie éternelle, les Egyptiens mettaient dans le tombeau des figurines
et des peintures représentant la vie quotidienne. Ils croyaient qu'avec
des prières spéciales on pouvait donner
la vie à toutes ces scènes afin d'assurer au mort un bonheur éternel.
Les Egyptiens pensaient
qu'il était très important de conserver le corps du défunt en bon état pour que
son âme revienne afin d'assurer sa survie. Ils ont donc développé une méthode bien compliquée pour traiter les
corps des riches Egyptiens. Les embaumeurs travaillaient sur le corps pendant
70 jours. Au bout de ce temps, la momie du défunt était placée dans un
sarcophage et les cérémonies des funérailles se déroulaient pendant plusieurs
jours.
Au début de l'Ancien Empire, on croyait que le pharaon défunt
rejoignait le dieu solaire Ré (Ra) et
traversait chaque jour le ciel dans sa barque sacrée. A la fin de l'Ancien
Empire, on commençait à croire que le pharaon défunt s'unissait à Osiris, le
dieu des morts. Ainsi les Egyptiens de tout rang se tournèrent vers Osiris
comme vers leur espoir de vie éternelle.
Dans un papyrus, LE LIVRE DES MORTS, les Egyptiens, décrivent en
détails les événements qui ('ils pensaient) d’après eux,
suivaient
Parvenu dans la salle du jugement, le défunt était reçu par
Horus, fils d'Osiris. Il devait répondre
aux questions des 42 juges du tribunal.
Enfin, c'était le tour de la cérémonie de la pesée du coeur. Le dieu
chacal Anubis, gardien des morts, comparait le poids du coeur au poids d'une
plume, symbole de vérité. Le coeur d'une personne qui a commis(t) beaucoup de fautes et de péchés était plus lourd
que
LES TEMPLES
Un temple devait être une demeure digne d'un dieu, construite
en pierre pour durer, avec un luxe que l'on reniait aux simples mortels. Les
prêtres y consacraient leur vie à la satisfaction des besoins du dieu.
Le temple était
considéré comme la demeure des dieux; on le divisait en trois parties
distinctes: d'abord il y avait une cour ouverte dans laquelle le peuple pouvait
entrer, puis une salle bordée de colonnes où les prêtres pouvaient entrer.
Enfin, le sanctuaire était l'appartement privé des dieux. On trouvait aussi des
salles dans lesquelles on entreposait les divers objets qui servaient aux
prêtres pour les cérémonies religieuses.
LE RITUEL QUOTIDIEN
Un service religieux n'était pas seulement pour adorer le dieu
ou prier au pied de sa statue. Les
Egyptiens croyaient que les dieux avaient besoin, tout comme les hommes, de
nourriture, de vêtements et d'un abri. Les prêtres offraient à la statue de
l'eau pure, de l'encens, des vêtements et bijoux, et de la nourriture; le dieu
pouvait ainsi se laver, se parfumer, s'habiller et se nourrir.
Les Egyptiens, riches ou pauvres visitaient souvent les temples.
Ils portaient aussi des amulettes en guise de protection et installaient dans
leurs maisons des petits sanctuaires pour honorer les dieux.
Les Egyptiens croyaient que les dieux pouvaient venir sur terre
ou faire entrer leur esprit dans le corps de n'importe quel être humain ou
objet, rocher, statue ou animal. C'est ainsi que si un dieu résidait sur la
terre on pouvait faire appel à lui par l'intermédiaire de l'objet ou de l'être
vivant dans lequel il se trouvait. On gardait des animaux sacrés qui
appartenaient à un dieu spécifique dans des sanctuaires.
A certaines époques de l'année, les prêtres récitaient des prières
pour que l'esprit du dieu entre dans le corps de l'animal. Les prêtres posaient
des questions importantes aux animaux qui répondaient en hochant la tête ou en
mangeant ou en donnant des signes que les prêtres interprétaient. On appelait cela un oracle.
LE NIL ET SES DONS
La prospérité, la puissance et la civilisation de l'Egypte
dépendaient du Nil. C'est lui qui rendait le désert fertile. Les Egyptiens
n'ont jamais oublié cette dette. Le Nil est le fleuve le plus long du monde. Il
atteint
Ce fleuve est formé de deux branches principales, le Nil Blanc et le
Nil Bleu qui se rejoignent à l'emplacement de la ville de Khartoum, au Soudan.
Le fleuve coule parfois le long de falaises, et en six endroits, son lit est
encombré de rochers. Ce sont les cataractes, ou des rapides qui empêchent ou
gênent la navigation.
Ensuite, le fleuve s'écoule dans une plaine plate, et sa vallée
forme les terres fertiles de l'Egypte. Cette zone n'a généralement que quelques
kilomètres de largeur. L'espace cultivable y est si précieux que les villes et
villages sont construits en bordure du désert.
Au‑delà du Caire, le fleuve se divise en plusieurs bras avant de
se jeter dans
Chaque année, à la fin de l'été, des pluies torrentielles tombent
sur le plateau Ethiopien et envoient d'énormes quantités d'eau dans le Nil
Bleu. Cette eau arrivée en Egypte recouvre les champs tout le long de la vallée
du Nil et dépose une boue fertilisante. (Ce n'est que récemment que des
barrages nouvellement construis ont régularisé ce flot d'eau.)
Comme il ne pleut presque pas en Egypte, les agriculteurs
d'autrefois essayaient de retenir l'eau de l'inondation. Ils construisaient des
canaux, des digues et des bassins pour contenir l'eau et la diriger vers leurs
champs.
Les flots du fleuve
commençaient à monter lentement au mois de juin, ensuite, le niveau augmentait
rapidement en atteignant son maximum à la fin du mois de septembre. En
baissant, les eaux se retiraient, laissant une boue noire très fertile qui
enrichissait le sol et permettait deux récoltes. Tout de suite après, une
période de forte chaleur séchait le lit du Nil et rien ne poussait plus.
BIBLIOGRAPHIE :
1. J'étais un enfant à Thébes, Roselyne Edde (Fides) 1981
2. Panorama des Civilisations, Anne Millard/Francois Carlier
Editions Ecole Active, 1979
3. Pyramides et
Pharaons,
4. Voyage en Egypte, Joan Knight, Rouge et or ‑
BIBLIOGRAPHY :
1. The Mummy, E.A. Wallis Budge ‑ Collier 1972
2. The Art of
3. The Book of the Dead
4. TutAnkhAmem, E.A. Wallis Budge ‑
6. The Egyptian Cinderella, Shirley Climo ‑
Harper/Collins1989
7. Tutankhamen, Christine Desroches‑Noblecourt ‑
Penguin 1965
Aout
2009
Quelques détails intéressants sur l’Egypte ancienne
Récoltés par
PREMIERE PARTIE
QUELQUES FAITS IMPORTANTS
La vie des anciens
Egyptiens dépendait de trois éléments importants. Ces trois éléments étaient le pharaon,
le Nil et la vie après la mort.
En réalité, le Nil tenait la
première place dans la vie des anciens Egyptiens car sans ce fleuve, l'Egypte
n'existerait pas. Grâce à ses inondations annuelles, le Nil assurait à l'Egypte
des récoltes riches et régulières. C'est ainsi que l'Egypte ne change presque
pas au cours des siècles et que sa civilisation se maintient pendant 3 000 ans.
Pour les Egyptiens plus
que tout autre peuple, la tradition avait sans doute une très grande
importance. Toutes les idées, l'art et la religion étaient basés sur le modèle
du passé. Pendant tous les siècles qu'a duré la civilisation égyptienne, la
langue, la religion, l'art et la vie quotidienne des Egyptiens ne se modifient
presque pas. Ainsi ils connaissent une remarquable stabilité. La longue histoire d'Egypte se divise en
trois périodes de grandeur nationale:l'Ancien Empire, le Moyen Empire et le
Nouvel Empire.
Ces époques étaient séparées par deux périodes intermédiaires au cours
desquelles l'Egypte était faible, divisée ou sous domination étrangère. Tout au
long de cette histoire, les pharaons sont groupés en dynasties, ou suites de souverains d'une même famille. Il y a des
dynasties qui ont duré des siècles et d'autres quelques années à peine.
Durant ces 3 000
ans, la civilisation créée par les anciens Egyptiens se développe et on pense
que plus d’un milliard d’habitants peuplait ce pays. Grâce aux sables du
désert, d’innombrables monuments furent préservés presque intacts. Les anciens
Egyptiens avaient minutieusement pris note de tous les événements importants et
journaliers de leur histoire. C’est pour cela, qu’aujourd’hui, avec le recul
des millénaires, nous pouvons imaginer et décrire en détails la vie de ces
hommes.
LES ANCIENS EGYPTIENS ÉTAIENT VRAIMENT SURPRENANTS.
Cette culture
produisit de remarquables astronomes, des ingénieurs des mathématiciens et des
médecins. Ils avaient une organisation capable de gérer les impôts et prélever
des taxes ainsi qu’un système juridique avancé consistant de tribunaux et d’une
force de police bien entraînée.
Les femmes
jouissaient de
Tout Ankh Amon et Ramsès
le Grand n’étaient que deux des 170 (ou plus) pharaons connus. Pépi II
eu une longue vie et le plus long règne de l’histoire. Il fut le maître de
l’Egypte durant
L’année de 365
jours et notre calendrier nous viennent
des anciens Egyptiens. Ils étaient les premiers à diviser le jour en 24
heures et à utiliser des horloges.
CE QUE NOUS SAVONS AU SUJET DES ANCIENS EGYPTIENS.
Voici quelques
détails curieux au sujet des anciens Egyptiens que j’ai glané un peu de
partout. Certains remontent aux histoires que l’on entendait en Egypte et au
folklore, mais d’autres sont des faits faciles à retrouver dans une
encyclopédie ou autres livres décrivant les mœurs des anciens.
On a
beaucoup parlé de « la malédiction du pharaon » après la
découverte du tombeau de Tout ankh Amon, qui fut faite par Howard Carter
en 1922. On a même voulu prouver que la mort de Lord Carnarvon, financier de
cette entreprise et advenue cinq mois plus tard, était le résultat direct de
son intérêt dans
En
parlant de momies, il paraît que lorsque certaines momies furent transportées
de Thèbes au Musée du Caire, un impôt fut payé à
Les
pillards de tombeaux égyptiens étaient très habiles à découvrir les tombes et
les exploiter bien avant l’arrivée des égyptologues. Certains pharaons avaient
déjà prévus de fausses portes ou des monuments murés difficiles à pénétrer.
Malgré ceci, beaucoup de trésors disparurent encore au temps des pharaons et
plus tard sous les Mamlouks. C’est ce qui explique le fait que certaines tombes
furent découvertes sans inscriptions. Ces dernières contenaient plusieurs
importantes momies identifiables qui probablement furent déplacés pour éviter
le pillage.
A la fin
du XIXe siècle on découvrit 2 caches
dans le désert à Thèbes, qui contenaient une quarantaine de momies royales,
inclues celles de Seti I et de Ramsès II. Dans l’antiquité
même, on découvrit que les plus grands pillards de tombeaux étaient
principalement ceux qui avaient été embauchés pour leur protection.
L’égyptologique
britannique, Howard Carter chercha pendant cinq ans l’emplacement de la
sépulture de Tout Ankh Amon, ensuite il passa huit ans à vider les
décombres et presque dix ans à cataloguer les 5 000 objets qui s’y trouvaient.
On dit que le jour où le tombeau fut ouvert, le canari de Carter fut dévoré par
un cobra!
Malgré
l’étonnante quantité de trésors amassés dans la tombe de Tout Ankh Amon,
Carter conclut qu’environ 60% des bijoux, furent dérobés par des pillards.
Carter trouva 150 amulettes et pièces de bijoux placés sur le corps du pharaon
ou autour de lui.
LES PLUS CÉLÈBRES REINES DE L’ANCIENNE EGYPTE
C’est en
1925 que la tombe de
Il y a à
peu près 3,400 ans,
Bien
qu’Hatshepsout fût une femme, on la représenta toujours tel un homme sur les
monuments et statues commémorant son règne. Son portrait était toujours celui
d’un pharaon portant la barbe de cérémonie et le costume complet d’un roi.
Tout le
monde connaît le merveilleux buste de
La femme
principale de Ramsès II, Néfertari avait beaucoup de pouvoir et elle
influença le règne de son mari. Cette dernière semble avoir eu énormément de
prestige durant sa génération. Le tombeau de Néfertari, fut le mieux peint et
décoré de toutes les sépultures découvertes.
L’histoire
nous décrit le règne de plusieurs femmes qui participèrent activement à des
projets de construction et de développement. On cite Neith-ikret qu’on
décrit dans la littérature égyptienne de la période de la façon suivante
« la plus courageuse et plus belle femme de son temps ». Sobek
neferu, elle, régna seule, indépendante avec tous les titres et attributs
de noblesse vers la fin de la douzième dynastie. Elle compléta les projets
commencés par son père Amenemhat III.
Il y eu
sept reines du nom de Cléopâtre, mais ce fut seulement la dernière qui
vraiment gouverna l’Egypte. C’est celle qu’on connaît le mieux. Elle séduit Jules
César et eut un fils
LES ETERNELLES PYRAMIDES
Les pyramides de Guiza demeurent un symbole de la puissance de
l'Egypte Ancienne. Les trois pyramides de Guiza
sont les plus célèbres et comptent parmi les sept merveilles du monde. Pourtant,
il y a
Les Egyptiens pensaient que de cette façon on pouvait assurer un
heureux passage de l'âme dans l'autre monde et
maintenir son bonheur pour l'éternité. A quelques variations près, les pyramides
avaient toutes en commun le fait d'avoir été construites sur la rive gauche du
Nil, dans le désert.
Les cérémonies
d'embaumement étaient exécutées dans le temple de la vallée, placé au bord de
la zone des cultures. Le sarcophage contenant la momie était transporté
jusqu'au temple funéraire au pied de la pyramide.
L'entrée de la pyramide se trouvait généralement au nord, mais
elle était bien cachée. A l'intérieur il y avait plusieurs couloirs et salles
en
Les pyramides de l'Ancien Empire étaient construites avec
d'énormes blocs de pierre. On les coupait dans des carrières puis on les
transportait sur le Nil dans des bateaux. Ensuite on tirait ces pierres sur
des traîneaux jusqu'à
Pour les pharaons du Nouvel Empire on creusa des tombeaux dans
les falaises d'une profonde vallée, toujours sur la rive gauche du Nil, du côté
du soleil couchant. C'est la vallée des rois. Elle est dominée par une masse
rocheuse en forme de pyramide, en Haute Egypte, non loin de la capitale de
l'Egypte ancienne, Thèbes.
Construites
à Giza, les trois grandes pyramides servirent de sépulture au pharaon Khufu et
son fils Khafre, ainsi qu’au pharaon Menkaure. Ces pyramides
furent couvertes de calcaire blanc et luisaient dans
Ces
pyramides sont gardées par le Sphinx, massive statue d’un lion de pierre
avec la tête d’un homme. On pense que c’est peut-être le portrait de Khufu. Le
Sphinx dirige son regard vers l’est, ou le soleil levant. Pendant
Bien que
la grande pyramide fût érigée dans l’antiquité, elle est bien plus haute que
maintes constructions modernes. A l’origine elle mesurait
La
pyramide de Saqqarah, construite en 2650AC et dont les côtés sont à
gradins, pré date de 100 ans celles de Guiza.
C’est l’œuvre de Imhotep l’architecte du roi Djoser. Ces
monuments gigantesques sont des miracles d’organisation mathématique, de
planification, de précision et de labeur manuel.
LES ARTISANS
Les artisans égyptiens ont produit toutes sortes d'objets remarquables,
qu'on peut encore admirer de nos jours dans les musées. Mais nous savons peu de
choses d'eux en tant qu'individus.
Il existait en Egypte
une classe moyenne peu nombreuse mais importante. Il s'agit surtout d'artistes
et artisans qui vendaient leurs produits au marché local. Il y en avait de ceux
qui travaillaient dans les ateliers des riches marchands ou qui faisaient
partie d'un temple, ou encore qui produisaient pour un dignitaire et son domaine.
Sur la rive gauche du Nil, près de la ville de Thèbes, on
a trouvé les restes d'un village où
vivaient les artisans occupés à la décoration des tombeaux de la Vallée des rois. Il s'agit d'une communauté de soixante
artisans et de leur famille. Parmi eux, il y avait ceux qui taillaient le
rocher, et ceux qui emportaient les débris dans des paniers. Ils avaient droit
à une pause à midi pour manger. La semaine de travail était de neuf jours, avec
un congé le dixième. Pendant les fêtes religieuses on arrêtait le travail.
Un scribe veillait à ce que l'ouvrage soit fait comme par le
plan de l'architecte. Il gardait aussi un journal détaillé de tout ce qui se
passait. Plus tard le scribe envoyait un rapport complet au vizir. Après avoir
creusé la tombe, les artisans s'occupaient de la décoration intérieure.
On payait les artisans en nature : on leur donnait des produits
comme le blé pour le pain, orge pour la bière, légumes, graisse, huile,
poisson, tissu, bois à brûler, et parfois des cadeaux spéciaux envoyés par le
pharaon, vin, sel, natron (utilisé comme savon) et viande.
PEINTRES ET SCULPTEURS
Les artistes égyptiens ne pouvaient jamais suivre un
style artistique individuel car des règles bien strictes déterminaient leur
art. Sur les murs des tombeaux et des temples les artistes représentaient les
cérémonies religieuses et les événements historiques aussi bien que la vie de
tous les jours.
Toutes les scènes représentées n'avaient pas un but décoratif
mais plutôt c'était pour servir le défunt dans sa survie. C'est pour cela que
les peintres et sculpteurs devaient suivre des règles bien établies.
Déjà, depuis l'Ancien Empire, les sculpteurs égyptiens
produisaient d'imposantes et magnifiques statues en pierre, cuivre, bronze et
bois. Bien que ces artistes soient capables de reproduire des portraits
fidèles, la tradition voulait qu'on représente les sujets d'aspect jeune et
agréable pour renaître pareil dans l'autre vie.
CONSTRUCTIONS
Malgré la simplicité de leurs outils, les habiles et
tenaces constructeurs Egyptiens réalisèrent certains des plus beaux monuments
de l'antiquité.
Les constructions qui ont
survécu à la civilisation égyptienne, ont été faites pour durer éternellement car
un dieu ou un pharaon avait besoin d'une demeure éternelle. Par contre les
vivants, même les riches ou les pharaons n'avaient que des maisons en
briques crues.
Les anciens Egyptiens
apprirent à faire des briques en mélangeant la boue du Nil avec de la paille
hachée. Ensuite ils mettaient ce mélange dans des moules qu'ils laissaient
sécher au soleil. Ce type de briques était bien adapté au climat sec de
l'Egypte et y est encore utilisé dans les régions rurales. La pierre était utilisée seulement pour la
construction des temples et des tombeaux.
FIN
DE
À suivre---à suivre--- à suivre--- à suivre--- à
suivre--- à sui
Juin
2009
Jack Shenker
At 53, Youssef Gaon is the youngest Jew in
Sweating
in the mid-morning heat, Abdul Salaam gently brushes the dirt off a grave to reveal
a faded Star of David. Mr Salaam, a committed Muslim, has lived as a resident
guard within the high walls of this Alexandrian Jewish cemetery for 41 years,
just as his father did for five decades.
The cracked headstones and marble tombs around him bear witness to people who
first made this Egyptian city their home more than 2,300 years ago, and in
their heyday numbered almost 80,000. Last summer, the final remnants of that
vibrant community gathered here to bury their leader. So few of them were left
that the Kaddish, a Jewish funeral blessing, could not be recited. The
significance of that was obvious to all who attended; this once-cosmopolitan
corner of the Arab world will soon entomb its final Jewish resident, and Mr
Salaam will be left alone with the graves.
The El Shatby cemetery in
The
death of
The overgrown El Shatby cemetery in
“What
can I say?” he shrugs, as he gives a tour of a beautifully decorated but
deserted synagogue in the old city centre.
Jews have been an integral part of
“It
was an immigrant community drawn from all corners of the world, especially the
remnants of the old Ottoman Empire,” said
These were the rekindled glory days of
Egyptian
Jews lay at the heart of the city’s revival, with individuals such as the
anti-colonial Egyptian nationalist Yaqub Sana and the prominent psychologist
Mr
Fedida’s parents were forced out in the first wave of expulsions, prompted by
the outbreak of the
“He had to take us away and start again in
The
exodus of
“We
are in very good hands,” said Mr Gaon, anxious not to upset the fragile working
relationship the surviving community has established with the Egyptian
government. “Even after we have gone I know they will look after this place.”
But as the final echoes of
Mr
Gaon and his elderly compatriots are the final custodians of these logbooks,
which run to 60,000 pages detailing all the births, deaths and weddings of the
community stretching back to the 1830s.
These documents are of vital importance to descendants of Alexandrian Jews such
as Mr Fedida, as the Jewish faith requires individuals to prove their maternal
Jewish bloodline in order to get married. The problem is that issuing such
certification from
The
reluctance of the current Egyptian regime to enable easy access to the
documents springs from fears that the offspring of
The issue is a sensitive one; last year an unspecified amount was paid by the
state to the Jewish family who originally owned The Cecil, a luxury Alexandrian
hotel immortalised in Lawrence Durrell’s novels The Alexandria Quartet and
seized by the government in 1957. Earlier this summer, a planned
According
to Mr Fedida, however, fears of compensation demands are misguided.
“We are absolutely not interested in financial claims,” he said. “Our
generation are the children of those who really suffered from expulsion and
imprisonment. Although our parents tried to reconstruct their lives elsewhere,
we saw their grief and we need to do them justice by giving them back the
identity that led to them being uprooted in the first place.”
Regardless
of the outcome of this tussle over the logbooks, the human element of this once
grand community will soon be extinguished and there will be no more burials at
Abdul Salaam’s overgrown cemetery.
For Mr Fedida though, who was born in
“You never know; we lost it once before when the Byzantines kicked us out in
400AD,” he said. “I think it’s a wonderful city, and I long for it on a daily
basis. But deep down I know I’m longing for a world that no longer exists.”
* The National
Avril
2009
(
Ramsès
II était l’un des monarques les plus puissants de l’ancienne Egypte, roi de la
19ieme dynastie, il fut non seulement un vaillant guerrier, mais aussi un
excellent stratège, infatigable constructeur et brillant politicien. Ramsès II
régna environ soixante sept ans sur l’Egypte et fit construire d’énormes
temples et monuments qui existent encore aujourd’hui. Une de ses effigies,
énorme statue de granite, construite il y a
Tous les
jours, pour me rendre à l’école, je passais par la gare et je voyais cet
immense colosse, debout rigide, avec son regard perdu dans le vide. Pourtant
cela ne me semblait nullement le regard d’un rêveur, mais bien d’un conquérant.
C’est comme s’il surveillait ses territoires conquis avec un air de
propriétaire incontesté. Je crois aussi que la position de la statue avec un
pied en avant lui donnait cet air résolu d’un homme décidé et intrépide qui
avance vers l’avenir.
Le fait
est que l’on ne peut s’empêcher de penser à la fragilité de l’homme, puisqu’
une chose concrète, tel un objet de pierre ait pu survivre au-delà de toutes
les conquêtes des hommes les plus puissants.
Et maintenant, la pollution risque de détruire ce que les siècles passés
n’ont pu achever : la détérioration
Une fois
la décision prise par les autorités égyptiennes, la statue de Ramsès II,
pharaon tout puissant, conquérant et victorieux doit être déplacée. C’est avec respectueuse pompe et admiration
que les habitants du Caire ont pu suivre pas à pas le cortège qui accompagna le
transfert de la statue de la gare du Caire au musée des pyramides. Comme il se
doit, Ramsès II eut son moment de gloire pour rejoindre un sanctuaire où il
sera à l’abri des méfaits de nos temps modernes!
Le
peuple égyptien a toujours été respectueux de son glorieux passé et des
monuments qui le symbolisent malgré le fait que cela contrastait avec leurs
croyances religieuses. Ils n’ont jamais cherché à s’identifier avec les anciens
non plus, mais conscients de l’importance de leur propre histoire, leurs
auteurs, scientifiques, historiens et gouvernants se sont donnés bien du mal
afin de protéger leur héritage.
Dans sa
nouvelle demeure, le grand pharaon, roi d’un empire, constructeur d’Abou
Simbel, le guerrier royal qui mena à la victoire de Kadesh les armées de son
pays, Ramsès II tiendra sa cour dans un musée au niveau de sa gloire
incontestée.
LE
28/02/2009
TROISIEME ET DERNIERE PARTIE
Je suis
tout à fait d’accord sauf que personne ne répond à mon annonce. Alors je décide
de mener l’enquête moi-même en interrogeant le
Je
reprends mes recherches auprès des pensionnaires
masculins. Mes entrevues se résument à nouveau comme inutiles et infructueuses
ayant parlé à la plupart des hommes, lorsque je croise Rosa qui pousse le
fauteuil roulant de M. Sidès pour le placer au soleil sur
Le
laissant au soleil, elle m’entraîne avec elle au salon et me renseigne à son
sujet. Apparemment, M. Sidès avait été gravement blessé dans un accident
d’automobile et avait perdu la mémoire pendant longtemps après ce trauma. Il
souffre de dépression chronique et refuse de voir le psychologue qui est
persuadé de pouvoir l’aider à surmonter ses problèmes. Il ne parle presque pas
et ne communique avec aucun des pensionnaires de
Rosa me
laisse à mes pensées et je profite pour observer cet homme de loin. M. Sidès
fixait le vide et son regard semblait lointain, mystérieux comme celui d’un penseur plutôt que d’un
homme qui aurait perdu sa raison. Soudain, il lève la tête brusquement comme si
mon regard lui pèse. Je reste clouée sur place et nous échangeons un long
regard. M. Sidès ne détourne pas ses
yeux clairs et expressifs. Malgré le battement fou de mon cœur je détecte chez
lui une pointe de curiosité qui m’enchante et m’encourage. Je m’avance vers lui
en souriant.
Avec une
émotion contenue, je soutiens son regard qui semble m’étudier en silence.
Arrivée devant lui, je m’arrête. Je respire à peine tellement je crains de lui
faire peur. Mais il me dévisage avec intérêt, ses grandes mains calmement
croisées sur ses genoux. Je note un
léger tremblement de ses lèvres comme s’il veut me dire quelque chose. Sans
même y penser, je pose ma main sur son épaule et je me penche vers lui en
murmurant « Comment allez-vous aujourd’hui M. Sidès? »
A ma
grande surprise, il sourit découvrant de belles dents blanches un peu
irrégulières; ce sourire extraordinaire qui illumine son visage semble inonder
l’air autour de lui d’un rayon de soleil et de chaleur diffusée. Je me sens
tout de suite sentie conquise par cet inconnu au charme si puissant. Je
m’installe sur le banc de pierre en face de lui et je prends la main qu’il me
tend. « Est-ce que je vous connais Mademoiselle? » dit-il d’une voix
un peu rauque comme celle de quelqu’un qui n’a pas parlé depuis longtemps.
Sa main est chaude
dans la mienne mais nullement passive ou molle et après avoir serré ma main il
la lâche comme à regret. Tout d’un coup
sans réfléchir j’ouvre mon sac et je
retire la lettre que je lui mets sous
les yeux en silence. Surpris, M. Sidès prend le feuillet en me regardant avec
un air attristé qui m’étonne. « J’ai besoin de lunettes mon enfant, mes
yeux ne sont plus ce qu’ils étaient. » Je souris en disant « Je vais
vous la lire. Ça va? » M. Sidès hoche la tête en souriant et le cœur
battant comme un fou je commence à lire.
Je suis tout de
suite obligé de m’arrêter car la main de M. Sidès agrippe fortement mon poignet
et il happe la lettre de ma main. Ses
yeux devenus presque noirs lancent des éclairs furieux et en haletant il crie
« Mais qu’avez-vous fait? Qui vous a donné cette lettre? Qui
êtes-vous? » Il laisse échapper un sanglot et sur son visage grimaçant de
grosses larmes coulent.
Bouleversée,
je m’agenouille à ses pieds et je m’empare à nouveau de ses mains. Il me
résiste mais en persévérant j’insiste « Écoutez-moi s’il vous plaît M.
Sidès, je veux seulement vous aider. Nous avons trouvé cette lettre. Si vous
l’avez perdue je vous
J’entends
le pas de Rosa sur les dalles de la terrasse et sa voix qui m’interpelle avec
urgence : « Nadine, que se passe-t-il? ». Elle arrive très vite
à mes côtés et je sens sa colère soudaine et son inquiétude. En me levant je tente
de la rassurer mais les sanglots de M. Sidès l’alarment et elle me pousse
brusquement pour le rentrer dans
Le cœur
serré, la sueur perlant à mon front, je ne parle pas et elle continue à me
regarder. Se doutant que j’ai une réponse au mystère de la lettre elle attend donc avec résignation et grande
émotion que je lui en fasse part. En retenant mon souffle, je murmure
« Léonie, je pense savoir qui est l’auteur de la lettre en question. Je
viens de le découvrir il y a quelques
minutes. » Sans broncher, elle me laisse continuer la gorge serrée
« C’est M. Sidès, le connais-tu? » D’une voix étouffée elle réplique
« Non, je n’ai jamais eu l’occasion de le rencontrer. C’est ce monsieur
qui est récemment arrivé n’est-ce pas?
Décris-le moi s’il te plait. »
Léonie
m’écoute sans faire de commentaires ou
poser de questions. Dans ses yeux au regard pénétrant je vois des taches
d’ambre voltiger. Seules ses mains, de temps à autre, lissent machinalement sa
jupe de laine noire. Je lui raconte tout ce que je sais au sujet de M. Sidès et
ensuite je lui répète ma conversation avec lui. Je parle lentement ayant la
gorge serrée et en proie à une émotion que je ne peux expliquer. Je ne devine
pas ce qu’elle ressent, elle ne me livre rien de ses sentiments. Soudain il me
semble parler avec une parfaite
étrangère, son visage tel un livre fermé est inscrutable.
_Il me
semble tout d’abord très important de déterminer l’identité de cette personne,
Nadine, et ensuite je voudrais le rencontrer. C’est possible que dans son état
si précaire de santé je devrais attendre la permission de son médecin.
_Tu as certainement raison Léonie. Je ne devrais pas
déjà crier victoire quand je ne suis sûre de rien.
_Je te remercie pour tout ce que tu as fait quand même
ma chère Nadine. Je dois être patiente, après toutes ces années quelle
différence quelques heures encore pourraient changer!
Le lendemain, quand
Dr. Kenneth, le directeur de la maison de retraite me convoque dans son bureau;
il m’informe sèchement que c’est au
sujet de M. Sidès. Je demande donc d’avoir Léonie présente en lui disant que nous
allions lui expliquer tout cela plus tard. Il n’a pas d’objections et il s’enquit auprès de nous au
sujet de ce qui c’est passé la veille
avec M. Sidès. Il nous rassure sur son état de santé et nous informe avec
étonnement et une pointe de curiosité que ce monsieur tient à me voir. Jamais à
sa connaissance M. Sidès n’a exprimé le désir de voir ou de communiquer avec
quelqu’un. Le psychologue traitant a vu en ceci un grand pas en avant, un
certain progrès et a donné sa permission de le rencontrer. La réunion est fixée
pour l’après-midi de ce jour.
Léonie me semble
très agitée. Le calme de la veille disparaît et je détecte une certaine
inquiétude dans sa manière de parler et de me regarder. Je suis moi-même très
émue et impatiente de revoir M. Sidès mais j’ai également une certaine crainte.
A l’heure convenue, nous nous retrouvons dans la salle de séjour. Le soleil
entre par la fenêtre grande ouverte et nous sommes assis autour d’une table
ronde, Léonie, Dr. Ralph le psychologue, Dr. Kenneth le directeur et
moi-même. Léonie, est incapable de
rester assise et l’atmosphère dans la salle reste assez tendue. Au moment où M.
Sidès conduit par Rosa fait son entrée, Léonie se retire au fond de la salle
derrière un énorme pot de fleurs. Je l’observe du coin de l’œil et je remarque
que M. Sidès me dévisage droit dans les yeux et n’accorde aucune attention aux
autres présents dans la salle.
Je me lève et je
m’avance vers lui en souriant. Son regard sérieux semble être chargé de
questions. Son fauteuil poussé par Rosa
arrive à proximité de la table et du groupe de personnes assises, il
s’adresse directement à moi de sa voix grave et rauque « Qui êtes-vous
Mademoiselle et comment est-ce que cette lettre est-elle tombée entre vos
mains? » Je ne réponds pas tout de suite et je jette un coup d’œil rapide
vers le point où se cache Léonie. A cette distance je ne distingue pas trop
bien son visage mais je conclus rapidement qu’elle ne reconnaît pas M. Sidès.
Malgré moi je ressens comme un poids lourd s’installer dans mon estomac mais
tout de même je réponds à la question de M. Sidès avec le sincère désir de
résoudre ce mystère.
_Monsieur Michel,
vous ne me connaissez pas mais ma grand’mère est aussi pensionnaire dans cette
maison. Je suis journaliste et pour un article, j’ai conduit des entrevues avec
plusieurs personnes dans
_C’est ma lettre en
effet. Mais je suis plutôt curieux à votre sujet Mademoiselle. Est-ce que vous
me connaissez? Vous savez, j’ai souffert
d’amnésie pendant longtemps et je ne me souviens pas très bien de certaines
personnes et évènements du passé.
M. Sidès me regardait avec bonté et intérêt en
attendant ma réponse. Je pressens qu’il se retient de poser trop de questions
et ses mains tremblent légèrement sur les bras de son fauteuil. Les autres
autour de la table restent silencieux et M. Sidès les ignore totalement.
C’est à ce moment
que je vois Léonie s’approcher lentement de là où nous sommes tous réunis.
Quand M. Sidès observe que je lève les yeux pour la regarder, il se tourne à
son tour. Leurs regards se croisent et de sa belle voix émue, Léonie lui
demande « Est-ce que vous me connaissez? »
_Non, je ne pense
pas me souvenir, répond-t-il. Mais il est possible que j’aie tort. Qui
êtes-vous Madame?
_Je m’appelle
Léonie Sasson…
A peine ces mots
s’échappent de sa bouche que M. Sidès, agrippant les bras de son fauteuil,
pâlit, ses lèvres tremblent, il semble respirer avec peine et ses yeux gris se
remplissent soudain de larmes. Dr. Ralph s’approche de lui mais M. Sidès le
pousse avec force l’éloignant de lui. Sa voix rauque, tremblante mais assez
forte retentie « Léonie Sasson…c’est donc vous? Approchez que je vous
voie de plus près. Asseyez-vous ici. » Son geste impératif indique une
chaise en face de lui. Le visage rouge, les jambes flageolantes et les yeux visiblement
humides, Léonie fait ce qu’il demande. Face à face, ils se regardent pendant un
long moment.
_Léonie… vous
souvenez-vous de Max Cardoso? Sa voix est coupée par l’émotion qui le traverse.
La lettre…elle vous était adressée…Il s’interrompt et Léonie lui tend la main
qu’il saisit dans
_Où est-il? Que
s’est-il passé? Je l’ai attendu…j’ai espéré…j’ai cherché
Partout…comment le connaissais-vous? C’est vous le
Michel de la lettre? On entendait l’angoisse dans la voix de Léonie et son
visage bouleversé, défait par les larmes et l’émotion me serrait le cœur.
_Ma
chère enfant, je vais tout vous raconter, quel malheur…J’en suis encore tout
remué. Max était mon ami, mon frère…
Le docteur Ralph
retourne à sa place aux côtés du docteur Kenneth sans intervenir, rassuré.
Quant à moi, fascinée par la tournure des événements, je suis figée sur place
en attendant le reste des révélations que M. Sidès se prépare à nous livrer.
Calmement,
lentement, M. Sidès sort la lettre de sa poche, la lisse de ses grandes mains
sur ses genoux et la tend à Léonie.
_Cette
lettre vous est adressée et vous appartient Léonie. Max l’a écrite tout de
suite après son accident. Bien que prévu, le décès de Lexie sa femme l’avait démoralisé mais il était conscient du
fait que vous l’attendiez. Il a décidé de venir vous retrouver mais en route il
a eu un terrible accident et ce n’est que quelques mois plus tard qu’il a été
capable de vous écrire. Il m’a demandé de me charger de la lettre afin de vous
la remettre pour que vous puissiez venir le rejoindre. M. Sidès s’arrête pour
reprendre son souffle. Léonie, fixe la lettre comme un animal qui guette sa
proie en attendant patiemment que M.
Sidès continue. Pour ma part, j’ai le pressentiment qu’une tragédie se
prépare. Je regarde M. Sidès et Léonie
avec un pincement au cœur.
_Je vous ai cherchée pendant des semaines. Je suis
allé à l’adresse que m’avait donnée Max, l’immeuble avait été démoli. J’ai été
au club vous chercher plusieurs fois mais en vain. Je savais que plusieurs
familles étaient déjà parties. L’état de Max étant grave, je ne savais plus
comment lui dire que vous n’étiez plus là.
Max se morfondait et glissait de plus en plus dans la déprime sans que
je ne puisse rien faire pour lui. C’était mon meilleur ami, nous nous
connaissions depuis notre plus jeune enfance. Où étiez-vous? Pourquoi ne
pas l’avoir attendu?
Avec un
sanglot dans la voix, Léonie lui répond qu’elle a fait de tout pour le
retrouver et elle l’a attendu elle aussi mais que finalement elle avait été
contrainte de suivre ses parents au Canada.
_Max a résisté
plusieurs mois avant de succomber à sa
dépression et bien que physiquement guéri, il ne
s’est jamais remis…
_Que lui
est-il arrivé M. Sidès…je sens que vous allez me donner une mauvaise nouvelle
mais je dois savoir. Laissant tomber la lettre de ses mains; Léonie enfouit son
visage en larmes dans ses mains et je vois de loin son dos secoué de sanglots
déchirants et muets. M. Sidès lui
caresse les cheveux d’un air triste
et d’une voix terne, presque comme dans un souffle il réplique « Je
dois vous dire les choses telles qu’elles sont Léonie. Max s’est donné la mort
en conduisant sa voiture un soir en plein dans un arbre. Il vous aimait plus
que la vie et sans vous, rien n’avait de sens. Je regrette d’avoir eu à vous le
dire. J’ai perdu mon ami à qui je pense tous les jours de ma vie… »
La voix de M. Sidès
s’éteint dans un souffle comme une plainte et aucun de nous n’ose briser le
silence qui suit. Le docteur Ralph s’approche de M. Sidès et lentement pousse
son fauteuil hors de
On dit
que le temps console, qu’il apporte l’oubli et je ne sais quelles autres
platitudes. Maintenant, avec le recul de quelques années et bien qu’on n’en
parle plus, le cœur de Léonie ne peut oublier. A mon grand bonheur, mon père et
elle ont trouvé un moyen de se consoler chacun de son malheur et peut-être avec
le temps, ils se marieront mais pour le moment, ils sont tous les deux très
proches
M. Sidès
glisse lentement dans le silence qui l’enveloppe depuis les révélations faites
à Léonie. La maladie d’Alzheimer finalement le réclame et bien que nous ayons
passé avec lui plusieurs heures chaque fin de semaine, il ne nous a plus jamais
reconnus. Il nous a quand même semblé calme et résigné, renfermé dans son monde
intérieur.
Ma chère
Nonna finalement a fermé les yeux, heureuse et tranquille par un beau matin de
printemps après avoir vu Nicole naître. Elle avait déjà quatre-vingt deux ans.
Réunis autour de son chevet, nous avons tous pleuré sa disparition mais j’ai
rappelé aux autres qu’elle disait souvent « La mort n’est qu’une porte
vers un autre monde et nous devons tous y passer. »
Dans son
oraison aux funérailles de ma Nonna, Léonie a dit « Nous ne sommes que de
passage dans cette vie et chacun de nous se charge d’une responsabilité qu’il
remplit ou pas. Nonna a donné de la joie et de l’espoir à la vie de Nadine.
Elle a vécu toutes les saisons qui lui furent octroyées et a diffusé autour
d’elle beaucoup de sagesse, d’attention et d’espoir pour sa famille et ses
amis. Maintenant, c’est à notre tour de prendre la relève et de continuer ce
qu’elle nous a enseigné. Nos saisons à nous ne sont pas encore terminées et je
souhaite qu’elles soient longues et heureuses pour nous tous ici et pleines de
son souvenir. »
F I N
LE
31/12/2008
DEUXIEME PARTIE
Tout au
long du récit, Léonie s’arrête de temps à autre en souriant les yeux dans le vague.
Je sens qu’elle revit intensément cette histoire d’amour qui l’a marquée si
profondément. La communication et l’échange entre elle et Max sont faciles sans
artifice ni longs silences. Max lui parle de sa femme souffrant d’un cancer
lequel lentement, mais inexorablement la conduit vers
Pendant
un an, Max et Léonie se rencontrent au
club en se promenant et en discutant de tout et de rien. Jamais durant cette
période Max n’invite Léonie à sortir avec lui ou à le rejoindre ailleurs. Leurs
rencontres à toutes les saisons se déroulent au club. Ils se parlent avec
franchise et aucun sujet n’est tabou. Malgré les difficultés de Max qui se
mesure tous les jours à la cruelle maladie de sa femme, la bonne humeur est
toujours présente. Léonie ressent une joie intense durant ces rencontres et
bien qu’elle soit tout de suite tombée amoureuse de lui, elle ne nourrit aucun
espoir de conquête. Max lui, complètement dévoué à sa femme Lexie, ne peut se
détacher de ce monde restreint et confiné qu’il a crée autour d’elle.
Les
sorties de Max au club restent les seuls moments de sa vie qui lui permettent
de voir la réalité et le monde qui l’entoure. Là, il peut ressentir des
émotions différentes que celles qu’il s’impose au sein du cercle confinant
autour de Lexie. Comme une soupape de soulagement, ses conversations et
rencontres avec Léonie procurent à Max l’occasion de respirer un air plus
vivifiant et lui servent de diversion. De plus en plus, cette bouffée de
fraîcheur que lui apportent leurs rencontres augmente son désir d’échanger des
idées, des connaissances ou simplement se laisser aller avec une personne qui
n’exige rien de lui. Dès le début, en dépit de son jeune âge, Léonie comprend
les besoins de celui qu’elle appelle « mon copain Max ». Ses amis ne
voient pas d’un bon œil cette amitié avec un homme plus âgé et ne cessent de
lui présenter des jeunes gens en voie de lui trouver un mari. Toujours en
riant, Léonie se dérobe à toutes leurs manœuvres.
Tout au
long de ce récit, j’écoute avec attention et je devine la profonde émotion
qu’elle éprouve. Je comprends instinctivement qu’elle n’a raconté à personne
ces incidents pourtant si importants dans sa vie. Léonie m’explique alors qu’elle considère
sa relation avec Max en quatre parties « comme les saisons »
dit-elle. La première tranche de quelques semaines est telle que le printemps.
Ils se rencontrent tous les jours pour une demie heure ou trois quart d’heure
pour faire plus ample connaissance.
Ensuite,
ce qu’elle définit comme l’été, c’est la période
où ils se rendent compte enfin que leurs
rencontres prennent une grande importance soit pour l’un que pour l’autre. Ils
ressentent tous les deux une telle impatience à se revoir et à communiquer que
petit à petit, ils passent de plus en plus de temps ensemble. Ils se voient
tous les jours, et sans hésiter, les problèmes qui ont trait directement à leur
existence deviennent d’importance primordiale.
Avec un
langage très simple et avec compassion, Léonie me raconte comment Max soigne sa
femme et s’occupe de ses moindres besoins. Il l’avait épousée par amour et leur
union avait été pleine d’entente et de bonheur jusqu’au jour où elle découvre
sa maladie. Il lui parle de ce calvaire
journalier que Lexie vit avec courage sachant que la fin ne pouvait plus être
très loin. Durant ces mois, au cours desquels Max et Léonie ne peuvent plus se
passer l’un de l’autre, leur amour grandissant les emplit de craintes ; un
sentiment de culpabilité les tourmente.
Tout en écoutant Léonie, je n’ose arrêter le flot de ses paroles mais n’empêche
que ça et là je dépiste des lacunes à
son récit que je décide de tirer au clair plus tard.
C’est
alors que l’hiver arrive avec la nouvelle qui la glace bien qu’elle s’y
attende. Max lui annonce que probablement Lexie ne survivrait pas
Un long
silence s’écoule avant qu’elle ne reprenne la conversation pour me dire, que
les jours passent et que la situation politique en Egypte se complique. L’état
d’Israël est établi et la guerre de Faloujah, en Palestine de laquelle les
Egyptiens retournent complètement vaincus, cause des inquiétudes à
Au club,
Ramzi ne réussit pas à le retracer et Max n’y met plus jamais les pieds. Tout
d’abord, Léonie est convaincue qu’un accident terrible lui est arrivé ou qu’un
empêchement grave le contraint à s’absenter. Plus tard elle se dit qu’il a dû regretter
leur relation et qu’il ne veut plus
Léonie
se tait un moment avant de reprendre le récit et me décrit alors la crise
politique et le départ final avec ses parents de ce pays où elle avait passé sa
vie. Déprimée, le cœur brisé, la jeune femme ne peut se confier à personne. Les
tabous de la société dans laquelle elle grandit la retiennent et elle n’ose
point faire trop de démarches afin de savoir ce qui est arrivé à Max. Léonie se
couvre le visage de ses deux mains et je sens sa détresse qui m’envahit comme
une vague énorme de laquelle j’ai une peine à m’extirper. Je mets une main sur
son épaule sans rien dire et au bout de quelques secondes, elle se reprend en
disant que maintes fois elle se répète que tout cela n’est qu’un cauchemar et
il lui tarde de s’en réveiller!
En dépit
de toute la peine éprouvée, à ma surprise,
j’entends Léonie me dire simplement
« Il va me retrouver. Je le sais, je n’ai jamais perdu l’espoir! »
Je regarde longuement ce visage
paisible, éclairé par cette inébranlable foi qui me touche profondément. Mille
questions voltigent dans mon esprit, mais suite à cette conversation, Léonie,
refuse de rouvrir le sujet et je reste sur mes conjectures. Je ne veux pas la
torturer avec mes questions et mon analyse de la situation mais je désire
ardemment trouver d’un moyen de l’aider à retracer les pas de cet homme. En
somme, Léonie ne voulant plus communiquer à ce sujet, « l’affaire est
close » comme elle me le répète, je cesse de lui poser des questions en
attendant un moment plus propice.
Quoiqu’il
en soit, le quatre-vingt dixième anniversaire de ma Nonna approche et je décide
d’organiser une petite fête pour elle à
Ce
matin-là, j’arrive avec mon père à la maison de retraite pour visiter Nonna.
Elle le reçoit avec grande joie et émotion, et ensemble nous passons une belle
journée en famille. J’espère voir Léonie mais elle ne vient que beaucoup plus
tard le soir après notre départ. Quand je lui téléphone, Léonie promet d’être
de la partie pour fêter avec Nonna le jour de son anniversaire. Nous décorons
la salle des fêtes et je fais intervenir un pianiste, ami de mon mari pour nous
préparer un petit concert. Mon père qui cuisine à merveille se met en frais
pour faire une délicieuse lasagne et une tarte aux pommes.
Tout est
prêt pour ce samedi et pleins d’enthousiasme mon père, mon mari Roger et moi nous nous rendons
à la maison de bonne heure afin de tout organiser. Léonie m’annonce qu’elle
apporte le petit chaton que Nonna aime tant comme cadeau, ce qui me touche
énormément. A l’heure voulue, une des gardes-malades fait descendre Nonna dans
la salle des fêtes où nous l’attendons avec plusieurs des pensionnaires et le
personnel de
Le
pianiste nous demande de nous installer pour le concert et quand l’audience se
calme, il prend sa place devant le piano. Léonie n’est pas encore arrivée et je
guette la porte constamment. Il ne faut pas qu’elle manque le concert puisqu’elle aime tant la musique
classique. Mon père souriant et heureux, me regarde avec fierté et se penche
vers moi pour dire, à ma grande surprise
« Maman aurait été si fière de voir quelle belle femme tu es devenue
Nadine! ». Je me sens rougir violemment et les larmes aux yeux je le
regarde sans pouvoir répondre. Il me serre dans ses bras et chuchote
« Cela fait quelque temps déjà que je rêve d’elle. Après toutes ces
années, je peux finalement parler librement d’elle sans pleurer. » Quand
il me laisse aller, il continue « Je ne m’explique pas le fait que je me
sente comme libéré d’un grand poids. J’ai rêvé d’elle. Elle veut mon bonheur.
Tu ne vas pas croire Nadine mais elle m’a dit que tu allais avoir une fille,
oui toi! Tu seras maman bientôt et je
serai grand-père! »
Ahurie, je regarde mon père, lui qui ne
m’a jamais parlé de la sorte, lui qui ne peut pas s’exprimer librement, qui ne
parle qu’à demi mots me tient de pareils propos! Mon père qui évite tout sujet
quand il s’agit de sentiments, finalement me parle de ma mère avec tant de
simplicité que j’ai de la peine à croire mes oreilles. Je n’aurais jamais pensé
qu’il aurait cru à un rêve, ou une apparition et qu’il l’aurait mentionné. En
plus, à ma plus grande stupéfaction, il est au courant d’une nouvelle que je
garde comme surprise. Il n’y a que Roger qui le sait. Nous avons décidé de
faire cadeau à Nonna cette merveilleuse découverte que nous attendions depuis à
peine deux mois.
Tremblante
d’émotion et de joie, je prends ma place entre mon père et Roger pour écouter
le pianiste. Derrière moi, une des gardes-malades installe M. Sidès qui ne sort
de sa chambre que pour les jours de concert. C’est un homme de taille moyenne
aux épais cheveux blancs et aux yeux gris doux et tristes. Il ne parle à
personne et l’on dispose de très peu de détails à son sujet. Sans famille pour
lui rendre visite, et nouvellement arrivé
dans la maison, j’ai entendu dire qu’il avait été longtemps amnésique
avant de retrouver sa mémoire. Quoiqu’il en soit, il reste un personnage
mystérieux qui éveille ma curiosité et à qui un jour j’espère pouvoir parler.
La
musique résonne autour de moi et accompagne si bien mes pensées que je me
laisse aller les yeux fermés jusqu’à ce que les applaudissements me
surprennent. Heureuse, je regarde Roger sans parler et il comprend à quel point
je suis émue. Mon père penché vers Nonna lui parle doucement et elle lève un
visage ravi et illuminé qui reflète sa grande joie. Je ne peux m’empêcher de
penser que je suis vraiment chanceuse d’avoir autour de moi ces personnes si
chères qui m’entourent d’affection sans condition. L’absence de Léonie me pèse
pourtant parce que je désire de tout coeur la présenter à mon père et mon mari.
On sert déjà du gâteau lorsque finalement elle arrive avec un petit panier qui,
je devine, cache un chaton pour Nonna.
Les
convives accueillent Léonie dès son entrée avec des cris de joie et des regards
admirateurs. Élégante et souriante, elle pose son panier sur les genoux de
Nonna qui s’exclame avec des yeux brillants et des joues toutes rouges. Le
chaton se blottit bien vite dans ses bras et émue elle se retourne vers moi
pour me le montrer. Ravie, je fais les présentations et finalement Roger et mon
père font connaissance avec Léonie, ma grande amie! Le regard admiratif de mon
père ne m’échappe pas et je nourris cet espoir secret de voir un jour ces deux
s’aimer.
En
regardant autour de moi, je me rends bien vite compte que l’heure est tardive
pour les pensionnaires et qu’il est temps de laisser Nonna se reposer d’une
soirée si excitante pour elle. Les invités en petits groupes se préparent
chacun à remonter dans leur chambre. Je remarque que Rosa l’infirmière
italienne qui chante si bien pousse le fauteuil roulant de M. Sidès et qu’ils
poursuivent une conversation animée en italien. Finalement j’aide Nonna à
rentrer chez elle.
Mon
père, Roger et moi attendons que Léonie vienne nous rejoindre et avec quelque
insistance, mon père propose d’aller
prendre un pot dans un pub à côté. Je remarque les regards admiratifs qu’il
lance à Léonie et il s’empresse autour d’elle avec un charme que je ne lui connais
pas! Elle finit par accepter et le cœur battant, je les suis pour nous
installer autour d’une table dans un coin tranquille. Je regarde mon père et
mon amie avec émotion. Ils semblent être faits l’un pour l’autre. Léonie se comporte comme à son habitude avec
grâce et enthousiasme, mais je crois voir une pointe d’intérêt s’allumer dans
ses yeux chaque fois que mon père s’adresse à elle.
Quoiqu’il
en soit, ce soir-là, Roger et moi annonçons que nous attendons un bébé pour le mois
d’avril et le visage rayonnant de fierté de mon père me fait chaud au cœur. En
l’honneur de cet événement, nous décidons tous de célébrer en nous réunissant
autour d’un dîner chez nous. Léonie accepte à condition de préparer un plat
pour contribuer au repas. Cette nuit est gravée à jamais dans ma mémoire comme
une des plus importantes de ma vie. Je retrouve mon père et je baigne avec joie
dans sa sollicitude et son affection comme s’il voulait effacer d’un coup
toutes les années de solitude et de souffrance par lesquelles nous avions tous
les deux passés.
Quelques
jours plus tard, Rosa une des infirmières à la maison de retraite, me demande
de la suivre dans la salle d’attente. Elle me tend une feuille de papier
jaunie, pliée qui semble être fragile et très ancienne.
« J’ai pensé
que tu saurais qui a écrit cette lettre Nadine, puisque tu connais tous les
pensionnaires de la maison. » En souriant elle me laisse lire cette
extraordinaire missive qui immédiatement me fascine en me forçant de devenir un
fin limier le nez sur une piste intéressante. Cette lettre, sans date, me
semble quand même avoir été écrite depuis plusieurs années et gardée avec soin
dans la poche de la personne qui l’a reçue. Au bout de la lettre sans
signature, la page est déchirée comme arrachée.
Ma curiosité en
éveil, je lis rapidement le texte écrit à
« Mon Amour,
Quand tu recevras cette lettre, je serai bientôt en
route vers toi. Je m’envolerai avec de nouvelles ailes malgré la tristesse qui
m’accable. La personne qui te donnera ceci est digne de confiance. C’est mon
ami Michel et il te fournira tous les détails nécessaires pour que nous puissions
nous revoir.
Excuse le retard mis à te rejoindre mais tu connais
bien mes circonstances et je suis sûr que tu me pardonneras. Il y a juste un
mois j’ai eu un terrible accident de voiture. Je me remets petit à petit et
c’est pour cette raison que j’ai demandé à Michel de venir te voir pour tout
t’expliquer.
Ma bien-aimée, je te jure que je n’ai rien oublié. Ce
n’est qu’un obstacle sur notre route que nous pourrons certainement facilement
surmonter. Je pense à toi tous les jours et j’attends avec impatience de te
revoir.
Michel te donnera mon adresse et si tu le veux bien il
pourrait même te conduire pour que tu viennes me voir car je ne suis pas en
mesure de voyager en ce moment.
A très bientôt mon amour, je compte les jours et les
heures et je rêve de te serrer dans mes bras.
A toi pour toujours,
Je reste
longtemps assise avec la lettre ouverte devant moi. Touchée par ce témoignage
d’amour, je passe en revue mentalement les différents pensionnaires de
Je plie
alors la lettre et je la mets dans mon sac afin de réfléchir à un plan pour
retrouver la personne à qui elle a été écrite. Dans la maison de retraite, il
arrivait souvent que des personnes oublient ou perdent des objets qu’elles
n’utilisent pas journellement. Souvent, les pensionnaires qui ont des albums de
photos ou des boîtes de chaussures pleines de souvenirs de leur passé les
partagent avec leurs amis dans la salle de séjour. Il est fort possible que
quelqu’un ait laissé échappé cette lettre.
Je me
suis mise à la tache tout de suite en regardant la liste des pensionnaires de
la maison de retraite afin de trouver quelques indices. Après quelques heures
de recherches infructueuses, je me rends à l’évidence que c’est comme chercher
une aiguille dans une botte de foin. Finalement, je décidé de mettre une
annonce sur le tableau à la salle à manger demandant à la personne qui aurait
perdu une lettre personnelle de venir la chercher au bureau.
En
voyant Léonie, samedi matin, j’ai la brillante idée de la lui montrer. En la
regardant lire, je remarque tout de suite qu’elle rougit et qu’elle est très
émue. Elle s’assoit dans un des fauteuils du salon et me regarde fixement de
ses grands yeux d’ambre pleins de larmes.
- Qui t’a donné cette lettre Nadine? Il y a quelque
chose … » elle tremblait et avait de la peine à parler.
- Reconnais-tu
cette lettre? Sais-tu de qui il s’agit? Qui est la femme? Serait-ce toi par
hasard? Je ne pouvais m’empêcher de la questionner, mais elle ne répondait pas,
elle hochait la tête d’un air perdu.
- Nadine, ce n’est
pas ma lettre mais elle aurait pu facilement m’être adressée…Il n’y a personne qui l’a réclamée?
Elle respirait avec difficulté. Je me fais peut-être des idées… Nadine, il faut
retrouver la personne qui a reçu ou peut-être même écrit cette lettre!
à suivre---à suivre---FIN DE LA DEUXIEME ---à suivre---à suivre
LE
31/10/2008
Un conte moderne de
PREMIERE PARTIE
Lorsque
Maurice Hanein retrouve son ami Sayyed Mohsein, il est agité d’une émotion
difficile à contrôler et retient avec peine son agitation.
- Cher ami, je dois
te dire que c’est la fin de notre communauté en Egypte. J’ai vécu toute ma vie
ici au Caire et j’ai toujours pensé que j’étais Egyptien. L’histoire de ma
famille comme tu le sais si bien remonte à des siècles dans ce pays mais la
nationalisation du Canal de Suez par Nasser …
- Maurice, écoute. C’est normal non ? Le canal
appartient aux Egyptiens, et l’attaque des anglais, français et Israéliens est
totalement injustifiée…
-Sayyed, nous n’allons
pas commencer à discuter de cette guerre…Tout ce que je sais c’est que depuis
la révolution, le départ des Anglais et la chute du roi Farouk la situation n’a
fait que se détériorer. Finalement voilà le résultat…
Maurice
écrase sa cigarette à peine commencée dans un lourd cendrier de cristal taillé.
Son agitation et son inquiétude sont évidentes. Son interlocuteur, Sayyed l’observe en silence; ses lourdes
paupières cachent son regard pénétrant.
- Tu ne penses pas
que tu exagères un peu cette histoire? Sa voix se fait conciliante. Vous les
juifs, vous avez tendance à voir le mal
partout! Nous sommes des amis d’enfance toi et moi et sans être de la
même religion, nous nous considérons comme des frères. Je ne pense pas que tu
es mon ennemi…
- Arrête Sayyed, tu
sais très bien que je ne parle pas de toi ou de nos amis. La situation
politique une fois de plus devient précaire et l’affaire Suez ne l’a pas
améliorée. Ce n’est pas seulement un problème juif. Une foule d’autres nationalités se trouve dans l’obligation
de quitter puisqu’ils se sentent méprisés et non désirés. Quant à la communauté
juive, comme tu le sais, une grande partie a
déjà quitté le pays ou bien en est expulsée. La voix de Maurice tremble un peu
et il regarde Sayyed avec insistance en continuant. Ce matin même les mokhabarates
(la police secrète) ont
mis les scellés à mon magasin et je ne peux plus accéder à mon compte en
banque…
- Voyons ce n’est
que temporaire, nous t’en sortirons de là, interrompt
Sayyed en se penchant vers son ami. Nous avons des connections…
Maurice
fait un geste excédé et se lève brusquement. C’est un homme grand de taille,
mince et nerveux. Il passe une main dans ses cheveux prématurément gris et ses
yeux bruns lancent des éclairs. Il s’arrête devant Sayyed et s’écrit avec
colère « Mais tu n’as rien compris Sayyed! Il ne s’agit pas de moi seul.
C’est la fin, nous les juifs et tous les étrangers, nous allons quitter
l’Egypte, Nasser a gagné! »
Sayyed
se lève et tente de calmer son ami qui est en proie à une violente émotion.
Maurice est un homme de tempérament plutôt placide et Sayyed se rend finalement
compte que son ami désespéré par la situation est dépassé par les événements.
Maurice n’est pas le seul à se demander ce que l’avenir lui réserve. Des
milliers de juifs habitant l’Egypte depuis des générations se sont trouvés du
jour au lendemain soit expulsés par les autorités, soit quittant le pays de
leur propre gré. Pour la communauté juive,
l’affaire de Suez présente une situation devenue intolérable. Pour la
plupart de ces familles, spoliées de leurs biens, sans ressources et sans
travail, il est impossible de rester dans ce pays qui par le passé s’était
pourtant enorgueilli de leur présence.
Sayyed
se souvient qu’en effet, pendant plusieurs siècles, les Juifs d’Egypte ont
toujours été bien traités et bien accueillis en
Egypte lorsqu’ils étaient expulsés d’ailleurs. Du temps des Ottomans, le
gouvernement les encourageait à s’installer principalement au Caire et beaucoup
d’entre eux conseillers des Khédives, commerçants et économistes, journalistes
et médecins se sont enrichis et ont contribué
au rapide progrès de cette société. Instruments essentiels à l’économie
et au développement du pays, les Juifs occupent dès lors, une place d’honneur
dans la société dirigeante, côte à côte avec les Coptes et les Musulmans.
Interpellés
par les dirigeants Ottomans, l’arrivée
des Anglais en Egypte donne plus de pouvoir à ces derniers afin de
gouverner. L’ambition des khédives
d’imiter l’Europe en tout, permet aux étrangers vivant en Egypte de s’allier
aux anglais pour apporter les changements nécessaires afin de faciliter
l’entrée de l’Egypte dans les temps modernes.
- Toi-même et les
tiens mon ami, continue Maurice plus calmement, vous craignez ce pouvoir que
recherchent les jeunes Nationalistes Egyptiens, qui pour refouler le joug des
Turcs et des Anglais voient d’un mauvais œil la coopération des Anglais avec
- Nous sommes au
seuil d’une ère nouvelle mon ami, répond Sayyed conciliant. L’expulsion des
Anglais et la chute de la royauté ont certainement causé des ennuis pour
certains d’entre nous. De plus la montée de l’intégrisme n’est pas une solution
pour l’indépendance du pays, Mais au fond, que veux-tu, cela nourrit l’esprit
des pauvres jusqu’à ce qu’une démocratie s’établisse en Egypte, une démocratie
qui puisse les prendre à charge… soupire Sayyed.
- Mais tu rêves en couleur
mon frère. Ecoute, ce n’est pas le moment de discuter, je suis simplement venu
te dire que je compte quitter au plus vite le pays. Ma femme a de la famille en
Amérique et …Maurice s’arrête brusquement en voyant Sayyed se lever d’un bond
et s’élancer vers lui. Les deux hommes se regardent longuement avec une émotion
à peine voilée et Sayyed saisit son ami par les épaules et d’une voix
tremblante murmure « Est-ce vraiment inévitable, « ya
akhi »? ». Maurice éclate en sanglots sans retenue et hoche la tête
avec tristesse. Ils restent là, rêveurs, pensant avec nostalgie à toute une vie d’amitié brusquement interrompue.
- Je te ferai
savoir « ya akhi », se reprend Maurice en s’épongeant le visage et
ses yeux rougis. Mes plans ne sont pas très définis en ce moment j’ai trop de
choses à régler. Viens donc dîner à la maison vendredi et on en reparlera. Il se redresse et maîtrise la panique
soudaine qui semble se saisir de lui.
- Bon, mon cher, je
suis désolé et je ne sais plus comment je pourrais te dissuader de prendre
hâtivement une décision si importante. Si jamais tu as besoin de mes relations
au ministère ou de recommandations…. je suis à ton service. Ce qui est à moi et
à toi mon ami, tu le sais. Sayyed lui serre la main avec force et tente par son
regard plein de sollicitude de lui communiquer les sentiments profonds qu’il
éprouve et la détresse qui l’envahit à l’idée de cette séparation.
Peu de
temps plus tard, avec regrets, Sayyed et ses amis se rendent à l’évidence que
les réformes de Nasser et leur espoir de voir l’Égypte faire partie du monde
moderne occidental échouent. La réforme agraire ne donne pas de résultats et le
« fellah » reste aussi pauvre qu’avant de posséder un lopin de terre.
Le coton égyptien vendu à l’avance aux Russes ne rapporte pas les gains
espérés. Le contact entre Sayyed et Maurice est brusquement rompu lorsque les
Juifs commencent à quitter le pays en masse.
La plus
grande partie de cette population déplacée trouve refuge en Israël, mais le
reste s’éparpille en Amérique du nord et du sud ainsi qu’en Europe pour se
refaire une nouvelle vie avec toutes les difficultés que cela implique. Il faut
tout oublier du passé pour recommencer de zéro.
Pour la plupart, même s’ils ne doivent pas apprendre une nouvelle
langue, ils sont obligés de s’adapter à de nouvelles conditions de vie très
différentes de celles qu’ils ont vécues jusqu’alors.
Maurice
Hanein, sa famille et ses vieux parents, quittent l’Egypte sans papiers
officiels et se trouvent aidés par l’organisation Juive internationale afin
d’immigrer aux États-unis. C’est ainsi que pour eux et pour les Juifs d’Egypte
commence le deuxième Exode de ce pays. Maurice Hanein comme d’innombrables
juifs dispersés de par le monde refait sa vie et s’intègre dans la société du
pays qui l’héberge. Jamais les Juifs d’Égypte n’exigent de réparations ou
d’indemnités pour les pertes endurées à la suite de leur expulsion de ce pays.
Jamais une plainte ne leur sort de la bouche contre le pays qui les a spoliés.
Cette communauté qui réussit à s’intégrer dans la culture de plusieurs pays du
monde, se souvient de l’Egypte avec amour et partage les beaux souvenirs de
leur enfance.
Mes
parents arrivent au Canada à la suite de tous ces évènements bouleversants qui
changent le cours de leur vie. Ils choisissent le Canada car étant d’éducation
française, ils préfèrent un pays où cette langue est parlée plutôt qu’un milieu
totalement anglophone. Je suis née à Montréal et n’ayant entendu parler de la
vie en Egypte que par ouie dire, je décide un jour d’écrire un article sur les
ressortissants de ce pays. Ayant perdu ma mère toute jeune, ma grand’mère, que
j’appelle Nonna, s’occupe de moi. Sur
ses genoux, je l’entends parler de l’Égypte avec poésie et amour et une nostalgie
qui me fait envie. Elle a un passé impressionnant et inoubliable.
Je
grandis en écoutant les souvenirs de ma Nonna, certainement enjolivés par la
distance et le temps mais qui m’enseignent tant de choses sur la vie et la
culture de mes ancêtres. Ces récits m’ouvrent des horizons riches et multicolores
d’un mode de vie qui n’existe plus. Je m’enrichis de récits passionnants,
historiques et en même temps pleins de sagesse et de philosophie. Vers la fin
de sa vie, quand ma grand’mère finalement se retrouve dans une maison de
retraite à Toronto, je rencontre des personnes elles aussi issues des mêmes
origines. J’ai le bonheur de connaître Léonie, une femme exceptionnelle et
c’est son histoire que je raconte.
J’ai
toujours voulu aider les personnes souffrantes, me dit-elle. Et c’est pour cela
que je fais du volontariat. Au cours de mes visites dans différentes maisons de
retraite et asiles de vieillards où les pensionnaires souffraient de la maladie
d’Alzheimer, de dépression chronique et autres problèmes mentaux, j’emmenais
toujours mes chiens. Toutes les recherches que j’avais lues démontraient que des personnes âgées ou
malades pouvaient pleinement profiter de la présence d’un animal même si cela
n’était que pour quelques heures par jour. J’en ai bien vite eu la preuve!
Léonie
m’explique donc qu’elle constate que des patients apathiques et mélancoliques,
les déprimés et les désespérés, se mettent
soudain à sourire et à regarder les
chiens gambader. Pour la plupart, ils démontrent le désir de caresser les
chats, et les petits lapins blancs qu’elle apporte avec elle. Témoins de cette
extraordinaire réaction qu’ont les pensionnaires, la direction de la maison
« Fairhill Home» accepte tout de suite sa proposition de planifier un
programme régulier de visites.
Sa
réussite dans ce champ, l’a encouragée avec le temps à canaliser tous ses
efforts sur cette voie. C’est à ce point qu’elle avait décidé de faire de cette
activité sa carrière. Suite à cela, fort
en demande comme conférencière, elle s’était engagée à voyager et à donner des
conférences un peu partout en Amérique du Nord au sujet de ce type de thérapie.
Le
hasard veut que ce soit à
« Fairhill Home » où ma Nonna commence sa résidence que je rencontre
Léonie ainsi que plusieurs pensionnaires originaires d’Égypte. Leur histoire
est similaire à celle de ma grand’mère et elle éprouve un grand plaisir à
échanger avec eux ces souvenirs qui deviennent pour eux une source d’émotion et
de détente. Léonie vient tous les jours avec ses chiens et chats qu’elle
distribue aux différents étages de
Chaque
fois que je vois Léonie arriver avec ses animaux telle une reine de la jungle,
je me demande d’où elle puise cette énergie et cet idéalisme qui
- Mais comment par
amour? Tu ne t’es pas mariée par amour? Ma question ne l’a surprend pas.
- Oui, l’homme que
j’aimais…que j’aime, n’était pas libre, c’est tout.
- Tu l’aimes
encore, mais il n’est toujours pas libre, c’est ça? Ma curiosité éveillée, je
ne peux plus m’arrêter. Elle hausse légèrement les épaules et son regard devenu
vague m’évite.
- C’est bien plus
compliqué Nadine…un autre jour peut-être… Elle se lève en souriant et
l’entrevue est terminée.
Avec le
temps, je m’habitue à rencontrer Léonie presque tous les jours, elle vient
rester avec ma grand-mère quelques minutes pendant les après-midi, ce qui
provoque chez ma chère Nonna un beau sourire et une bonne humeur qui dure des
heures. Finalement une affectueuse familiarité s’est installée entre nous et à
bâtons rompus nos conversations mènent à des sujets plus personnels. Nouvelle
mariée comme je suis, mais un peu surpassée par le travail et les
responsabilités au foyer je commence à me sentir plutôt stressée.
Je
constate qu’il est très facile de me confier à Léonie qui écoute toujours avec
attention et ne fait des commentaires que lorsque je le lui demande
directement. Très vite, me voilà en train de lui confier l’histoire de ma jeune
vie. Etant orpheline de mère depuis mon
jeune âge, Nonna, ma grand-mère maternelle m’a accueillie et élevée. Resté seul, mon père inconsolable voyage
beaucoup pour son travail et de ce fait n’a pas le temps de s’occuper de moi.
D’ailleurs je me préoccupe encore aujourd’hui à son sujet car bien qu’ayant
déjà soixante ans il travaille comme pour s’étourdir et est bien incapable de
prendre un jour congé pour se reposer.
J’espère
le faire venir à la maison de retraite pour lui présenter Léonie et ses chiens.
Sachant qu’il aime les animaux, je suis convaincue qu’il s’intéresserait à
Léonie. En fait, je joue à Cupidon mais je ne peux m’en empêcher. Je me souviens quand j’avais 12 ou 15 ans, il
m’avait offert un beau chien labrador
qui était resté auprès de nous, compagnon de mon adolescence jusqu’à sa mort. Cela fait des années que je
tente de convaincre mon père à reprendre un autre chien mais en vain. Il a
perdu un peu de son enthousiasme, voyageant trop et ne restant pas souvent à la
maison! Mon père se sert de maintes excuses pour cacher le fait qu’il est
malheureux. Je me morfonds sans cesse pour lui mais ma Nonna me répète que je
n’y peux rien. « Un jour, me dit-elle, il retrouvera le goût de
vivre! »
Un soir,
à la maison de retraite durant une panne d’électricité les gardes-malades et le
personnel de la maison font venir tous les pensionnaires dans la grande salle
des fêtes. Ils allument des bougies et dans la pénombre une sorte d’intimité
s’installe. Léonie arrive à ce moment
avec un chaton dans les bras qu’elle
pose sur les genoux de Nonna qui émue, l’a remercie avec chaleur et
elles restent bavarder un bref moment.
Comme le
courant ne retourne pas encore, je décide avec l’aide de Léonie d’accompagner
Nonna dans sa chambre car étant fatiguée par toutes les émotions de la journée
elle désire dormir. Au retour, je demande impulsivement à Léonie « Est-ce que
tu vois cet homme dont tu m’as parlé l’autre jour? » Elle s’est mise à
rire de bon cœur et me répond « Tu es vraiment curieuse ma fille! Non, je
ne le vois plus car il a disparu de ma vie! »
- Mais enfin, tu
m’étonnes de plus en plus Léonie! Raconte-moi donc ton histoire, tu peux me
faire confiance! Soudain dans le hall d’entrée l’électricité se rétablit.
Léonie me lance un coup d’œil d’un un
air sérieux comme pour juger si c’est une bonne idée de se confier à moi.
- Je dois rentrer
les animaux au bercail d’abord Nadine et ensuite si tu veux, nous pouvons nous
rencontrer au resto du coin, tu connais? Elle incline la tête légèrement, geste
typique quand elle pose des questions.
- D’accord, de
toute façons mon mari ne m’attend pas de si tôt.
Émue, je
considère le fait que finalement je vais avoir la clé du mystère qui entoure la
vie de Léonie. Ce n’est pas par simple curiosité, mais grâce à nos
conversations journalières j’avais développé pour elle une amitié sincère et
une admiration pleine de respect. Son dévouement et sa gentillesse constante,
sa patience et aussi sa présence rassurante sont devenus nécessaires pour moi
et pour ma grand’mère qui ne jure que par elle. Ce soir-là, nous nous
rencontrons au resto grec du coin et
nous nous régalons de bon appétit et voilà que je m’installe carrément devant
elle pour écouter le récit de sa vie.
Bien
qu’elle ne soit plus très jeune, Léonie a une vitalité admirable et une
attitude positive envers tout. Elle semble ne voir que le bon côté des choses
sans pour cela être naïve ou simple. Son intelligence se transmet facilement à
travers son regard curieux et ouvert et sa façon franche et directe de parler.
Elle a d’épais cheveux longs, châtain foncé avec quelques fils gris qui s’y
insinuent avec élégance. Quelques mèches lui tombent souvent sur le front et
d’un geste gracieux, elle les repousse en rejetant la tête en arrière. Ses
grands yeux bruns tachetés d’ambre bordés de longs cils qui pétillent toujours de bonne humeur. Léonie
n’est pas d’une beauté remarquable, ses traits réguliers n’ont rien de
particulier. Mais sa peau lisse et presque sans rides, toujours bronzée grâce à
s ses longues randonnées dans la nature, reflète la bonne santé. Son allure
sportive et énergique, résultat de ses fréquentes activités en plein air
rayonne d’une telle sérénité et bonté qu’on ne peut s’empêcher de la trouver
belle.
Née au
Caire, Léonie fréquente le Sporting Club où elle joue au
tennis avec ses amies. Par un frais matin de printemps elle voit Ramzi, son entraîneur
sur le court se démenant en plein, dans une partie de tennis avec un adversaire
qui se mesure bien à lui. Ce dernier est un homme de taille moyenne, de carrure
athlétique, en pleine forme, aux cheveux légèrement bouclés et aux yeux gris,
brillants dans un visage à la peau hâlée. Voyant cet homme pour la première
fois, Léonie est très vite attirée par son regard ouvert et son sourire franc
et sincère. Quand la partie de tennis se termine, elle va à la rencontre de
Ramzi qui lui présente Max en ajoutant que c’est un ami de longue date qui
aurait pu être champion de tennis s’il l’avait voulu!
Totalement
séduite par Max dont le sourire et les yeux
irradient la bonne humeur, Léonie
accepte de le rencontrer pour une partie de tennis le jour suivant. Sa
poignée de main amicale, franche et sincère sans excès de pression, rassure la
jeune fille. Ramzi pourtant, l’avise sans ménagements que Max un excellent
joueur de tennis et un athlète accompli, qu’il est marié et d’au moins sept à
huit ans son aîné. Bien que déçue par le fait que Max ne soit pas libre, Léonie
décide quand même de le revoir si toutefois il est prêt à disputer quelques
parties de tennis à une novice.
Pour la
première fois de sa jeune vie, Léonie ne se méfie point d’un étranger comme
elle a l’habitude de le faire; elle qui s’éloigne au moindre geste que les gens
font pour initier une conversation au club ou dans un café. Cette fois-ci, elle
ne se demande pas si le sourire de Max cache des arrières pensées. Elle, qui ne
fait confiance à personne, s’est sentie conquise tout de suite et cette
rencontre fortuite un matin de printemps aurait pu s’arrêter là. Mais le
hasard, le destin ou la providence a voulu qu’il en soit autrement.
à suivre---à suivre---FIN DE
LE
31/08/2008
(el assab)
Il me semble
aujourd’hui que l’hiver était la saison de la canne à sucre. Je ne suis pas
sûre mais ce dont je me rappelle avec certitude, c’est le plaisir énorme et l’impatience
avec laquelle ma sœur, mon frère et moi anticipions l’arrivée de ce fruit.
Avec notre dada
Fahima nous nous asseyions sur le tapis de notre chambre couvert de papiers
journaux. Elle apportait une longue tige
de canne à sucre qu’elle coupait en plus petits segments. Ensuite, elle
taillait l’écorce sèche et rigide en bande en l’arrachant pour dégager la
chaire sucrée et juteuse de la canne.
Nous la regardions
faire avec fascination et l’eau nous venait à la bouche en imaginant le goût
délicat et parfumé. Après avoir donc enlevé l’écorce, elle coupait le fruit en
petits bâtonnets et tendait à chacun de nous un morceau. En hâte et avec
gourmandise nous sucions sur le morceau de canne à sucre en faisait toutes
sortes sons et nous déglutinions le jus de la canne qui nous dégoulinait sur le
menton et dans les mains. La fibre qui restait du fruit était écartée enfin,
sèche et effilochée, vidée de son nectar sur un journal ouvert par terre placé
à cette fin derrière elle.
Le rituel
continuait jusqu’à ce que nous soyons rassasiés de ce délicieux goûter. Alors,
nous avions les mains et le visage collants de sucre et comme notre
concentration et patience s’effritaient, nous commencions à nous donner des
petites claques et des « caresses », à nous pousser sur le tapis.
Nous tombions sur le journal contenant la fibre de la canne et les écorces.
Fahima perdait patience avec nous et nous grondait en ronchonnant qu’elle
n’allait plus jamais nous donner à manger de la canne à sucre. Nous nous
calmions aussitôt car nous n’étions pas sûrs si elle aurait tenu sa promesse ou
non. Ensuite, nous l’aidions à tout ranger et rassasiés, satisfaits jusqu’à la
prochaine fois, nous allions faire nos devoirs.
Nous avons rarement
l’occasion de manger de la canne à sucre maintenant, mais chaque fois que je me
souviens de cet épisode, j’imagine facilement ces années d’insouciance pleines
de ces plaisirs simples et sains de mon enfance.
LE
30/06/2008
En fait, elle
n’était pas du tout ma
tante ! Il n’y avait aucune relation familiale. Par contre, c’était par amour
et respect que je l’appelais « ma Tante ».
Lutfia el Nadi,
était notre voisine de palier, une grande amie à mes parents et en particulier
à ma mère. Elle adorait les enfants qu’elle n’a jamais eus et gagnait l’amitié
de tout le monde grâce à une personnalité aimable, courtoise et pleine
d’attention. Sa maison était ouverte à ses nombreux neveux et nièces qui
venaient la voir et à nous, les enfants des voisins les plus proches.
Depuis ma naissance,
je ne me rappelle d’aucun jour sans que
Sur notre palier,
il y avait plusieurs appartements et je me souviens des familles qui y
vivaient. Celles qui comptaient pour nous avant tout, c’était les Morenos. Ma
meilleure amie de toujours, Renée, était en classe avec moi. A six mois de
différence dans notre âge, nos mères étant également amies, nos vies ont étés
depuis longtemps entremêlées; même aujourd’hui après cinquante ans, nous
trouvons moyen de nous revoir presque chaque année.
Les autres familles
avec qui nous étions moins intimes, les Lieberman, Adès et leur sœur célibataire
Angèle composaient le reste des voisins.
Dans l’appartement
de Tante Lutfi, Dr Shwartz aimait garder la pénombre, donc les rideaux ou
les persiennes étaient souvent fermées. Le mobilier simple et sobre rendait
l’atmosphère élégante et ordonnée. Ma sœur aimait dire que cela ressemblait à
un temple plein de calme et de sérénité avec un souffle de mystère qui nous
enchantait.
En grandissant,
j’appris plusieurs détails saisissants au sujet de ma Tante Lutfi. Elle avait
été la première pilote du Moyen-Orient, elle connaissait bien le roi Farouk et
elle dirigeait le fameux « Royal Automobile Club », non loin de notre
immeuble sur
Ma Tante Lutfi,
patiente et engagée, nous écoutait avec attention et nous conseillait toujours
de voir plus loin que la surface des événements et des choses. Quand ma sœur
tomba gravement malade d’une fièvre typhoïde, elle ne quitta pas son chevet
avec ma mère et trouva mille et un moyens de lui faire plaisir. Elle lui acheta
une superbe chemise de nuit et lui offrit de petites babioles pour lui faire
prendre patience durant cette maladie.
Ma Tante Lutfia
était très fière d’être une femme active et engagée. Elle voulait à tout prix
nous rendre conscientes Renée et moi de l’importance que l’éducation, la libre
pensée et l’émancipation pouvait apporter à une femme et par conséquent à un
pays. Elle avait une façon positive de voir la vie en grand sans crainte, et
d’aborder les difficultés avec courage.
Avec le recul des
années, je me suis demandé comment elle avait osé braver sa famille pour vivre avec un homme juif et divorcé, beaucoup
plus âgé qu’elle. Avec son nom, son origine de famille célèbre et riche, ses
exploits et sa position elle aurait pu épouser n’importe quel pacha! Mais je
compris un jour en bavardant avec elle, vingt ans plus tard à Lausanne, qu’elle
n’aurait jamais pu épouser un homme dans un mariage de convenances ou vivre
avec les restrictions qu’aurait imposée
la « Sh aria » à une femme.
Quand je pense à ma
Tante Lutfi, je comprends que d’une manière très précise, elle a influencé ma
façon de voir certaines choses qui ont trait à la valeur de la femme dans la
société et à sa contribution. Une autre dette que toute ma famille lui doit
sans aucune hésitation, c’est son support inébranlable et son aide jusqu’au
moment de notre triste départ d’Egypte.
J’ai eu la chance
de revoir ma Tante Lutfi, plusieurs fois en Europe et au Canada avant son décès
en Suisse. Je suis sûre, comme mon amie Renée, que ce que
LE
30/04/2008
( SUITE ET F I
N )
Merwan,
avoua à son ami qu’il était convaincu, que Nefer Hathor essayait de le
contacter de l’au-delà. Pour quelle raison? Il était incapable de justifier sa
conclusion. Surpris par ce changement advenu chez Merwan, Winters fit un
commentaire au sujet du fait qu’il pensait que Merwan ne croyait pas à ces
idées de vie après la mort ou de réincarnation!
Dans un sanglot qu’il ne put réprimer, Merwan s’écroula sur son fauteuil
et s’épancha en décrivant ses sentiments, son envoûtement et sa fascination
avec Nefer Hathor depuis la découverte du manuscrit. Winters se dépêcha de lui
commander un verre d’eau froide et de le calmer avec des paroles d’amitié
rassurantes.
Inquiet
pour l’état d’esprit de son camarade, Winters l’accompagna jusqu’à sa chambre
afin de lui donner le temps de se reposer un peu avant de sortir dîner avec les
autres membres de l’expédition. Il fallait prendre des dispositions au sujet du
site et le groupe devait venir les rencontrer. Winters retourna à son logement
dont le balcon donnait plutôt sur le désert que du côté du fleuve. En regardant
ce vaste espace de sable et de roches imposantes qui s’étalait à ses pieds, il
essaya de mettre de l’ordre dans ses idées. La confession de Merwan et
l’angoisse qui l’accompagnait, l’avaient beaucoup touché et en même temps
surpris.
Epuisé
par le voyage et les événements, Winters regarda autour de lui. La chambre
claire, modeste mais spacieuse avait des rideaux aux grandes fleurs
multicolores et des meubles confortables en osiers, tout comme la chambre de
Merwan. Une horloge aux chiffres romains se trouvait au-dessus d’un bureau de
bois énorme sur lequel, une lampe trônait à côté du téléphone. En face du bureau,
un lit surplombé d’une moustiquaire, « namouseya » en voile blanc,
occupait tout le coin près du balcon
dont les rideaux flottaient à peine dans la brise du soir. Une porte menait
vers un placard avant d’arriver à la salle de bain.
Après
avoir accroché ses vêtements dans la penderie, Winters prit une douche froide
et se coucha sur le lit qui grinça un peu sous son poids. Il ne savait que
penser de tous ces incidents advenus à son ami. Soudain, la lampe au-dessus de
son lit s’éteignit et pour un moment surpris il ouvrit de grands yeux dans le
noir. Quand la lumière fut rétablie, Winters remarqua un détail dans la chambre
qu’il n’avait pas vu auparavant. Il y avait une porte attenante à la salle de
bain. Il se leva, en se demandant où elle pouvait mener. Curieux, il tendit la
main pour tâter la porte et sous la pression de ses doigts, le battant bascula
sans effort.Winters, conscient de l’étrange atmosphère qui régnait dans la
salle où il fit irruption, s’aperçut que des torches fixées aux murs
illuminaient le tout d’une teinte rougeâtre et or. Une forte odeur d’encens
flottait dans l’air et une voix entonnait une incantation monotone et
répétitive. Winters continua son exploration de la salle qui semblait être
énorme et vide. Au moment où il allait se retourner pour retourner dans la
chambre de laquelle il était sortit, le jeune homme se trouva en face d’un
personnage vêtu d’un pagne de lin blanc comme un ancien égyptien.
Les deux
se regardèrent intensément, Winters choqué, reconnut en cet étranger sa propre
image. C’était bien lui, Ian Winters en personne, son double en chair et en os.
Comme lui, l’Egyptien était grand de taille, athlétique et musclé, avec un
visage sérieux et des yeux bleus brillants, et intelligents qui le fixaient
sans hésitation. Winters tenta de parler mais aucune parole ne sortit de sa
bouche et la gorge serrée, il resta immobile.
A ce
moment, la voix qui chantonnait s’arrêta ainsi que la musique qui
l’accompagnait. L’image de Winters se retourna pour accueillir la silhouette
d’une femme qui s’approchait lentement. Winters fit un pas en avant pour voir
de qui il s’agissait et ce mouvement causa la pénétration de son corps dans
celui de l’étranger et il devinrent un. Devant lui, apparue la plus belle femme
qu’il ait jamais vue, Nawal, elle-même.
Ahuri,
il fixa cette Egyptienne, richement parée, élégante et gracieuse. De petite
taille, elle semblait fragile et complètement subjuguée par son regard à lui.
Un parfum de rose s’émanait d’elle et une clareté lumineuse l’entourait. Sa
peau couleur de miel luisait et ses grands yeux ambrés le fixaient avec amour.
Elle tendit les mains vers lui et il les saisit en l’attirant dans ses bras.
Sans résistance aucune, la femme murmura quelques mots avant de se laisser
envelopper par lui. Il n’était pas sûr de la langue qu’elle utilisa mais il
comprit qu’elle disait « Finalement mon amour, nous nous
retrouvons! »
Une
porte claqua dans le silence et la sonnerie du téléphone le réveilla
brusquement. Encore sous l’emprise de son extraordinaire expérience, Winters
sursauta et d’un coup, retourna à
Quand,
Merwan entra dans la chambre de son ami, il se rendit compte que ce dernier
était encore étourdit et il le questionna anxieusement. Winters lui avoua qu’il
venait de vivre une expérience extraordinaire, qu’en quelques mots il lui
raconta. Abasourdit, Merwan s’assit sur le bord
du lit et le regarda son ami avec des yeux hagards.
_Comment? Nawal? Tu
dis bien Nawal? Mais Nefer Hathor alors? s’exclama-t-il.
_Mais je ne sais
pas, Awad, je ne suis sûr de rien! Cela m’est apparu comme si les deux étaient les
mêmes personnes. Déjà, en venant sur la dahabieh je pensais… répond Winters
_Quoi sur la
dahabieh? Tu l’avais vue, et tu ne m’avais rien dit? hurla Merwan.
_Eh bien quoi,
pourquoi cries-tu? Non, je n’étais pas sûr, je pensais que je rêvais. Rien
n’est clair, je ne peux rien expliquer…comme tu as dit, c’est un mystère!
continua Winters.
_Mais c’est à
devenir fou! Je ne comprends pas comment tu as les mêmes visions que moi!
s’exclama Merwan complètement atterré.
_Moi non plus
voyons…c’est …tout simplement incroyable…Je n’ai même pas pensé à Nefer Hathor
plus d’une ou deux fois depuis ta découverte… Mais quand Nawal m’est
apparue…j’étais encore plus choqué…
_Mais c’est ma
vision…c’est mon rêve, balbutiait Merwan éperdu.
Ian
hochait la tête avec stupeur, tourmenté par mille questions, des sentiments et
des idées qui tourbillonnaient de tous les côtés et aucune réponse rationnelle
qui lui venait à l’esprit. En perdant Nawal, il était devenu inconsolable, il
pensait mourir et si ce n’était pas Merwan et son travail, Ian serait devenu
fou. Comment Nawal et Nefer Hathor pouvaient elles se fondre en une femme?
Quelle était cette relation qui les liait?
Merwan
se leva et fit les cent pas dans
Il
tardait à Merwan et Winters de rester seuls afin de discuter et de prendre une
ligne de conduite. Après avoir bâclés leur réunion ils se retrouvèrent dans le
jardin de l’hôtel, loin du bruit et de la commotion habituelle. C’est alors,
que Merwan indiqua à son ami la fontaine en lui décrivant l’incident en
détails. Il évoqua sa vision, avec sons, lumière, parfums, ainsi que sa
troublante émotion. Winters, terriblement ébranlé par sa propre expérience
l’écoutait sans l’interrompre. Intuitif et sensible aux besoins de son ami, il
comprenait que ce dernier désirait plus que tout parler de son obsession qui
durait déjà depuis tant d’années.
Pendant
que Merwan parlait, Winters sans cesse continuait à se remémorer l’expérience
qu’il venait lui-même de vivre. Etait-ce possible qu’un monde parallèle existe
et qu’on puisse passer de l’un à l’autre au bon moment? Comment pouvaient-ils
Merwan et lui, expliquer ces incidents si troublants qui venaient de
bouleverser leur conception de vie, leurs croyances et leur profession. Winters
se souvint d’histoires qu’il avait lues, de personnes qui avaient pu traverser
d’une réalité à une autre. Mais jamais il aurait cru que cela aurait pu se
passer pour lui. L’idée qu’ils étaient en train de vivre un épisode qui
existait dans une autre dimension lui vint à l’esprit mais comment expliquer
tout cela?
Les
heures passèrent et la nuit céda le pas à l’aube. Merwan et Winter conclurent
de ne pas se quitter, même pour dormir. Winters expliqua à son ami que puisque
la porte qui menait vers une autre dimension s’était ouverte dans sa chambre,
la meilleure des choses serait de rester dans cette chambre afin de voir si
cela se répèterait. Les jeunes gens donc sans hésitation décidèrent de
commencer leur veillée. Tendus et
nerveux, tous les deux espéraient de toutes leurs forces que cette expérience
réussisse. Toutefois, Winters, avertit Merwan du danger réel qui existait et
que suite à cette expérience, les résultats risquaient d’être énormes.
Malgré
cela, Merwan n’eut aucune hésitation, au contraire, il se disait que finalement
il allait savoir à quoi s’en tenir! Il eut un moment de soulagement parce qu’il
avait pu partager ses anxiétés avec son ami. Mais ce qui le chiffonnait c’était
le fait qu’il ne semblait pas l’unique joueur dans ce drame. Son ami qui
n’avait pas initié la recherche du tombeau de Nefer Hathor et qui ne s’était pas
impliqué de la même façon semblait maintenant tenir une grande place dans ce
mystère. Il ne put réprimer un sentiment de jalousie qui le rongea. En plus,
que venait faire Nawal dans tout cela?
De son
côté, Winters lui, s’impatientait durant cette attente. Tout basculait dans sa
vie. Indifférent à l’obsession de Merwan qui durant les années passées
cherchait sans trêve le tombeau de Nefer Hathor, il éprouvait une sensation
d’aboutissement qui ne faisait pas de sens. Winters conscient de cette
inégalité entre eux, sentait la frustration de son ami face aux des événements qui se succédaient. Ian se sentait
le plus fort des deux, le plus sûr de
Le
soleil pénétrait dans la chambre quand les deux amis se réveillèrent. D’un coup
d’œil, ils se consultèrent, une nuit sans rêve ni expérience de l’au-delà se dirent-ils. Ils se mirent d’accord pour se
rencontrer plus tard pour aller sur le site des fouilles et compléter les
formalités nécessaires. Ils se
séparèrent et chacun de son côté s’en alla vaquer à ses affaires. La journée
s’écoula sans incidents et le soir ils se retrouvèrent dans la chambre de
Winters, prêts à veiller pour essayer de provoquer une incursion dans l’autre
dimension.
Merwan
allongé sur le lit et Winters assis sur un fauteuil, causaient à bâtons rompus
d’une chose et d’une autre. Dans la chambre, régnait une atmosphère d’agitation
et d’émotions réprimées. La présence de Nawal et de Nefer Hathor dont les
personnalités se fondaient l’une dans l’autre créait un mystère en suspension
qui planait sur eux sans explication.
_Awad, je pense au
tombeau de Ramon Hedef que nous avions découverts, avais-tu traduit toi même
les inscriptions qui furent retrouvées? demanda Winters à son ami.
_Non, c’est
professeur Sabri El Taher qui l’a fait. Je n’ai pas trop prêté attention à
cette sépulture… après avoir trouvé le manuscrit de Nefer Hathor. Mais je sais
que c’était un prince obscur, je crois même qu’il n’était pas Egyptien… s’étira
Merwan en baillant.
_Hum, je vois, mais
c’était bien l’époux de Nefer Hathor n’est-ce pas? Il n’y a pas de doute à ton
avis?
_Certain, en fait
maintenant que j’y pense, je crois qu’il s’était fait assassiné, ou quelque
chose de ce genre…
_Comment assassiné?
Tu n’as pas trouvé la momie… Alors comment le sais-tu? Winters debout, agité
sans savoir pourquoi, respirait avec difficulté.Voyant l’agitation de son ami
et son trouble, Merwan se leva et lescruta avec attention.
_Tu sais c’est à
cause du manuscrit… Nefer Hathor et ses poèmes, il y a des allusions voilées et
c’est comme ça que je devine…Mais, dis-moi Ian. Tu penses à quelque chose,
dis-moi!
_Je suis perturbé
au maximum car je ne comprends pas moi-même ce que je pense et où je veux en
venir. Je suis totalement bouleversé, j’ai l’impression que c’est de Nawal et
moi qu’il s’agit…j’en suis convaincu même…excuse-moi Awad… il s’interrompit en
se tenant la tête.
Merwan,
agité, regardait Winters dont les remarques lui paraissaient agaçantes commença
à faire les cent pas dans
_Tout ce que je
sais maintenant, c’est qu’en pensant à ma vision, je réalise que l’Egyptien que
j’ai vu avait les yeux bleus et me ressemblait comme un frère jumeau. A un
certain point lorsque la femme…Nawal, Nefer apparut je restais seul en face
d’elle, l’autre avait disparu, c’était moi…moi. C’est vers moi qu’elle est
venue, c’est à moi qu’elle a dit… il
s’interrompit un instant pour respirer comme s’il allait se noyer, avant
de reprendre.
_ Awad, cette
femme, c’était Nawal, j’en suis sûr, je ne peux pas me tromper! Ce qui veut
dire que nous avons été témoins d’un événement assez tragique qui a dû prendre
place dans la vie de ces personnes…nous? Je crois que nous sommes en train de
revivre ce moment, je ne sais pas pourquoi…
_Ian, tu ne veux
pas dire que tous les trois, toi, moi et Nawal avons vécus antérieurement
ensemble et que maintenant nous sommes en train de revivre un incident traumatique
qui a dû se passer il y a 3 000 ans? Mais c’est malade, c’est fou! s’écria
Merwan.
_Awad, il y a
quelque chose de très étrange que je ressens et que je ne peux expliquer. Tu as
toi-même vécu depuis cinq ans une histoire impossible… Je ne sais plus, je
perds la tête…
Winters,
debout, les yeux écarquillés, haletant, regardait Merwan qui, bouleversé et
dépassé par les propos que lui tenait son ami, restait silencieux. Winters
emparé d’une forte émotion essuyait de grosses larmes qui coulaient de ses yeux
sans qu’il ne puisse les contrôler. Incapable de continuer à parler et
totalement épuisé, Winters regardait son ami avec des yeux suppliants. Merwan,
le visage écarlate, les yeux hagards, les poings serrés se tenait debout devant
lui dans une pause menaçante et belliqueuse.
Ne
comprenant pas cette attitude, Winters s’avança vers Merwan avec sollicitude,
mais bien vite il dut reculer avec crainte car dans le visage de son ami, il
lut une haine implacable et une colère meurtrière. Merwan respirait avec
difficulté, sa bouche ouverte dans un rictus horrible dévoilait ses dents
serrées.
_Awad, ya akhi, mon frère…
_Je ne suis pas ton
frère! s’écria Merwan couvert de sueur. Il bondit brusquement vers le bureau
sur lequel se trouvait un coupe-papier qu’il saisit et Winters affolé comprit
qu’il allait s’en servir contre lui.
_Awad, pourquoi,
que se passe-t-il? Nous avons besoin de toute notre tête pour résoudre ce
problème, supplia Winters.
_Je te hais,
persifla Merwan. Tu as ravis ma princesse, la femme que je cherche depuis cinq
ans, toi un étranger… Merwan venait vers Winters avec le bras levé menaçant de
le poignarder avec le coupe-papier.
_Mais je ne
comprends pas…Awad…
_Non, tu ne
comprends jamais…c’est toujours de toi qu’il s’agit…Nawal Nefer Hathor…qu’est
ce que tu crois, elles t’appartiennent? Et moi?
Tout à
coup, la lumière s’éteignit, et dans le noir, les deux hommes s’empoignèrent.
Winters essayait de tenir Merwan à bout de bras et c’est alors que la clareté
se refit. Ils se retrouvèrent tous les deux dans la grande salle que Winters
avait vu dans sa vision. Les torches sur les murs brillaient de tous leurs feux
et les deux hommes se faisaient face haletants et troublés par la tournure des
choses. Ils se regardèrent et constatèrent qu’ils portaient de riches vêtements
égyptiens et qu’il faisait une chaleur lourde et oppressante. Sans dire un mot,
ils se retournèrent lorsqu’un parfum puissant et capiteux annonça l’arrivée de
Nawal ou Nefer Hathor. Comme une apparition, elle flotta vers eux et tout d’un
coup, ils se redressèrent pour la regarder.
_Mon bien aimé,
Ramon Hedef, te voilà finalement! J’ai tant attendu et tant prié Ptah Osiris
pour ton retour. Nous n’allons plus nous quitter désormais…
Les deux
hommes immobiles subjugués par cette voix caressante et tendre, regardaient
silencieusement cette merveilleuse vision. C’est quand elle se dirigea vers
Winters que Merwan d’un coup saisit le sens de cette scène. Nefer Hathor
(Nawal) l’épouse de Ramon Hedef (Ian) ne lui appartenait pas. C’était son mari
qu’elle désirait, c’était son mari qu’elle attendait, pas lui Userkaf (Merwan),
le scribe qui l’aimait depuis si longtemps.
Userkaf,
fils du prêtre de On avait patiemment attendu qu’elle s’aperçoive de son
existence. Eduqués au palais, Userkaf grandit avec Nefer Hathor et ses frères,
ainsi qu’avec Ramon Hedef, fils adoptif de la mère du pharaon. Il aimait Nefer
Hathor depuis qu’ils jouaient ensemble camarades et enfants insouciants. Mais
elle, ne prêtait attention qu’à Ramon Hedef. Userkaf
le considérait toujours comme un étranger car il ne ressemblait à personne, et
on ne connaissait pas son père. Nefer Hathor, sa princesse, celle pour qui il
était prêt à tout sacrifier, elle, amoureuse de Ramon Hedef, l’étranger; il
l’avait perdue à jamais.
Userkaf
et Ramon Hedef, face à face ne regardaient plus Nefer Hathor. Elle s’arrêta à
quelques pas des deux hommes. Inquiète, elle s’adressa à Merwan.
_Userkaf, mon ami
dit-elle. Pourquoi cette haine, cette colère? Tu avais promis de nous aider,
pourquoi nous as-tu abandonnés? Userkaf regarde-moi!
La tête basse, les
bras ballants, Userkaf s’inclina devant
_Mon époux
bien aimé, tu sais que tu as toujours
été le préféré de mon frère le pharaon. Mais tu avais beaucoup d’ennemis. On te
convoitait, on te jalousait et notre ami Userkaf m’a avertit d’un complot qui
s’hourdait contre toi. Nous avions décidé de ne rien te dire. C’était pour cela
que je t’avais demandé de venir me rejoindre dans le jardin ce soir là… pour
que nous puissions partir ensemble. Elle s’approcha de Ramon Hedef et posa sa
main douce et gracieuse sur son bras. Il protesta.
_Mais pourquoi me
cacher ceci…c’est injuste et dégradant. Pour qui me prenais-tu? Un enfant qui
se cache dans les jupes de sa mère? Tu n’avais pas le droit de me faire ceci!
_Mais c’est parce
que je te connais, tu aurais pris des chances, tu aurais attaqué tes ennemis…
je t’aurais perdu…Un sanglot arrêta le flot de ses paroles et elle se jeta dans
les bras de Ramon Hedef. Il la serra contre lui avec une sensation de bonheur
jusqu’alors inconnue.
_Ma femme, mon
amour murmura-t-il en caressant ce beau visage levé vers lui.
Userkaf,
furieux, aveuglé par sa jalousie, se rua vers le couple et enfouit avec force
dans la poitrine de Ramon Hedef, le couteau qu’il tenait dans
_Qu’as-tu fait
malheureux? Tue-moi maintenant, tue-moi je t’en supplie! Elle hurlait et lui
assénait des coups furieux sur la poitrine .Hébété, Usurkaf la fixait, muet et
immobile. Elle répétait sa supplication.
_Tue-moi s’il te
plait…Tu m’as laissé vivre une fois, quel cauchemar! Mais pas maintenant, plus
maintenant …mon âme et la sienne ensemble…pour l’éternité. Ne me trahis pas
encore une fois. Je t’en prie si tu m’aimes comme tu prétends, tue-moi
maintenant avant qu’il ne soit trop tard!
Finalement,
malgré la brume qui encore brouillait son cerveau, Usurkaf/Merwan comprit pourquoi elle l’avait hanté. Quand il avait
promis de les aider à fuir, il espérait la
garder pour lui en poussant Ramon Hedef à partir seul pour se protéger de la
conspiration qui le menaçait. Ramon Hedef mort ou enfuit, Nefer Hathor serait
restée et peut-être, Radef aurait pu
En un
clin d’œil qui lui parut un siècle, Usurkaf comprit la raison pour laquelle
elle l’avait cherché des années durant, même au-delà de
_Merci mon ami.
Elle souriait tendrement. Maintenant place-moi à côté de lui s’il te plait.
Oui, comme ça…
En
sanglotant, Usurkaf allongea les deux corps l’un près de l’autre. De la jupe de
Nefer Hathor alors glissa un papyrus roulé. Il jeta un coup d’œil à travers ses
larmes brûlantes. Le manuscrit contenait des poèmes d’amour offerts à Ramon
Hedef son bien aimé, signés Nefer Hathor. La peine de Usurkaf le rongeait et en
regardant les corps des amants devant lui, il ne cessa de sangloter.
C’est
alors que brusquement l’obscurité se fit. Le silence tomba et un vent froid
balaya les parfums de
_Awad, si j’ai bien
dormi? Elle est bien bonne celle-là. J’ai fait des rêves biscornus desquels je
ne me souviens pas! Et toi? Qu’est-ce que tu fais donc dans ma chambre?
_Mais…tu ne te
souviens pas? hésita Merwan en regardant son ami surpris
_Quoi donc? Mais je
crève de faim moi! Tu ne m’as pas dit ce que tu faisais ici!
_Ian, est-ce que tu
te sens bien?
_Moi? Oui,
pourquoi? C’est toi qui étais malade, rappelle-toi? Je suis rentré de Londres à
cause de ça non? Winters se leva du lit en s’étirant.
_Oui, oui, bien
sûr…je … bégaya Merwan sans savoir que
répondre. Je suis certain que tu m’as demandé de dormir ici de peur de te
sentir mal à nouveau! Et le rire détendu et communicatif de Winters retentit
dans la lumière du matin.
_Tout à fait juste
mon ami…confirma Merwan. Moi aussi je crève de faim. On y va? Je sais que le
cuisinier ici prépare un « foul
médamess » (des fèves) incroyable!
_Qu’est-ce qu’on
attend alors? Une journée merveilleuse s’annonce « Ya akhi el aziz », mon cher frère.
F I N
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-
LE 29/02/2008
(1ère
Partie)
Awad
Merwan observait le visage sérieux du docteur Aboud qui venait de terminer son
auscultation. Il appuya sa tête sur l’oreiller en écoutant le médecin lui
parler.
_ Awad, vous ne
pouvez plus continuer à ce rythme, vous travaillez trop. Il est temps de
prendre des vacances. Le docteur Aboud, rangea ses instruments dans son sac et
fixa Awad Merwan de son regard bienveillant et direct.
_Mais Docteur, vous
ne comprenez pas, nous venons de découvrir une nouvelle tombe. Voilà cinq ans
que je la cherche sans répit…c’est l’aboutissement de ma vie…. soupira Awad
Merwan en fermant les yeux, à bout de forces, épuisé et désespéré par sa propre
fatigue.
_Alors elle pourra
certainement attendre encore quelques semaines, cette tombe…Maalesh ya ebni (peu importe mon fils)
Ne pouvez-vous pas faire appel à votre collègue Ian Winters pour vous donner un
coup de main? Demanda le médecin en se préparant à laisser son patient.
_Tayeb, bien, j’ai
compris, vous avez raison Docteur Aboud. Je vais prendre des dispositions.
Merci Shukran d’être venu me voir.
Répliqua Merwan en se levant pour accompagner le docteur.
_Ne vous dérangez
point! S’exclama le Docteur Aboud. Je
connais bien le chemin. Au revoir! El salamou Aleikom!
Après le
départ du médecin, Awad Merwan, égyptologue et professeur à l’université du
Caire, essaya de mettre de l’ordre dans ses idées. Il fallait prendre des
décisions importantes au sujet de ce tournant crucial dans sa vie personnelle
et professionnelle. Pour Merwan, qui s’était lancé avec passion dans sa
profession, les fouilles archéologiques constituaient, la majeure partie de ses
occupations, et il n’était pas question de s’arrêter avant la fin de la saison,
ni même pour se reposer. A trente cinq ans, il était à l’apogée de sa carrière,
et les tombes dans la vallée et le désert avoisinant avaient été presque toutes
découvertes et cataloguées!
Ses
parents s’évertuaient à lui demander quand finalement il se marierait. Mais
Awad leur disait toujours qu’il n’avait pas le temps de s’occuper d’une femme
et d’une famille tant qu’il investissait tous ses efforts dans sa profession.
Sa mère l’observait de son triste regard et soupirait en tournant
Grâce à
d’importants fonds fournis par un riche philanthrope anglais, Merwan excavait
un tombeau non loin de la vallée des rois, en marge du désert. Lors de ces
fouilles, il découvrit une sépulture pillée et endommagée qui ne recéla que peu
d’informations. Il s’agissait du tombeau
de Ramon Hedef, un jeune prince inconnu, d’origine obscure, datant de la
dix-huitième dynastie. Sous une pile de
débris Merwan trouva un papyrus qui allait changer sa vie. Ce document portait
la signature de Nefer Hathor, la jeune épouse de Ramon Hedef. Dans ce papyrus
offert en hommage à son mari,
En
principe, ce document n’offrait rien d’original car il était similaire à tant
d’autres découverts dans d’innombrables tombeaux de
Il
trouva aussi les prières et incantations de rigueur qui faciliteraient,
pensait-on, le long et périlleux voyage vers l’au-delà. Tous ces textes d’usage
courant n’avaient rien d’étrange ou d’unique. Néanmoins, des fragments de
phrases captivèrent l’attention de Merwan et le séduisirent totalement.
« …bien aimé compagnon de ma vie, j’attends de te revoir comme tu as
promis …comme tu as promis…pour l’éternité …éternellement à toi »,
« …Isis Hathor n’a pas permis…j’aurais dû être avec
toi…retourne… », «… maudis Userkaf… ».
Fasciné
et envoûté par les poèmes qu’il ne cessait de relire, Merwan imagina cette
femme désespérée par la mort apparemment prématurée de l’homme qu’elle avait
aimé. Sans la connaître, il la voyait dans ses rêves, et les écrits qu’il avait
mémorisés lui suggéraient une femme affectueuse, tendre et poétique. Pour la
première fois depuis des années, la grande tristesse qu’il portait au fond de
son cœur se libéra et son attention se fixa sur Nefer Hathor. En dépit des
conseils donnés par ses collègues, Merwan se mit en tête de chercher son
tombeau afin de savoir comment elle était morte. Ne pouvant penser à rien
d’autre, l’infatigable Merwan poursuivit ses recherches qui duraient déjà
depuis cinq ans, allant de vaines fouilles à d’inutiles excavations.
Quelques
jours avant de s’écrouler d’épuisement, Merwan répondit à un appel de son
contremaître Abou Saïd qui lui annonça que ses ouvriers avaient découverts un
bas-relief enfoui dans le sable. Quand il se rendit sur place, il conclut
qu’ils étaient sur les lieux éventuels du tombeau de Nefer Hathor. L’entrée de
la sépulture déblayée, et les débris qui l’encombraient écartés, Merwan avait
hâte d’y pénétrer.
Ce
jour-là, une tempête de sable, un
« Khamsin » advint et
ralentit le travail. Les ouvriers
aveuglés par le sable qui leur fouettait le visage, commencèrent à bougonner.
Interprétant l’irruption de cette tempête inattendue comme un présage de
mauvais augure, les ouvriers, imbus de leurs superstitions, refusèrent de
continuer les fouilles. Ils craignaient de braver la colère des esprits et des
dieux égyptiens. Merwan eut beau les exhorter à la raison mais ce fut en vain.
Ils quittèrent les lieux sans discuter, en silence et la tête basse.
Pour
compliquer les choses encore plus, un des gardiens, cette même nuit entendit
des hurlements qui semblaient venir de l’intérieur de la tombe et qui lui
glacèrent le sang. Pris de peur, il déserta son poste et alla chercher Abou
Saïd le contremaître pour lui faire part de son expérience. Le lendemain aucun
des hommes n’accepta de retourner sur le site. Ce fut ce jour là, que Merwan
s’écroulait sur le seuil de la tombe, frustré et à bout de force. Abou Saïd le
transporta jusqu’à sa tente non loin du site et se chargea d’aller chercher le
Docteur Aboud.
Aussitôt
remis de son étourdissement, Awad Merwan convoqua son équipe afin de discuter
de l’avenir de l’excavation. L’hiver touchait à sa fin et bientôt il ne serait
plus possible de continuer à creuser. Il ferait trop chaud et les ouvriers
refuseraient de venir au travail. Il fut donc décidé de faire appel à un autre
collègue afin de déblayer les lieux et boucler le site jusqu’à l’année
suivante. Ce qui voulait dire que Merwan serait obligé de remettre l’ouverture
du tombeau à la saison prochaine.
Tristement,
Merwan se rendit à l’évidence de la sagesse de cette décision. Il envoya un
télégramme à son meilleur ami et collègue Ian Winters, égyptologue anglais qui
grandit en Egypte avec lui. Il espérait qu’il accepte de couper court ses
vacances pour lui venir en aide. Les parents de Winters, missionnaires de leur
profession avaient élus domicile au Caire pour enseigner dans une école
secondaire. Après s’être établis, ils ne quittèrent plus le pays jusqu’à leur
mort advenue récemment dans un accident d’automobile.
Awad
Merwan et Ian Winters se connaissaient depuis leur plus tendre enfance. Ils ne
se quittaient presque jamais. Ayant les mêmes goûts pour les fouilles
archéologiques, ils se portaient volontaires pour travailler sur n’importe quel
site où l’on avait besoin d’aide. Leur fascination grandissante pour l’histoire
d’Egypte et ensuite leurs études à Londres pour obtenir leur doctorat en
égyptologie les liaient étroitement. Malgré les différences qui auraient pu les
séparer, leur amitié était sincère, durable et loyale. Winters venait de partir
en vacances en Angleterre quand Merwan lui demanda de retourner. Sans
hésitations, Winters accepta et lui fit savoir qu’il arriverait dans un court délai.
Rassuré
par la tournure des événements, Merwan décida de prendre quelques jours de
repos dans un charmant petit hôtel au bord du Nil, près de Louxor. Cela le
changerait un peu de la tente poussiéreuse et encombrée d’objets dans la
laquelle il habitait tout l’hiver des fouilles. Il loua une chambre avec un
balcon qui donnait sur le fleuve. Elle était spacieuse, avec de confortables
meubles en osier et des rideaux de cotonnade imprimée à grandes fleurs
multicolores. Les propriétaires de l’hôtel le connaissaient bien et il se
sentit tout de suite à l’aise dans leur établissement.
Aussitôt
installé, il s’écroula dans le grand lit douillet et confortable. Il négligea
de fermer les persiennes de la fenêtre qui donnait sur la cour intérieure de
l’hôtel. Le soleil de l’après-midi envahit la chambre, mais trop las pour se
lever Merwan sombra dans un profond sommeil. Il lui semblait entendre une douce
musique qui le berça et il sentit tout son corps se décontracter et s’alourdir.
Mais à peine avait-il atteint un certain degré de sérénité, qu’une voix
commença à entonner un chant vaguement familier. La répétition de ces sons
étranges l’irrita.
Il se
leva et chercha à savoir d’où venait ce chant. Plus il cherchait plus il se
sentait agité et une inquiétude s’empara de lui. Il essayait de déchiffrer les
mots que la voix répétait sans cesse. Finalement il réussit à comprendre
qu’elle disait « par Ma’at, traître…tu m’as trahie…Userkaf… ». Merwan
sentait un poids sur sa poitrine qui lui pesait à l’étouffer et son angoisse
grandissante le força à ouvrir les yeux. Terrifié, il se dressa sur le lit et
regarda autour de lui, désorienté.
C’est
alors qu’il prit conscience que c’était un rêve. Trempé de sueur, aveuglé par
la lumière qui entrait par la fenêtre ouverte, le cœur battant, haletant
presque, Merwan se leva et avec un sanglot rauque qui lui déchira la gorge, il
fit un effort pour se situer. Il reconnut la chambre d’hôtel et un coup d’œil
lancé à l’horloge sur le mur lui indiqua que sa sieste avait durée deux bonnes
heures. Dans la salle de bain, Merwan baigna son visage à grande eau et se
regarda dans le miroir.
Grand de
taille et bâtit comme un athlète, Merwan se trouva pâle sous son hâle habituel.
Ses yeux bruns énormes dans son visage inquiet et maigrit lui semblaient
hallucinants. Il se passa une main
tremblante dans ses cheveux noirs bouclés, trop longs déjà, songea-t-il, en
soupirant. Les paroles du docteur Aboud lui revenaient à l’esprit. C’était
évident qu’il devait trouver moyen de se reposer avant d’ouvrir le tombeau de
Nefer Hathor.
Quand il
pensa à cette dernière, il sentit son cœur battre encore plus vite et une
rougeur lui envahit le visage. Nefer Hathor, son obsession, était toujours présente dans son esprit et
quand il parlait d’elle à Ian, il sentait que son ami aussi démontrait un grand
intérêt. Un intérêt professionnel sans doute, tandis que lui, sans se l’avouer
à haute voix, il ressentait pour cette inconnue une sorte de passion qui
frisait l’envoûtement.
Merwan
avait toujours été un homme avec les pieds bien plantés dans
Ian le
regardait toujours avec pitié en lui reprochant de s’être coupé de son passé et
d’avoir abandonné son héritage si précieux. C’était en fait le point sur lequel
les amis ne s’entendaient point. Merwan traitait Ian de romantique qui avait
été séduit par le Levant et il le trouvait plus Egyptien que lui. Winters
aimait parler l’arabe et utilisait souvent les compliments et expressions
d’usage, même quand il parlait l’anglais. Il appréciait la cuisine et les
coutumes des mariages et des fêtes. Awad souvent le surnommait « le
pacha » ou bien « l’émir ».
Merwan
mystifié par ses propres sentiments à l’égard de cette princesse - morte depuis
des millénaires - ne pouvait expliquer son engouement avec Nefer Hathor. Il
avait perdu la tête pour une femme qui n’existait que dans un lointain passé.
L’intérêt professionnel et scientifique, étincelle initiale qui finalement
donna naissance à ces sentiments complexes qui le troublaient, ne justifiait pas ce qu’il ressentait maintenant.
Que lui arrivait-il? Pourquoi cette femme le hantait-elle à ce point? Elle
semblait avoir remplacée Nawal qu’il aimait depuis longtemps et qu’il avait
perdue.
Awad
Merwan, s’habilla soigneusement et se
rendit au restaurant de l’hôtel car il n’avait pas mangé depuis le matin et il
sentait une faiblesse s’emparer de lui. La terrasse du café où s’agglutinaient
une quantité de clients verre à la main et parlant haut, offrait un spectacle
bariolé et élégant. Pour la plupart, des
touristes anglais ou français, ils se pressaient autour de tables bien garnies
et s’interpellaient en riant. Merwan reconnu plusieurs personnes qu’il salua
d’un geste de la main et s’attabla dans un coin tranquille en espérant qu’on
oublierait sa présence!
Merwan
commanda son dîner et demanda au garçon de l’avertir au cas où il recevrait un
appel téléphonique. La nourriture était variée et délicieuse, Merwan commença à
se sentir mieux et son énergie sembla lui retourner. Cependant, il baillait
sans arrêt, et dût se rendre à l’évidence qu’il avait vraiment sommeil. Comme
la soirée était encore jeune, il décida de se promener dans les jardins de
l’hôtel. Il se glissa dans la pénombre et atteignit en quelques pas la fontaine
qui avait un jet d’eau au milieu. Entourée de statues de granite, similaires à
celles que l’on pouvait retrouver dans les temples à Louxor ou à Karnak, cette
fontaine offrait un petit coin calme et agréable.
La nuit
était encore assez chaude mais odorante de jasmin. Merwan trempa sa main dans
l’eau tiède de la fontaine et s’assit sur son rebord. Les bruits du restaurant
lui parvenaient confus et lointains avec des taches de lumière qui étincelaient
dans le fond. L’immobilité des statues autour de la fontaine le frappa car en
même temps leurs yeux de pierre semblaient le fixer dans l’obscurité. Il se dit
alors que cela devait être une illusion d’optique et se leva pour s’en aller. A
ce moment, il eut l’impression que s’échappait un râle de la bouche de l’une
des statues, et soudain, l’air vint à lui manquer. Merwan, confus, regarda
autour de lui et au lieu du jardin et de la fontaine, un temple de pierre avec
de gracieuses colonnes s’élevait devant ses yeux surpris.
Une silhouette s’avançait, elle marchait vers lui
d’un pas mesuré et majestueux. Soudain, une auréole de lumière se forma autour
d’elle. Merwan, perdant pied, couvert d’une sueur froide et titubant, s’appuya
contre une colonne de pierre. L’apparition s’approcha, c’était une femme
vêtue d’un voile de lin blanc qui couvrait partiellement son visage et en
moulant son corps aux formes harmonieuses, descendait jusqu’à ses pieds
chaussés de sandales à languettes d’or.
Elle
portait sur la tête une perruque égyptienne richement décorée qui arrivait à
ses épaules nues, l’uræus (tête de cobra, décoratif) sur son front brillait
comme s’il était illuminé. Merwan complètement sidéré, immobile, incapable de
parler ou de se mouvoir, la regardait de tout son être. Il savait qui elle
était malgré le voile. Il en était même sûr, il
l’aurait juré! La vision dura si longtemps que Merwan perdit
complètement la notion du temps et de
Merwan
ne se rendit pas compte d’être tombé à
terre, même quand il cogna sa tête contre l’une des statues à côté de
Le
médecin inquiet demanda à Merwan s’il ne voulait pas se faire transférer dans
une clinique où l’on pourrait le surveiller pour éviter ces épisodes de
défaillances. Mais Merwan, insista qu’il était en parfaite santé et qu’il
n’avait besoin de personne. Il promit au docteur Aboud de se reposer jusqu'à
l’arrivée de Ian Winters. Il avait hâte d'être seul afin de repenser à ce qui
c’était passé
IAN
WINTERS
Sur la dahabieh (genre de bateau, ferry sur le
Nil) qui le portait vers Louxor, Winters
assis sur le pont au doux soleil d’hiver,
sirotait une bière froide en regardant les rives du Nil qui défilaient devant
lui. La requête de Merwan, l’avait certainement inquiété tout en ne le
surprenant pas. Il avait lui-même déjà avertit son ami qu’il n’aurait pas pu
tenir le coup en travaillant sans cesse, et de brûler la chandelle par les deux
bouts. C’était pour les mêmes raisons
que Winters partit en Angleterre, car
il sentait qu’il avait besoin de recul. En plus, la situation politique en
Egypte détériorait de jour en jour. Les Egyptiens voulaient voir les Anglais
quitter leur pays, ce qui était sans doute normal et même désirable, mais il
semblait aussi qu’il n’y ait personne capable de prendre les rênes du
gouvernement.
Winters
soupira en pensant à ses parents qui avaient tellement aimés l’Egypte et qui
avaient élevés leur fils à respecter ce pays et admirer son histoire. Ils
n’auraient pas reconnu l’Egypte d’aujourd’hui, car leur conception de ce pays
n’envisageait pas le départ des Anglais. Winters avait eu beau leur expliquer
que les Anglais ne pouvaient rester indéfiniment en Egypte, mais ils avaient pleinement confiance dans le
savoir-faire et la sagesse britanniques. Il se demanda ce qu’ils auraient fait
s’ils avaient appris que le général ‘Arabi avait mené des officiers égyptiens à
une révolte contre les anglais. Les complots et les conspirations battaient
leur plein, et beaucoup de jeunes intellectuels se trouvaient impliqués.
Comme
Awad Merwan, Ian Winters impliqué dans son travail, ne s’intéressait à rien
d’autre depuis la mort de Nawal. Il ressentit un choc presque physique en
pensant à cette dernière. Nawal, sa femme, son amour, sa raison de vivre qui
lui fut enlevée si jeune et si brusquement. Les deux amis, rencontrèrent en
rentrant d’Angleterre quelques sept ans auparavant, une jeune femme de mère
anglaise et de père Egyptien. Belle, intelligente, enjouée et brillante
journaliste, Nawal s’était prise d’amitié pour Merwan et Winters qu’elle venait
d’interviewer pour son journal. Quant à eux, ils étaient fous d’elle depuis la
première minute.
Au bout
de quelques temps, il fut évident que
Le
lendemain de leurs noces, Nawal et Ian eurent un accident de voiture sur la
route du désert. Nawal conduisait et
perdit le contrôle du véhicule qui alla s’écraser contre un camion en détresse,
garé sur le rebord de
Winters
gardait en lui l’image claire et vivante de sa Nawal. Nawal qui adorait la vie
et qui prenait chaque jour d’assaut comme un défi. Nawal, sa femme avec ses
yeux d’ambre liquide, profonds et brillants, toujours pétillants. Sa peau dont
le goût de cannelle et miel, si douce et son parfum subtil de rose et de jasmin
vivait en lui. Cette image qu’il
chérissait et invoquait tous les jours l’accompagnait constamment. En survivant
son malheur, Winters avait absorbé comme on avale un médicament, le souvenir de
celle qu’il avait tellement aimée. Elle faisait partie de lui, de sa chair et
de son esprit.
Winters, somnolait un peu quand le garçon de
café, au restaurant de la dahabieh vint lui demander s’il voulait encore une
bière. « Ya effendi, monsieur » lui dit-il «Khod balak mein el shams! Attention au soleil! Ce n’est pas bien de
dormir au soleil! » Winters le remercia en souriant et se leva retrouver
son hamac à l’ombre pour faire une petite sieste en attendant d’arriver à bon
port. Il se coucha, posa son chapeau de paille sur ses yeux et ne tarda pas à
s’endormir.
Bercé
par les mouvements nonchalants du hamac et de la dahabieh, Winters crut entendre une voix féminine qui chantonnait
une sorte d’incantation dont les mots n’étaient pas compréhensibles.
L’intonation de la voix était vaguement familière et il se sentit rassuré et
serin. Une main fraîche se posa sur son front en poussant le chapeau qu’il
avait posé pour se protéger du soleil brûlant. Winters se laissa aller, content
et soulagé de la grande chaleur.
La voix
se rapprochait de lui et un souffle parfumé lui caressa le visage. Dans son
oreille, elle murmurait des mots d’amour qu’il n’arrivait pas à déchiffrer mais
un grand bien être s’empara de lui. Soudain, la main douce et caressante se
retira et sur son front le soleil cuisant le brûla de sa violente caresse. En
sursaut, Winters ouvrit les yeux, quand il se rendit compte que la dahabieh
était arrivée à l’embarcadère et son chapeau avait glissé de sur son visage. Il
eut à peine le temps de récupérer sa valise et de descendre à terre.
Sur le
quai, Merwan l’attendait souriant en agitant ses bras en signe de bienvenue.
Rassuré par la vision de son ami qui semblait en bonne santé et heureux de le
voir, Winters se mit à rire et pressa le pas. Ils se saluèrent affectueusement
en se frappant dans le dos, en se serrant les mains et en s’interpellant en
arabe! « Ahlan ya akhouiya, marhaba! »,
bienvenue mon frère! « Ezayak enta? »,
comment ça va? « Mein gheir sharr
meinak », tu m’as manqué!
Winters
oublia vite le rêve qui l’avait bercé durant la traversée et s’appliqua à prendre des nouvelles de son ami. Ce
dernier tentait de le tranquilliser au sujet de sa santé avec maintes
expressions rassurantes mais peu convaincantes.
Merwan, était pâle et très amaigrit, ses yeux surtout paraissaient
encore plus grands et en mouvement constant, comme s’il cherchait quelqu’un
autour de lui. Il remercia Winters d’être accouru et lui expliqua brièvement ce
qui était arrivé avec les ouvriers et la décision de fermer le site jusqu’à la
saison prochaine.
_ Awad, dis-moi
vraiment ce qui s’est passé. J’ai l’impression que tu me caches quelque chose!
Demanda Winters à brûle point.
_Non…oui, je ne
sais pas par où commencer Ian. Répliqua-t-il.
_Bien, attendons
donc d’arriver à l’hôtel puisque tu m’as dit que tu y avais loué des chambres,
conclut Winters. Ils sautèrent dans la jeep que conduisait Merwan.
A
l’hôtel, Winters déposa ses affaires dans sa chambre et les deux amis se
retrouvèrent sur la terrasse du café à l’ombre d’un grand parasol rouge. En
quelques mots Merwan raconta les événements des jours récents à Winters mais
sans mentionner la vision dans le jardin. Son ami écoutait avec attention et
bien qu’il ait remarqué quelques hésitations dans le récit, il se garda de
l’interrompre. Le rêve de Merwan retint toute son attention et il le questionna
à ce sujet. Ce dernier décrivit l’angoisse qui accompagnait le rêve, la voix
envoûtante, et les mots qu’il avait entendus. Tout cela éveilla la curiosité de
Winters qui se rendit bien vite compte que son ami traversait une crise
bouleversante et mystérieuse.
Embarrassé
par la candeur et la franchise dont il avait fait usage pour raconter les faits qui l’avaient marqués,
Merwan regardait son ami en attendant sa réaction. Winters lui demanda soudain
s’il avait eu des visions. Merwan, surpris, hésita assez pour que Winters
immédiatement le prie de tout raconter. Finalement, Merwan qui ne pouvait plus
se retenir lui avoua dans les plus petits détails son aventure dans le jardin.
Winters, silencieux et impressionné par ce récit, rassura son ami en lui disant
de ne pas s’inquiéter et que certainement, ensemble ils arriveraient à bout de
ce mystère.
A suivre---à
suivre---à suivre---à suivre---à suivre---à suivre---à suivre
SUITE ET FIN
DANS
LE
31/12/2007
Suite et fin
_Sayeda
Zeinab, va rendre visite à Sayeda Zeinab avant tout. Recueille-toi sur sa tombe
aussi. Fais-lui ta demande, n’oublie pas.
_Oui, merci,
je le ferai, murmura Hekmat. Est-ce que c’est tout ce que je dois faire?
_ Elle
te dira quoi faire. Tu pourras résoudre ton problème.
_Connais-tu
la raison de ma visite?
_J’en ai
été avisée. Va maintenant, je ne peux plus rien pour toi!
Comme
les deux femmes hésitaient, Souheir apparut et les guida vers la porte de
sortie. Elle tendit une main maigre et décharnée en disant :
_Donnez ce que vous pouvez mesdames, ce
que vous pouvez et Allah Yefregha aleikom que Dieu vous vienne en aide. Sett Farheya a
parlé. Ses doigts se refermèrent bien vite sur la somme que Hekmat lui remis
avant de rapidement sortir à l’air plus frais de l’après-midi.
Hekmat
et sa mère, déçues de la courte séance se hâtèrent de regagner le taxi qui les
attendait. Elles donnèrent l’adresse de
la mosquée de Sayeda Zeinab et s’installèrent dans la voiture une fois
de plus. Hekmat reprocha à sa mère de l’avoir traînée jusqu’à cette femme qui
en somme n’avait pas été capable de l’aider. Frustrée, elle se mit à pleurer et sa mère s’évertua
vainement à
Très
vite, Hekmat répondit que c’était pour cela qu’elles attendaient. Il leur
indiqua d’un geste vague la bâtisse de la mosquée en leur disant d’aller de
« l’autre côté, à l’arrière » où se trouvait le tombeau de
Hekmat
soupira et rejoignit sa mère en serrant son voile autour d’elle. Pourvu qu’il
n’y ait pas de malfaiteurs qui nous attaquent, pensa-t-elle. Soudain dans ce
silence et au moment où elles s’attendaient le moins, elles entendirent
quelqu’un toussoter. Malika Hanem
sursauta, « Destour Ya rab!
_Il y a
quelqu’un? Demanda Hekmat d’une voix qu’elle voulait forte et autoritaire mais
qui sonna faux dans l’obscurité. Répondez, répéta-t-elle.
_J’arrive,
n’ayez aucune crainte répondit une voix d’homme grave et pleine de bonté. A
leur grande surprise, un homme de petite taille leur apparut.
Vêtu
d’une grossière robe de laine avec une corde autour de la taille, et coiffé
d’une calotte blanche, pieds nus, son chapelet en main et souriant, le derviche
s’installa en tailleur sur
_Vous venez me consulter? Demanda
l’homme
_En
effet, nous venons de bien loin pour te parler ya cheikh soupira Hekmat et elle lui expliqua son problème. Le
derviche écoutait les yeux fermés tout en égrenant sa sabha (chapelet) entre ses doigts.
Il resta
longtemps silencieux après que Hekmat lui eut présenté sa requête. Les deux
femmes commencèrent à sommeiller dans l’obscurité et l’immobilité de
Les
premières lueurs du jour qui pointait réveillèrent les deux femmes en sursaut.
Elles se regardèrent surprises d’avoir passé la nuit sur le tombeau de Sayeda
Zeinab. Elles cherchèrent le derviche mais il avait disparu. Hekmat embrassa sa
mère et lui demanda pardon de l’avoir entraînée dans une telle aventure. Elle
se sentait calme mais pleine de remords d’avoir laissé Omar et Saleh sans
nouvelles. Elles retournèrent du côté de la mosquée et s’embarquèrent dans le
premier taxi pour rentrer à la maison.
Malika Hanem
s’enquit donc sans tarder de ce que sa fille allait faire.
_Je
regrette tout cela ma fille, je ne crois pas que tu as trouvé la solution…
_Mais
tout au contraire maman, je sais ce que je dois faire. Le derviche me l’a
indiqué.
_Comment
le derviche, mais j’étais avec toi, il n’a rien dit, je crois même que c’est
lui qui nous a endormies! S’écria sa mère.
_Maman,
écoute-moi j’ai fait un rêve et j’ai vu Om Saleh. Elle pleurait et me tendait
les bras. Je pense qu’elle demandait son fils.
_Alors,
tu vas le retourner? Je pensais que tu voulais le garder.
_A quel
prix ma mère? Est-ce que tu aurais accepté de me donner à quelqu’un? En plus tu
peux bien voir que Saleh lui-même est malheureux.
Calmement
Hekmat expliqua à sa mère que le derviche dans son message, probablement à
travers le rêve lui indiqua la seule chose à faire qui était de retourner l’enfant.
_J’ai
entendu clairement : « Retourne
l’enfant à sa mère », et c’est ce que je vais faire bien qu’il m’en
coûte.
Au
retour de son pèlerinage chez Sayeda Zeinab, Hekmat et Omar partirent avec
Saleh chez sa mère. Au début, Saleh toujours rebelle, refusa de les
accompagner. Hekmat alors lui raconta son expérience avec le derviche et
inflexible le força à les suivre. Ils partirent donc au village où ils
laissèrent Saleh avec sa mère. Au bout de 2 mois, cette dernière leur demanda
de retourner. Elle avait discuté avec son fils pour qui vivre au village de
nouveau n’était pas une solution. Om Saleh comprit qu’il n’aurait pas pu se
réadapter à la vie de
_Non
mère, je suis ton fils et je ne peux être que leur neveu. Je les aime plus que
tout au monde après toi, mais je suis ton fils.
_Allah Ye barek lak ya ebni, qu’Allah to
bénisse mon fils. Qu’est-ce que tu veux faire au sujet de tes études? Elle lui
caressait la main émue.
_S’ils
sont prêts à me reprendre comme avant sans parler d’adoption, j’irai avec eux,
sinon…il y a des moyens d’étudier et de vivre…il s’interrompit en voyant sa
mère sourire.
_J’ai
été privée de toi pendant longtemps et je priais tous les jours pour ton succès
et ton bonheur au détriment du mien…Alla
hou Akbar, mais Allah est grand et il a exaucé mes désirs.
_Allons
Om Saleh, on ne te prendra jamais ton fils! Et il lui avait embrassé la main
avec respect et affection.
Quelques mois plus tard….
_Vite dépêche-toi
mon fils, ils vont arriver d’une minute à l’autre! Il faut que tu sois prêt. Tu
dois retourner aux études au plus vite possible!
LE
31/10/2007
Première Partie
Saleh
venait de “monter” à Masr comme on disait.
Masr qui veut dire
l’Egypte, veut aussi dire Le Caire, au lieu du nom officiel « El Kahira » que dans le parlé de
tous les jours on employait rarement.
Quand on vient de la campagne ou de n’importe quelle ville du pays vers
la capitale, on dit « Monter à Masr ».
Pour lui c’était vraiment une décision, difficile et pénible. Son père Mahmoud
Shams el Din, « omda »,
maire d’un petit village du Delta, du jour au lendemain le força à faire ce
grand changement dans sa vie « pour son bien ». Mais cela voulait
dire quitter tout ce qui était familier et rassurant pour un garçon de cinq
ans.
Ignorant
les larmes de sa femme et de sa fille aînée, Mahmoud Shams el Din écrivit à son
frère Omar qui vivait au Caire depuis plusieurs années. Ce dernier, devenu
médecin avait acquis une excellente réputation et son mariage avec la fille de
Ali Sabri pacha lui valait une position enviable dans la haute société Cairote.
En dépit de tout son succès et ses richesses, Omar ainsi que sa femme
désiraient la seule chose qu’ils n’avaient pas réussie à obtenir de la vie : un enfant.
Il aurait pu épouser une seconde femme, mais Omar aimait Hekmat sa femme et
n’aurait jamais voulu lui causer de
Hekmat
avec l’espoir de vivre un peu ce rôle de mère qui lui avait été nié accepta
d’emblée l’hébergement de l’enfant au sein de sa famille. Mahmoud Shams el Din, très
heureux de la réponse positive reçue de son frère, ordonna à sa femme et sa
fille aînée de préparer l’enfant à cet imminent voyage. Tristement, mère et
fille se résignèrent et Saleh se trouva sur la plateforme du train avec son
père, peu préparé à ce drastique changement de vie. Après avoir fait ses adieux
à ses autres sœurs et son jeune frère, et surtout après la forte étreinte de sa
mère et ses mille recommandations, Saleh monta dans le wagon aux côtés de son
père.
Mahmoud
Shams el Din, en tant que « omda »,
avait certains privilèges et sur le train avant de partir, il reçut la visite
de plusieurs personnages importants qui vinrent le féliciter et lui souhaiter
bon voyage. Saleh, grand pour son âge, calme et posé, accompagnait son père
d’une façon très digne et fataliste jusqu’au moment où il fallut descendre à la
gare du Caire. Il eut un instant d’hésitation en voyant par la fenêtre du
wagon, la foule de vendeurs ambulants qui se pressait sur le quai et le bruit
infernal de la circulation et de l’humanité qui grouillait autour de lui. Sur
le quai, un homme habillé à l’Européenne agitait en l’air vivement son chapeau.
Il était aussi grand que son père et lui ressemblait beaucoup excepté qu’il
n’avait pas la grosse moustache de Mahmoud. Bousculé par son père, Saleh se
dépêcha de prendre le sac dans lequel il avait entassé ses petits trésors et
suivit son père. Il se trouva vite dans les bras de son oncle qui sentait le
tabac et l’eau de cologne.
Avec
enthousiasme Omar et Mahmoud bavardèrent jusqu’à la sortie de la gare, suivis par
Saleh qui ne pouvait s’empêcher de les comparer. Quel contraste entre les deux
malgré leur grande ressemblance! Tout à fait européanisé, Omar coiffé d’un
chapeau de paille blanche, en costume bien coupé et élégant avec ses chaussures
pointues semblait sortir d’un catalogue de mode. Mahmoud avec son énorme galabieh, sa « e’emma » ou turban blanc et sa
large écharpe de soie balançait sa canne de bois avec grâce et il s’exhalait de
lui une force physique presque palpable.
Une impressionnante
voiture les attendait, avec un chauffeur en uniforme noir et casquette baissée
sur les yeux. C’est ainsi que commença l’aventure de Saleh au Caire! Ce jour-là
tout lui apparut étrange et effrayant excepté sa tante Hekmat, qui tout de suite
se prit d’une grande affection pour lui. Grâce à elle, la transformation de
Saleh se fit sans trop de peine et il s’installa petit à petit dans la peau de
Saleh, le fils de Omar et Hekmat Shams el Din.
Au début,
il ne se rendit pas compte des petits détails journaliers qui s’insinuaient et
forgeaient la relation entre lui et sa tante. Elle l’adorait et n’hésitait
nullement à lui donner tout ce qu’il désirait même avant d’avoir exprimé sa
pensée. Il se confiait à elle volontiers et elle l’aidait à faire ses devoirs
car Omar avait insisté à le mettre dans une école française et à l’éduquer à
l’européenne. Il rêvait de le voir devenir médecin comme lui et l’emmenait à la
clinique privée qu’il dirigeait afin de le familiariser avec ce monde qui
serait le sien un jour.
Saleh
parlait souvent à ses parents au téléphone et allait les voir une fois par
année quelques jours pendant les grandes vacances d’été avant de partir avec
oncle et sa tante en Europe. Sa mère avait souvent de la peine à se séparer de
lui mais le voyant heureux elle se disait agir pour son grand bien. Saleh
n’avait plus de relations avec ses sœurs, mariées et occupées avec leur propre
famille. Ses frères plus jeunes le considéraient somme un étranger qui venait
les visiter une fois l’an! Avec les années, Saleh, ne sentait plus
d’attachement vis-à-vis d’eux excepté avec sa mère et son père qui fier de lui,
l’encourageait dans ses études et sa nouvelle vie au Caire.
Le choc
de la mort de Mahmoud Shams el Din,
soudainement bascula l’ordre si bien établi dans la vie de Saleh. Il fut
inconsolable durant de longs mois et faillit presque rater son année scolaire.
C’est alors que le soutien, l’affection et l’amour de son oncle et sa tante le
tirèrent hors de danger. Hekmat et Omar décidèrent qu’il était temps de
l’adopter officiellement comme leur fils. Quand ils lui parlèrent de cette
possibilité, ils s’attendaient à ce que le jeune adolescent qui
grandissait sous leur toit entouré de leur affection, soit heureux et
fier. Ils n’étaient pas prêts à sa réaction qui non seulement les choqua mais
bouleversa Hekmat.
Saleh se
révolta avec violence et les propos virulents qu’il leur adressa les blessèrent
profondément. Omar consola sa femme en lui expliquant que le choc de la mort de
son père et de nouveaux changements dans la vie de Saleh l’avait certainement
marqués. Il fallait user de patience pour que ces nuages de colère s’éloignent
et que Saleh retourne à ses sens. De
commun accord, le couple se dévoua à lui rendre la vie encore plus facile, à le
couvrir de cadeaux, à anticiper ses moindres désirs. A leur grande déception
tous leurs efforts furent vains. Saleh avait changé du jour au lendemain, il
les regardait avec une haine dans les yeux, du sarcasme dans la voix et
repoussait leurs étreintes et leurs signes d’affection.
Hekmat
secouée et terriblement affectée par cette situation, en souffrait beaucoup.
Omar ne savait plus comment
N’ayant
plus rien à perdre, Hekmat ne se le fit pas dire deux fois. En dépit des
protestations de Omar, elle se rendit chez Sett (madame) Farheya. Etant de
famille noble et connue, Hekmat dût se couvrir le visage d’un voile noir pour
éviter de se faire reconnaître. Accompagnée de sa mère Malika Hanem, elles
firent le trajet en taxi jusqu’à chez Sette Farheya qui habitait à Hélouân dans
une petite maisonnette bien modeste. Laissant le taxi en attente, les deux
femmes émues et anxieuses se dépêchèrent d’entrer.
Dans le
vestibule, elles furent reçues par une femme vêtue de blanc de la tête aux
pieds. Une forte odeur d’encens imprégnait
les lieux et dans la pénombre on pouvait distinguer quelques bougies qui
clignotaient.
_ahlan
wa sahlan, khatouwa a’aziza…Vous êtes les bienvenues mesdames. Je suis Souheir,
Sett Farheya vous attend.
_Comment
elle nous attend? S’écria Hekmat.
_ Allah
A’alem, Dieu sait tout, murmura Souheir.
Elles
pénétrèrent dans une grande pièce sans fenêtres, aux murs blanchis à
Impressionnées,
elles se trouvèrent une place à côté de la figure accroupie qui finalement se
leva en silence et tourna autour du bassin d’eau et se rassit. Elle souleva le
voile qui lui cachait le visage et commença à hocher la tête en respirant fort
et expirant bruyamment son souffle de
_Lis
Sett
Farheya s’éclaircit la voix et chuchota :
la suite de ce
conte paraîtra dans
LE 31/08/2007
Bursting out of the darkness, a
shaft of light,
Pierces the air and sheds its
ray
On the calm waters of the
sleeping river.
The beam caresses the rocky
mountain
And slowly slides along the
palms,
Brushing the desert sand in its
way.
Hush, not a sound, hardly a
breath -
Everything seems frozen in the
stillness
Of an interior vision untroubled
by reality.
Heavy shadows drape the
landscape
Crowding the horizon, hanging
low in the skies.
Similar to a noiseless,
shapeless and friendly mass.
The sands seem to be vibrating,
pulsating with life,
Wisps of fireless smoke,
delicate tendrils
Surge gracefully towards the
black velvet of heavens.
The shaft of light, in its
wilful dance
Has touched with a silver
radiance
For a brief instant, a
mysterious landscape.
I alone can see this,
magnificent
Imposing, always present in my
memory
Longest river of the world, the
Dans l'ombre du crépuscule,
Sous la caresse légère d'une
brise,
Le jeune frêne sous ma fenêtre
Frémit en murmurant sa chanson.
Courbant sa tête de feuilles
couronnée,
Il semble avoir tant de choses à
confier.
La nuit tombe, douce et odorante.
Première nuit d'été finalement;
Encore claire et luisant de
mille étoiles
Parsemant la voûte du firmament.
Le ciel riche, velouté est
balayé
Par une traînée de panache
blanc.
Les dernières lueurs du soleil
couchant
Inondent l'horizon d’une pâle teinte
rosée
Embrasant à peine sous son
touché
Quelques toits, avant de
s'éteindre.
Une douce fraîcheur baigne mon
front,
Et dans les ténèbres
envahissantes
Je ferme mes yeux désormais
inutiles.
Sur les eaux calmes
du Nil glisse gracieusement une felouque. Elle fend les flots en vitesse et sa
voile se gonfle. Le soleil couchant tombe rapidement vers l’horizon et le sable
se teinte d’or et d’orange. Dans le ciel, pas un nuage ne vient gâcher le bleu
profond et un silence mystique plane mystérieusement.
Le batelier
« marakbi » offre son visage bruni et hâlé au léger vent du désert
qui annonce la tombée de
Le long de la rive
dans les masures qui longent le fleuve, les femmes s’affairent devant leurs
réchauds pour préparer le repas du soir. Dans ces habitations fabriquées de
bouses de vache et de paille, l’air est suffoquant et la sueur ruisselle
abondamment des fronts et coule dans le dos des habitants. L’odeur du pain
finalement domine et fait venir l’eau à la bouche de tous ceux qui attendent le
repas.
Autour de ces
quelques bicoques parsemées le long du fleuve, le désert énorme, offre un
spectacle de vaste espace où ondulent les dunes. Un ou deux palmiers solitaires
agitent au vent leurs feuilles jaunies, sous lesquelles des régimes de datte
s’alourdissent. On peut apercevoir la coupole et le minaret d’une minuscule
mosquée qui se découpe sur l’horizon. Non loin de là, on devine un puits, au
bord duquel une silhouette noire se penche.
Le soleil se couche
très rapidement. Il n’existe pas de long crépuscule ici. C’est tout de suite la
nuit qui tombe. Sur la felouque le « raïs » allume une lampe à
pétrole pour signifier sa présence et se hâte d’arriver à l’embarcadère où il
retrouvera ses camarades.
Comme une image
gelée dans le temps. Un bas-relief sur les murs des temples antiques, c’est un
spectacle qui se répète depuis des millénaires. La vie moderne et le progrès
n’ont aucun sens pour ce paysage et ses habitants. D’une lenteur inexorable se
poursuivent les jours et les événements locaux. Le cycle de la vie, à l’infini,
emprisonne ceux qui vivent sur la berge loin des villes, dans la frugalité, la
misère et la plus abjecte pauvreté.
LE 30/06/2007
As the gates of
memories open in front of me, I can witness after centuries the strong desire
of individuals who dreamed of coming back to the land of their Fathers.
Hundreds of gates
hewn in the heavy rock allow me to enter the world of the dead. Long past gone,
yet in essence their presence truly felt. Coming from every part of the ancient
world they had finally decided to rest here.
How many miles of
traveling on foot, on horseback and on the raging seas to reach their destination!
What dangers and hardships they had to endure before arriving dead or alive!
As I stand back and
survey the hills, I can make out the numerous white stone gates dotting the
landscape shaded by the cedars, cypress and the sycamores swaying in the
breeze. The sun is hot, blazing through the leaves as it bleaches the stones
and the rocks all around. There is no rest from it for now noon approaches and
the dry air burns my throat.
The gates beckon to
me as they stand heavy-cut and low. I touch the stones, they’re cool and smooth
under my hand. The openings are dark, secretive, with a slightly musty smell
but with a colder breath than the open air.
Crossing the
threshold with a beating heart, I know I’m now stepping in a world far from the
present and it transports me quickly in this silent and unmoving eternal
landscape of stone. It takes time for my eyes to accustom themselves to the
darkness and to notice that small twinkling lights inside line the rows of
sarcophagi.
As I walk past each
sarcophagus, I can identify men, women and children of every walk of life.
Their names strung together like a chain of melodies testify to their different
origins, yet all bound by the same desire, the longing to come to Eretz
In the silence and
the near-darkness, I walked and touched the stones. I read names and
inscriptions partly erased and stood for a long time just absorbing my
surroundings. When I left the first cave, I walked to the next one and so on
until I felt I had my fill.
For a long while,
my eyes closed, my mind opened only for this moment in time, I felt my own
spirit’s gates yield in response as an overwhelming emotion overtook me. Peace
and serenity seemed to enter my whole being and nourish the fount of my
imagination.
Beit She’arim,
House of Gates, I thank you for awakening not only my mind and my spirit but
also my earthly heart. Beit She’arim in your immovable way bound by the rock
that forms you, you reflected for me love and eternity.
Séphoris, perchée
sur la verte colline
Surplombant la
campagne voisine,
Tu domines comme un
aigle majestueux, élevé
Toute la plaine
fertile à tes pieds cultivée.
Récemment
découverte et à peine restaurée,
Tu restes pour nous
l’image d’un passé éloigné.
Tes élégantes
bâtisses aux mosaïques élaborées
Dévoilent à nos
yeux ces techniques oubliées.
Tes ruines
s’étalent sur un large périmètre
Révélant l’habileté
suprême de tes maîtres
Qui ont réussi avec
goût et talent impeccable,
A nous transmettre
leur histoire telle une fable.
Voilà l’hommage
Séphoris à toi rendu maintenant.
Car ces foules qui
viennent, soit adultes qu’enfants
Enchantées,
charmées par la beauté de ton message
Oublient ton
antiquité et pour eux tu n’as point d’âge.
LE 30/04/2007
Avec ses fils solides et
invisibles, tissés de parfums subtils et délectables, de couleurs variées et de
saveurs délicates et exotiques, la cuisine de ma mère nous retenait, nous
reliait et nous réconfortait.
Dans la cuisine de ma mère se combinaient le sucré et le salé avec des
arômes puissants et pénétrants qui se fondaient, se mélangeaient
harmonieusement pour créer une inoubliable symphonie de goûts, de textures et
de senteurs auquels on ne pouvait rester indifférents. Malgré les années
passées, que de fois il me semble encore la revoir dans sa petite cuisine,
légère, rapide et bruyante à cause de la vaisselle qu’elle faisait voler des
armoires aux comptoirs, dans l’évier et sur les étagères. Je me souviens avec
nostalgie de ses marmittes bouillantes desquelles se dégageait ce merveilleux
fumet qui embaumait la maison et nous faisait venir l’eau à la bouche.
Dans la cuisine de ma
mère, les ingrédients du Moyen Orient se dosaient instinctivement, se mélangeaient,
se croisaient avec viandes et légumes de toutes sortes. Quand j’y pense
aujourd’hui, je me souviens de son “hamod”, qui, comme un baume rassurant nous
comblait, nous réchauffait en nous enveloppant du parfum fort de citron et
d’ail. Dans ma mémoire comme sur un écran, la cuisine de ma mère est projetée
en images qui éveillent de précieux souvenirs. Chaque morceau de “mahshi” farci
de viande hachée et de riz aux savoureux épices, chatouillait notre palais et
régalait nos yeux.
Quand à la “molokhia”, événement
en elle-même depuis l’achat de la plante, la cueillette des feuilles patiemment
exécutée par Papa, la hachure à la “demi-lune”, l’envahissante odeur forte et
piquante de la “kosbara” avec l’ail, jusqu’à la présentation à table. Tout cela
était la somme vitale du dévouement de la cuisine de ma mère.
Rien qu’à la pensée de la
“ménéna” (maamoul) farcie aux dates onctueuses et sucrées, aux diverses pâtes
feuilletées, aux amandes et noix croustillantes un bien-être immense me remplit
et sans le vouloir, je frémis en imaginant fondre dans ma bouche ce mélange de
délicieuses saveurs, tandis que l’odeur du café turc m’enveloppe comme dans un
cocon soyeux et riche.
Est-ce qu’il y a
quelqu’un qui a oublié ses “kobebas”? Je
ne pense pas. Chacune façonnée avec patience et amour de ses mains agiles et
tendres, frites à point, toujours chaudes et croustillantes à l’extérieur;
citronnées et épicées à l’intérieur, elles augmentaient avec chaque bouchée le
désir d’en consommer encore et encore!
Dans la cuisine de ma mère
naissaient les plats les plus exquis, les mets les plus nourrissants, les
friandises et les pâtisseries dont elle seule semblait avoir le secret. Elle
nous donnait généreusement toutes ses recettes mais cela ne nous réussait
jamais comme elle. La cuisine de ma mère restait unique, fascinante et
ensorcelante.
Enfin l’aventure n’était
pas seulement de déguster ces concoctions, mais d’être avec elle, en sa
présence et de voir dans ses yeux la joie, le bonheur et l’affection que cela
lui apportait. Pour ma mère la cuisine était sans aucun doute, le don
d’elle-même, l’amour incarné et toutes les tendresses qu’elle voulait nous dire
et pour lesquelles elle ne trouvait pas de mots adéquats.
Mademoiselle
Enchin
Qui se
souvient de Melle Enchin?
Prof de
français au Lycée Français du Caire.
Je ne l’oublierai jamais. C’était mon prof
préférée. C’est celle qui m’encourageait et exigeait que j’écrive toujours
plus. Elle adorait l’histoire de l’ancienne Egypte et nous régalait tous les
vendredis de mythes et légendes qui décrivaient les dieux, les croyances et la
vie des anciens.
Elle
ouvrait avec grand respect un gros volume qui semblait lui-même antique et
lisait d’une voix égale. Ces textes ouvraient un horizon inconnu et étalaient devant
nous d’une façon magique et mystérieuse tous les trésors de cette période. Les
descriptions étaient précises et détaillées et nous entrions dans le monde des
momies et des embaumeurs. Nous glissions sur la barque sacrée qui traversait le
Nil pour emporter les morts vers une vie éternelle.
Melle
Enchin nous montrait des images de sarcophages, de tombeaux, de bijoux et
joyaux. C’est pour cela qu’avec grande curiosité et enthousiasme je courais le
dimanche au musée du Caire (Mariette Pacha) au Midan el Tahrir. Ma passion
était de recopier les bas-reliefs, les hiéroglyphes et les peintures des
anciens Egyptiens.
Je me
suis maintes fois demandée où était Melle Enchin, et si elle continuait à
enseigner. Une année, comme cadeau de Noël, ma mère lui avait cousu une robe
taillée dans un tissu qui était à la dernière mode, et qu’elle portait souvent
à l’école. Mon amie Renée et moi avions préparé un almanach pour elle. C’était
sa dernière année et puis, j’avais moi-même décidé de quitter le Lycée pour
aller à l’école américaine. Alors en souvenir de nous avant son départ pour
C’était
une sorte de journal, qui comprenait aussi toutes sortes de choses. Nous avions
noté les articles qui auraient pu l’intéresser, des mots croisés, des mots
mystère, des dessins, des poèmes et des histoires. Etant la principale
éditrice, j’ai travaillé fort à produire cette œuvre! Nous n’avions pas
d’ordinateurs, tout était écrit à la main!
Je ne
sais pas si Melle Enchin avait conscience du temps mis à créer cet almanach, la
recherche qu’il a fallu faire pour trouver toutes sortes de « saviez-vous
que… » de petites annonces, des photos et par-dessus tout la créativité et
l’innovation. A part les devoirs journaliers, nous passions des heures à
fignoler une histoire ou à recopier un article intéressant.
Aujourd’hui
quand je pense à Melle Enchin, je suis sûre qu’elle a apporté à d’autres élèves
une passion pour l’écriture. En croisant mon chemin avec sa gentillesse et sa
calme personnalité, elle a su me faire comprendre que j’avais des dons et
talents qu’il fallait exploiter. Donc, en tant qu’éducatrice, elle a rempli un
rôle auquel tous les profs aspirent. Elle a marqué son élève de la façon la
plus positive qui soit.
Où que
vous soyez Melle Enchin, je vous remercie de tout cœur et je garde de votre
mémoire un souvenir intact!
LE
31/03/2007
Tous les dimanches,
notre programme d’activités changeait afin de nous agrémenter les jours de
congé. Nous avions plusieurs options et choix. On pouvait décider de rencontrer
nos amis au Club pour nager, jouer une partie de tennis ou observer notre oncle
Clément qui s’entraînait à l’athlétisme avec son équipe.
Quand nous avions
des visiteurs qui venaient de l’étranger, ou bien nos cousins d’Alexandrie,
nous aimions revisiter les pyramides de Giza, ou aller à Sakara admirer la
pyramide de Djoser en escalier. Le jardin zoologique était aussi un endroit
merveilleux où l’on pouvait passer une journée entière. Les visites au Khan
Khalil étaient toujours sur l’itinéraire.
Le
jardin des poissons était un rendez-vous avec les amis où j’adorais grimper sur
des roches artificielles et entrer dans des grottes où de multiples aquariums
abritaient des milliers de poissons rares et multicolores. Il y avait de
terribles piranhas, des poissons chats aux longues moustaches qui rasaient le
verre de leurs contenants. J’étais fascinée par les méduses, les hippocampes et
les anémones de mer qui dansaient un gracieux ballet interminable.
Le
jardin andalous « genenet el andalous » au bord du Nil, lieu favori plus tard aux innocents flirts
de notre jeunesse, exhibait des parterres de fleurs et mosaïques dans le style
particulier de Granada. Il y avait de superbes bancs décorés de tuiles bleues
et vertes avec des motifs élégants et brillants au soleil. Là, aussi se
trouvaient des labyrinthes presque
inextricables faits d’arbrisseaux taillés dans lequel on se perdait. Les échos
de nos appels et cris de jeux, résonnent
encore à mes oreilles et le parfum du jasmin flotte dans l’air.
Comme nous
n’habitions pas loin de Midan el Tahrir où se trouvait le musée égyptien, nous
marchions accompagnés par notre bonne et traversions le pont Kasr el Nil pour nous
y rendre. Dans cette bâtisse immense et magique, je passais les meilleurs
moments de ma vie en Egypte. Là, je copiais les bas-reliefs et les hiéroglyphes
sur les sarcophages, les peintures des murs et toutes sortes d’objets d’art. De cette manière, je pouvais me perdre dans le
monde mystérieux du passé et de voyager dans mon imagination qui ne connaissait
point de bornes.
Depuis ma plus
jeune enfance, je me souviens d’avoir eu peur du feu. Une peur inexplicable qui
me causait des crises de panique. En principe, je crois que c’était à cause du
fait qu’à Ras el Barr, où les incendies étaient très fréquents, on entendait
constamment les voitures de pompiers avec leurs assourdissantes sirènes qui
déchiraient l’air.
L’odeur âcre de la
fumée me bouleversait et j’étais devenue si sensible que je pouvais flairer la
moindre senteur de brûlé. Aussitôt mon cœur battait, je n’arrivais pas à
respirer et des nœuds se formaient dans mon estomac.
Un soir, que nous
étions en villégiature à Ras el Barr, maman nous avait installées ma sœur et
moi au lit. Elle nous borda et nous embrassa comme d’habitude. Elle nous dit
que la bonne était sortie je ne sais trop pourquoi et qu’à présent elle et papa
iraient dîner à la salle à manger de l’hôtel. Donc, nous devions dormir comme
des grandes sans sortir du lit pour jouer.
_Je compte sur vous mes grandes. Soyez sages, demain
nous irons de bonne heure à la plage!
Après le départ de
mes parents, je commence à sommeiller et je vois que ma sœur, elle, dormait
déjà. Me voilà bientôt au pays des songes moi aussi. Je ne sais pas combien de
temps s’écoula depuis ce moment mais, soudain, je sens une odeur de fumée. Je
m’assoie dans mon lit et je me mets à humer l’air. Oui, pas d’erreur ça sentait
le brûlé. Je rejetais la couverture et je me mis à tourner dans la chambre et à
chercher d’où venait l’odeur.
Rien à faire, je ne
découvris rien de louche mais quand même l’odeur était assez forte. Je réveille
ma sœur qui ne comprend pas ce qui se
passe mais en me voyant affolée, elle commença à larmoyer. Je m’énerve encore
plus et je m’agite. Finalement mon imagination l’emporte sur
Je me saisis de la
main de ma sœur et je l’entraînais vers
Je n’oublierai
jamais comment, ma sœur et moi, toutes petites, égarées, pieds nus,
désespérées, nous arrivons finalement à l’hôtel. En courant vers la salle à
manger où jouait un orchestre pour les convives, je me calme assez pour
chercher du regard mes parents mais ma sœur, elle, hurle de plus
belle « Maman, je veux ma maman! »
Nous trouvons nos
parents attablés avec des amis et en tremblant je me dis que là, une belle
punition m’attendra pour mes actions. Ma mère se leva et nous reconduit à la
hutte sans mot dire. Elle nous lava les pieds et nous coucha de nouveau.
Ensuite je remarque qu’elle hume l’air, elle flaire et flaire. Elle sort en
courant sur le balcon et quelques minutes plus tard elle retourne.
Je ne me rappelle
plus comment la nuit se termina, mais l’épisode resta imprimé dans ma mémoire
et dans celle de ma sœur. Beaucoup plus tard, j’appris que la bonne des voisins
de hutte avait brûlé leur dîner.
LE
28/02/2007
(suite et
fin)
NONNA LOUNA
“Pourtant
"Ya rab! Mon Dieu, je ne
suis qu'une vieille femme et il y a tant à faire encore. Che bruta la vechiaia!
J'ai déjà tout vu dans cette vie. Mon pauvre Jacques, il faut le protèger lui.
Que sait-il de la vie? Qui s'occupera de lui? Oui, la piccola,
Quand Jacques rentrait
tard et que toute la maisonnée était couchée, Louna l'attendait pour s'assurer
qu'il n'avait besoin de rien.
“ Mamma, Inti lessa sahyah ? Tu n'es pas encore couchée?"
_Oui mon fils, ya ebni, qui veux-tu que cela soit? Les filles et les bonnes dorment. Tua
moglie, ta femme si reposa, elle prend des forces. Tu
as trop tardé ce soir. Tout va bien à la banque? Ils ne peuvent donc plus se
passer de toi? Tu vas te tuer au travail! Che peccato!"
Avec sollicitude et tendresse,
elle l'aidait à enlever son veston, lui apportait ses pantoufles, lui tendait
en silence, "La bourse égyptienne", le journal qu'il aimait lire
avant d'aller se coucher. Il devait toujours être au courant de tout Jacques.
Il regardait sa mère avec admiration." Quelle femme!", se disait-il,
"Elle voit tout, sait tout et s'occupe de tout!"
Lorsqu'elle retournait de
la cuisine, elle le trouvait attablé dans la chambre de séjour plongé dans son
journal mais portant encore sa cravatte et son faux-col. C'était un homme qui
avait des habitudes précises et qui n'aimait pas les changements. C'était peut-être pour cela qu'il avait fait
un bon chemin à
_Rien que des mauvaises nouvelles dans le journal. Jour après jour, la
situation s'empire.
_Voilà pourquoi tu ne devrais pas lire ce messager de mauvais augure, lascia
stare, niente cambia, ya ebni! Rien ne change mon fils."
Elle lui servait son thé
fort, parfumé, juste à son goût. Lentement il se détendait dans sa chaise et
allongeait ses jambes. C'était un homme de petite taille, mais avec une allure
digne et fière. Il se tenait toujours très droit, même un peu raide parfois
comme pour se donner de
Pour Jacques et sa mère, à
cette heure tardive, les quelques minutes passées ensemble avaient une
importance qu'ils ne discutaient jamais. C'était une entente tacite qui s'était établit entre eux et ces moments
étaient précieux aux deux. Entourés de tous les objets familiers et
confortables de la vie quotidienne, il y avait comme une assurance que tout
allait rester tel quel, immutable. Ils s'échangeaient des menus détails de la
journée, sans jamais vraiment parler de choses importantes.
Pourtant cela suffisait à
rétablir leur équilibre personnel et à les satisfaire que tout aille bien dans
leur vie commune.
Les dernières années
de Louna se passèrent rapidement. Elle
sentait que le temps avançait inexorablement et son anxiété augmentait en
pensant à l'avenir de ses petites-filles. "En effet", se disait-elle,
"Il faut que je prépare
Depuis les secondes noces
de son fils, Louna avait pensé qu'il était temps de remettre les
responsabilités de la gestion de ce petit monde entre les mains de la nouvelle
femme. Mais hélas, délicate de constitution cette dernière n'aurait pas été
capable sans heurts de continuer le doux train train de
Dans la maisonnée, il y
avait les quatre filles, Lola, Ninette, Yolande, et Nadia, Jacques et sa femme
Rachel et
Pour Louna, c'était toute
une tribu à diriger et organiser. Elle savait tout ce dont ils avaient besoin,
et veillait sans répit à leurs moindres désirs. Elle était en paix de les savoir heureux et en bonne
santé. Ces derniers mois, Louna ne savait pas pourquoi, mais elle se prenait à
penser souvent à la mort et elle en perdait le sommeil. Ce n'est pas qu'elle
avait peur de cette inévitable fin, mais elle pensait aux fillettes si jeunes,
sans mère pour les protèger, à son fils si bon, si doux qui ressentirait sa
perte cruellement.
Louna avait grandit en
province, dans une petite ville du Delta. Elle avait plusieurs soeurs et deux
frères, une tapée de cousins et cousines et ils vivaient tous ensemble dans une
énorme maison. La vie semblait être sans soucis et partagée avec plusieurs
domestiques et de fréquentes visites entre voisins et amis de différentes
religions et croyances. La famille de son père s'occupait de décortication de
riz et assurait une vie confortable et plaisante à sa femme et ses enfants.
Les hommes se rencontraient
souvent pour régler leurs affaires au club où les propriétaires terriens et
industriels petits et grands se fréquentaient. Il y avait là des Grecs et des
Italiens venus d'Europe dans les années 1800, en plus de quelques familles
juives qui habitaient l'Egypte depuis de nombreux siècles, et des Coptes et
Musulmans qui se côtoyaient facilement en ce temps là, grâce à leurs intêrets
communs. Les femmes rejoignaient rarement leurs maris, excepté pour les grandes
célèbrations. On reçevait beaucoup à la maison et on connaissait tout le monde.
C'était difficile de cacher car en plus les domestiques rapportaient pas mal de
ragots.
Pour Louna et ses soeurs,
les voyages au Caire pour visiter le reste de la famille étaient des aventures
en elles-même car les femmes y avaient plus de liberté. Elles s'informaient
donc de la dernière mode et apprenaient toutes sortes de choses qui n'étaient
même pas discutées en public en province. Il semblait que les femmes juives
avaient plus d'indépendence, comme les Européennes, pour fréquenter le théâtre
avec leurs maris et à être vues en public sans causer de scandales.
Louna retournait du Caire
avec la tête pleine de frivolités vivement réprimées par le milieu traditionnel
dans lequel elle vivait. Elle fréquentait avec ses soeurs l'école italienne dirigée par les Bonnes
Soeurs de Charité. C'était une école privée où les familles aisées envoyaient
leurs filles, pas précisemment pour le programme académique, mais surtout pour
les valeurs morales et les meurs enseignées.
Lola pensait souvent à
cette maison inondée de lumière et de cris d'enfants, retentissant de la joie
de vivre. Des querelles bruyantes, entre les filles et leurs cousines
éclataient souvent, mais la paix revenait bien vite. Les bonnes et les
voisines, sans cesse se lancaient des invectives au sujet de la lessive ou des
ordures, mais cela n'ajoutait qu'au plaisir de vivre et de se rencontrer pour
prendre d'innombrables tasses de café et se faire dire la bonne aventure et se
réconcilier.
Toute la journée exceptée
pour l'heure de la sieste, tout ce monde chahutait, au milieu des parfums
odorants de la cuisine et des travaux qu'entreprenaient les femmes. Les
fillettes apprenaient à coudre et broder, à faire des confitures et à ranger
l'argenterie, au son de chansons, de rires et d'innocentes plaisanteries.
Quand le maître
apparaissait le soir, tout rentrait dans l'ordre, on se calmait et on oubliait
ses rancunes et ses jeux, jusqu'au lendemain lorsqu'il repartait au bureau. Il
fallait qu'il soit fier de son foyer ordonné et modèle. Il avait droit au
repos, lui qui travaillait si fort pour donner l'aisance et la prospérité à
tout ce monde.
On dînait dans la grande
salle à manger avec son lustre en crystal, ses tapis persans et toute
l'argenterie. Rituellement, Hossein assumait le service avant de repartir chez
lui. Jacques trônait en vrai maître à sa table et ses filles, sa femme et sa
mère, ne parlaient qu'à son signal. Ce n'est pas qu'il le demandait, mais Louna
avait bien entraîné sa tribu. A la fin du repas, les fillettes allaient
embrasser la main de leur père et couraient se
retrouver dans la grande chambre au fond de l'appartement qu'elles
partageaient avec les “dadas”. Là, même si elles
chahutaient on ne les entendait pas au salon, ni dans la chambre à coucher des
parents.
Le maître et sa femme
prenaient le café dans leur chambre à coucher, assis sur un divan bas à
proximité du balcon. Au court des soirées chaudes, on leur sortait des chaises
longues sur le balcon pour prendre le frais. Souvent, après dîner, on reçevait
des amis et de
Les hommes finissaient par
parler politique et commerce, tandis que les femmes discutaient des difficultés
domestiques qu'elles avaient. Parfois aussi, on cancannait sur le compte de
quelques familles qui réussissaient toujours à faire parler d'elles. C'était
souvent là aussi que les femmes plus âgées, celles qui connaissaient la vie,
combinaient des futurs mariages en discutant tous les bons partis.
La chambre contigüe à celle de Jacques et sa
femme, était celle de Louna, et après sa
mort, elle devient celle des deux fils Victor et Albert. Un long corridor
séparait l'appartement en deux parties. Près de la porte d'entrée se tenait le
salon, avec ses meubles formels en velours jaune foncé, placés en rond, sur
lequel s'ouvrait la salle à manger, la chambre à coucher des maîtres et la
chambre de Louna. Le corridor ensuite menait vers un office avec un balcon
intérieur qui servait de dépôt à toute sorte de meubles et d'objets disparates.
Plus loin, la salle de séjour, où l'on prenait le petit déjeuner et où la
famille avait tendance à se retrouver pour bavarder, déjeuner à midi et même
recevoir des amis intimes. La chambre des filles était attenante communiquant
par un balcon avec la salle de séjour. Le couloir se terminait en s'ouvrant sur
une belle fenêtre qui donnait sur
Le mur qui faisait face à
la chambre des filles à côté de la fenêtre s'ouvrait pour conduire vers la
cuisine, énorme, sombre et mystérieuse. De cette pièce même, une porte menait
vers la sortie de service où venaient les vendeurs ambulants, le laitier et le
boulanger. De cette porte sortait et entrait la domesticité.
En ligne avec la porte de
la cuisine, toujours en face de la chambre des filles s'étalait la salle de
bain, également de grandes proportions, avec une énorme baignoire, un lavabo et
la toilette, tel un gigantesque trône. Toutes les pièces étaient
spacieuses, bien aérées et pleines de lumière.
Pendant un court laps de
temps, Lola était heureuse et insouciante, passant ses journées à écouter et à
imiter sa grand-mère. Cette dernière se pressait de lui enseigner tout ce
qu'elle pouvait avant qu'il ne soit trop tard. Elle se plaisait à observer
comment la fillette n'avait pas besoin de répétitions pour apprendre quoi que
ce soit. Tout semblait lui venir d'une façon naturelle. Jamais Louna ne se
préoccupa du fait qu'elle enlevait à cette enfant l'insousiance de son âge et
les plaisirs même de l'enfance. Ce n'était point par méchanceté mais plutôt par
nécessité, car Louna une fois partie,
Louna avait inculqué à sa
petite-fille une sûreté d'action et de moralité rarement retrouvées chez des
enfants avec ce sens du devoir et de la responsabilité poussé au maximum. La
famille devait être sa préoccupation primordiale, avec le souci de faire tout
en son pouvoir pour défendre les siens de la médisance d'autrui et du mauvais oeil
des jaloux. Lola devait en tous moments rassurer les siens et sacrifier, à leur
bien-être ses propres désirs. La vieille avait donc promis à la fillette une
vie charmée.
"Rien ne peut te toucher ya binti, rien. Avec ma bénédiction,
cara
mia, tu auras tout ce que tu veux de
La mort de sa grand-mère déchira l'enfant.
Advenue trop tôt et si inattendue, c'était comme un effondrement pour toute
Grâce au tempérament d'acier bien forgé par elle-même et sa grand-mère,
Louna prit les rênes et le fardeau du petit monde qu'elle hérita. Pendant
longtemps elle ne voulu pas penser à sa grand-mère car cela lui déchirait
l'âme, mais chacun de ses gestes, ses actions et ses attitudes était un calque
de ce qui lui avait été enseigné par elle.
En se recherchant
elle-même, Lola avait décidé d'échapper au moule dans lequel elle avait été
enfermée. Elle s'était imaginée fille moderne, dynamique, indépendante,
transcendant les traditions et la religion qui ne l'intéressait pas. Mais en
fait, bien que tout ces attributs fassent partie de sa personnalité, elle
arriva à contre-coeur à admettre qu'une part de son caractère et de son esprit
était sans aucun doute tissée et enrichie de la vieille tradition apprise sur
les genoux de sa grand-mère et de sa nourrice Nabiha.
C'est au moment même ou
elle devait donner naissance à son premier enfant qu'elle retrouva avec émotion
le legs de son passé qui l'aidera à se
réaliser dans l'avenir. Elle accepta ce qui lui paru être son destin avec
sérénité et en même temps une fatalité qui ne lui était point naturelle. Lola
comprit qu'elle ne devait pas se débattre contre un chemin déjà emprunté par
elle depuis son enfance. Elle assuma donc ce rôle pour lequel elle fut
destinée, comme une reine qui accepte la responsabilité de conduire son peuple
vers de merveilleux horizons et de splendides lendemains.
Lola mit au monde 2 filles avant le fils attendu et Nabiha, comme elle
l’avait prédit, se retira finalement, malade, vieille mais heureuse pour mourir
dans son village natal.
Conclusion
C'est ainsi que je connus ma mère, forte, fière, indomptable et très
sûre d'elle-même. Toutes les personnes qui lui furent proches se sentaient
appaisées, protégées et aimées d'elle. Une foule de gens venait prendre son
conseil et son avis, se confiait à elle et comptait sur elle soit pour un
mariage ou une réconciliation, une recommandation ou simplement sa compagnie
enjouée et agréable. Autour d'elle il y avait toujours des cousins, oncles et
tantes, des amis, des voisins ou des clientes, car après avoir quitté l'Egypte
et jusqu'à sa mort Lola dirigeait une maison de couture de laquelle elle était
la principale étoile.
Lola quittait rarement son
appartement, mais elle reçevait sans cesse une foule de gens. Son intérieur
était toujours acceuillant et impeccable. Parfaite cuisinière et pâtissière, sa
table était très fréquentée et sa personnalité plaisante et généreuse attirait
non seulement la famille, mais ausi des étrangers qui avaient entendu parler
d'elle. Parmi ses visiteurs, on pouvait reconnaître des personnes de toutes les
professions, et de tous les niveaux d'éducation. Maintes fois, nous, ses
enfants devions faire place à des invités venant de l'étranger envoyés par des
amis ou de la famille.
Lola travaillait sans
cesse et se donnait complètement à tous ceux qui avaient besoin d'elle, même au
détriment quelquefois de son mari et de ses enfants. Mais, on ne pouvait lui en
vouloir, car elle n'avait pas de favoris et elle traitait tout le monde de la
même façon. Depuis notre plus tendre enfance, ma soeur, mon frère et moi avions
compris qu'il fallait la partager sans arrières pensées. Car ce que nous
aimions en elle, en fait avait été créeé justement par ce dévouement et ce
charisme qu'elle possédait et qui attirait tout un monde autour d'elle.
Au courant de sa vie,
maintes fois, elle nous fit le récit de nombreux incidents tirés de son enfance
avec et sans sa grand-mère. Et qui d'entre-nous n'a pas entendu "Ma
grand-mère me l'a dit!". Nous savions tous qu'elle obtiendrait ce qu'elle
désirait de la vie parce que sa grand-mère le lui avait promit. Il faut dire
que Nonna Louna ne manqua jamais à sa promesse.
LE
31/01/2007
A CESAR ZEITOUNI
Dans les yeux bleus de mon père,
Rayonnaient toutes les lueurs
D'un doux soleil sans fureur
Tel l'azur du ciel et de la mer.
Dans les yeux bleus de mon père,
Brillait de tous ses calmes feux
Un monde serein et généreux,
La nature et la bonté de la
terre.
Dans les yeux bleus de mon père,
Clignotait avec humour
De la vie un grand amour
Et une joie impossible à taire.
Dans les yeux bleus de mon père,
Une lueur d'admiration étincelait,
Quand, du passé il parlait,
Surtout au souvenir de sa mère.
Dans les yeux bleus de mon père,
Jusqu'à la fin existait
Une douceur où flottait
L'innocence de naguère.
S'il y a une chose que je ne
pourrais
De lui, jamais oublier,
Ce n'est ni sa voix, ni sa
générosité;
Ni son pas léger, sa douce gaîté
Ni sa façon de plaisanter;
Mais plutôt, son regard illuminé
Comme un phare guidant dans
l'obscurité:
Ce sont les yeux bleus de mon
père.
Note
de
LOLA
est la mère de la narratrice.
Nonna
LOUNA est son arrière-grand-mère
Lola avait souvent un rêve qui se manifestait nuit après nuit, jusqu'au
jour où elle se rendit compte que ce n'était point un rêve mais un événement de
son enfance qui lui retournait sans cesse. Elle avait noté que c'était surtout dans
des moments de crises et de difficultés
que cette vision
- Je me souviens de ta grand-mère, elle était très superstitieuse, si tu n'as pas dit une prière
pour son âme, elle va te hanter, soupirait-elle.
- Mais qu'est-ce que tu racontes Beba? Ma Nonna était la femme la plus
merveilleuse au monde pour moi. Je n'ai aucun souvenir de ma mère, mais Nonna,
elle, m'a tout donné. Je refuse de penser qu'elle me veut du mal, s'obstinait à
dire Lola.
- Bon d'accord, ne te fait pas de mauvais sang, tiens, tu dois bientôt
accoucher. Nous espérons que tu feras l'honneur à ton mari de lui donner un
fils, comme ta belle-mère te l'a demandé, plaisanta Beba en souriant et
tapotant la main de Lola.- - Oui, oui,
mais si ce n'est pas un garçon, je ne me frapperai pas tu sais. Mon mari est
moderne et puis il m'a dit qu'il aimait mieux les filles, ajouta- elle.
- A Dieu ne plaise ! Tse, tse... Arrête de dire des bêtises ma chérie.
Tu auras un beau fils pour commencer, lui assura Beba avant de partir.
Laissée seule, Lola
continua sa rêverie. Elle avait été élevée par sa grand-mère paternelle Louna.
Sa propre mère Angèle, mourru d'une fièvre typhoïde six mois après avoir mis au monde une quatrième fille.
A la consternation de toute la famille qui attendait un héritier pour Jacques H
son père, dernier de ce nom, Angèle, désespérée ne pu produire qu'une autre
fille.
A la mort de sa mère, Lola n'avait que six ans et sa plus jeune
soeur six mois à peine. Heureusement,
Louna sa grand-mère paternelle qui vivait avec eux s'occupa de diriger la maison de son fils,
et, de cette façon, pendant les quelques années à venir, les quatre filles
eurent un substitut de mère. Jacques H fut forcé de se remarier, car il lui
fallait des garçons pour continuer la branche de sa famille. Il épousa en secondes
noces Rachel A qui avec le temps lui donna deux fils.
Depuis son plus jeune âge,
Lola se sentait mère, responsable de ses soeurs et demi-frères pour qui elle
éprouva tout de suite un grand amour. Elle les avait toujours protégé et écouté,
elle était à la fois confidente, amie, mère et soeur. Pour eux tous, Lola fut tout de suite le lien, la force et
la vitalité de leur unité. Il exista un sens et une cohérence dans leurs
relations même lorsque la vie les sépara à cause de la guerre et des
dispersions de leurs destins individuels. Il se créa un sentiment indéfini,
presque télépathique entre eux six, qui durera jusqu'au dernier jour de Lola.
Vers la fin de cette année
1940, avec la peur de la guerre et toutes les rumeurs terrifiantes qui venaient
de l'étranger, Lola se trouva enceinte de son premier enfant. Alourdie par sa
grossesse et inquiétée par cette vision d'elle-même dans ce passé qu'elle croyait oublié, Lola
cherchait à comprendre pourquoi cet événement lui revenait avec tant de force
et d'insistance.
Nabiha, sa nourrice, lui
apporta un café et s'assit à ses pieds en soupirant. Elle avait beaucoup
vieillit, et Lola s'aperçu avec un choc à quel point ses cheveux étaient
devenus blancs sous son coquet foulard noir à paillettes. Le visage de
Lola se pencha avec
affection vers la vieille et fidèle nourrice, lui mettant la main sur l'épaule
elle la rassura et finalement lui
demanda:
- Pourquoi penses-tu que j'ai ce rêve Nabiha? Penses-tu qu'elle me veut
du mal,
- Mais non, pas elle ya rohi, pas elle. Elle doit te voir
prête à devenir mère et elle veut simplement te rappeler tout ce qu'elle t'a
enseigné. C'est sa façon de te dire qu'elle est toujours avec toi. Ne te
préoccupes pas ya benti!
- Toi tu as toujours raison Dada. Merci.
- Tu veux un bain de pieds, ya binti, ma fille? répliqua
Lola la dévisagea
attentivement. Cette question voulait toujours dire que sa Dada désirait lui
faire une confidence importante. Alors, dans l'intimité crée par leur proximité
dans la salle de bain, les pieds dans l'eau tiède et la fidèle servante la
dorlotant comme une enfant, le moment était propice pour d'importantes
révélations. De plus, Lola avait comprit que dans l'âme de cette simple femme,
l'eau purifiait tout, séparant le prophétique du quotidien pour ainsi dire.
C'est donc par le moyen de l'eau ou en sa présence que certaines choses se
passaient entre la jeune femme et sa nourrice.
Aussitôt qu'elles étaient
installées dans la salle de bain, Lola tourna son visage arrondi par la
grossesse avec une question dans les yeux. Il ne fallait pas se dépêcher, la
déclaration viendrait à son heure.
__ C'est une fille, ya binti, c'est une fille que tu as
dans le ventre. Inchaallah, que la volonté du tout puissant soit faite. Je
vivrais jusqu'à ce que tu aies un fils. Amin. Ainsi soit-il. Elle dirigea
son regard vers Lola qui la fixait de toutes ses forces. Elle referma le
robinet et se retourna pour chercher la serviette blanche et moelleuse,
légèrement parfumée pour sécher les pieds de la jeune femme.
- Dada, je n'ai jamais questionné ta sagesse, mais...
- Alors ne le fais pas maintenant ya habibti, ma chérie. Allah est
grand et lui seul sait et décide pour nous. Viens, Sidi, mon maître va
rentrer bientôt, nous avons à faire.
La conversation était
close. Les deux femmes s'affairèrent chacune de son côté. Lola préoccupée par
ce qu'elle venait d'entendre n'était nullement inquiète par le fait qu'elle
attendait une fille et pas un garçon. Mais par la réalisation de deux choses,
l'une, qu'elle avait négligé son devoir et ne s'était pas aperçue que Nabiha était peut-être malade et qu'il
fallait la faire visiter par le médecin, l'autre, que son attitude de femme
moderne et émancipée n'était après tout qu'une idée balourde.
Son enfance et son
éducation, son expérience tout au long
de sa vie et son entourage, tout complotait contre cette image d'elle-même
qu'elle voulait réaliser. Elle ne pouvait donc pas se détacher entièrement de
son passé et de ce que Nonna avait fait d'elle. Elle était pétrie dans les
superstitions juives et arabes de cette Egypte dans laquelle elle avait
toujours vécue et de laquelle il était impossible de se détacher. Comment
disait donc ce proverbe? "Celui qui boit de l'eau du Nil y
retourne!"
Angoissée en pensant que
Cette nuit-là, Lola
accueilla le rêve qui l'obsédait depuis quelques semaines avec sérénité et
résignation. Elle ouvrit son coeur à la tendresse et l'affection témoignée par
sa grand-mère dans son enfance. Dans le silence de la nuit noire et à peine
consciente de la calme respiration de son mari à ses côtés, Lola voyagea dans
le monde de son enfance et de ses souvenirs. Dans ce sommeil réparateur, Lola
retrouva enfin la paix et l'acceptation de ce qu'on appelait "El
maktoub", sans pour cela jamais perdre son ambition de se réaliser
comme une femme moderne, une femme du XXe siècle.
- Allons cara mia, lève-toi. La voix douce chuchote dans le silence de
la nuit noire. Au fond de son sommeil confortable la jeune enfant refuse
d'ouvrir les yeux et de sortir de son chaud cocon.
- Allons ya habibti, il le faut, continue la voix.
Une main ferme éloigne les
couvertures et la petite se trouve assise dans son lit à peine consciente. La
vieille lui enfile les pantoufles de cuir rouge toutes froides d'être restées
sous le lit et la petite se lève en titubant.
Avec son mélodieux mélange
d'italien, d'arabe et de français, la grand-mère continue à exhorter la petite
fille jusqu'à la salle de bain. Cette pièce, énorme et caverneuse, avec ses
grandes dalles noires et blanches lui parait encore plus froide que d'habitude.
Il n'y a qu'une seule fenêtre à vasistas et les murs sont d'un blanc d'hôpital.
Les deux se dirigent vers la grande baignoire en émail qui trône dans un coin
de la pièce, avec ses énormes pieds en forme de pattes de lion. Là, la vieille
ouvre le robinet et la petite place machinalement ses mains en les frottant
l'une contre l'autre, sous le jet froid de l'eau qui semble lui couper la peau
comme un couteau.
- Allons, tu sais quoi dire cara mia, qu'est-ce que tu attends?
Comme dans un rêve la
fillette s'exécute et psalmodie les phrases apprises, qu'elle répétait presque
deux ou trois fois par semaine quand son père tardait à rentrer la nuit :
"Jacques H, rentre à la maison sain et sauf, que Dieu te bénisse Jacques,
rentre à la maison". Elle continue sa supplication pendant que la vieille
la soutient et l'encourage.
Finalement, la grand-mère
ferme le robinet d'un geste sec et rassure la fillette en lui séchant les
mains. "Très bien ya habibti, brava, brava. Adesso fa la nanna
! Va dormir, ton père, il sera
bien".
La vieille embrasse la
petite avant de la coucher dans son lit chaud et douillet où elle pourra
poursuivre son sommeil jusqu'au matin. Le lendemain, la fillette ne se
rappellera pas de grande chose excepté du fait que sa grand-mère lui faisait confiance
et la mettait dans le secret des grandes personnes. Elle se sentait importante
et nécessaire, car la vieille lui avait dit que seul l'appel d'une fille sage
et innocente pouvait faire réussir ce sort bénéfique qui protégeait son père,
alors qu'il travaillait tard la nuit, au milieu d'étrangers jaloux et
intrigants. Cet appel qu'elle faisait, ramenait Jacques sain et sauf vers ceux
qui l'attendaient.
Depuis son plus jeune âge
la fillette adorait sa grand-mère, la suivait partout et l'écoutait de toutes
ses forces. L'affection de la vieille avait su parer le coup de la mort de sa
mère si cruellement advenue. On n'avait pas vraiment expliqué à la petite de quoi sa mère était décédée mais
tout ce qui importait à Lola c'était que
La fillette se trouvait
donc responsable à un âge si tendre de ses soeurs qu'il fallait garder
silencieuses, sages et tranquilles dans leur chambre pour ne pas déplaire à la
nouvelle femme. En plus, tout le monde chuchotait qu'enfin Jacques H allait
avoir les fils dont il avait été privé jusque là. Quatre filles, ce sont
des frais sans fin, des bijoux, des
trousseaux et des dots.
Elle avait souvent le sentiment qu'elle et ses soeurs étaient un fardeau
pour son père et elle s'efforça toute son enfance à retourner à son père ce
qu'elle croyait lui devoir. Elle apprit à gérer son foyer d'une façon
économique, à se garder de dépenser inutilement. Elle prit des cours de couture
pour confectionner ses vêtements et ceux de ses soeurs pour ne pas demander
trop d'argent à son père, quand en fait rien de tout cela n'était nécessaire.
Dans sa vie, plus tard, elle su se donner en se sacrifiant pour les autres,
mais sans jamais rien exiger pour elle-même en retour.
(la suite de cette narration, portant le titre
de Nonna LOUNA, paraîtra le mois prochain, incha’allah)
LE
31/12/2006
Si tu manges tout,
tu deviendras grand
Tu seras fort et
certainement puissant.
Si tu écoutes les
paroles de tes aînés,
Tu apprendras et
connaîtras tout le succès.
Si sans cesse tu
imites leurs actes de dévotion,
Tu n’accompliras
que de bonnes actions.
N’oublie pas qu’il
faut à tout prix réussir
Faire beaucoup
d’argent, travailler et servir;
N’avoir pitié de
rien et aller de l’avant
Malgré les
obstacles et moments décevants.
N’oublie pas qu’il
faut être toi, le plus fort,
Pas seulement de
l’âme mais aussi de corps.
Si tu ne laisses
rien dans ton plat,
Tu travailleras
sans être jamais las.
Tu plairas à ton
père et ta mère, et puis quoi?
Laisses-les faire
pour cette fois:
Ils ne veulent que
ton bien, tu le sais?
Ils savent quand
est-ce que c’est assez!
Quand tu seras
grand tu partiras à la guerre
Pour la glorieuse
patrie, héro tu mordras la terre.
Et ton sang abreuvera
à l’infini le blé des champs,
Et ton nom survivra
sur la pierre pour tous les temps.
Personne ne te
demandera ce que toi tu désires
Tu accompliras ta
dure tâche sans rien dire.
Mais dit l’enfant:
“Je ne veux pas
grandir,
Travailler, servir et
mourir.
Je préfère regarder
voler au soleil les papillons;
Attraper de mes
mains nues les petits poissons
Qui dans la mare
nagent en agitant leurs nageoires;
Et poursuivre des
abeilles la folle trajectoire.”
“Je ne veux pas
grandir
Avoir de l’argent,
réussir.
Je préfère dans mon
jardin voir les plantes fleurir,
Pousser au
printemps et gaiement s’épanouir
Les graines que de
mes propres mains j’ai semé
Et qu’avec amour
j’ai arrosé, soigné, et taillé.”
“ Je ne veux pas
grandir
Aller me battre,
conquérir.
Je préfère vivre et
aimer, cultiver dans mon coeur
L’amitié et la
compassion comme de belles fleurs.
Je voudrais chaque
jour protéger de mes propres mains
La vie de chaque
enfant avec tous ses lendemains.”
(portier, concierge)
C’était un personnage
célèbre et important au Caire car il régnait comme un roi sur l’immeuble qu’il
gardait. Notre Abou Mahmoud, formidable personnage, n’était point un simple
concierge mais bien plus : un protecteur. Il connaissait très bien tous
les habitants de la bâtisse et savait se faire obéir des vendeurs, livreurs,
domestiques et tout ce monde qui entrait et sortait de son domaine. Il faut
dire que conscient de son importance il prenait ses responsabilités
sérieusement et, en fait pour nous dans notre immeuble, Abou Mahmoud avait
l’allure d’un héro des mille et une nuit.
Tout
d’abord, Abou Mahmoud venant du Said était de grande taille majestueuse, aux
joues balafrées affublé d’un large caftan blanc, ceint d’une large bande noire
et portant une « a’abaya » en toute saison. Sous sa « galabiya »
on pouvait distinguer un « sherwal » qui tombait sur ses
énormes babouches noires. La voix grave et autoritaire de Abou Mahmoud
résonnait dans le « hosh » qui unissait les deux immeubles et
communiquait avec le jardin.
Avec lui, il y avait encore trois autres « bawabin »
qui ensemble assuraient la sécurité de notre petit monde de tous les
jours. Je les voyais souvent assis, sur
leur banc ou « mastaba » avec une « shisha »qui
ronronnait ou bien en train de jouer au
« trictrac ». Mais rien ne leur échappait, car ils savaient à chaque
moment qui entrait et qui sortait de l’immeuble.
C’est
grâce à leur loyauté et à leur calme rationnel que notre immeuble ne fut pas
attaqué lors des manifestations du 26 janvier 1952. La présence d’esprit et la
précaution de ces hommes leur permis de rapidement juger le danger. En
refermant les lourdes portes de fer et en convainquant les chefs de la foule en
délire qu’ils n’avaient rien à faire dans notre immeuble, nous sauva ce jour-là.
La
famille d’Abou Mahmoud vivait toujours au village et ce n’est que de temps à
autre que l’une de ses femmes venait le visiter. Il avait une tapée d’enfants
que n’avions jamais vus. Mais un jour, un de ses fils, l’aîné je crois, qui
s’était distingué dans les études monta au Caire pour aller à l’école. Mahmoud
devait avoir quinze ou seize ans. Grand de taille mais très mince, il ne
ressemblait pas du tout à son père. Je me souviens de ses grands yeux noirs car
ils paraissaient énormes. Mahmoud avait des pommettes hautes et des cheveux
frisés qu’il portait courts. Sa peau très noire luisait toujours comme s’il
venait de se huiler le visage et ses dents blanches éclataient dans un sourire constant.
Quand
Mahmoud apparu dans notre jardin, nous fûmes tous curieux de savoir qui il
était et timidement, il nous expliqua. Je compris à demi mot par la suite, qu’
Abou Mahmoud lui avait recommandé de ne pas trop fraterniser avec les enfants
de l’immeuble. Il lui avait dit je
pense, que nous étions des « khawagat » et beaucoup
d’entre nous des « afrang » et qu’il ne voulait pas entendre de
plaintes à son sujet.
Mahmoud avait la
responsabilité d’aider Hanafi le jardinier et ce dernier le malmenait assez en
lui faisant des remarques désobligeantes ou en le grondant souvent. Mais
Mahmoud souriait toujours. J’étais très intriguée par ce jeune garçon et je lui
posais une foule de questions. C’est là que me rendis compte qu’il avait un
talent naturel et inné de conteur.
Avec le temps, il
s’apprivoisa et presque tous les jours il nous racontait des histoires tout
comme Shéhérazade en s’arrêtant au point crucial pour continuer le lendemain.
Je me souviens avec grand émoi à ces histoires simples et touchantes. Quelques
une sans doute étaient des remaniements des fables de
Mahmoud se
concentrait toujours pour quelques secondes avant de commencer un conte, comme
s’il cherchait les mots dans sa mémoire. Ensuite, il prenait une grande
inspiration et le voilà partit. Il mettait l’emphase sur les mots importants,
changeait sa voix pour faire les différents personnages et utilisait un langage
poétique mais en même temps terre à terre pour se faire comprendre. Plusieurs
d’entre nous parlaient à peine l’arabe.
Un jour Mahmoud disparu. Son père nous dit qu’il avait
été accepté dans une école importante, un pensionnat je crois. Nous ne le vîmes
plus jamais. A aucun moment, Mahmoud n’avait donné une indication qu’il allait
quitter notre immeuble. Mais depuis, je crois que je fut celle qui regretta le
plus son départ. Je pense avoir été la plus âgée des enfants et les histoires
qu’il racontait avaient éveillées en moi cette soif d’en connaître plus. Je le
revois dans ma mémoire assis parmi nous heureux de parler et d’être écouté avec
tant d’attention. Je me suis demandée par la suite si Mahmoud n’était pas
devenu instituteur
LE
25/11/2006
Nous habitions au
numéro six de
Ma mère
me raconta que lorsqu’elle s’installa, jeune mariée, dans ce quartier, elle
avait été séduite par les beaux arbres qui ombrageait l’avenue. Avec le temps,
ces arbres furent coupés pour faire place aux automobiles et à la circulation
intense, typique du Caire.
Le numéro six comportait deux immeubles
reliés par la terrasse sur le toit et par un grand jardin au niveau de
Il est bien rare de trouver au centre
du Caire un jardin si on n’habite pas une villa ou un palais. J’estime que nous
avons eu beaucoup de chance d’habiter dans cet endroit et je me souviens avec
grand plaisir les bons moments passés dans ce jardin.
Le jardinier Hanafi s’affairait dans ce
monde de palmiers et
d’arbres fruitiers,
sans compter les belles plates-bandes fleuries, le gazon toujours tondu à temps
et les allées bien sablées. Sur les murs qui entouraient le jardin, croissait
le lierre avec de longues lianes. Au-delà du mur, il y avait une autre bâtisse
de trois ou quatre étages qui donnait sur notre jardin.
Au fond du jardin, une cabane basse et caverneuse
servait de remise à Hanafi. C’est là qu’il gardait tous les outils de
jardinage. Mais je pensais aussi qu’il devait cacher quelque chose de précieux
car il avait l’habitude de verrouiller la porte en regardant tout autour de lui
d’une façon, qui à mes yeux semblait suspecte. Mon imagination souvent galopait
à imaginer toutes sortes de méfaits dont il aurait été coupable. Hanafi nous
semblait à tous un peu louche et quand il criait après les enfants, nous nous
dispersions bien vite pour ne pas nous faire prendre par lui!
Dans ce merveilleux jardin, nous
passions des heures à sauter à la corde, jouer à la marelle, aux cow-boys et
indiens et au ballon prisonnier. Nous grimpions aux arbres pour agacer Hanafi
qui nous poursuivait en nous menaçant des pires tortures. Il nous avait appris
à tresser les longues tiges des feuilles de palmier pour faire des panier ou
des chapeaux. Nous façonnions également des arcs et des flèches pour rendre nos
indiens plus véridiques!
J’aimais à me coucher tranquillement
dans l’herbe haute qui poussait au fond du jardin dans un espace que Hanafi
avait laissé complètement sauvage. Là, j’attrapais des sauterelles vertes pour
les observer de plus près, de beaux papillons vivement coloriés et des fourmis
qui voyageaient en longues caravanes lentes.
Un énorme mûrier non seulement faisait
une grande tache d’ombre fraîche, mais aussi nous approvisionnait de feuilles
pour nourrir des vers à soie que nous gardions dans des boîtes à chaussures.
Dans cette atmosphère de nature et de liberté, nous avons forgé des amitiés
solides et à mon avis uniques. Nous avons jouis du plein air en bonne santé.
Nous avons appris à partager nos jeux et à communiquer avec autrui.
Quelle fut donc notre tristesse lorsque
cet espace vital fut vendu! Oui, bien vendu à « Gaafar Frères » pour
construire une salle de cinéma! Tous les enfants et leurs parents déplorèrent
ce jour, mais qui peut discuter et se battre contre l’argent? C’est ainsi que
notre innocente enfance se termina pour faire place à une salle de cinéma.
J’y suis
allée une fois avec mon père pour entendre Gamal Abdel Nasser faire un
discours.
Stretched along the banks of the
river
Languorous, mysterious, graceful
as a tiger-cat,
Al-Kahira, all decked out is ready
to beguile.
The innocents, the strangers who
cross her path,
Are mere mortals, their fate is
cast.
Nourished with the miraculous
water
She's moulded modern
As well as, her events, ideas
and philosophy.
She has young eyes wise, in a
body fragile.
However, she's older than most
cities.
Mirrored in her every sight
Is the story of millions of
people!
Conquered by many a fight,
She rises proud yet fickle:
She's known the greatest of
names!
Adorned by temples to many gods,
Reflecting the vanity of men
Whose power stands symbolized by
rods,
Whose names resound in anthems,
They are in fact, her
unfortunate victims.
Al Kahira is like the prostitute
painted
With all the colours of deceit.
Under the fresh look she's
tainted:
Lepers' sores and cruel defeat,
For better days, she still
remembers.
Masked by sweet orange blossom
scent,
Al Kahira hides the smell of
rotten flesh.
Beneath her passionate love
accent
She seeks to attack her prey
afresh
Using skilful and subtle ways.
In the narrow black, dark alleys
Bristling with murderers and
thieves,
She ceaselessly the desperate
rallies
To do her will with poisoned
leaves,
Rape or back knifing feats.
Cruel, bloodthirsty, she only
rests
When nothing more is left.
She leaves her victims spent,
bereft,
Incapable still to forget her
face
Her charms, and her deadly
grace.
(for my grand-children)
The
presence of Jews in
In 1956,
most Jews who were poised to leave
Leaving
For some
Jews immigration to
I was
born in
Up to
this time, all my experiences in
What did
it mean to live in
Truthfully,
when I think of it rationally, it was a mixed bag where sweet and bitter mixed
almost equally. Even today, many years after, I am aware of how deep
In spite
of all this, we lived well and comfortably. We had servants and could circulate
freely, attend theaters and public places. Many Jews owned businesses and
beautiful homes. They traveled inside the country and outside, all over
Sous la caresse brutale
D'un soleil tropical,
La terre craque et se fend
A tout bout de champs.
Le sphinx, gardien muet des
lieux
Reste immobile sous ces cieux.
Voilà qu’un souffle brûlant
Balayant le paysage, rasant,
Le sable rouge du désert,
Déplace dans cet air ardent
Des grains de poussière mouvants
Vivement emportés par le vent.
Voilà ces pyramides majestueuses
Qui depuis des millénaires
durent.
Le mystère continue, le silence
règne,
Sans que nulle eau ne les
baigne.
Immuables ces énormes pierres
résistent
A l’usage du temps qui point ne
désiste.
Trois pyramides côte à côte
Droites, fortes sans fautes
Se dressent gardiennes des
sables,
Autour desquelles se racontent
des fables
Témoins d’une fabuleuse histoire
Odyssée parfois difficile à
croire!
LE
28/10/2006
Ce jour a commencé
normalement. Je me suis rendu en autobus à l’école comme d’habitude. Il n’y
avait rien dans l’air pour présager ce qui arriva plus tard. Mes cours étaient aussi
ennuyeux qu’à l’accoutumé et ce ne fut que vers midi que je fus convoquée au
bureau de Dr. Martin notre directrice. Avant d’entrer, je notais mentalement
que deux autres camarades attendaient dans l’antichambre.
Dans cette école
«The American College »pour filles, dirigée par des missionnaires
américaines, il n’y avait que trois juives en tout sur mille ou plus élèves.
Nous avions eu toutes les trois des permissions spéciales afin de nous faire
inscrire à cette école. La journée d’étude était longue et les cours se
prolongeaient jusqu’à seize heures. Racheline et Raymonde étaient les élèves
qui étaient dans l’antichambre de Dr. Martin.
Dr. Martin, me
regarda sévèrement et d’une voix calme m’invita à m’assoire. Elle m’annonça que
je devais chercher mes affaires parce que ma tante Esther qui habitait à
proximité de l’école viendrait me chercher. Prise de court et terriblement
surprise et je lui demandais de me donner
Je fus prête en
quelques minutes. Mes camarades de classe me regardèrent ramasser mes livres
sans m’adresser la parole et je me rendis directement à la grille dans la cour
où en effet je trouvai ma tante. Elle me prit par la main et nous traversâmes
la rue pour arriver chez elle. Ma tante ne me donna pas de détails non plus
mais confirma que mon père venait me chercher.
Ce n’est que
lorsque nous arrivâmes à la maison que mon père finalement m’informa que la
guerre avait éclatée. Choquée et anxieuse, je saisi que se préparaient de
grands changements dans notre vie. En effet, le soir même j’entendis mes
parents qui chuchotaient entre eux et je crus même entendre un sanglot dans la
gorge de ma mère. Pendant la nuit, j’entendis en tremblant des soldats
égyptiens qui montaient l’escalier en faisant résonner leurs bottes et cliquer
leurs armes. A l’étage au-dessus du nôtre, ils frappèrent avec insistance en
criant « Ouvrez
Je tremblais comme
une feuille et je sentais la nausée qui allait me terrasser. Ma dada me serra la main en me faisant
« chut » du doigt. Je compris qu’on arrêtait notre voisin et je couru
vers la chambre de mes parents. Mais soudain, je vis mon père et ma mère debout
près de la porte d’entrée. Papa avait une petite valise à la main et son visage
trahissait des sentiments de frayeur et de crainte. A ce moment, nous
entendîmes les soldats qui redescendaient mais nul ne frappa à notre porte!
Avec un soupir de soulagement mon père s’effondra sur un
fauteuil. « Ce n’est pas mon tour aujourd’hui! », souffla-t-il.
Il n’y eu point de
sommeil pour nous ce nuit-là. Ma sœur, mon frère, notre dada et moi, blottis les uns contre les autres attendîmes le
jour pour discuter avec nos parents des événements. Durant les jours que dura
la guerre, nous hébergeâmes
Je n’ai pas de
souvenirs précis de ces jours-là, excepté pour l’insécurité de minute en minute
de ce qui pouvait se passer. Mes parents qui jusqu’à maintenant étaient
toujours certains de ce qu’il fallait faire ou dire, me semblaient bien vagues
et maintes fois même inquiets et craintifs. Pour nous, les enfants, c’était un
grand congé! Pas d’école, ni de devoirs, nous passâmes de bonnes heures à
échanger des confidences et plaisanteries avec notre cousin!
Les semaines qui
suivirent étaient souvent une suite d’événements pleins d’émotion et de graves
décisions. Séquestres, confiscations, arrestations, mauvaises nouvelles et
l’évidence claire qu’il nous fallait partir, quitter l’Egypte finalement. Mon
père né au Liban et détenant la nationalité libanaise avait un passeport
valide. Mais ayant dû détruire tous les papiers prouvant ma mère tunisienne
protégée française, il fallait pourvoir maintenant à la mettre sur son passeport.
Le consulat du
Liban lui fit la faveur de s’exécuter mais la condition était d’utiliser ce
passeport afin de quitter l’Egypte seulement, et pas plus. Donc, ces papiers ne
valaient plus rien après la sortie de ce pays. Papa devait se contenter de
perdre sa nationalité et se servir de ce passeport pour se sauver la peau, un
point c’est tout!
Nous quittâmes
l’Egypte le 19 décembre 1956, au lendemain de mon 16ieme anniversaire en
destination de l’Italie. Là nous restâmes deux semaines à Rome où il pleuvait
presque sans cesse d’une petite pluie fine et pénétrante. Il faisait plus froid
qu’au Caire bien sûr et je me souviens d’avoir eu le nez et les extrémités
constamment gelés. La grisaille semblait bien accompagner l’humeur noire de mes
parents!
En Italie, après
quelques jours frustrants pendant lesquels mon père essaya de communiquer avec
des hommes d’affaires qui lui devaient de l’argent, il se rendit à l’évidence
que c’était peine perdue. Il a fallut donc décider de ce que nous devions faire.
Ma mère ayant famille proche en Israël, désirait les revoir. C’est ainsi que
nous partîmes pour ce pays.
Le 3 janvier 1957
est encore une date très importante dans ma vie et celle de ma famille. C’est
le jour de notre arrivée en Israël où nous fûmes reçus à bras ouverts par la
sœur de ma mère et sa famille et le quatorzième anniversaire de ma sœur. Même
si aujourd’hui je ne vis plus dans ce pays, mon cœur y est encore. Je lui suis
redevable d’avoir moulé ma personnalité d’adulte et donné à ma vie un but, un
sens et une direction.
C’est là, à Haïfa
que j’ai rencontré mon mari et où sont nés mon fils aîné et ma fille cadette
puisque la benjamine naquit à Ottawa au Canada quelques années plus tard.
A la queue leu leu, se pressant l'un
contre l'autre
Une armée de peupliers se
balance
Au rythme cadencé de la brise.
Tantôt à gauche, tantôt à
droite,
Ce balancement gracieux produit
Dans le silence un doux
chuchotement.
Les peupliers tremblent et
frémissent
A chaque souffle d'air. Leurs
longs bras maigres
Remuent sans arrêt en se
touchant.
Serrant les rangs comme de
fidèles soldats
Les peupliers se courbent et se
redressent
A tous vents, sous tous les
cieux.
Toujours présents, ils
garnissent l'horizon
De leur fière allure. Élégants et
unis
Ils se découpent avec précision,
surtout,
Au crépuscule, quand le ciel,
dans sa splendeur
Prends feu sous les derniers
rayons du soleil couchant.
Quand
je pense à certains de mes souvenirs d’enfance, je ne peux m’empêcher d’évoquer
mes peurs de petite fille. C’est que pour nous discipliner, les dadas aimaient souvent nous raconter des
histoires de diables, de mauvais esprits et démons (baboula) qui avaient le but de nous apprendre à rester sur le droit
chemin!
C’était
surtout des superstitions qu’on nous inculquait. Elles avaient deux sources:
l’une, celles de nos dadas qui
jaillissaient du folklore égyptien lui-même et l’autre, des croyances
religieuses musulmanes. Pour moi, c’était un monde extraordinaire, peuplé de
faits magiques et merveilleux. Je savais distinguer la vérité de la fantaisie
mais n’empêche que vivre avec ces mythes et contes avait quelque chose
d’enrichissant qu’instinctivement je percevais.
Je
me souviens que Fahima ma dada avait
en grippe certaines amies de ma mère et qu’elle était persuadée que ces femmes
étaient envieuses. Fahima était convaincue que ces dernières nous donneraient
le mauvais oeil. Alors quand ces personnes s’attardaient chez nous ou venaient
trop souvent, elle s’armait du balai et introduisait des épingles dans le poil
en marmonnant je ne sais qu’elle incantation. Aussitôt qu’elle faisait cela les
invitées se levaient tout d’un coup pour partir. Le visage de Fahima s’éclairait
d’un grand sourire qui découvrait ses dents en or. Elle était certaine d’avoir
sauvé la famille d’une mauvaise passe!
Pour
complémenter sa bonne oeuvre, Fahima avait un moyen “infaillible” de savoir qui
nous voulait du mal. C’est alors, qu’elle plaçait des clous de girofle dans un
contenant de métal. Ensuite elle mettait le feu à chaque clou en murmurant le
nom de la personne qui nous avait visité. En brûlant, le clou de girofle soit
fumait tranquillement, soit s’éclatait en faisant des étincelles ou
en
émettant des sifflements. C’est à ce moment que Fahima déclarait que cette
personne ou une autre nous avait mis le mauvais oeil. Il fallait à tout prix
éviter de l’inviter et on devait se méfier d’elle!
Notre
chère Fahima que nous adorions, était totalement fidèle et dévouée à notre
famille. Elle s’était prise la fonction de protectrice des enfants! Jamais elle
ne nous disait que nous étions belles, ma soeur ou moi car elle avait peur que
le diable l’entende parler et alors cela nous aurait mises en danger! Elle
faisait semblant de cracher tout le temps afin d’éloigner le mal. Fahima
marmonnait sans cesse des prières sotto
voce au cas ou un sort nous avait été jeté.
Fahima
dormait dans notre chambre et si jamais nous avions un cauchemar et que l’un de
nous se réveillait en sursaut, elle était tout de suite a notre chevet “dastour, besmellaah, yhehrossek Allah”. Elle nous faisait boire de l’eau
ou nous lavait le visage en sens contraire. C’est à dire du menton vers le
front.
Je
me souviens que lorsqu’ une croûte de pain tombait à terre, il fallait tout de
suite la ramasser et l’embrasser avant de la poser sur
Comme
chez tout le monde, il y avait toutes sortes d’objets en verre qui se
cassaient. S’il arrivait que deux choses se brisaient, on avait l’habitude de
prendre une allumette de bois et la casser en deux pour éviter une troisième
perte. En plus, suivant la forme de la cassure on pouvait déterminer si la
cause était dû au mauvais œil ou au hasard. C’est à ce moment donc, que Fahima
procédait à faire brûler les clous de girofle afin d’identifier qui nous avait
envoyé ce mauvais sort ou qui nous enviait.
Quand
j’ai eu la rougeole, on a mis ma soeur, mon frère et moi dans le même lit. La
chambre était tendue de rouge, nous portions des pyjamas rouges et Fahima très
sérieuse était déterminée à nous garder au chaud pour nous guérir. Ma mère
souvent combattait Fahima mais ne parvenait pas à la convaincre de l’inutilité
de tous ces efforts. Les croyances de notre dada
n’étaient nullement ébranlées par ses propos et alors, c’était plus simple de
la laisser faire.
Avant
d’aller dormir chaque nuit, elle nous avertissait que sous la terre il y avait
des esprits qui n’aimaient pas être dérangés par les humains. Alors on devait
se rendre au dodo au plus vite possible en faisant le moins de bruit possible. De
cette manière aussi on avait plus de chance d’avoir de beaux rêves.
Notre
dada nous régalait d’histoires et de
contes qui mélangeaient la fantaisie, les superstitions et les maximes du
Coran. Une foule de détails qu’elle nous racontait s’ajoutaient ou entravaient
nos connaissances sur Abraham, Adam et Eve et Moise qui nous venaient de notre
tradition juive. Dans ses histoires, prises du Coran, Moïse, Zacarie, Jésus et
Miriam se mélangeaient dans une cacophonie de voix et de noms qu’elle
apostrophait de dictons.
Quand
nous quittâmes l’Egypte en 1956, notre pauvre Fahima était inconsolable. Elle
aurait voulu venir avec nous et je suis sûre que si c’était possible nous
l’aurions emmenée. Je me souviens des larmes versées, elle qui savait toujours
contrôler ses émotions. Quelques fois quand on se fâchait d’elle, ma sœur et
moi l’appelions « Le Sphinx » ou la « Momie ». Fahima n’a
pas survécue longtemps après notre départ. Six mois seulement.
Un papillon, insouciant et
multicolore, se pose
En tremblant légèrement sur la
rose.
Respirant le parfum intoxicant
qui le grise
Le voilà séduit, ravi, au piège
de cette emprise.
Il vacille, bat ses belles ailes
fragiles,
Se penche encore sur la fleur
gracile
Dont le pouvoir est habilement
caché
Sous ses délicates pétales
parfumées.
Il résiste quelque peu, tente de
s'éloigner,
Mais hélas, il ne peut que
s'abandonner:
Ivre, fou d'amour, vibrant de
tout son être
De la rose, il essaye
inutilement de se rendre maître.
Indifférente, se mouvant à peine
sous sa conquête,
La rose se pavane et légèrement
penche la tête
Sous la caresse du jeune soleil
d'Avril.
Elle ne prête aucune attention
au manège puéril.
Hélas, pauvre papillon que la
défaite certaine
Finalement paralyse. Avec grande
peine
Il cherche à se débattre,
s'enfuir, se libérer,
Voltiger comme naguère sans se
soucier.
Mais hélas, il est désormais
trop tard!
Pris à son propre jeu, il ne
peut que reculer car,
Bientôt, éperdu, terrassé, sans
force, battu,
Il doit se rendre, comprendre
qu'il est vaincu!
LE
28/09/2006
Les
jours heureux de mon enfance se passaient à un rythme bien précis et se
distinguaient en périodes spécifiques. Comme un ballet bien cadencé, les
événements se suivaient avec une régularité constante et bienfaisante. Même le
menu journalier était souvent décidé à l’avance par notre mère.
Plusieurs
personnes faisaient irruption dans notre vie bien réglée, et avec le recule des
années je me rends compte combien ils étaient importants dans notre vie. Tout
d’abord, il y avait les jours de lessive
hebdomadaires. Chaque semaine Fatma la ghassala (laveuse) venait prendre le linge. Elle montait sur la
terrasse ou le toit de notre immeuble avec ses baquets et les primus (réchauds
au pétrole), ses savons et les « bleus » à lessive pour blanchir le
linge.
Accroupie
elle allumait le réchaud et plaçait par dessus un grand bidon d’eau dans le
lequel elle faisait bouillir l’eau et le savon. Ensuite le linge y était placé
et elle le remuait avec un gros bâton de bois, similaire à un court manche à
balai. Le blanc était séparé en pile, et les couleurs aussi. L’odeur du savon
et les vapeurs de l’eau bouillante flottaient et rendait l’air humide
difficile à respirer.
Après
la bouillie, le linge était frotté, rincé et passé au bleu à grande eau
fraîche. Le tout était essoré avec de gros efforts, spécialement quand il
s’agissait de draps et de couvertures en cotton. Finalement le linge était prêt
à être étendu sur des cordes placées à cette fin. Ce travail prenait bien quelques heures. On
s’arrêtait pour déjeuner et pour le café. Notre bonne montait un plateau pour
Fatma qui mangeait accroupie non loin de ses réchauds. Toujours de bonne humeur
elle riait facilement des blagues et des ragots que les autres laveuses
racontaient ou des remarques flatteuses d’un des bawabs qui de temps à autre montait voir si tout allait bien sur le
toit.
Quand
le linge avait séché, on l’enlevait de sur les cordes, on le pliait et le tout
était descendu chez le repasseur qui avait sa boutique au bas de notre
immeuble. Bien entendu, le linge de corps personnel était plié par notre dada
et rangé dans nos armoires avant. Quand le repasseur (makoigui) avait terminé
la besogne il remettait des piles de linge odorant et impeccable qui
retrouvaient leurs places dans nos armoires prêt à être utilisé.
A
part la lessive qui occupait pour une journée entière notre maisonnée, c’était
le tour des grands nettoyages. Pour cela, nous avions une bonne Umm Soussou et
un domestique Hassan qui venaient pour les grosses besognes. Là alors, on
descendait les rideaux pour les laver, les tapis étaient « battus »
avec une batteuse en osier et ensuite on passait un chiffon au vinaigre dessus.
Les tapis étaient ensuite roulés et mis de côté afin que les parquets de bois
soient astiqués et enduits de cire que l’on nommait « encaustique ».
Les meubles étaient bougés pour que l’on puisse nettoyer derrière ou au-dessus.
Les vitres des fenêtres et balcons étaient également frottés et brillaient de
tous feux.
Pour
nous, les enfants, ce jour-là était plein d’aventures et de possibilités de
jeux. C’était l’occasion rêvée de se cacher sous les meubles et de se
poursuivre en criant d’une chambre à l’autre. Souvent notre mère nous demandait
de ranger notre chambre et nos affaires qui traînaient un peu partout. On
discutait avec elle afin d’éviter de le faire mais en fin de compte, il n’y
avait pas moyen de se dérober.
A la
fin de cette journée, toute notre maisonnée était épuisée et ne pensait qu’à
aller se coucher plus tôt à la nuit tombée. Quelque fois, Umm Soussou
retournait pour faire des travaux comme faire briller l’argenterie, changer les
papiers qui tapissaient les étagères et une foule d’autres choses. Elle
remplaçait notre bonne régulière quand elle prenait un jour de congé. Nous
l’aimions bien Umm Soussou qui nous racontait aussi beaucoup d’histoires et
dont la bonne humeur ne se gâtait jamais. Sa fille, Soussou, jeune femme timide
et gentille venait apprendre à coudre chez ma mère ainsi qu’une autre nommée
Hekmat. Nous avons eu le bonheur ma sœur et moi d’avoir une mère qui était
douée pour
Quand
j’y pense, je me sens vraiment chanceuse d’avoir pu grandir avec tout ce monde.
La maison était toujours pleine et nos rapports avec ces personnes étaient
plein d ‘affection et de respect mutuel. Nous parlions l’arabe avec toutes
ces personnes qui faisaient bien partie de notre vie de tous les jours, bien
qu’avec nos parents et amis, nous communiquions toujours rien qu’en français.
Certains d’entre nous fréquentaient les écoles françaises (lycée français, les
écoles des frères) ou anglaises (le Victoria College,
L’Egypte
que nous avons connue, n’existe plus et les générations qui n’ont pas
« connues Joseph » n’ont aucune idée de ce qu’était leur pays dans
les années 40/50. Période extraordinaire qui a certainement influencée même
ceux d’entre nous, qui sont seulement nés en Egypte et dont les parents sont
venus de différents pays du monde. Nous ressentons tous encore une forte
attirance vers ce pays et le souvenir de notre passé.
(En pensant à
l’Egypte)
J’entends dans le
vent
Une voix qui
susurre
Qui murmure:
« C’est le
fleuve, un revenant. »
Je me laisse bercer
Je me laisse aller,
A cette douce
caresse
Me grisant sans
cesse
Comme une musique
lointaine
Mêlant bonheur et
peine.
J’entends dans le
vent
Une voix qui
susurre
Qui murmure:
« C’est le
Nil : cris d’enfants. »
Je me laisse
glisser
Je me laisse
flotter
Au grés de cette
cadence,
Et voilà que je
pense
Avec amertume et
joie
Au passé, il était
une fois...
J’entends dans le
vent
Une voix qui
susurre
Qui murmure:
« L’Egypte,
amours d’antan. »
Je me laisse porter
Je me laisse
transformer
Par une vague de
douceur
Empoignant mon
coeur,
Envahissant mon âme
D’une langueur
calme.
J’entends dans le
vent
Une voix qui
susurre
Qui murmure,
Message fuyant...
C’est finit,
mourrant dans le vent.
Chaque année après
les cours, une grande émotion s’emparait de nous! Les grandes vacances nous
attendait avec tout ce que cela comportait. Après avoir chanté « Vive les
vacances! » à l’école et pris congé des profs, on se préparait pour partir
à Ras-el-Bar et quitter les grandes chaleurs du Caire.
Le taxi se
présentait à la porte de notre immeuble vers les cinq heures du matin. Nous
étions déjà debout avec les bagages à la porte et l’excitation du départ créait
une atmosphère inoubliable. Mes parents faisaient un dernier tour dans
l’appartement pour inspecter que les fenêtres soient bien fermées et le gaz
débranché et que nous n’ayons plus rien oublié.
On nous installait
dans le taxi et en route! Tout le monde était de bonne humeur et on commençait
à chanter car le trajet était long et ennuyeux alors il fallait trouver un
moyen de faire passer le temps ! Souvent l’un de nous s’endormait la tête sur
les genoux de notre Dada Fahima et
finalement le premier arrêt était à
Mansurah.
Là, dans un petit
café sur la route, nous mangions de grand appétit du foul médamès et de la tehina,
avec la salade baladi et le pain
frais qui sortait du four encore chaud. Les odeurs me retournent encore et
l’eau me vient à la bouche avec le goût du cumin, de l’huile d’olive et des
oignons verts, du citron frais et
Cette atmosphère unique et palpable, celle des
vacances et de la liberté.
Pour ceux qui ne
connaissent pas cette région, Ras-el-Bar, bande de terre entre le Nil et
Un côté donc, sur
les rives du Nil niché dans un sable fin et blanc, présentait des plages sur
lesquelles il fallait s’y rendre en fellouka,
barque typique conduite par un
« battelier » el marakbi et
qui pouvait prendre plusieurs passagers. On prenait de la nourriture et des
boissons parce qu’on passait toute la journée à se dorer, à nager et à s’amuser
avec les amis!
Sur le Nil se
trouvait une promenade qu’on appelait « la languette » qui s’avançait
sur le fleuve et aboutissait a un phare. Le soir, à la fraîcheur, les
vacanciers se promenaient et rencontraient leurs amis pour prendre l’air. Les
cafés et restaurants offraient de la bonne nourriture, des boissons et de la
musique de danse pour les amateurs des thés « dansants ».
L’autre côté de
Ras-el-Bar, sur la mer méditerranée, se multipliaient aussi les hôtels ou de vastes
demeures « e’esha » où des
familles entières se rendaient pour passer les vacances. C’est là où nous nous
installions avec la famille et plusieurs familles d’amis. Notre hutte faisait
face à la plage et nous avions l’habitude de passer de longues heures à jouer
aux « palettes » avec les amis, faire voler des cerfs-volants, nager
ou tout simplement flirter!
Après déjeuner,
c’était l’heure de la sieste à l’abri du soleil cuisant. Lorsqu’on se
réveillait, mes parents prenaient le café sur la véranda seuls, ou en compagnie
et j’entendais la chanson du vendeur de glace qui résonne encore dans ma tête
en me suggérant le délicieux goût de la « dandorma », glace
mastiquante qui s’étirait dans la bouche au parfum de la gomme arabique.
« kirimak korkanti bistachi, yanabak ya dan dorma, kaymak, kaymak.
kirimak korkanti bistach chokolat! »
Mots magiques évocateurs de délices et de douceurs
promises, rafraîchissants et dont le son rappelle des mots turcs ou européens,
ce n’est pas clair.
Il y
avait aussi le vendeur de lait caillé qui avait sa propre chanson :
« laban zabadi eshta el laban! ».
Je me souviens d’avoir dégusté cette spécialité dans de petits contenants de
terre cuite et jusqu’à ce jour je cherche en vain ce goût dans tous les yaourts
que je mange. Tard le soir, après avoir passé une belle journée, ce n’était pas
possible d’aller se coucher sans manger une « fetira », sorte de
pâte feuilletée avec soit du fromage ou de la crème fraîche et bien sucrée.
Quel délice!
A Ras-el-Bar on se
déplaçait en « teuf-teuf », petit train sur roue tiré par une sorte
de jeep où s’accommodait une foule de gens bavardant gaiement et riant de bon
cœur! Les hôtels offraient des concours de beauté pour enfants, des
compétitions de tennis, ou d’échecs, des défilés de mode et des bals masqués.
Il y en avait pour tous les goûts.
Nous restions tout
l’été avec ma mère car mon père retournait au travail après la première semaine
et ensuite, il venait passer les fins de semaine avec nous. Le retour au Caire
en septembre, se faisait avec beaucoup moins d’enthousiasme et moins de tapage
comme vous pouvez vous imaginer.
Dans l'ombre du crépuscule,
Sous la caresse légère d'une
brise,
Le jeune frêne sous ma fenêtre
Frémit en murmurant sa chanson.
Courbant sa tête de feuilles
couronnée,
Il semble avoir tant de choses à
confier.
La nuit tombe, douce et
odorante.
Première nuit d'été finalement;
Encore claire et luisant de
mille étoiles
Parsemant la voûte du firmament.
Le ciel riche, velouté est balayé
Par une traînée de panache
blanc.
Les dernières lueurs du soleil
couchant
Inondent l'horizon d’une pâle
teinte rosée
Embrasant à peine sous son
touché
Quelques toits, avant de
s'éteindre.
Une douce fraîcheur baigne mon
front,
Et dans les ténèbres envahissantes
Je ferme mes yeux désormais
inutiles.
LE
25/08/2006
« La réalité ne se forme que
dans la mémoire » (Proust)
En
Egypte, tout avait plus de senteur, de couleur et de puissance. Les fruits et
la nourriture avaient un goût plus prononcé. L’air même que nous
respirions semblait plus
piquant, mordant et certainement plus chaud.
En
fermant les yeux je peux revoir les rouges et les oranges vifs, les jaunes
brillants et les pourpres veloutés. Mais les parfums, plus que tout, me
ramènent facilement en arrière vers un passé délicieusement ponctué d’enivrantes
odeurs et souvenirs.
Il
y a avant tout, la cuisine de ma mère qui me revient avec ses fumets
réconfortants de menthe, cannelle, cardamome et cumin. L’odeur mordante de l’ail et de l’oignon qu’on faisait frire à petit feu
avant d’ajouter la viande, le poulet ou les
légumes. Les plats mijotés au citron qui répandait une senteur
acidulée que j’aimais à humer.
A la saison des
fruits, fraises, cerises, oranges ou coings, c’était le sucre qui régnait en maître. Ma mère,
brassant avec énergie ses marmites bouillantes semblait une vision de douceur,
la reine des confitures! Le parfum qui s’émanait de ses fourneaux allumés
rendait la cuisine littéralement similaire à l’antre fantastique d’une fée bienfaisante.
Je me souviens bien
de la belle vaisselle en argent et cristal que l’on employait pour mettre en relief et servir les bonnes confitures
aux temps des fêtes. C’était les dates farcies
d’amandes, le « safargel » dégoulinant de son
sirop, les pétales de roses rouges en confiture douces et veloutées. Mais quand
arrivait le café noir, odorant nectar sucré, fort et fumant dans de minuscules
tasses, je revois mon père qui en versait quelques gouttes sur sa soucoupe et
nous donnait à boire. Quelle extase!
Le parfum le plus
enivrant et qui perdurait le plus longtemps c’était celui des fleurs d’orangers. On choisissait un jour spécifique, où avec
la bonne, ma mère distillait l’essence.
On mettait un alambic spécial sur le réchaud avec les fleurs à l’intérieur. Pendant des heures le tout bouillait et
l’essence, goutte à goutte, s’écoulait dans le
récipient pourvu à cette fin. La maison sentait les fleurs pendant plusieurs
jours et tout notre petit monde en était imbibé. Je retrouvais ce parfum sur
les draps de lit et sur les habits accrochés dans les armoires. Ma mère
utilisait cette essence dans plusieurs sucreries, gâteaux ou plats cuisinés.
Les soirées d’été, surtout en villégiature, quand nous allions à
Ras-el-Bar, les guirlandes de jasmin en fleur répandaient un parfum intoxicant
et délicat dans l’air. Ces
senteurs me rappellent nos premiers émois, nos premiers amours de
jeunesse. Souvent les garçons les offraient aux filles et j’en suis sûre que plusieurs d’entre elles s’endormaient avec la guirlande sur leur
oreiller en pensant à leur Roméo!
A Alexandrie, c’était l’odeur de la mer, du sel et des
algues qui m’assaillait à
peine nous arrivions dans cette ville, même avant d’aller à
Où sont donc passés
ces beaux jours? C’est parfois
comme un rêve. J’évoque ces moments avec mes enfants qui sont
si curieux de la « période Egyptienne », et me
demandent souvent d’en parler. C’est
pour cela en fait que j’ai tout documenté car mes petits-enfants également curieux
posent toutes sortes de questions.
Je dis toujours aux
enfants qu’on ne doit
jamais oublier d’où l’on vient afin de savoir vers où l’on va ! Plus que jamais ce qu’a écrit Proust, s’applique à notre situation et je
cite :
« Quand d’un passé ancien rien ne subsiste, après
la mort des êtres, après la destruction des choses, seules plus frêles mais
plus vivaces plus immatérielles plus persistantes plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore
longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine
de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque
impalpable, l’édifice immense
du souvenir ».
(Marcel
Proust : « A la recherche du temps perdu »)
Que
faire? Que dire, après que les cartes sont jouées?
Le
destin dévoile ses plans par des moyens tortueux.
Comme
des pions nous sommes touchés, nous sommes joués;
Et dans la
tempête, le fracas, nous restons là, malheureux.
Souvenirs
d’Egypte qui
font pleurer mon cœur.
Mon
enfance, pleine d’odorant jasmin en
fleur
Perdue,
mais jamais oubliée. Le goût et la douceur
De l’eau du Nil, me remplie d’une ardente vigueur.
Eternelle Egypte : Je te
porte en moi...
Je te porte en moi, comme on porte un enfant qui va
partout avec moi, caché dans le creux de mon sein.
Je te porte en moi,
comme on porte une pierre précieuse, habilement dissimulée loin des
regards envieux.
Je te porte en moi, comme une graine bénite qu’on réserve à la semence pour sauver de la famine ceux
qui n’ont rien!
Je te porte en moi, comme on porte un code secret bien
enfouit dans ma mémoire sans accès à personne.
Je te porte en moi, comme on porte un voeu, solennel, durable,
connu seulement de soi et scellé par une prière.
Je te porte en moi, comme on porte le souvenir de sa
jeunesse et le parfum enivrant de son premier amour.
Je te porte en moi, comme on porte la mémoire d’un miracle, d’un
moment de beauté bouleversant que l’on ne peut oublier.
Je te porte en moi, comme on porte la beauté du ciel
bleu et le doux rayonnement du soleil qui me fait revivre au printemps.
Je te porte en moi, comme on porte bien caché tout au
fond de soi-même la peur du danger, le risque de la mort à chaque instant.
Je te porte en moi, comme on porte son propre coeur,
invisible à l’extérieur et de
qui dépend l’existence, la vie même!
Je te porte en moi, comme on porte son âme de qui rien
ne peut nous détacher, ni même la mort puisque l’âme est éternelle!
(Ras el Bar)
Dans l'immensité du firmament,
le disque orange
Avance dans sa trajectoire en
inondant
L'univers d'une lueur qui
embrase
Tout sur son chemin...
Le Nil s'unit à l'horizon et s'y
confond.
Ses eaux lourdes, opaques et
sereines
Se teintent de reflets dorés et
miroitants.
C'est à peine si sur la rive
calme,
Ses flots en retrait murmurent
leur douce chanson.
C'est le moment le plus
silencieux,
C'est l'heure où le temps est suspendu.
Un voile presque invisible,
Semble s'être posé
imperceptible,
Sur toute la plage.
Quelques baigneurs isolés,
remuent à peine.
Sur le sable blanc, l'ombre
s'allonge.
Le soleil couchant irradiant
mille lueurs
De feux, couvant l'or, l'argent
et le bronze,
Enveloppe soudain comme d’une chrysalide:
Le Nil et tout ce qui pour un
infime instant,
Dans l'évolution du cosmos est
notre univers!
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conté timbres poste d’Egypte Le mot du rédacteur Sites Internet Me contacter